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1.2 Traceurs d’´evolution

1.2.2 Continuum de poussi`ere

La construction de la distribution spectrale d’´energie (SED) est un atout majeur pour cerner le stade d’´evolution et obtenir des informations sur les propri´et´es physiques d’un cœur dense. Pour ce dernier, la SED provient en grande majorit´e de l’´emission de la poussi`ere, ´el´ement qu’on retrouve dans l’ensemble du milieu interstellaire en compagnie du gaz mol´eculaire.

En cons´equence, les propri´et´es de la poussi`ere, et donc la mani`ere dont elle est mod´elis´ee, sont des param`etres `a bien cerner pour interpr´eter les r´esultats obtenus. En effet, elles permettent de d´eterminer un param`etre essentiel : la masse du cœur dense ´etudi´e. Nous rappelons donc ici les fondements des mod`eles de poussi`ere utilis´es pour l’´etude des r´egions de formation stellaire.

Distribution MRN

Les propri´et´es de la poussi`ere s’appuient, en g´en´eral, sur les travaux de Mathis et al. (1977) (on parlera par la suite de distribution de type MRN) et se caract´erisent par la

loi de puissance suivante :

n(a) = k

a7/2 (1.17)

o`u a est le rayon des grains de poussi`ere et k une constante de normalisation. `A partir de cette loi de puissance, une taille minimale et maximale des grains (amin et amax) est en g´en´eral choisie, permettant de d´efinir une population P (amin, amax) de grains. Une taille typique est alors donn´ee par :

¯ aP = 3 4π(hV iP)1/3 = " Ramax amin n(a) · a3da Ramax amin n(a) da #1/3 (1.18) o`u hV iP est le volume moyen d’une population P .

Si on consid`ere que le milieu est constitu´e de n populations Pi de grains m´elang´es dans les rapports ci tels que Pn

i=1ci = 1, alors la masse typique d’un grain ¯m est donn´ee par : ¯ m = 3 n X i=1 ciρi¯a3 Pi (1.19)

en notant ρi chacune des masses volumiques correspondantes `a la population Pi.

Opacit´e de la poussi`ere

L’opacit´e de la poussi`ere κν, dans le domaine millim´etrique et sub-millim´etrique, permet de faire un lien direct entre la temp´erature de la poussi`ere, la quantit´e de mati`ere et le flux observ´e. En effet, on peut montrer que la quantit´e de mati`ere M (R) `a l’int´erieur d’un rayon R est reli´e `a l’int´egration dans un disque de rayon angulaire projet´e θ du flux millim´etrique Sν(θ), par :

M (R) ≡ Sν(θ)d

2

κνBν(Tdust). (1.20)

Cette opacit´e κν est donc essentielle pour contraindre la quantit´e de mati`ere `a l’in-t´erieur d’un cœur dense par exemple. La valeur de κν est, malheureusement, incertaine dans le domaine millim´etrique et sub-millim´etrique. L’utilisation de la mod´elisation des grains de poussi`ere permet d’avoir une id´ee de sa valeur approximative (cf. Henning et al., 1995, pour une revue sur le sujet).

Nous pr´esentons ici deux types de mod`ele de poussi`ere, chacun menant `a des valeurs de κ1.3mm l´eg`erement diff´erentes. Pourtant, les r´esultats de ces mod`eles sont tr`es souvent utilis´es, autant l’un que l’autre, pour contraindre la masse de r´egions de formation stellaire ou de cœur denses.

Mod`ele de poussi`ere de Draine et Lee (1984)

Le mod`ele d´evelopp´e par Draine et Lee (1984) utilise une distribution de type MRN, avec des tailles variant entre 0.003 µm et 1.0 µm. Il a permis d’obtenir l’opacit´e de la poussi`ere entre 0.03 µm et 1 mm en consid´erant un m´elange entre des particules de

1.2. Traceurs d’´evolution 25 silicate et des particules de graphite. Elles sont de type sph´ero¨ıde (aplatie ou allong´ee) pour rendre compte des caract´eristiques des grains de silicate astronomique.

L’opacit´e de la poussi`ere obtenue varie en λ−2, en accord avec les observations du continuum entre 1 mm et 3 mm. L’opacit´e κν, situ´ee aux alentours de 0.5 cm2.g−1, reste tout de mˆeme assez mal connue (pr´ecision de 30 % environ). L’origine de cette incertitude provient de la forte d´ependance de l’opacit´e avec la distribution choisie, mais aussi de la composition des grains. Par exemple, les r´esultats obtenus pour des grains d’une taille a = 0.1 µm `a une temp´erature de 20 K donnent des valeurs d’efficacit´e d’absorption Qabs = 1.34×10−5 pour les silicates astronomiques et Qabs = 2.08×10−5

pour le graphite. On a alors :

κν,graphite = 3Qabs

4aρgraphite ≃ 0.7cm2.g−1 (1.21) κν,silicate = 3Qabs

4aρsilicate ≃ 0.3cm2.g−1 (1.22) en prenant des masses volumiques ρ ´egales `a 2.3 g.cm−3 pour le graphite et 3.3 g.cm−3

pour les silicates astronomiques. Les observations de l’absorption de la poussi`ere dans le domaine infrarouge ont permis de contraindre le m´elange graphite-silicate, qui se trouve ˆetre quasiment `a part ´egale (l´eg`ere domination du silicate astronomique).

De nombreux codes de transfert radiatif actuels utilisent les valeurs obtenues par Draine et Lee (1984) comme r´ef´erence pour l’´emissivit´e des grains de poussi`ere. D’autres utilisent l’indice de r´efraction complexe ǫ de ces mˆemes travaux pour calculer les co-efficients de diffusion et d’absorption des grains de poussi`ere. Ces codes sont alors tributaires du m´elange et de la distribution de poussi`eres qu’ils utilisent.

Par exemple, prenons au d´epart une distribution de type MRN avec amin = 0.005 µm et amax = 0.25 µm. Si, d’un cˆot´e, la population des grains de poussi`ere est un m´elange de graphite (47 %) et de silicates astronomiques (53 %) on obtient au final, une ´emissivit´e de la poussi`ere `a 1.3 mm ´egale `a 0.48 cm2.g−1. D’un autre cˆot´e, avec une distribution identique et un m´elange enrichi en silicates (62.5 %), la valeur de κ1.3mm est plus faible et ´egale `a 0.34 cm2.g−1. Ainsi, malgr´e des valeurs de r´ef´erence identiques, la fa¸con de construire la distribution de poussi`ere va modifier la valeur de son ´emissivit´e dans le domaine millim´etrique et donc la masse qui va en ˆetre d´eduite. Dans l’exemple qu’on a pris pr´ec´edemment, une variation de l’ordre de 18 % dans la fraction de silicate astronomique induit une variation de 41 % dans la valeur de κ1.3mm, ce qui n’est pas n´egligeable.

Mod`ele de poussi`ere de Ossenkopf et Henning (1994)

Plus r´ecemment, Ossenkopf et Henning (1994) ont repris une distribution de type MRN, ayant les mˆeme tailles limites que le mod`ele de Draine et Lee (1984), et en y ajoutant une couche de glace `a la surface des grains. Plusieurs cas d’´epaisseurs de couche ont ´et´e ´etudi´es, en faisant varier le rapport de masse mglace/mpoussiere entre les valeurs 0, 0.2 et 0.4. La fraction entre les deux types de grains (graphite et silicates astronomiques) a ´et´e fix´ee `a partir des donn´ees sur la d´epl´etion des ´el´ements C et Si dans le milieu interstellaire, ce qui am`ene `a un rapport volumique Vgraphite/Vsilicates de 0.69. Cette valeur prend en compte des densit´es plus faibles que dans le travail de Draine et Lee (1984) : 2.0 g.cm−3 pour le graphite et 2.9 g.cm−3 pour la silice amorphe.

Cette ´etude consid`ere donc une population de grains de poussi`ere constitu´ee `a 59 % de silicates astronomiques et 41 % de graphites, valeur proche de ce qui avait ´et´e utilis´e auparavant.

Une autre nouveaut´e apport´ee par cette ´etude est qu’elle prend en compte la coa-gulation des grains dans les milieux de plus en plus denses (entre 105 et 109 cm−3). Les grains sont compos´es d’un « noyau » de volume et densit´e fixe, et d’une couche moins dense qui varie en ´epaisseur en fonction du temps de coagulation et de la densit´e du milieu (cf. Ossenkopf, 1993).

Mˆeme si la mod´elisation est dans ce cas beaucoup plus complexe, l’opacit´e de la poussi`ere dans le domaine millim´etrique (entre 0.7 et 0.9 cm2.g−1 pour des densit´es comprises entre 105 et 106 cm−3) est du mˆeme ordre de grandeur que celle obtenue avec le mod`ele de Draine et Lee (1984). La comparaison directe de r´esultats de mod`eles de SEDs sur des r´egions de formation stellaire ou des cœurs denses est donc possible, `a ceci pr`es qu’elle n’est valable que pour des raisonnements sur les ordres de grandeur. Pour une comparaison et une analyse correcte, il convient donc de se pencher sur l’opacit´e que le code utilis´e prend en compte. Pour les cœurs denses massifs, cette remarque est critique : une mauvaise estimation ou comparaison de la masse peut conduire, au final, `a une mauvaise estimation du stade d’´evolution de l’objet ou, au pire, `a une conclusion erron´ee sur sa nature mˆeme.