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CHAPITRE 2. LE CADRE CONCEPTUEL

2.3 La dignité humaine : point de vue religieux

2.3.2 La dignité humaine selon la religion traditionnelle Bambara

2.3.2.2 Le contenu de la protection de la dignité humaine dans la religion

Dans la religion traditionnelle, il ne s’agit pas de la protection directe de la dignité humaine par des mesures législatives ou par un droit positif, mais des mesures de la protection des droits qui eux-mêmes permettent de préserver la dignité de l’être humain. Pour atteindre cet objectif, la société dispose des instances selon la gravité des actes commis telle que : le conseil des Anciens pour des graves infractions, notamment, l’adultère, et le conseil de famille pour les infractions mineures, nommément, la fornication. L’adultère est, aux yeux des Bambaras, un crime, et le coupable pris en flagrant délit se voit traduit devant le conseil des Anciens et est sévèrement reprimandé. Il ne s’agit pas de la satisfaction procurée par le délit qui est considérée criminelle, mais le manquement à la justice, en ayant lésé les droits d’un tiers. Pour les Bambaras, tout le mal se situe à ce niveau (Henry, 1910).

La fornication, même si elle est mineure comme infraction, elle lèse les droits de tierces personnes. Une fille enceinte hors mariage est traduite devant le conseil de famille, car son acte porte atteinte à l’honneur de la famille et du clan.

En plus de ces instances régulatrices du comportement, il existe chez les Bambaras ce qu’ils appellent « Gnama » - la malédiction des Ancêtres -, qui rend sacrés tous les interdits, les Tabous ou les Totems dans la société. Selon Henry (1910), il n’est rien que les Bambaras le craignent autant. Le « Gnama », est une croyance à une force, une puissance, une énergie, un fluide irrationnel que possède tout individu, tout animal, tout être vivant, et qui ne disparaît jamais, car même après la mort, il continue d’agir. Il est considéré comme l’envoyé de la haine, de la vengeance, de la justice, et il va partout où le pousse une volonté, sa directrice,

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pour porter à tort ou à raison la malchance, la pauvreté, la maladie, la mort. Dans la vie quotidienne des Bambaras, ce mot est omniprésent sous forme de chansons ou de proverbes.

Être maudit, c’est possédé ce que les Bambaras appellent « Gnama ». Ce « Gnama » vient généralement de la malédiction qu’un homme profère à l’égard de son fils. Dans le milieu Bambara, le « Gnama » est le plus grand des maux dans la religion traditionnelle. Lorsqu’un homme est maudit, ses femmes le fuient, ses enfants ont honte de lui et n’osent même plus l’appeler par son nom, ses amis l’abandonnent, les gens du village tremblent à l’idée de lui adresser un seul mot, et il lui faut alors s’enfuir. Partout où il ira à travers le monde « le Gnama » du père, celui des Ancêtres, le Tabou ou le Totem des Fétiches le suivront, il n’a plus qu’à souffrir, et à mourir dans la misère et le désespoir. C’est le pire sort pouvant habiter un Bambara, et pour éviter tout cela, il est essentiel de respecter strictement les croyances, les Ancêtres, les parents et les forces de la nature (Henry, 1910).

Pour les Bambaras, tout ce qui peut mettre la survie et la stabilité de la société en péril est codifié dans les interdits, qui à leur tour, protègent certains droits. Dans ce contexte, on peut relever de nombreux tabous qui ont pour objectif de régler le rapport des adeptes aux interdits sexuels, à la pudeur qui accompagne les choses du sexe et à la préservation de l’honneur dans la société traditionnelle (Diarra, 2003). La dignité dans sa dimension sociale est mise en relief dans la tradition, car le Bambara, en plus de sa dignité inhérente, a le devoir de sauvegarder l’honneur de toute la famille et du clan à travers une conduite honnête et un franc-parler dans la société. Les « Fétiches », le « Gnama » existent pour garantir la moralité et les comportements (Henry, 1910).

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Cette approche montre que le respect de la dignité humaine, dans la religion traditionnelle Bambara, s’articule autour d’une organisation sociale basée sur la justice, le respect des croyances aux forces de la nature, aux Ancêtres et aux« Fétiches », dans le but de rendre la société plus stable. Ces croyances dans le milieu Bambara demeurent les garants du respect de la justice et de l’honneur, et préservent à leur tour la dignité humaine. Nous retrouvons cette pensée chez Thiel (2013), lorsqu’elle énonce que : « il y a des valeurs comme le respect de la conscience, la paix, la justice, la véracité (…) qui traduisent tellement les aspirations les plus constitutives de l’être humain qu’elles peuvent être considérées comme des valeurs matricielles de la dignité ontologique ». Pour les Bambaras, la dignité (Dambé) est une qualité de l’humanité.

Les approches de l’Islam et de la religion traditionnelle Bambara sur la dignité humaine illustrent que cette notion, même si elle n’est pas codifiée dans des textes, existe dans des cultures autres que la culture occidentale. Voilà la raison pour laquelle, à la suite de De Koninck (2005), on peut la qualifier d’une « réalité » ou d’une « exigence » antérieure à toute doctrine ou formulation philosophique. Même si les portées et les significations diffèrent de celles que l’on retrouve dans la philosophie occidentale, elles expriment toutes, comme Ricœur (1988) le souligne, une exigence qui fait que quelque chose est dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain. Cette logique traduit peut-être une dimension universelle du concept de dignité humaine. Dans cette perspective, nous analyserons à son tour, l’approche de la notion de dignité humaine, chez les chrétiens.

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