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Sociolinguistique et changement linguistique

2.3.3 Les causes du changement

2.3.3.4 Contact, accommodation, nivellement

Un autre facteur à prendre en considération lorsque l’on s’intéresse au changement linguistique est le contact entre variétés différentes. En effet, il est illusoire de croire que dans l’espace linguistique qui nous intéresse aujourd’hui, c’est-à-dire la Grande-Bretagne, certaines variétés vivraient dans une forme d’autarcie linguistique, coupées des autres variétés de ce même espace. Il y a donc des contacts entre variétés diffé-rentes, même si la nature et la fréquence de ceux-ci n’est pas forcément la même selon les variétés. Dès lors, que se passe-t-il lorsque des locuteurs de deux variétés différentes entrent en contact direct ? S’ils cherchent à communiquer (nous avons vu en 2.1 que la motivation pouvait jouer un rôle dans l’intelligibilité entre variétés différentes), il y a de fortes chances qu’ils cherchent à modifier leur variété de manière temporaire vers celle de leur interlocuteur, afin de faciliter la communication : c’est le phénomène d’accommodation, défendu notamment par Giles & N. Coupland dans la Communi-cation Accommodation Theory ou CAT. Au sein de ce cadre théorique, les concepts de convergence et de divergence ont été développés. Le concept de convergence est défini comme suit :

« convergence » has been defined as a strategy whereby individuals adapt to each other’s communicative behaviors in terms of a wide range of linguistic-prosodic-nonverbal features including speech rate, pausal phenomena and utterance length, phonological variants, smiling, gaze, and so on (Giles, N. Coupland & J. Coupland 1991, p. 7).

Par opposition, lorsqu’il y a divergence, le locuteur cherche à accentuer ses différences par rapport à son interlocuteur. Si la convergence est, pour les auteurs, un phénomène répandu, son degré varie, quant à lui, selon les locuteurs. De plus, Giles, N. Coupland & J. Coupland (ibid., p. 11) notent qu’il arrive que certaines caractéristiques du lan-gage convergent, mais que ce n’est pas le cas pour l’intégralité d’entre elles. Une autre distinction importante est établie : l’accommodation peut avoir lieu « vers le haut » (comme lorsqu’un locuteur cherche à modifier son accent vers un standard, ou du moins une variété jouissant d’un statut plus élevé), ou « vers le bas » (par l’adoption d’une variété urbaine pour renforcer un sentiment d’appartenance au groupe). Les auteurs ont cependant bien conscience que les locuteurs ne sont pas nécessairement capables d’imiter parfaitement une autre variété (que ce soit au niveau lexical, syntaxique, ou phonético-phonologique). En effet, pourquoi un locuteur aurait-il une connaissance exhaustive d’une autre variété avec laquelle il n’est pas forcément en contact au quo-tidien ? Même si nous postulions que les variétés d’une langue ont les mêmes formes sous-jacentes (comme cela a pu être postulé en linguistique générative), pourquoi en découlerait-il automatiquement qu’un locuteur lambda aurait connaissance des règles en vigueur au sein d’une autre variété ? C’est pourquoi dans le cadre de la CAT (ibid., p. 14), une distinction est établie entre accommodation subjective, c’est-à-dire l’impres-sion que les locuteurs ont de leur propre accommodation, et accommodation objective, qui est mesurée de manière indépendante. En outre, Giles, N. Coupland & J. Coupland (ibid.) avancent que l’accommodation des locuteurs n’est pas toujours efficace, puisque celle-ci est parfois fondée sur les préjugés ou représentations stéréotypiques que peuvent avoir les locuteurs.

Néanmoins, si le rôle exact des facteurs jouant un rôle dans l’accommodation est difficile à définir précisément, les études de ce phénomène ont eu un impact non négli-geable en dialectologie, et plus généralement pour les études de la variation, puisque le concept de nivellement (ou levelling en anglais) a souvent été abordé dans les travaux de certains chercheurs (nous pensons en particulier à Britain, Kerswill et Trudgill) ces dernières années. Avant de rentrer dans les détails, une mise en garde s’impose : le terme de nivellement a deux acceptions en sociolinguistique, qui sont différentes même si elles sont étroitement liées (voir à ce sujet Kerswill 2002, p. 188 et Kerswill 2003). La première concerne le phénomène de nivellement en tant que tel, puisqu’on pourrait le définir, pour reprendre les mots de Trudgill (cité par Kerswill 2002, p. 188) comme « the reduction or attrition of marked variants ». Le mot « marked » signifie ici que les variantes en question sont « unusual or in a minority » (et ce terme a donc ici un sens plus large que celui qui peut lui être attribué dans certaines théories linguistiques). Selon cette acception, le nivellement est un résultat direct du phénomène d’accommo-dation, puisque si deux locuteurs souhaitant communiquer efficacement accommodent leurs variétés respectives pour mieux se comprendre, cela pourra amener à long terme à une modification de certains éléments de leurs systèmes : « If a speaker accommodates

frequently enough to a particular accent or dialect, I would go on to argue, then the accommodation may in time become permanent, particularly if attitudinal factors are favourable » (Trudgill 1986, p. 39).

En parallèle, il est souvent question du nivellement d’une langue en particulier, comme par exemple du nivellement du français ou du nivellement de l’anglais (voir par exemple Armstrong 2002). On veut dire alors que les différences régionales, entre différents accents ou dialectes d’une même langue, sont réduites. S’il pourrait être tentant d’établir que ce deuxième type de nivellement est la conséquence unique et directe du premier type de nivellement, Kerswill (2002, p. 188) souligne que ce n’est pas le cas, puisque le nivellement en tant que tel n’est qu’un des facteurs qui entrent en jeu. Il propose donc une distinction entre levelling d’un côté, c’est-à-dire la ré-duction ou la disparition des variantes marquées, et regional dialect levelling (Britain 2010, p. 193 propose également le terme supralocalisation) de l’autre, pour la réduc-tion des différences entre variétés régionales, dont le nivellement stricto sensu est en partie responsable, aux côtés d’autres phénomènes tels que la diffusion géographique de certaines variantes. Nous suivrons nous aussi cette terminologie, en adoptant nivel-lement pour désigner la première acception, et nivelnivel-lement dialectal (pour reprendre le terme d’Armstrong 2002) pour la seconde. Notons que le nivellement dialectal n’est pas nécessairement absolu : il peut très bien y avoir nivellement dialectal entre plusieurs variétés dans une région donnée, à travers l’adoption de certaines variantes, qui fait que ces variétés nivelées deviennent plus éloignées d’autres variétés de la même langue. On peut donc avoir à la fois nivellement dialectal (homogénéisation des variétés) et contre-nivellement dialectal (hétérogénéisation de ces variétés par rapport à d’autres) (Hinskens, Auer & Kerswill 2005, p. 2).

La définition du nivellement que nous avons donnée plus haut se heurte à un obstacle : les formes marquées (au sens de minoritaires ou rares) sont-elles vraiment les seules à disparaître ? Britain pose la question autrement, puisqu’il se demande dans quelle mesure on peut prédire quelle sera la variante retenue suite au nivellement : « One question which has arisen in the context of levelling is how far we can predict the forms that will prevail in such contact situations » (Britain 2010, p. 195). Pour lui, s’il existe une variante qui est clairement majoritaire, alors celle-ci sera effectivement sélectionnée lors du nivellement. Britain avance néanmoins que d’autres facteurs peuvent jouer un rôle :

1. les formes non-marquées sont généralement préférées aux formes marquées (Bri-tain ne clarifie cependant pas ce qu’il entend par « markedness »)

2. les formes qui ne sont pas fortement connotées socialement et/ou régionalement sont généralement préférées

Au delà de ces facteurs, il a été avancé, notamment par Trudgill (1986, p. 11– 21), que la saillance (ou salience en anglais) pouvait jouer un rôle. D’après Trudgill

(ibid., p. 11), une variante est dite saillante si elle possède certaines des caractéristiques suivantes :

1. elle souffre d’une grande stigmatisation, souvent car elle coexiste avec d’autres variantes plus prestigieuses (comme par exemple celles des variétés standard) 2. elle est impliquée dans un changement linguistique en cours

3. elle est très éloignée d’un point de vue phonétique des autres variantes 4. elle est nécessaire au maintien d’une opposition phonémique

Si cette définition de la saillance ne nous semble pas particulièrement critiquable, il existe néanmoins plusieurs problèmes avec ce facteur. Si Trudgill (ibid., p. 43, 45) avance que ce sont les variantes saillantes qui sont adoptées, que se passe-t-il si la va-riante d’origine des locuteurs pouvant être potentiellement sujets à l’accommodation est déjà saillante ? Hinskens, Auer & Kerswill soutiennent quant à eux qu’il est impos-sible de définir plusieurs niveaux de saillance avec précision, puisque celle-ci découle en partie de facteurs linguistiques, mais aussi de facteurs extra-linguistiques :

‘salience’ has a complex set of determinants including linguistic factors such as phonetic distance. More importantly, and usually decisively, salience is also derived from extra-linguistic cognitive, pragmatic, interactional, social-psychological, and sociodemographic factors. In the end, it may not be possible, even in principle, to predict levels of salience (Hinskens, Auer & Kerswill 2005, p. 45).

Kerswill & A. Williams (2000, p. 73) critiquent la définition que fournit Trudgill de la saillance puisqu’au moins une partie de sa définition est circulaire. En effet, si une variante est saillante car elle est impliquée dans un changement linguistique, alors justifier l’adoption de cette même variante par sa saillance équivaut à revenir au point de départ. Pour eux, seuls l’écart dans la réalisation phonétique et le maintien des contrastes phonémiques sont des facteurs qui échappent à la circularité.

S’il y a effectivement nivellement dialectal, pourquoi celui-ci serait-il particulière-ment pertinent aujourd’hui ? Y aurait-il des facteurs qui auraient empêché son avè-nement auparavant ? Ou s’agit-il tout simplement d’un champ d’étude qui avait été négligé jusque-là ? Si Hinskens, Auer & Kerswill (2005, p. 3–5) reconnaissent qu’his-toriquement, l’accent a généralement été mis sur le fait que les langues changeaient et devenaient différentes (cf. les travaux de la linguistique historique et des néogram-mairiens, abordés en 2.2.3), Britain explique que plusieurs facteurs ont contribué à la création d’une situation extrêmement favorable à un nivellement important dans la deuxième moitié du xxe siècle. Ces raisons concernent majoritairement le Royaume-Uni, mais nombre d’entre elles sont facilement transposables à d’autres pays d’Europe (Britain 2010, p. 197–199)14 :

ni-1. l’urbanisation a atteint un pic, avec une écrasante majorité de la population qui vit dans des zones urbaines en Europe du Nord (Kerswill 2001 ajoute d’ailleurs qu’au sein de la petite proportion de la population qui habite des zones rurales, peu de gens travaillent dans le secteur de l’agriculture)

2. de plus en plus d’étudiants s’inscrivent à l’université, souvent loin de leur ville natale

3. les distances parcourues par les membres de la société (notamment pour le travail, mais aussi pour l’achat de biens de consommation) sont de plus en plus grandes

Kerswill (ibid.) mentionne également d’autres facteurs qui ont profondément changé la société britannique, comme la modification des rôles à l’intérieur de la famille suite aux deux guerres mondiales, et la construction des New Towns dans la seconde moitié du xxe siècle. En somme, les mouvements (qu’ils soient temporaires ou permanents) des locuteurs se sont accrus au cours des dernières décennies, ce qui a amené à une accélération des contacts entre variétés, qui a favorisé le nivellement dialectal.

Notons que si le modèle présenté jusqu’ici est suivi à la lettre, les variantes adoptées suite au nivellement étaient nécessairement déjà utilisées par une partie des locuteurs. Il y aurait donc toujours une sélection d’une variante pré-existante, mais jamais une création d’une autre variante qui serait à mi-chemin sur le plan phonétique des variantes déjà utilisées par les locuteurs. En d’autres termes, nous avons affaire à un changement discret plutôt que concret. Cependant, ce modèle semble découler d’une vision idéalisée des locuteurs. Nous n’avons pas de raisons particulières de croire que des locuteurs naïfs du point de vue linguistique soient capables de sélectionner avec précision une variante et de l’adopter sans la modifier, et le phénomène bien connu d’hypercorrection en est la preuve (Trudgill 1986, p. 66–67). Auer & Hinskens passent en revue plusieurs études sur le phénomène d’accommodation, et arrivent à la conclusion que les locuteurs ne parviennent pas à accommoder leur variété vers celle de leurs interlocuteurs, mais plutôt vers ce qui semblerait être un stéréotype de ceux-ci :

After having discussed the results of some studies relevant for testing the validity of this model, we certainly cannot exclude the possibility that participants in interaction accommodate to each other’s behaviour, nor can we exclude the possibility that the frequency of exposure to a new, spreading, feature through intensive network contacts with its users can lead to the adoption of this variable. It has been difficult, however, to find evidence for the co-occurrence of interpersonal accommodation and community-level change. Several findings suggest that the driving force

vellement dialectal n’aboutit pas toujours à des situations totalement identiques (voir à ce sujet les comparaisons entre la France et la Grande-Bretagne, telles que Armstrong 2002, Hornsby 2009 et Armstrong & Pooley 2013).

behind change in the individual, and also in the community, is not imitation of the language of one’s interlocutor but, rather, an attempt to assimilate one’s language to the possibly stereotyped characteristics of a group one wants to be part of, or resemble (Auer & Hinskens 2005, p. 356).

Dans son travail de 1986, Trudgill mentionnait d’ailleurs que les variantes ne sont pas nécessairement transmises à l’identique :

For a complete understanding, however, of what happens in contact be-tween dialects, it is necessary to notice an important complication. This is that the linguistic form which is, as it were, transmitted from the orig-inating dialect, is not necessarily identical to the form that is eventually acquired by the receiving dialect (Trudgill 1986, p. 57–58).

Ainsi, les locuteurs accommodant leur variété peuvent acquérir une variante de la variété cible, mais ils ne l’utilisent pas avec la même fréquence que les locuteurs « na-tifs ». Trudgill (ibid., p. 58) avance aussi que le modèle d’acquisition des variantes peut parfois ressembler à un processus de diffusion lexicale. Il affirme que cela est dû à la manière dont l’accommodation a lieu chez les locuteurs. Pour lui, la motivation de l’accommodation est phonétique : les locuteurs désireux d’accommoder leur variété n’ont pas pour but premier d’avoir le même système sous-jacent que les locuteurs de la variété cible, mais simplement d’avoir les mêmes formes phonétiques, ou réalisations de surface (ce qui serait, a priori, compatible avec un ajout de règle dans la tradition générative comme évoqué en 2.3.4.3). Ils modifient donc leurs réalisations de certains phonèmes quasiment au cas par cas, en fonction des formes rencontrées lors de leurs contacts avec les locuteurs de la variété cible. Trudgill (ibid., p. 59) dénomme ces variétés mixed dialects.

En parallèle de ces mixed dialects, qui sont considérés comme intermédiaires du point de vue de l’incidence lexicale du changement, Trudgill (ibid., p. 60) traite de ce qu’il appelle les fudged dialects. Il s’agit d’un autre type de variété accommodée intermédiaire du point de vue phonétique : au lieu d’acquérir parfaitement une variante de la variété cible, les locuteurs n’arrivent qu’à modifier leur propre variante, au niveau phonétique, en direction de la variante cible, sans jamais réussir à l’atteindre (notons que ce processus peut également être accompagné d’une accommodation incomplète d’un point de vue lexical). L’un des exemples donnés par Trudgill (ibid., p. 60–61) pour illustrer son propos concerne des variables bien connues des sociolinguistes travaillant sur l’anglais. Dans le nord de l’Angleterre, l’opposition phonologique typique du sud de l’Angleterre entre /U/ et /2/ n’existe pas, puisque ce dernier phonème ne fait pas partie du système des locuteurs nordiques. Ceux-ci ont donc généralement les mêmes formes phonétiques pour des mots tels que could (en forme de citation) et cud : [khUd]. Néanmoins, nous avons déjà vu que les isoglosses souvent utilisées en dialectologie et en sociolinguistique sont des idéalisations, et qu’il existe souvent des zones de transition où l’on trouve des systèmes intermédiaires. Trudgill avance que c’est le cas lorsque

l’on s’intéresse à ces variables, puisque l’on rencontre des locuteurs avec une seule variante qui est phonétiquement à mi-chemin entre les variantes du sud ([7]), ainsi que d’autres locuteurs qui utilisent trois formes phonétiques différentes : [2], [7] et [U]. On peut toutefois adresser la critique suivante à Trudgill : s’il est facile de concevoir que les voyelles peuvent former un continuum, qu’en est-il des consonnes ? Devons-nous considérer que les différents lieux et modes d’articulation forment eux aussi un continuum ? L’un serait-il plus important que l’autre (un [p] est-il plus proche d’un [t] que d’un [F]) ? Quel rôle jouerait le voisement dans ce cas ?

Ces réflexions sur les différents types de dialectes suite au phénomène d’accom-modation nous amènent à nous interroger sur le statut de son produit. S’agit-il d’une variété lambda ? Les propos rapportés jusqu’ici laissent apparaître qu’il existe dans les faits de nombreuses situations différentes quant au résultat de l’accommodation. Si l’une des deux variétés en question est un standard (voir 2.3.3.5 pour une discussion plus approfondie de ce terme), que c’est vers ce standard que se produit l’accommoda-tion, et que celle-ci arrive à son terme, alors nous pouvons dire que la variété qui résulte du processus d’accommodation est un standard. Plus généralement, si l’une des deux (ou plus) variétés en contact est acquise parfaitement par les locuteurs, alors elle sera le résultat de l’accommodation. Cependant, nous avons vu que ce n’est pas nécessaire-ment le cas. Les variétés désignées par le terme fudged dialects fornécessaire-ment ce que Trudgill appelle des interdialectes : « The label ‘interdialect’ is intended to refer to situations where contact between two dialects leads to the development of forms that actually originally occurred in neither dialect » (Trudgill 1986, p. 62). Cette définition générale ne s’applique pas uniquement au niveau phonétique, et on peut trouver des formes interdialectales au niveau lexical : les mots Erdapfel et Grundbirne, utilisés dans deux zones dialectales de l’allemand pour désigner la pomme de terre, ont donné naissance à une troisième forme intermédiaire Erdbirne (ibid., p. 63). Il apparaît également qu’une autre situation est possible : la variété finale comporte des caractéristiques des deux variétés d’origine. Ces variétés sont généralement désignées par le terme koinè, mot d’origine grecque, utilisé pour désigner une variété particulière de grec dans l’Antiquité. Cette variété était originaire de l’Attique, mais elle avait intégré à son système des ca-ractéristiques d’autres variétés, et était utilisée comme lingua franca (Siegel 1985, p. 358–359). Depuis, le terme a été utilisé en linguistique pour désigner de nombreuses langues ou variétés d’une langue (voir par exemple ibid., p. 359). Cependant, tous les auteurs n’ont pas la même acception du terme koinè (Siegel, ibid., p. 360, note que certains se contentent même de faire une courte référence à d’autres ouvrages pour définir le terme), et Siegel tente d’éviter de tomber dans une définition qui serait soit trop large, soit trop étroite. Ainsi, l’utilisation d’une variété comme lingua franca n’est pas suffisante pour en faire une koinè, même s’il admet que toutes les koinès rem-plissent cette fonction (ibid., p. 363). En revanche, il considère que d’autres critères sont trop restrictifs : « There seems to be no reason to restrict koines to being planned,

standard, regional, secondary, or based primarily on one dialect » (ibid., p. 363). Pour lui, une koinè est :

the stabilized result of mixing of linguistic subsystems such as regional or literary dialects. It usually [serves] as a lingua franca among speakers of the different contributing varieties and is characterized by a mixture of features of these varieties and most often by reduction or simplification in comparison (ibid., p. 363).

Il s’agirait donc d’un cas particulier de nivellement dialectal dont le résultat est, nous l’avons vu, une variété possédant des caractéristiques des deux variétés de départ. La définition du phénomène à l’origine des koinè, la koinéisation, en atteste :

This reduction takes place through the process of koineization, which con-sists of the levelling out of minority and otherwise marked speech forms,