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Constitution d’une base d’occupation du sol à deux dates (1950 2016) par photo-interprétation

Introduction de la deuxième partie

Chapitre 4. Analyse sectorielle des trajectoires paysagères des hydrosystèmes secondaires ligériens

4.2 Analyse à l’échelle de la plaine alluviale

4.2.1 Constitution d’une base d’occupation du sol à deux dates (1950 2016) par photo-interprétation

Afin d’identifier la matérialité de l’occupation du sol, nous avons cherché à caractériser les formes et la couverture du sol (tout ce qui est le sursol). Il existe plusieurs méthodes pour y parvenir. La télédétection présentée précédemment (2.2) permet de classifier de manière automatique ou semi-automatique l’espace alors divisé en mailles régulières (raster) selon diverses méthodes. Les images satellites qui servent de support à ces analyses sont souvent mobilisées par les chercheurs ayant besoin de caractériser les changements de couverture du sol ou d’usage des terres (Anderson et al. 1976; Fisher et Pathirana 1990; Hubert-Moy et al. 2001; Franklin et Wulder 2002; Rogan et Chen 2004). Les techniques par « maximum de ressemblance112 » sont généralement utilisées, car

implantées dans tous les logiciels commerciaux spécialisés et moins couteuses en temps (Hubert-Moy et al. 2001). Ces analyses reposent uniquement sur la valeur des pixels, représentant la réflectance des objets de l’image, quand d’autres vont également prendre en compte la texture, dans le cadre d’une méthode dite « orientée-objet » (Sheeren et al. 2009). Cette dernière permet d’améliorer la finesse de la classification en prenant en

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compte la forme (longueurs, nombre d’arrêtes, etc.) et les caractéristiques topologiques (voisins, super-objet, etc.) (Benz et al. 2004). Ces techniques présentent les avantages de pouvoir caractériser de grandes surfaces assez rapidement et de distinguer de grands types de paysage (Germaine et Puissant 2008), mais les inconvénients sont que l’utilisateur doit gérer les erreurs de classifications qui sont inévitables d’une part (Foody 2002), et d’autre part les éléments permettant cette classification ne peuvent pas reposer sur de l’analyse déductive car cela est difficilement intégré dans une approche « automatique ». La photo- interprétation est plébiscitée lorsqu’une haute précision est requise. Elle n’est pas exempte d’erreurs et repose sur les qualités d’interprétation de l’opérateur, qui peut s’appuyer (au- delà de la valeur de pixel) sur la taille, la forme, la texture, le contexte, etc. des éléments à discriminer (Lillesand et Kiefer 1987 in Rutchey et Vilchek 1999). Notre choix s’est porté sur une méthode « manuelle » de photo-interprétation qui, bien qu’elle soit particulièrement chronophage, nous semblait plus adaptée à notre recherche de précision à grande échelle et à la mobilisation de photographies aériennes en noir et blanc (pour les images de la période de 1950). Il faut savoir que certaines approches développées permettent de combiner une photo-interprétation semi-automatisée avec de la télédétection et où le cadastre napoléonien est utilisé en support à la délimitation du parcellaire. C’est le cas, par exemple, pour la reconstitution des trajectoires paysagères d’un cône de déjection torrentiel en vallée de Maurienne (Hugerot et al. 2017).

Apport des photographies aériennes anciennes et récentes pour la connaissance et l’analyse d’un paysage

Comme expliqué précédemment (2.2.2), les photographies aériennes anciennes et récentes sont largement utilisées, notamment en géographie, pour l’étude de territoire ou de paysage. Au-delà de leur intérêt pour élaborer une donnée d’occupation du sol, elles permettent à elles seules de comprendre certaines caractéristiques ou évolutions d’un territoire. Dans notre cas d’étude, l’hydromorphie du sol, particulièrement importante lors de la campagne de l’IGN de 2012 aux alentours d’Angers, révèle des éléments paysagers anciens et disparus, visibles au sein des cultures au sol saturé en eau.

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Figure 60. Paléochenal révélé par l'hydromorphie du sol dans une parcelle cultivée en 2012 (Aubance), réalisation : GP

Dans le cas de la figure ci-dessus (figure 60), un paléochenal de l’Aubance, visible en 1950 grâce au corridor de ripisylve qui longe le talweg, ressort au sein de la parcelle en cultures sur les photographies aériennes de 2012. Cet indice permet d’apprécier les changements apportés par les travaux de recalibrage/rectification des années 1970 et qui ont construit le lit actuel (axe nord-sud, à l’est du paléochenal).

Figure 61. Paléochenal révélé par l'hydromorphie du sol dans une peupleraie en 2012 (Couasnon), réalisation : GP

Un autre cas (figure 61), situé dans une prairie et une peupleraie sur le Couasnon, révèle particulièrement bien les traces d’un paléochenal par la saturation en eau du sol. Là encore les travaux entrepris dans la deuxième moitié du XXe siècle qui ont conduit au talweg de 2012 et actuel sont ainsi mis en parallèles avec l’état d’avant travaux.

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Les entretiens menés auprès des syndicats de rivières et des organismes de l’Etat en charge de l’eau (DDT et AFB notamment) ont révélé un besoin de leur part de compréhension du système passé pour préconiser les actions de gestion future. Ils ont admis pendant ces échanges ne posséder que de peu d’éléments leur permettant d’étudier ces états passés et notamment d’identifier les chenaux anciens. Ce genre d’analyses de photographies aériennes (sous réserve que de fortes pluies aient eu lieu juste avant la campagne aérienne de l’IGN) pourraient être croisées avec les données Lidar (données altimétriques de très haute résolution) de l’IGN pour localiser et caractériser les anciens talwegs et leurs ramifications, comprendre leur fonctionnement et leurs relations avec la plaine alluviale. Ces données altimétriques sont censées être disponibles d’ici quelques années pour l’ensemble du territoire français et permettraient de faciliter et d’optimiser les analyses diachroniques dans un objectif de mise en place d’actions prospectives.

Méthode de photo-interprétation de photographies aériennes anciennes pour la constitution d’une occupation du sol sous SIG

Avant tout travail de photo-interprétation, il est indispensable de réunir plusieurs informations cruciales dont fait partie la date d’acquisition des photographies aériennes utilisées (mois et année de la prise de vue). Elles ont été mobilisées dans le cadre de ce travail grâce au flux WMS113 mis à disposition par GEOPAL. Cette IDS (Infrastructure de

Données Spatiales) donne accès à une mosaïque unie de l’ensemble de la région PdL constituée de photographies aériennes de millésime « 1950 »114, qui en réalité contient

des images dont les dates de prises de vue varient autour de cette année référence (exemple : pour l’Aubance et le Couasnon les données sont un mélange entre 1949 et 1950, tableau 8).

113 Web Maping Service

114 Lien WMS : https://carto.geopal.org/cgi-bin/mapserv? »/ - donnée : « Photographie aérienne – Région Pays

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Tableau 8. Recensement des dates d'acquisition des photographies aériennes utilisées pour caractériser le paysage du fond de vallée.

Rivière Zone Mois du cliché

(jour)

Année cliché Aubance Louerre (source) à Grézillé Juin (08) 1950 Aubance Chemellier à Denée (embouchure) Juin (13) 1949 Couasnon Auverse (source) à Pontigné Juin (13) 1949 Couasnon Lasse/Chavaignes à Baugé-en Anjou Août (05) 1949 Couasnon Fontaine-Guérin à Mazé/Beaufort-en-Vallée (embouchure) Juin (14) 1949

Aubance Louerre (source) à murs-erigné (grand-claye, exclu) + point de confluence

Août (15) 2016

Aubance Murs-erigné (grand-claye, inclus) à Denée Août (16) 2016 Couasnon De la source (Auverse) au centre de Baugé (hormis le secteur

pontigné-baugé)

Août (16) 2016

Couasnon Secteur pontigné-baugé Août (22) 2016

Couasnon Du sud du Vieil-baugé à Mazé/Beaufort-en-Vallée (embouchure) Août (15) 2016

Sources : http://www.remonterletemps.ign.fr/

La photo-interprétation avait pour objectif d’extraire différents éléments pertinents à l’analyse des trajectoires paysagères :

- Surfacique (entité de type polygone) : la structure du parcellaire ; l’occupation du sol (surfaces en herbe, bois, cultures, vignes, eaux, routes, bâti, jardins/espaces verts, plans d’eau, etc.)

- Linéaire (entité de type ligne) : réseau de haies

La couche SIG constituée mélange volontairement de l’occupation du sol et de l’usage du sol. L’occupation du sol est la couverture biophysique observable, naturelle ou anthropique, de la surface terrestre tandis que l’usage du sol caractérise l’activité humaine qui est faite de cette surface terrestre. Une surface en herbe relève par exemple de l’occupation du sol alors que celle-ci peut être une prairie ou une pelouse de terrain de

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sport par exemple (qui relève de l’usage). Or cette discrimination n’est pas anodine dans une analyse paysagère. Dans notre cas, l’occupation du sol (bois, surface en herbe, etc.) est mêlée à l’usage des sols (jardins par exemple). Notre approche par le paysage s’intéressant aux interrelations Natures-Sociétés, il était indispensable de prendre en compte les usages liés aux hydrosystèmes et cette hybridation nous semblait pertinente dans ce contexte. La méthode de constitution des quatre couches d’occupation du sol (Aubance 1950 et 2016 ; Couasnon 1950 et 2016) est synthétisée dans la figure ci-après (figure 62) :

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Figure 62. Schéma explicatif de constitution des couches d'occupation du sol et éléments associés – exemple sur un secteur aval du Couasnon (réalisation : GP)

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La photo-interprétation repose sur différents critères permettant de caractériser les éléments visibles :

- Forme

- Motif (e.g rangs des cultures par exemple) - Taille (e.g route principale et route secondaire) - Tonalité/Couleur

- Ombre (permet d’estimer la hauteur, la forme, l’orientation, etc.)

- Texture (l’eau apparait en forme lisse quand un couvert forestier aura une texture rugueuse, etc.)

- Contexte (bâtiments industriels regroupés en zone d’activité, station d’épuration constituée de bassins de lagunages, etc.) - Temps/Saison (humidité/inondation dans les champs en bordure

de rivière en hiver, saisonnalité des cultures, etc.)

La qualité de l’interprétation est dépendante de l’échelle d’interprétation, de la qualité des images, de l’expérience de l’opérateur et de sa connaissance du terrain. Dans le cadre de cette photo-interprétation, la vectorisation a été réalisée au 1/3 000e en se limitant à

l’emprise de la plaine alluviale, objet d’étude de cette recherche, et en intégrant les parcelles immédiatement adjacentes (afin de contextualiser au sein du paysage environnant).

Le linéaire de haies

Les haies ont été vectorisées en entité linéaire au 1/3 000e aux deux dates pour les

deux terrains et discriminées selon trois classes de largeur (de houppier en vue verticale) : 1 = la largeur de houppier est inférieure ou égale à 7 mètres ; 2 = la largeur de houppier est comprise entre 8 et 14 mètres ; 3 = la largeur de houppier est supérieure ou égale à 15 mètres. Les erreurs potentielles sont des oublis de certaines haies (pas toujours très visibles) et une surestimation de la largeur notamment liée à l’ombre portée (difficilement dissociable de l’objet sur une image en noir et blanc).

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Structure du parcellaire

La structure de parcellaire d’usage a été construite dans un premier temps et l’interprétation de l’occupation du sol s’est faite ensuite progressivement. Différentes erreurs d’interprétation ont pu être évitées, mais certains doutes persistent et sont difficiles à lever, notamment pour les photos aériennes anciennes. Certaines limites de parcelles posent questions, ainsi il est possible que la surface de certaines ait été surestimée quand celle d’autres parcelles ont pu être sous-estimée. Deux exemples de cas problématiques sont présentés ci-dessous :

Tableau 9. Exemples de problèmes rencontrés lors de la délimitation du parcellaire d'usage

Exemple n°1 – photo aérienne de Juin 1949

Hypothèse 1 Hypothèse 2

Exemple n°2 – photo aérienne de Juin 1949

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Occupation du sol

Certains éléments ayant alimentés la photo-interprétation pouvaient être identifiés à l’œil nu (et difficilement par méthode automatisée), ce qui nous a conforté dans notre choix initial d’une méthode non-automatique. Quelques exemples d’éléments interprétables à la vue sont développés ci-dessous :

Tableau 10. Exemple d'éléments caractérisés grâce à la photo-interprétation "manuelle"

photo aérienne de Juin 1949

Balles de foin qui confirment la présence d’une prairie de fauche.

photo aérienne de Juin 1949

Bandes blanches parallèles interprétées comme des drains.

photo aérienne de Juin 1949

La « croix » visible dans cette parcelle est le résultat de la fauche telle que pratiquée à l’époque. Elle révèle donc la présence d’une prairie de fauche.

photo aérienne de Juin 1949

La parcelle (polygone blanc) est occupée par des arbres fruitiers dans des prairies. À l’époque il était courant que des fruitiers soient implantés à proximité des habitations et des fermes (cercles blancs).

photo aérienne de Août 2016

La qualité de l’image nous permet d’apercevoir le bétail dans la parcelle (pointillés) et confirme donc le fait que la parcelle est une prairie pâturée.

photo aérienne de Août 2016

Les traces visibles au sein de la parcelle sont certainement dues au piétinement du bétail. Cela confirme que la parcelle est une prairie pâturée.

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La méthode de vectorisation employée a consisté à créer progressivement les entités sous le logiciel ArcMap avec l’outil « Polygone automatique » (Auto-Complete Freehand115)

censé permettre de créer un nouveau polygone en utilisant les frontières d’un polygone adjacent. L’outil présente en théorie l’avantage d’éviter les problèmes de topologie116,

notamment les recouvrements. Malgré les tests fructueux de l’outil réalisés en amont de la photo-interprétation, de nombreuses erreurs (micro-recouvrements) ont été révélées lors du contrôle topologique des couches finales. Ces problèmes ont dû être résolus avant de pouvoir lancer des géotraitements en vue d’analyses spatiales. Cet exercice a révélé l’erreur qui a été faite au départ d’opter pour une vectorisation progressive des parcelles (la caractérisation de l’occupation du sol) plutôt que de partir d’une entité unique (polygone de la plaine alluviale) et de découper cette entité par les limites des parcelles. La dernière méthode citée permet d’éviter toutes erreurs topologiques et donc de limiter les pertes de temps de post-traitements et de nombreux problèmes techniques.

Le travail de photo-interprétation a été particulièrement long, ayant duré de longues semaines (environs 8 semaines), en considérant les passages de contrôle qui ont été nécessaires afin d’affiner l’interprétation et d’augmenter sa qualité, notamment grâce à l’aide d’un photo-interprète averti, et en comptant le temps passé à corriger la topologie. Comme signalé plus tôt, la vectorisation à la main est particulièrement chronophage, mais elle permet tout de même d’obtenir une certaine finesse dans le résultat obtenu. Le nombre d’entités issues de cette vectorisation est présenté ci-après :

115 Equivalent de l’option topologique « éviter les intersections » du logiciel QGIS

116 La topologie est en mathématiques la partie de la géométrie qui considère uniquement les relations de

position (Aur.-Weil 1981) Source : http://www.cnrtl.fr/definition/topologie [consulté le 11/12/2018]. En SIG, la topologie représente les relations entre les entités géographiques. Des règles topologiques peuvent être définies dans une base de données géographiques afin de structurer ces relations (exemple : éviter les recouvrements, les lacunes…).

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Tableau 11. Bilan de la vectorisation par photo-interprétation117

Surfacique (type polygone) – surface en km²

Linéaire (type ligne) – longueur en km Aubance 1950 2 170 entités - 16,8 km² 796 entités - 121 km

Aubance 2016 1 673 entités - 22,6 km² 305 entités - 51 km

Couasnon 1950 3 088 entités - 23 km² 804 entités - 113 km

Couasnon 2016 2 444 entités - 25 km² 416 entités - 48 km

Total 9 375 entités - 87,4 km² 2 321 entités - 333 km

L’ensemble des géotraitements qui ont été nécessaires pour manipuler les données SIG créées dans le cadre de ce projet de recherche ou non, sont détaillés en « chaine de traitements » en annexes (annexes 14-15-16-17). Comme le signalait déjà T.Joliveau en 1996118 , « il est rare qu’un seul logiciel puisse résoudre l’ensemble des tâches que l’on

attend d’un S.I.G ». C’est pourquoi les différents géotraitements qui ont été nécessaires pour manipuler ces données ont été empruntés à plusieurs logiciels, principalement QGIS, OpenJUMP et GvSIG conformément à notre volonté de promouvoir au maximum les outils libres et/ou gratuits notamment dans le cadre d’une recherche publique. L’automatisation de la succession des traitements spatiaux n’a pas été réalisée par manque de temps. La formalisation graphique de la démarche (en annexes) par étapes pourrait très bien servir de socle à une automatisation future (modelbuilder, plugin QGIS, etc.).

4.2.2 Fermeture du fond de vallée et mise en culture de la plaine