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En principe, le consentement est spécifique à l’utilisation conforme au but initialement fixé.

Qu’en est-il alors de la réutilisation du matériel biologique et des données personnelles qui lui sont liées ? Une réutilisation peut être envisagée dans plusieurs situations : soit des prélèvements effectués initialement dans le cadre de soins pourraient être repris dans le cadre de la recherche, soit des prélèvements effectués dans le cadre d’une recherche sont susceptibles d’être réutilisés dans le cadre d’une autre recherche. Faut-il demander une nouvelle fois le consentement de la personne concernée en cas de réutilisation d’un échantillon biologique ?

Cette question est complexe et se pose avec acuité dans le cadre des biobanques43. Les chercheurs soulignent la difficulté de recontacter une

37 Art. 12, let. b et art. 13, al. 2, let f et let g de la loi fédérale sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules du 8 octobre 2004 (loi sur la transplantation ; RS 810.21).

38 Art. 39, al. 2 de la loi sur la transplantation ; art. 39 LRH.

39 Art. 37, al. 2, let. b de la loi sur la transplantation.

40 Art. 40, al. 2 de la loi sur la transplantation.

41 Art. 5, al. 1 LRCS et art. 24, al. 2, let. b LRCS.

42 Art. 40 LRH.

43 Les biobanques sont des collections systématiques d’échantillons de substances corporelles humaines (par exemple des organes, des tissus, du sang, des cellules, etc.) ainsi que d’ADN en tant que support matériel de l’information génétique. Des données comprenant des informations sur le donneur (données démographiques, type de maladie, etc., mais également des données génétiques) peuvent être conservées en lien direct avec ces échantillons ou séparément. Au moment de l’admission des échantillons dans une biobanque, il est souvent difficile d’évaluer quelles informations complémentaires ces échantillons peuvent fournir et dans quelle mesure elles pourront

personne et la perte de temps que cela entraîne. Selon une conception étroite, le consentement est exigé pour une utilisation précise, ce qui amène à recontacter les personnes pour une utilisation ultérieure. Selon une conception large44, un consentement général est suffisant pour une utilisation dans le cadre de recherches actuelles et à venir. Mais dans ce cas, l’information donnée n’est pas complète. Une réutilisation de matériel biologique à des fins de recherche sans obtenir le consentement éclairé de la personne sur laquelle il a été prélevé outrepasserait le droit à l’autodétermination de celle-ci45.

La loi relative à la recherche sur l’être humain (LRH) adopte une solution différenciée. La réutilisation de matériel biologique et de données, génétiques ou non génétiques liées à la santé, données non codées ou codées, nécessite le consentement éclairé de la personne (art. 32, al. 1 et 2 LRH, art. 33 LRH). Pour la réutilisation du matériel biologique et des données génétiques anonymisées, le consentement explicite n’est pas exigé ; la personne concernée a un droit d’opposition et doit en être informée avant le commencement de la recherche46. En cas de révocation, le matériel biologique sera détruit, mais l’utilisation des résultats de la recherche obtenus jusque-là est tolérée.

Le droit suisse admet ainsi un consentement général. La doctrine critique cette solution qu’elle trouve contraire aux principes de finalité et de proportionnalité et viole le droit à l’autodétermination47. Elle préconise une interprétation large du consentement spécifique, qui pourrait viser non un projet de recherche précis mais un domaine de recherche (par exemple diabète, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson). Et elle suggère un online dynamic consent, situation dans laquelle le chercheur contacterait régulièrement le donneur, afin qu’il puisse suivre l’utilisation de ses éléments corporels et des données qui lui sont rattachées.

Par ailleurs, dans des circonstances exceptionnelles, il est envisageable de réutiliser du matériel biologique et des données personnelles liées à la santé sans requérir le consentement. Les conditions sont les suivantes : l’obtention du consentement ou l’information sur le droit d’opposition pose des difficultés disproportionnées ou est impossible, aucun document n’atteste un refus de la part de la personne concernée et l’intérêt de la science dépasse celui de la personne concernée à l’autodétermination (art. 34 LRH). Dans ce cas, il n’y a pas d’atteinte au droit à l’autodétermination bio-matérielle lorsque le consentement n’est pas obtenu. De même, aucune atteinte n’est portée lorsque

être combinées avec les données à caractère personnel (directives de l’Association Suisse des Sciences Médicales sur les biobanques : prélèvement, conservation et utilisation de matériel biologique humain du 23 mai 2006).

44 HALASZ (n. 30) p. 199.

45 BÜCHLER/DÖRR (n. 13)p. 400-401.

46 Art. 32, al. 3 LRH ; art. 20 LAGH.

47 BÜCHLER/DÖRR (n. 13) p. 401.

les éléments du corps humain sont anonymisés à des fins de recherche ou sont non codants.

Le Réseau de médecine génétique appliquée du Canada (RMGA) a développé des principes sur la réutilisation de données et de matériel biologique recueillis dans un contexte de soins ou de recherche48. Deux mécanismes permettent d’effectuer une utilisation secondaire des données et matériel biologique en l’absence d’un consentement individuel : l) l’autorisation législative ; et 2) l’autorisation par un comité d’éthique de la recherche. Cependant, une recherche effectuée sur des échantillons biologiques et des données anonymes ou rendus anonymes (c'est-à-dire dissociés de manière irréversible d’une personne identifiable) n’exigent pas l’obtention d’un consentement individuel libre et éclairé.

Ainsi, le consentement confère au titulaire un droit de regard sur l’utilisation d’éléments de son corps. Un consentement général a pour effet de supprimer ce droit de regard. C’est pourquoi il importe de le limiter et de l’interpréter comme un consentement visant un domaine de recherche afin de le rendre compatible avec le droit à l’autodétermination.

IV. Le droit à la confidentialité et la traçabilité des éléments corporels

Les éléments du corps humain relèvent non seulement de l’intégrité corporelle mais aussi de la sphère privée à cause des informations personnelles qu’ils contiennent. Par exemple du sang renseigne sur la séropositivité d’une personne ou des données génétiques donnent des informations sur des probabilités de maladies à venir. Les éléments du corps humain comportent donc des données sensibles49 qui méritent une protection particulière. C’est pourquoi le législateur insiste sur la confidentialité des données collectées lors du prélèvement d’un élément du corps humain50. L’anonymat est l’un des moyens de respecter la confidentialité des données sensibles (infra A). Par ce processus, le donneur perd toutefois le contrôle de ses substances corporelles mises à la disposition d’autrui. Il renonce aussi à pouvoir bénéficier des résultats de la recherche (infra B).

48 TASSÉ ANNE MARIE,SÉNÉCAL KARINE, SAMUËL JULIE, AVARD DENISE,KNOPPERS BARTHA MARIA, Énoncé de principes sur l’utilisation secondaire de données et de matériel biologique recueillis dans un contexte de soins ou de recherche, RMGA, document du 15 avril 2010, disponible à l’adresse http://www.rmga.qc.ca (état du lien au 21 mars 2012).

49 Art. 3, let. c, ch. 2 de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD ; RS 235.1).

50 Par exemple art. 58 de la loi sur la transplantation.