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C. Défis linguistiques

IV. Bénéfices de l’approche proposée

L’enseignement du droit comparé proposé présente plusieurs bénéfices et avantages46 :

• Les étudiants apprennent la comparaison à l’aide d’une approche de learning by doing et s’exercent activement dans l’emploi de la méthode comparative. Ils perdent ainsi la gêne de s’approcher du matériel étranger et de travailler avec ce matériel jusqu’alors inconnu pour eux.

• Lors de la résolution de cas pratiques selon les différents ordres juridiques, ils apprennent à prendre du recul par rapport à leur propre droit national et à relativiser la solution en vigueur dans leur pays.

• Ils apprennent à travailler à la fois avec un grand nombre d’ordres juridiques et avec différents styles de raisonnements juridiques. Ceci leur permet de mieux dialoguer avec des collègues formés dans un grand nombre d’autres ordres juridiques47 et de mener une discussion sur les problèmes juridiques dans un contexte international (par ex. européen voire même mondial). En fait, la méthode proposée enseigne une science juridique qui est détachée des contingences liées à tel ou tel droit local et qui appréhende chaque problématique à travers les différentes manières dont elles sont cadrées puis résolues dans les systèmes de droit positif.

• A la fin du cours, les étudiants devraient avoir acquis la capacité et la compétence de chercher et de mettre en évidence, idéalement, une large palette de solutions envisageables pour un problème posé, ou encore de découvrir éventuellement des principes communs de droit qui existent à travers l’Europe ou d’autres régions du monde.

• Lors du travail avec les cas pratiques et lors des discussions des arguments pour et contre les différentes solutions identifiées, ils auront appris à bénéficier des expériences qui ont été faites avec les différentes solutions à l’étranger. Ils auront ainsi appris à faire un choix éclairé

45 Pour de plus amples informations sur la méthode proposée ainsi que des études de cas qui servent à l’illustrer, voir l’auteur de ces lignes, Le contrat en droit privé européen (n. 35) p. 5-22 ; idem,

« L’européanisation du droit privé et de la méthode comparative – Etude de cas », SZIER/RSDIE 2004 p. 233-254.

46 L’expérience montre que cette approche peut être pratiquée non seulement dans des séminaires avec un nombre restreint de participants, mais aussi lors de grands cours. A Genève, entre 40 et 160 étudiants suivent le cours de droit comparé enseigné dans ce style.

47 « Comparative law gives [them] a tool of communication », ÖRÜCÜ (n. 43) p. 43 et 45.

parmi, idéalement, toutes les options à disposition pour résoudre un problème juridique donné.

• Un travail basé sur des cas pratiques met l’accent sur l’importance pratique que la discipline de droit comparé occupe aujourd’hui dans la vie pratique du juriste ; il met en évidence que l’emploi de la méthode comparative peut mener à des résultats immédiats et tangibles et que des connaissances de droit comparé peuvent avoir un véritable rendement.

• Les futurs juristes seront ainsi préparés à faire face aux exigences méthodologiques qui se présentent dans des scénarios pratiques, comme par exemple dans le cas de responsabilité civile ou dans les deux scénarios de droit international public décrits ci-dessus, ainsi que dans de nombreux autres scénarios transnationaux48.

Maîtriser une méthode comparative multilatérale et supranationale devrait ainsi faciliter aux étudiants leur futur travail dans un monde multi-juridictionnel où le cadre d’un seul ordre juridique national est souvent dépassé – que ce soit dans leur travail d’avocat, de juge ou de juriste, dans une institution nationale ou une organisation internationale.

James GORDLEY, éminent comparatiste à l’Université Tulane à la Nouvelle-Orléans a écrit : « A student confronted with only one solution to a legal problem has a tendency to assume it is the right one. When he is confronted with two, he is encouraged to think »49. On pourrait ajouter : When he has acquired the capacity to compare the solutions of three, four or even more jurisdictions and to give these jurisdictions equal weight in his analysis, he is encouraged to « think internationally ».

48 Supra B.II.

49 « Comparative Law and Legal Education », 75 Tul. L. Rev. p. 1003, 1008 (2000-01).

L’image changeante du droit international public

ROBERT KOLB

Professeur de droit international public à l’Université de Genève

I. Introduction

On prétend volontiers mais erronément que le droit international public, régissant des rapports entre Etats souverains, sans supérieur commun, est un droit « sans sanction ». Anciennement, la formule était qu’il s’agissait d’un droit « sans législateur, sans gendarme et sans juge »1. Il faudrait rectifier cette formule pour le moins dans le sens suivant : sans législateur et sans gendarme centralisés ; et sans juge régulier, c’est-à-dire sans juge à compétence obligatoire. Ce n’est pas qu’il y ait carence absolue de la fonction législative, exécutive et judiciaire. De plus, l’absence de sanction est une chimère. La sanction est simplement restée décentralisée, comme elle l’était au Moyen Age.

Elle continue à se présenter essentiellement comme justice privée, dans la mouture de représailles et de contre-mesures, anciennement aussi et surtout de la guerre, nouvellement parfois de sanctions collectives par des organes internationaux tels que le Conseil de sécurité des Nations Unies. L’homme moderne identifie, toutefois, à tel point la sanction juridique avec la justice et l’exécution publiques centralisées, tels qu’il les connaît dans l’Etat, qu’il a perdu de vue qu’il existe des modalités de sanction plus anciennes et plus primitives. Elles n’en sont pas pour autant moins effectives ou moins rigoureuses. Moins égales, moins régulières et plus empreintes de politique, elles le sont assurément. Juridiquement, ce sont néanmoins des sanctions2.

A défaut d’être perçu comme un droit (bien) sanctionné, la conception courante tout au long du XXème siècle est que le droit international public doit reposer davantage sur la sanction de « l’opinion publique » que sur des sanctions institutionnalisées. Dès l’époque de la Société des Nations (S.d.N.), notamment dans le monde anglo-saxon, mais aussi plus généralement, l’opinion publique était idolâtrée comme une espèce de Deus ex machina de la mise en œuvre du droit international public3. La S.d.N. elle-même n’était-elle

1 Voir, par exemple, DE LOUTER JEAN, Le droit international public positif, tome I, Oxford, 1920, p. 58 ss.

2 Voir les termes très clairs de KELSEN HANS, « Théorie générale du droit international public », RCADI (Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye), vol. 42, 1932-IV, p. 124 ss, 126, 129.

3 On a pu insister à juste titre qu’il y avait à cet égard un excès : DE VISSCHER CHARLES, Théories et réalités en droit international public, 3ème éd., Paris, 1960, p. 77. Sur l’opinion publique et le droit international : MERLE MARCEL, « Le droit international et l’opinion publique », RCADI, vol. 138,

1973-pas le produit de la pression populaire plus que de la volonté des élites diplomatiques ou militaires ? Puisqu’il en était ainsi, le droit international était perçu comme particulièrement proche des peuples, mais non nécessairement des gouvernements. Ces derniers pouvaient faillir à appliquer ses règles ; les peuples devaient alors jeter leurs poids dans la balance pour les ramener au respect du droit. A cette fin, il fallait supposer que les peuples connussent le droit international moderne. Les rapides esquisses qui précèdent montrent que le droit international moderne se souciait de son enracinement dans l’opinion des peuples. Son « image » est perçue comme un atout essentiel de sa force. Ou en étions-nous à cet égard et où sommes-nous arrivés ? Avant de tenter de serrer cette question d’un peu plus près, il est peut-être utile de rappeler ce qu’est exactement le droit international public.