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Confirmation expérimentale d’une déstabilisation azimutale

4.2 Analyse numérique de la modulation azimutale

4.2.2 Modes azimutaux

4.2.2.2 Confirmation expérimentale d’une déstabilisation azimutale

La mise en évidence expérimentale de la modulation azimutale transverse est particulièrement com-pliquée dans le cas de la fragmentation aérodynamique d’une goutte, car nécessite de résoudre sa

Figure 4.19: Isosurfaces du m-ème mode azimutal κm(rouge) superposées aux isosurfaces de la fraction volumique αl=0.001 (gris) pour W e→ ∞.

morphologie sur des échelles de temps et d’espace incompatibles sur le plan technologique. Une ap-proche directe consisterait à visualiser la perte d’axisymétrie de la goutte par imagerie rapide et de mesurer la longueur d’onde azimutale apparente. Une imagerie plane de type PLIF n’étant pas adap-tée à la caractérisation de structures 3-D, seules des techniques intégrées comme l’ombroscopie sont envisageables. Une prise de vue par ombroscopie, perpendiculaire à l’écoulement, ne saurait permet-tre la visualisation d’une déstabilisation azimutale du fait de l’intégration de l’information le long du chemin optique. Une prise de vue dans l’axe de l’écoulement, en revanche, la permettrait. En effet,

si le diamètre extérieur de l’onde sur laquelle se développe la perturbation azimutale est, dans l’axe de l’écoulement, l’enveloppe intégrée de la phase liquide, alors il est a priori possible d’observer la déstabilisation. Cependant, une telle prise de vue n’est pas réalisable pour deux raisons. D’abord, elle nécessite un accès optique non intrusif dans l’axe de l’écoulement que le DM52 ne propose pas. Ensuite, parce qu’une telle prise de vue implique un plan de mise au point perpendiculaire à la direc-tion de l’écoulement. Cela signifie que le liquide se déplace dans l’axe de la profondeur de champ. La netteté de l’image ne peut donc pas être assurée. Bien que rigoureuse, on comprend donc bien que cette approche directe est irréalisable dans le cadre d’expérience de fragmentation sur l’installation DM52 ici exploitée. Si la mise en évidence expérimentale de la modulation azimutale transverse n’est pas envisageable par une approche directe, une alternative indirecte existe néanmoins. L’amplification et l’élongation des crêtes de la perturbation azimutale étant à l’origine de la formation des ligaments périodiquement distribués autour du corps de la goutte, on peut légitimement penser que proche du corps, la distance interligament est a priori égale à la longueur d’onde de la modulation. Ainsi, en identifiant une structure ligamentaire périodique, il est en principe possible d’apporter des preuves ex-périmentales à une modulation azimutale. Néanmoins, l’identification d’une distribution ligamentaire périodique n’est pas chose aisée compte tenu, une fois encore, de l’intégration de l’information lors de l’acquisition des images qui rend la détection des ligaments complexe. La dissociation des différentes entités et l’identification des ligaments sans ambiguïté requièrent une imagerie à fort grossissement. En l’occurrence, le diagnostic d’ombroscopie à fort grossissement et à haute cadence, présenté à la sec-tion 2.2, est approprié. Cependant, pour un nombre de Weber de 470, les résultats numériques montrent qu’une structure ligamentaire périodique cohérente n’est observable qu’une dizaine de microsecondes environ. Une fréquence d’acquisition d’au moins 100 kHz est donc nécessaire pour capturer, à coup sûr, la manifestation de cette structure ligamentaire. Or, nous l’avons vu, le régime de fonctionnement optimal du diagnostic d’ombroscopie à fort grossissement, mis en place dans cette thèse, ne permet pas l’acquisition d’images au-delà de 40 kHz. À ce jour, il est d’ailleurs rare voir impossible de concilier fréquence d’acquisition de 100 kHz avec une résolution spatiale inférieure de 5 à 10 µm/px. C’est en ce sens que, plus tôt, nous avons qualifié d’incompatibles sur le plan technologique les échelles de temps et d’espace. À la fréquence d’acquisition insuffisante de l’ombroscopie à fort grossissement, s’ajoute

(a) Plan de mise au point surz=zc. (b) Plan de mise au point surz=zc+2r0.

λϕ

(a) W e=492, ˜t=1.2 (b)W e=245, ˜t=2.8

Figure 4.21: Distribution périodique des ligaments et des noeuds autour du corps résiduel de la goutte. (b) La flèche noire (→) indique le corps résiduel de la goutte tandis que les flèches rouges (→) indiquent les noeuds.

la faible profondeur de champ qui complique davantage la visualisation des ligaments. Nous avons vu qu’avec la figure 4.10(b) que le diamètre transverse du corps de la goutte autour duquel les ligaments se répartissent évolue jusqu’à deux fois le diamètre initial. Pour une goutte de diamètre initial 1 mm, cela signifie que la base des ligaments se situe jusqu’à ±1 mm du centre de la goutte. Sachant que la profondeur de champ δ du diagnostic est de 0.6 mm, si le plan de mise au point de la caméra est positionné en z = zc avec zc la coordonnée transverse du centre de la goutte, alors les ligaments ne peuvent pas être perçus [Fig. 4.20(a)]. Il est donc nécessaire, avant chaque essai, de positionner le plan de netteté optimale en avant de la goutte (entre zc et la caméra) en z = zc+2r0 [Fig. 4.20(b)]. Notamment, la visualisation des ligaments à hauteur de z = zc+2r0, où les effets de courbure sont minimisés, est privilégiée. Du fait de la fréquence d’acquisition néanmoins insuffisante, l’aléa devient naturellement un paramètre non négligeable quant à l’observation expérimentale d’une distribution lig-amentaire périodique. Néanmoins, si les ligaments intègres ne peuvent être capturés, les fragments issus de leurs ruptures peuvent l’être. Si la visualisation des fragments ne permet pas une mesure directe de la longueur d’onde de la modulation azimutale, elle permet toutefois d’estimer le nombre de ligaments. La figure 4.21(a) révèle une distribution ligamentaire périodique autour du corps de la goutte. Cette observation, première en son genre, a été réalisée avec succès un peu moins d’une dizaine de fois sur plus d’une centaine d’essais. Quatre ligaments massifs sont nettement perceptibles en aval du noyau liquide et permettent une estimation de la longueur d’onde de la perturbation azimutale λϕ. Au vu du faible nombre d’échantillons, la mesure de la distance interligament est réalisée manuellement. La longueur d’onde moyenne ¯λϕ est de 280 µm pour un écart-type de 19 µm. Le nombre de ligamentsN

associés à ¯λϕest donné par la relationN =πd/¯λϕ, où d est la distance du centre de la goutte à la corde de la perturbation. Il est raisonnable de considérer que d0≤d≤d˜t avec d˜tla mesure de la distance du centre à la corde à l’instant ˜t de la mesure de λϕ. Ainsi, le nombre de ligaments N est estimé entre 8 et 10, ce qui est en bon accord quantitatif avec la simulation numérique qui fait état de 8 ligaments. La figure 4.21(b), enregistrée sur un temps plus lointain que la figure 4.21(a), révèle une goutte sans plus aucune intégrité structurelle. La flèche noire pointe vers le corps résiduel de la goutte, tandis que les flèches rouges montrent des noeuds liquides. Ces noeuds sont les extrémités libres de ceux qui était, quelque temps avant, des ligaments (voir section 4.1). Bien qu’il s’agisse là d’une image intégrée, le niveau de flou nous renseigne quant à la topologie tridimensionnelle de l’ensemble corps-noeuds illustré et laisse entrevoir une couronne de noeuds autour du noyau liquide. Cette observation est en bon ac-cord qualitatif avec le processus de modulation azimutale. Bien que les images comme celle présentée sur la figure 4.21(b) ne permettent en aucun cas de valider l’hypothèse d’une déstabilisation transverse, elles témoignent néanmoins, et avec répétabilité, d’une dynamique ligamentaire ordonnée sur le plan azimutal. Le nombre de noeuds répertoriés sur l’ensemble des expériences de fragmentation réalisées à 200≤We≤700varie entre 4 et 8. Aucune dépendance significative du nombre de noeuds au nombre de Weber n’est relevée. Le tableau 4.4 est un récapitulatif du nombre de ligaments déterminés à partir

Simulation numérique 8

Distribution ligamentaire (expérimental) 8-10

Nombre de noeuds (expérimental) 4-8

Table 4.4: Nombre de ligaments estimé à partir de la simulation numérique (We=470), des distribu-tions ligamentaires observées sur les temps courts à moyens (300<We<550), et des noeuds identifiés sur les temps plus longs (300<We<550).

des simulations numériques 3-D et sur la base des observations expérimentales (distance interligament et nombre de noeuds). Par les trois approches, on note que l’ordre de grandeur est respecté et que les trois intervalles se croisent pour un nombre de ligaments égal à 8.