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Conditions de viabilité des entreprises

CHAPITRE 1 - INTERACTIONS ENTRE ECOSYSTEMES ET ORGANISATIONS, ET VIABILITE DES

2.2 Comment garantir la viabilité des organisations ?

2.2.1 Conditions de viabilité des entreprises

Pour définir les conditions de la viabilité des entreprises, c’est à dire leur aptitude à exister durablement dans le temps, nous nous intéressons aux objectifs poursuivis par les firmes. Nous cherchons en particulier à déterminer, par une étude bibliographique, s’il existe des objectifs essentiels communs à l’ensemble des entreprises, dont l’atteinte peut conditionner la viabilité de ces entités.

Identifier les finalités des entreprises n’est cependant pas chose aisée. Différents courants ont émergé au sein de la science économique, au cours du siècle dernier, avec pour objet de définir la nature de la firme et d’en cerner les objectifs. Les acceptions de l’entreprise ont évolué et se sont multipliées depuis la conception néoclassique de la firme, dominante dès la fin du XIXème siècle, les alternatives se forgeant à partir sa contestation. Coriat et Weinstein (1995, 2010), Laperche et Uzunidis (2011), Charreaux et Pitol-Belin (1992), ont notamment consacré des publications intéressantes à ces questions. Nous nous appuyons ici sur leurs écrits pour passer en revue les différents courants, en les explicitant afin d’en dégager, si possible, des finalités communes aux entreprises.

Théorie néoclassique

Pour les partisans de la théorie néoclassique, la firme représente une « boîte noire », transformant des flux entrants en flux sortants et agissant par réflexes. Ils se refusent donc à appréhender la firme en tant que système et ne cherchent pas à analyser sa complexité. C’est une « firme point », une « firme automate ». Elle est réduite au producteur, c’est-à-dire au propriétaire du capital financier, responsable de la gestion de l’activité.

Considérant que la somme des intérêts individuels conduit à l’intérêt général, scénario valable en cas de fonctionnement parfait des marchés, l’unique finalité de la firme réside dans la maximisation du profit. C’est la remise en question de la supposée perfection du marché qui a conduit les économistes à critiquer la définition néoclassique de la firme et son hypothèse de maximisation du profit. En premier lieu, c’est la possibilité d’une concurrence pure et parfaite qui est réprouvée, l’existence même de la firme illustrant cette imperfection. Pourquoi la firme existe-t-elle ? C’est cette question, soulevée par Coase en 1937, qui représente le point

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de départ de la « reconstruction théorique » de la firme (Coriat et Weinstein, 2010). Différentes conceptions se sont par la suite développées dans le but d’examiner la « boîte noire », avec deux principaux angles d’analyse : une approche qualifiée de contractuelle, regroupant la théorie des coûts de transaction, la théorie des droits de propriété, et la théorie de l’agence ; et une approche basée sur l’étude des relations entre les individus et entre les groupes d’individus au sein de la firme, qui englobe les théories behaviouriste, managériale, et évolutionniste (Ibid.).

Les approches contractuelles : théories des coûts de transaction, des droits de propriété, et la théorie de l’agence

En soulevant la question de la nature de la firme, Coase propose également une réponse : contrairement au marché, où la coordination des agents est réalisée via un système de prix, cette coordination au sein de la firme est réalisée sur la base d’une structure administrative. Selon l’auteur, c’est l’apparition de coûts lors de la coordination par les prix (coûts de transaction) qui justifie ces arrangements organisationnels. Les travaux de Williamson (1975 ; 1985) se situent dans cette continuité, approfondissant l’étude des coûts de transaction et identifiant une variété d’arrangements institutionnels permettant de les minimiser. Suivant ce courant, l’entreprise est définie comme un système de contrats spécifiques entre agents individuels dotés d’une rationalité limitée, ce qui autorise les comportements opportunistes et la recherche de l’intérêt personnel (Laperche et Uzunidis 2011).

Selon Coriat et Weinstein (2010), la théorie de l’agence et la théorie des droits de propriété se sont également développées en réaction aux interrogations de Coase, mais en apportant des réponses basées sur des hypothèses néoclassiques justifiant l’absence d’échecs du marché. Si la théorie des droits de propriété propose d’analyser la manière dont l’attribution de ces droits peut influer sur les comportements individuels et sur l’efficience des systèmes économiques, la théorie de l’agence propose une vision plus extrême, considérant les firmes uniquement comme des « nœuds de contrats », dont elle cherche à assurer l’optimisation. Dans cette perspective, l’organisation est considérée comme n’ayant pas d’objectif propre, seuls comptent les rapports contractuels qui représentent le résultat de la recherche individuelle de maximisation de l’utilité (Laperche et Uzunidis 2011).

Les approches basées sur les compétences : théories behaviouriste, managériale, et évolutionniste

Un autre courant théorique s’est progressivement développé, proposant une alternative aux visions contractuelles que nous venons de présenter – l’approche basée sur les compétences –

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qui regroupe trois théories fondées sur des principes communs et complémentaires (Coriat et Weinstein, 2010) : la théorie behaviouriste, la théorie managériale et la théorie évolutionniste. La théorie behaviouriste se caractérise par la remise en question de l’hypothèse de rationalité complète ou parfaite et les comportements de maximisation qui lui sont liés. Cette hypothèse expliquant l’existence de réactions automatiques de la firme au contexte externe, son infirmation questionne en conséquence la manière dont les entreprises élaborent leurs prises de décision. Les recherches de leurs auteurs (e.g. Simon, 1951 ; Cyert et March, 1963) mettent en évidence que ces processus dépendent d’agents dont les préférences, les informations, et les connaissances ne sont pas communes, et que leurs décisions sont le fruit de la quête de la meilleure solution possible en raison de leur rationalité « limitée », « procédurale ».

Pour les partisans de la théorie managériale (e.g. Galbraith, 1967 ; Chandler, 1977), la firme est non seulement considérée comme un endroit où se gère l’information, mais aussi et surtout comme la place où se concentrent les ressources tangibles (équipements, produits, etc.) et intangibles (compétences des salariés, des managers, etc.), devenant ainsi un lieu de production d’innovation. La compétence de l’entreprise correspond alors à sa capacité à administrer ces ressources pour en tirer parti, et son objectif n’est plus de maximiser le profit mais de maximiser ses compétences et sa capacité d’organisation (Laperche, 2008 ; Laperche et Uzunidis 2011).

La théorie évolutionniste se base sur ce même caractère d’administration des ressources en proposant une vision selon laquelle les firmes sont considérées comme des « réservoirs de compétences », des organes d’administration et de traitement de ces compétences. Cette propriété est due à l’existence de règles et procédures tacites, de « routines », qui déterminent les performances des entreprises, et dont l’évolution explique leurs trajectoires. Ainsi, selon ce courant, les objectifs des agents ne portent pas sur des éléments précis, mais sont le résultat des « routines », en d’autres termes de l’expérience et des compétences construites (Laperche et Uzunidis, 2011).

Dans cette diversité des approches théoriques existence d’un objectif commun

Ce panorama des principales approches théoriques de la firme nous éclaire sur la grande variété des finalités pouvant être poursuivies par les entreprises, selon les différents angles d’analyses (cf. Tableau 4). Malgré cette apparente profusion d’objectifs, un objectif commun aux différentes acceptions émerge. Selon Laperche et Uzunidis (2011), les différents auteurs qui proposent d’autres objectifs que ceux liés au seul profit ont surtout pour dessein la critique

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de la maximisation de ce profit. Comme l’énoncent notamment les économistes de la mouvance managériale, l’objectif de réalisation de profit n’est en aucun cas exclu des analyses, au contraire même, il représente la condition élémentaire pour que d’autres finalités puissent être poursuivies (Ibid.).

Approche de

l’entreprise Question centrale Objectifs poursuivis

Théorie néoclassique

Firme = fonction de production, « Boîte noire »

Efficience du marché - Le producteur recherche la maximisation du profit Théorie des coûts de transaction Firme = structure de gouvernance, « hiérarchie » Raison d’existence de la firme et étude des transactions

- Possibilité d’opportunisme du fait des contrats incomplets : objectifs variés

Théories des droits de propriété

Firme = nœud de contrat

Répartition des droits de propriété

- Pas d’objectif propre de l’organisation

- Maximisation de l’utilité

Théorie de l’agence

Firme = nœud de contrat, « fiction légale »

Problème de coordination et d’incitation

- Pas d’objectif propre de l’organisation

- Maximisation de l’utilité

Théorie béhavioriste

Firme = organisation complexe

Etude des processus de

décisions - Principe de satisfaction

Théorie managériale

Firme = lieu de production de richesse, d’innovation

Structure du pouvoir

- Objectifs de la technostructure : autonomie, croissance, virtuosité technique (le profit reste la base)

Théorie évolutionniste

Firme = lieu de production de richesse, d’innovation

Etude de l’évolution de la firme

- Objectifs variés des groupes constituant l’organisation (le profit reste la base)

- Réponse à des routines

Tableau 4. Définitions et objectifs de l’entreprise dans les théories contemporaines (adapté de Laperche et Uzunidis, 2011, p.112).

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