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Phase 6 : Réalisation de deux entretiens supplémentaires, retranscription [Annexe 3] et analyse de ces deux entretiens durant le mois de novembre

C. Conditions de l’utilisation de l’humour 1 Nécessité de connaître le patient

Les médecins interrogés ont insisté sur le fait que, majoritairement, ils n’utilisaient pas l’humour avec les patients qu’ils ne connaissaient pas.

Dr C : Oui, mais d’emblée, je ne le ferais pas avec quelqu’un que je n’ai jamais vu.

Dr H : Bah, je dirais peut-être que l’on peut se laisser aller un petit peu plus à des propos, euh, un petit peu plus légers avec les personnes que l’on connaît, peut-être un peu plus que pour des nouveaux patients, par exemple.

21 Selon eux, il fallait qu’une relation de confiance soit préalablement instaurée avec les patients avant de pouvoir utiliser ce procédé de communication.

Dr B : Si c’est quelqu’un que je ne connais pas, j’essaye de me faire une idée de la personne qui est dans la salle d’attente. (…) Alors des fois, quand je vois les patients dans la salle d’attente, si c’est des gros gaillards, machin, tout ça, faut un peu que j’en impose un peu, donc, euh… J’essaye de ne pas trop sourire et puis d’avoir une poignée de main ferme, tu vois pour dire, euh, voilà. Et puis après, quand je vois, au fil de la consultation, qu’ils se détendent un peu, qu’ils me regardent un peu, qu’ils se disent, bon, ça va, elle, elle vient pas juste de débarquer, euh, là, on peut plus plaisanter.

Dr I : Desproges l’a dit, « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Bah, c’est un peu pareil en médecine, hein. Tu peux raconter des conneries sur un cancer de quelqu’un si tu le connais, si tu sais comment il réagit, s’il a confiance en toi.

Dr J : Parce que puisqu’il y a la confiance, on peut tourner les choses à l’humour.

2. Nécessité de s’adapter au patient

Les médecins généralistes interrogés ont insisté sur la nécessité de s’adapter au patient.

Dr G : Je vais m’adapter au patient. Celui qui est hyper guindé, hyper coincé, bon, bah, c’est tout ! Je vais mettre un peu les formes et je vais pas d’emblée plaisanter avec lui. Je vais m’adapter un petit peu à son profil.

Dr H : Bah, ça dépend de la personne que l’on a en face de soi, je pense qu’on ne peut pas le faire avec tout le monde.

En effet, selon les médecins interrogés, l’image du médecin était pour certains patients, celle de quelqu’un de sérieux, ce qui rendait l’utilisation de l’humour inadaptée.

Dr C : Parce que là, ils sont… ils viennent aussi au départ… entre guillemets, ils s'attendent vraiment à quelqu'un de sérieux qui ne va pas blaguer toutes les deux minutes et tout.

Dr F : Mais il faut toujours garder en tête qu’on, euh, et c’est ça le souci, c’est qu’on est censé être sérieux (…) parce qu’on a un rôle de responsabilité, un docteur ça doit être sérieux. Dr I : Mais après, voilà, l’image du médecin, c’est pas qu’un rigolard le médecin, non plus.

22 Certains médecins interrogés pensaient, en revanche, que leurs patients étaient dans la quête d’un médecin qui avait de l’humour.

Dr B : Mais quand il vient, on sent qu’il a pas envie de se plaindre, tu vois. Il a pas envie. Donc il vient et puis c’est plutôt lui qui déconne. C’est plutôt lui qui vient chercher de la déconne.

Dr E : Je pense qu’ils ont besoin de voir quelqu’un qui va de l’avant, qui est rigolo qui… Voilà, qui leur met un peu de baume au cœur, je pense. J’espère que je leur apporte ça.

Dr I : Attends, si tu es rigoriste, janséniste, avec les zygomatiques coupés, c’est pas cool, quoi, hein !! Si t’es plus détendu, tu vas être plus agréable pour ton patient.

Finalement, les médecins interrogés se sont entendus sur le fait que la patientèle d’un médecin se formait à son image. Selon les enquêtés, les patients avaient donc le choix de se tourner vers un médecin avec un caractère plus ou moins humoristique.

Dr A : Mais bon, si on n’est pas méchant, qu’on est naturel, après les gens, ils nous ressemblent, hein. Petit à petit, je pense que ceux à qui ça ne plaît pas, ils ne reviennent pas. Dr D : Y’en a peut-être qui ne le tolèrent pas. Ceux-là, je ne les revois peut-être pas d’ailleurs. Voilà, hein, on peut imaginer aussi qu’on construit sa patientèle en fonction de la façon dont on fonctionne.

Dr J : Alors, il y a aussi le fait qu’on a une patientèle à son image. (…) Euh, les miens, ils ont beaucoup d’humour, donc ça me va très bien. Mais, c’est peut-être aussi parce que j’ai de l’humour. Donc, y’a une symbiose qui se fait avec les patients.

3. Nécessité d’une affinité entre le médecin et son patient

Les médecins généralistes interrogés ont évoqué l’idée que ce procédé de communication était plus facilement utilisé si une affinité existait entre le médecin et son patient.

Dr A : Bon y’en a, voilà. Enfin, je vais pas dire que tu es froid mais, tu fais ton job, point, quoi et c’est tout. Et puis d’autres, voilà, tu les aimes bien quoi. Ça serait peut-être plus ceux- là avec qui tu fais de l’humour !

Dr I : Bah, déjà, j’aime bien raconter des conneries et blaguer avec des gens que j’aime bien. Donc déjà, y’a une affinité.

23 D. Un mode de communication parfois inopportun

Les médecins interrogés ont estimé que l’humour n’était pas un outil de communication adapté à toutes les situations, en particulier les situations de détresse physique ou morale et qu’il fallait s’en abstenir.

Dr A : Par exemple, cet après-midi, une dame qui venait pour une grossesse pas obligatoirement souhaitée et qui est un peu sur le fil de savoir si elle le garde ou pas. (…) Donc, là, on ne fait évidemment pas d’humour, c’est normal.

Dr B : Ce matin, j’ai vu une dame, que ça fait trois fois que je vois, qui est venue me voir la semaine dernière parce qu’elle voulait arrêter de boire. Alors, euh, c’est compliqué, parce que comment tu veux rigoler dans ce genre de situations ? Donc là, évidemment, c’est un peu plus, euh, délicat.

Dr C : Après, pas tout le temps non plus parce qu’il y a des choses qui nécessitent… euh, enfin des choses où l’humour est plutôt malvenu quoi. Par exemple, quand il faut annoncer à quelqu’un des résultats d’anapath et qu’ils ont un cancer de la langue comme hier, bon… L’humour, bof…

Dr D : Quand les gens, ils ne vont pas bien, je ne manie pas l’humour, euh (…) On peut manier le sourire sur les choses mais pas l’humour à ce moment-là. Voilà, on va pas jouer sur les mots, on va pas jouer sur les situations quand les gens vont vraiment pas bien et qu’ils sont venus parler de ce qui ne va pas.