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CHAPITRE IV: CRISTALLISATION

IV- 2.2.3.2 Condition non-isotherme

En premier lieu, l'analyse des thermogrammes non-isothermes présentés sur la Figure IV-8, montre un phénomène de recristallisation ou de cristallisation froide pour de nombreuses vitesses de refroidissement. L'observation de cristallisation froide lors de la deuxième chauffe est caractéristique d'une cristallisation incomplète lors du refroidissement. Ce comportement était prévisible au vu des résultats obtenus lors de la détermination du domaine de cristallisation (Figure IV-6). En effet, nous pouvions observer une forte diminution du pic de cristallisation en augmentant la vitesse de refroidissement alors que pour une cristallisation complète, l'inverse est attendu lorsque l'on travaille avec les flux de chaleur.

Si l'on regarde un peu plus en détail les thermogrammes, on s'aperçoit que plus la masse moléculaire est élevée plus le phénomène de cristallisation froide est présent. En effet, pour Mn 55000 le phénomène est observé dès 1°C/min alors que pour Mn7500 il se présente à partir de 6°C/min. Ce comportement est cohérent avec la théorie qui suppose que plus la masse moléculaire diminue plus la cinétique de cristallisation s'accélère.

Si l'on souhaite réaliser une étude cinétique approfondie et l'intégrer à une simulation, il est nécessaire de connaître les taux de transformation réels, ainsi que les enthalpies de cristallisation globaux pour chaque échantillon.

Si l'on reprend la définition du taux de transformation relatif dans le chapitre 1 (§I-2.3), celui-ci représente le taux d'occupation du volume par les entités cristallines ou le taux de cristallisation primaire. Il est égal à 1

lorsque le processus arrive son terme, c'est-à-dire lorsque le phénomène de compactage est terminé. Il peut également contenir une part de cristallisation secondaire correspondant à l'épaississement des lamelles cristallines en fin de transformation.

Sur la Figure IV-8, les pics de recristallisation lors du deuxième passage sont marqués par un retour à la ligne de base bien avant le pic de fusion, suggérant que le processus de cristallisation est arrivé à son terme. On peut donc penser que l'on a atteint un taux de transformation de 1 à la fin de la recristallisation.

En condition non-isotherme pour un taux de transformation de 1, on obtient généralement la même valeur d'enthalpie totale indépendamment de la vitesse de refroidissement. Ceci a par exemple été démontré par Kim et al. pour une série de polyester [171].

Si comme dans notre cas, la transformation n'est pas terminée lors du refroidissement mais se complète lors de la deuxième chauffe, alors la somme des enthalpies de cristallisation et de recristallisation correspondra à l'enthalpie totale de cristallisation.

En réalité, si l'on considère un refroidissement non-isotherme comme une succession de refroidissement isotherme. L'enthalpie de cristallisation non-isotherme représente approximativement la moyenne pondérée aux taux de transformation et à une température donnée, des enthalpies isothermes sur l'intervalle de température sur lequel se déroule le refroidissement.

Nous avons donc mesuré dans chaque cas, la température au pic de cristallisation (Tp), l'enthalpie de

cristallisation (∆Hc) et l'enthalpie de recristallisation (∆Hcc). Nous avons rapporté l'ensemble de ces valeurs

ainsi que la somme ∆Hc+∆Hcc dans le Tableau IV-3.

On remarque que les sommes ∆Hc+∆Hcc sont relativement consistantes sur la gamme de vitesse pour

l'ensemble des échantillons. Néanmoins, elles tendent à diminuer avec la vitesse de refroidissement. On note des écarts pouvant atteindre jusqu'à 10 J/g pour les faibles masses moléculaires.

Afin de comprendre ce phénomène, nous nous sommes intéressés aux valeurs de Tp mesurées. Elles indiquent que la cristallisation se déroule majoritairement dans une gamme de température où les deux formes cristallines coexistent (95°C<Tp<120°C). Selon les vitesses considérées, on aura donc des quantités

différentes de chacune des formes α et α' dans un échantillon.

En outre, si l'on observe plus en détail les thermogrammes sur la Figure IV-8, on constate qu'il existe une déformation sur le pic de cristallisation autour de 110°C, température proche d'une phase présentant 50% de chacune des formes cristallines (identifiée à Tc=108°C d'après l'Équation IV-1). Nous avons repéré cette déformation sur la Figure IV-8 par une bande grise sur chaque série de thermogramme. Ce phénomène est particulièrement évident pour les échantillons à partir de Mn 32000. En extrapolant le même raisonnement aux échantillons Mn 55000 et Mn 45000, on se rend compte que la même déformation peut être considérée. On notera également que cette déformation peut être observée sur les pics de recristallisation.

En mesurant l'enthalpie à l'équilibre des formes α et α', Kalish et al. [97] puis Rathi et al. [105] ont suggéré

qu'elles présentent des propriétés thermodynamiques différentes. Si l'on s'appuie sur cette hypothèse, nos résultats isothermes (Figure IV-10) vont également dans ce sens. En conséquence, il apparaît logique qu'un

échantillon contenant majoritairement de la forme α ait des propriétés thermiques différentes d'un échantillon contenant majoritairement de la forme α', et donc une enthalpie de cristallisation également différente.

On peut donc penser que la déformation du pic de cristallisation et les fluctuations d'enthalpies observées

sont probablement dues aux taux de formes α et α' présentent dans chaque échantillon. De plus, comme la

zone de déformation du pic de cristallisation ne varie pas ou varie peu avec la vitesse de refroidissement, on peut alors considérer que celle-ci est indépendante du temps et ne varie qu'avec la température. Ainsi

l'Équation IV-1 est également valable pour quantifier le taux des formes α et α' dans un échantillon cristallisé

en condition non-isotherme.

En conséquence, si l'on considère que l'on a atteint un taux de transformation de 1 à la fin de la deuxième

chauffe et que ∆Hc+∆Hcc représente l'enthalpie totale de cristallisation, il est donc possible d'estimer le taux

Équation IV-2

Les valeurs de sont également présentées dans le

Tableau IV-3.

Les taux de transformation relatif (α(T)) sont eux, obtenus par la méthode d'intégration présentée chapitre 2

(§II-4.2.1.3). Nous l'avons appliquée aux thermogrammes DSC entre 160°C et 60°C. Les temps de cristallisation correspondants sont calculés selon l'Équation IV-3, représentant une rampe linéaire.

Équation IV-3

Avec Tmax=160°C et φ la vitesse de refroidissement.

Les taux de transformation réels peuvent ainsi facilement être déduits par l'Équation IV-4.

Équation IV-4

A titre d'exemple, nous avons tracé sur la Figure IV-13 les taux de transformation relatif et réel en fonction de la température et les taux de transformation relatif en fonction du temps entre 0,5°C et 9°C/min, pour l'échantillon Mn 55000.

Figure IV-13. Taux de transformation relatif en fonction du temps et Taux de transformation relatif et réel en fonction de la température pour Mn 55000

Si l'on s'intéresse maintenant à l'évolution de l'enthalpie de cristallisation seule (∆Hc) avec la vitesse de refroidissement. On constate que la majorité des échantillons, excepté Mn 55000, présentent une valeur plateau à partir de 1°C/min. Cette observation est illustrée sur la Figure IV-14.

L'apparition d'une valeur plateau suggère que la cristallisation ait été complétée lors du refroidissement. Néanmoins, ce n'est pas le cas pour l'ensemble des échantillons si l'on se base sur les taux de transformation réel calculés. En effet, à partir de Mn 19000 même si le taux de transformation maximal ait été atteint, l'enthalpie de cristallisation mesurée continue à augmenter lorsque la vitesse de refroidissement diminue. Afin de mieux illustrer ce phénomène, nous avons ajouté sur la Figure IV-14 des marqueurs correspondant aux vitesses à partir desquels un taux de transformation de 1 est obtenu.

Si l'on reprend les observations précédentes ce comportement est très certainement lié au taux de formes α et α' contenu dans la phase cristalline formée.

Néanmoins, la description de ce phénomène demande un peu plus de détails. En effet, pour chaque masse moléculaire la zone de cristallisation est quasiment la même au vu des valeurs de Tp. On pourrait donc penser

que le taux de forme α et α' contenu dans chaque échantillon pour une vitesse de refroidissement donnée est

sensiblement le même. En réalité, il est nécessaire de considérer d'une part, l'aspect cinétique de la cristallisation des formes α et α' et d'autre part, l'influence de la masse moléculaire sur cette cinétique. D'après les résultats obtenus pour t1/2 en condition isotherme, il apparaît que la forme α' cristallise plus

rapidement que la forme α.

Par ailleurs, plus la masse moléculaire est faible plus la cinétique de cristallisation est rapide pour chacune des formes.

En conséquence, les observations réalisées à partir de Mn 19000 sont en réalité une combinaison de ces deux phénomènes. Ce qui explique pourquoi, à taux de transformation égal on obtient des écarts pouvant atteindre plus de 10 J/g selon la vitesse de refroidissement appliquée.