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2.3 La microscopie par cohérence optique plein champ (FF-OCM)

2.4.2 Concurrence

Comme on l’a vu à la partie 1.4, l’OCM n’est pas la seule technologie permettant d’imager les tissus en profondeur avec une résolution microscopique. Des systèmes basés sur d’autres technologies ont ainsi été commercialisés afin de fournir des images de qualité histologique aux dermatologues.

Le système le plus largement utilisé aujourd’hui par les dermatologues pour l’aide au diagnostic est un système de microscopie confocale, développé par Mavig : le Vivascope. Ce système permet d’obtenir des images en face in vivo à haute résolution latérale (< 1 µm), sur une profondeur jusqu’à ∼ 200 µm. La figure 2.29 présente des exemples d’images en face de peau humaine in vivo présentant des carcinomes basocellulaires, obtenues avec le

Figure 2.29 – Images en face de peau humaine in vivo présentant des carcinomes baso- cellulaires obtenues avec le Vivascope (Mavig) [83].

Figure 2.30 – Images en face de peau humaine saine in vivo obtenues à différentes pro- fondeurs avec le DermaInspect (JenLab) [85].

Vivascope. De nombreuses études cliniques ont mis en évidence l’intérêt de cet instrument pour le diagnostic et le suivi du cancer de la peau [83], si bien qu’aujourd’hui, aux Etats Unis, les actes d’imagerie utilisant cet instrument sont remboursés [84], participant à la large utilisation de la microscopie confocale par les praticiens.

Un système basé sur la microscopie non linéaire est également commercialisé : le Der- maInspect, produit par JenLab. Basé sur l’autofluorescence de la peau et la génération de seconde harmonique, il permet d’obtenir des images de qualité histologique de manière non invasive, in vivo, avec une résolution spatiale de 2 µm × 1 µm (axiale × latérale), mais sur des profondeurs relativement faibles (au maximum ∼ 150 µm). Par ailleurs, le champ d’observation du DermaInspect est bien plus faible que ceux des systèmes OCM ou de microscopie confocale (∼ 350 µm). La figure2.30présente un exemple d’image de peau humaine in vivo en face obtenue avec le DermaInspect. Malgré une technologie permettant d’avoir accès à une imagerie fonctionnelle inaccessible en microscopie confocale ou en OCT [85], le prix élevé de cet instrument, son faible champ et sa faible profondeur de pénétration limitent aujourd’hui sa diffusion.

Notons finalement que l’OCT conventionnelle, même si elle ne permet pas d’atteindre une résolution cellulaire dans la peau, permet de fournir des images intéressantes pour les dermatologues, et bénéficie de toutes les avancées développées à l’origine pour l’oph- talmologie. De ce fait, un système d’OCT conventionnelle a été développé par Michelson

Figure 2.31 – Image en coupe verticale de peau humaine saine in vivo obtenue avec le Vivosight (Michelson Diagnostics) [87].

Diagnostics spécialement pour la dermatologie : le Vivosight. Ce système, basé sur un sys- tème de SD-OCT à plusieurs faisceaux (multi beam OCT ), présente une grande profondeur de pénétration (∼ 1 mm) et un large champ d’observation (∼ 8 mm), mais sa résolution spatiale est de 5 µm × 8 µm (axiale × latérale). Cependant, ce système permet d’appor- ter une aide au diagnostic du carcinome [86], et est aujourd’hui utilisé dans un contexte clinique bien plus largement que les systèmes d’OCM. Sa résolution n’est cependant pas suffisante pour aider au diagnostic du mélanome à un stade précoce. La figure2.31présente un exemple d’image de peau humaine in vivo en coupe verticale obtenue sur le Vivosight. Notons aussi qu’une implémentation du Vivosight (Vivosight DX) permet d’obtenir, de manière non-invasive, des images des écoulements sanguins dans la peau.

2.5

Conclusion

En se fondant sur un filtrage interférométrique de la lumière rétrodiffusée par un échan- tillon, l’OCT a constitué une révolution dans le domaine de l’imagerie médicale optique. En effet, par sa grande sensibilité, l’OCT permet d’imager jusqu’à un millimètre en profon- deur dans les tissus, de manière non invasive et sans nécessiter de préparation des tissus, avec une haute résolution axiale. Son implémentation est de plus relativement simple, et facilement compatible avec des systèmes fibrées. Ces qualités ont imposées l’OCT comme une méthode d’imagerie médicale de référence, en particulier dans le domaine de l’oph- talmologie pour l’imagerie des couches de la rétine, en seulement quelques années. Cette adoption de l’OCT par les professionnels de la santé a par ailleurs contribué à un déve- loppement technique très rapide de cette méthode, la sensibilité, la vitesse d’acquisition et la résolution des systèmes étant constamment améliorée. En à peine 15 ans, les systèmes OCT sont passés d’acquisition dans le domaine temporel (TD-OCT) à quelques centaines de A-scans par secondes et de résolution axiale d’environ 10 µm à des acquisitions dans le domaine fréquentiel (FD-OCT) en utilisant des sources balayées en longueur d’onde, pouvant atteindre des vitesse de plus de 350.000 A-scans par seconde à des résolutions axiales de l’ordre du micron, avec une sensibilité d’environ 120 dB.

Un défaut de la majorité des systèmes OCT est cependant leur résolution latérale plus faible que leur résolution axiale, lié au fait qu’une large étendue d’imagerie axiale limite la résolution latérale en OCT. Afin de résoudre ce problème, des systèmes OCT utilisant des objectifs de microscope ont été conçus, appelés systèmes OCM, permettant d’obtenir des images à haute résolution axiale et latérale. La vitesse de ces systèmes est généra- lement lente du fait de l’utilisation de méthodes de refocalisation et d’acquisition point par point. Une méthode d’OCM, appelée microscopie par cohérence optique plein champ

toutes les deux de l’ordre du micron, en utilisant des objectifs d’ouverture numérique ∼ 0.3 et une simple lampe halogène pour l’éclairage. La vitesse d’acquisition d’un système FF- OCM est élevée du fait de la parallélisation de la détection, mais il est à noter que la vitesse d’acquisition du signal interférométrique est ∼ 1000 fois plus faible qu’en OCT conventionnelle. Ceci constitue la principale limitation de la FF-OCM, avec une sensibilité faible par rapport à l’OCT conventionnelle du fait de l’absence de filtrage confocale en FF- OCM, directement lié à l’utilisation d’un éclairage plein champ. Notons finalement qu’un élément essentiel d’un système FF-OCM est sa caméra, dont de nombreux paramètres sont cruciaux pour maximiser les performances du système.

Actuellement, l’OCM est principalement développé pour des applications en dermato- logie, un domaine dans lequel l’OCT commence a être utilisé et dans lequel l’OCM possède de nombreux avantages par rapport à l’OCT conventionnelle, en particulier le potentiel de produire des images de résolution similaire à des coupes histologiques. Plusieurs industriels commencent ainsi à s’intéresser au développement de systèmes OCM. Dans la suite de ce manuscrit, nous nous intéresserons au développement d’un système FF-OCM compact à très haute résolution pour l’imagerie dermatologique in vivo.

Développement d’un système

FF-OCM compact à éclairage LED

pour l’imagerie non invasive de la

peau in vivo

3.1

Introduction : état de l’art en imagerie FF-OCM in vivo

Du fait de la limitation de la FF-OCM en termes de vitesse d’acquisition, l’imagerie in vivoest encore peu répandue en FF-OCM. Cependant, de nombreux travaux ont contribué à développer des méthodes permettant d’aller vers l’imagerie in vivo en FF-OCM en aug- mentant la vitesse d’acquisition de cette méthode. On pourra distinguer deux approches différentes pour augmenter cette vitesse :

— les méthodes à décalage de phase instantané (single shot), dont l’objectif est d’ac- quérir simultanément les différentes images nécessaires à la démodulation du si- gnal interférométrique, et ainsi d’avoir une durée d’acquisition des images tomogra- phiques effectivement égale au temps d’intégration de la caméra.

— les méthodes « haute vitesse », correspondant à l’utilisation de sources et de caméras assez performantes pour atteindre des vitesses d’acquisition élevées, en conservant le schéma d’acquisition conventionnel de la FF-OCM.

La plupart des montages single shot utilisent des éléments polarisants pour séparer spa- tialement plusieurs images interférométriques décalées en phase, qui sont ensuite imagées simultanément par plusieurs caméras, ou par une unique caméra si le capteur de celle-ci est assez grand pour imager plusieurs images interférométriques ne se chevauchant pas. Des systèmes single shot à quatre images ont été développés [88, 89], ainsi que des sys- tèmes à deux images, utilisant une seule caméra [90] ou deux [91]. Ce dernier utilisait une source ayant une luminance assez importante pour atteindre une vitesse d’acquisition (des images interférométriques et tomographiques du fait de l’acquisition single shot) de 10 µs, permettant d’imager un têtard in vivo en mouvement.

Dans ces systèmes utilisant des éléments polarisants, des artefacts peuvent apparaitre si des échantillons modifiant la polarisation (échantillons biréfringents) sont imagés. Ainsi, des systèmes single shot en lumière non polarisée ont aussi été developpés, en exploitant la lumière (généralement perdue) transmise au niveau du cube séparateur dans un inter-

rentes images obtenues simultanément devant être parfaitement recalées en position et en intensité), et nécessitent plus d’éléments que les montages conventionnels de FF-OCM, les rendant difficilement compactables.

Les systèmes de FF-OCM haute vitesse ne souffrent pas de ces défauts, étant donné que leur conception et leur schéma d’acquisition est identique à celui du FF-OCM conven- tionnel. En utilisant une caméra CMOS (complementary metal oxide semiconductor) haute vitesse, une lampe à arc à Xenon et un algorithme à deux images, des images tomogra- phiques ont pu être acquises à une vitesse de 250 images/s [94], permettant d’imager le segment antérieur d’un œil de rat in vivo. En utilisant une caméra CMOS encore plus ra- pide et toujours un algorithme à deux images, une vitesse de 1500 images/s a été atteinte, avec un schéma d’éclairage cependant complexe [95]. Ce montage a permis d’imager de la peau humaine in vivo. Plus récemment, des images de peau humaine in vivo ont été obtenues sur un montage de FF-OCM conventionnel éclairé par une lampe halogène à une vitesse de 70 images/s, mais une stabilisation du sujet était nécessaire [96]. Un système FF- OCM basé sur un interféromètre de Mirau et une source fluorescente de haute puissance a aussi été conçu pour l’imagerie in vivo [78], et malgré un temps d’acquisition relativement long (230 ms), des images de peau humaine in vivo de haute qualité ont été obtenues. Cependant, la configuration Mirau souffre d’un certain nombre de défauts (voir la partie 2.3.4.3). De même un montage de FF-OCM à large champ en configuration Michelson a été développé pour l’imagerie in vivo des empreintes digitales internes [97]. La durée d’ac- quisition était appropriée pour l’imagerie in vivo, mais la résolution était limitée du fait de la configuration Michelson.

La majorité de ces systèmes n’ont pas été conçus de telle sorte à pouvoir être utilisés sur des systèmes portatifs, permettant de bénéficier pleinement de la capacité d’imager la peau in vivo en fournissant un outil capable d’imager n’importe quelle région d’intérêt de la peau d’un sujet en temps réel. Par ailleurs, la plupart utilisent des sources lumineuses chères et dont l’utilisation peut être compliquée. Nous nous proposons dans ce chapitre de décrire un système FF-OCM adapté à l’imagerie de la peau humaine in vivo, assez compact pour être implémentable sur un système portatif, utilisant une source lumineuse LED peu chère et très facile d’utilisation, et basé sur un montage de Linnik, ayant de nombreux avantages.

Ce chapitre sera ainsi scindé en trois parties : tout d’abord le développement du montage de FF-OCM simple et compact adapté à l’imagerie de la peau humaine, puis l’introduction d’un éclairage LED dans ce montage et sa comparaison à l’éclairage par lampe halogène,

Figure 3.1 – Montage FF-OCM construit selon le schéma « conventionnel », avec plusieurs degrés de liberté mécanique (ici motorisés).

conventionnel en FF-OCM, et finalement l’amélioration du montage afin que sa vitesse et sa sensibilité soient suffisantes pour l’imagerie de la peau in vivo.