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Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à l’effet de la dérégulation de la voie sonic hedgehog sur la réponse aux dommages de l’ADN afin de mieux comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires conduisant à une hyper-radiosensibilité et à une prédisposition élevée aux divers cancers chez les patients Gorlin. Pour ce faire, des fibroblastes de patients atteints du syndrome de Gorlin ont été utilisés en tant que modèle d’étude. En effet, ces cellules possèdent une mutation du gène PTCH1, acteur essentiel de la voie SHH entraînant une activation aléatoire de cette voie de signalisation jouant un rôle primordial dans le développement cellulaire, l’embryogenèse ainsi que l’organogénèse. Les défauts au niveau du développement retrouvés chez ces patients sont donc facilement liable à cette mutation. Toutefois, les patients Gorlin souffrent aussi d’une forte prédisposition à développer des cancers et plus particulièrement des carcinomes basocellulaires. Nos travaux ont permis de mettre en évidence une perturbation de la réponse aux dommages de l’ADN passant par une sous-régulation de l’expression génique des senseurs comme ATM et ATR. Jouant un rôle fondamental dans la balance survie/mort cellulaire, l’expression de p53 est aussi retrouvée fortement diminuée. Toutefois, l’analyse de l’apoptose n’a pas révélé de différence entre la lignée normale et les lignées Gorlin étudiées. Allant dans le sens d’une modulation de la réponse aux dommages de l’ADN, nos collaborateurs (Equipe M. MARTIN et Equipe J. LAMARTINE) ont retrouvé une dérégulation du cycle cellulaire en mettant en évidence un défaut des phases G2/M dans les cellules Gorlin. De plus, une dérégulation de la défense anti-oxydante des fibroblastes Gorlin a aussi été retrouvée. Mise en parallèle avec la baisse du système de réparation par excision de bases (BER), la réparation des dommages oxydatifs est donc impactée menant à l’apparition de cancers et notamment de carcinomes basocellulaires. Toutefois, l’étude des autres voies de réparation a aussi permis de mettre en évidence une absence de modulation de la cinétique de réparation des dimères de pyrimidines pris en charge par la voie de réparation d’excision des nucléotides (NER). Plus globalement, l’étude protéomique que nous avons pu mener nous a permis de dessiner une modulation plus globale de la physiologie cellulaire. Le métabolisme du glutathion, mais aussi la voie WnT sont retrouvés modulés dans la lignée Gorlin étudiée par rapport à la lignée contrôle. Le premier joue un rôle dans la protection cellulaire face au stress oxydant démontrant une nouvelle fois la perturbation de ce système de protection de l’intégrité cellulaire. La voie de signalisation WnT, quant à elle, joue un rôle important dans

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l’embryogenèse et la programmation cellulaire des cellules souches vers la différentiation ou la prolifération. Ainsi, une mutation d’un des acteurs de la voie de signalisation sonic hedgehog entraîne la perturbation de la voie WnT, allant à nouveau dans le sens de l’apparition de défaut du développement présents chez les patients Gorlin.

Cette étude a été menée sur des fibroblastes et non des kératinocytes, siège de l’apparition de ces cancers cutanés. Bien que l’importance du microenvironnement dans l’apparition des tumeurs ait été apportée par plusieurs études, il serait tout de même intéressant d’étudier la réponse moléculaire et cellulaire de ces cellules d’un point de vue basal et après exposition à des rayonnements ionisants. Ce genre d’analyse pourrait être complémenté par l’étude de peau reconstruite en 3 dimensions. Ce système de culture permet, en reconstruisant in vitro ce qu’il se passe in vivo, d’étudier les cellules responsables de la genèse des BCC dans leur environnement direct. Ainsi, il serait plus facile de comprendre le phénotype de prédisposition aux carcinomes basocellulaires observables chez les patients atteint du syndrome de Gorlin.

Afin de vérifier l’impact de la dérégulation de la voie BER dans les fibroblastes issus de patients atteints du syndrome de Gorlin, il serait intéressant de tester l’effet d’une surexpression d’un de ces acteurs, ou bien d’une des enzymes anti-oxydantes sous- exprimées. Si cette expérience permet de mettre en évidence une restauration de la sensibilité cellulaire à l’exposition aux rayonnements ionisants, alors un traitement en thérapie génique ou bien à base d’anti-oxydant pourrait être étudié pour permettre de rétablir un phénotype normal, ou tout du moins plus proche de la normale, chez les patients atteints de ce syndrome.

Une autre question qui est au cœur de ces travaux de recherche est celle des effets biologiques des faibles doses de rayonnements ionisants et le risque de cancers qui en découlent. L’étude de la survie clonale des fibroblastes Gorlin après irradiation à une faible dose révèle un accroissement de la mortalité. Cette hyper-sensibilité aux faibles doses de rayonnements ionisants n’avait encore jamais été décrite. Elle confirme le risque que courent ces individus s’ils devaient être exposés à des faibles doses dans un contexte environnemental ou médical.

Enfin, tout au long de cette étude, nous nous sommes principalement intéressés à l’effet des rayonnements ionisants γ sur les fibroblastes de patients Gorlin. Or, il a été prouvé que les rayonnements UVB et UVA, tous deux composants du spectre solaire,

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menaient à l’apparition des carcinomes basocellulaires. Ainsi, il serait intéressant d’étudier la réponse aux dommages de l’ADN suite à une exposition aux UVA ; nos études n’ayant pas montré de sensibilité des cellules Gorlin aux rayonnements UVB.

Pour finir, l’un des objectifs ultimes de notre laboratoire est l’identification de facteur biologique ou pharmacologique pouvant moduler les réponses aux dommages de l’ADN. La découverte de biomarqueur protéique pouvant prédire la radiosensibilité permettrait d’identifier facilement les personnes radiosensibles autorisant une meilleure adaptation des techniques d’imagerie médicale ou des traitements par radiothérapie pour ces patients afin d’éviter les effets indésirables à long terme. De plus, la découverte de ce genre de facteurs constituerait une cible thérapeutique des cancers radiorésistants comme les glioblastomes ou encore une cible préventive pour les personnes souffrant des effets indésirables de la radiothérapie. Enfin, l’identification de voies de signalisation responsables de la modulation de la réparation de l’ADNpourraient être utilisées à visée thérapeutique ou préventive contre les maladies engendrant une baisse de réparation.

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