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Chapitre 4 : Investigation phytochimique du lichen Stereocaulon paschale 77

3.   Travaux en cours et perspectives 98

3.3   Conclusion 102

L’isolation de l’extrait dichlorométhane de C. stellaris a permis d’apprendre les rudiments de l’extraction, l’isolement, la purification et l’élucidation de la structure de produits naturels. L’investigation phytochimique de cet extrait a aussi mené à l’isolation de six métabolites secondaires. Parmi ceux-ci, quatre ont été identifiés soient l’acide olivetolique, l’acide 4-O-méthylolivétocarboxylique, l’acide perlatolique et l’acide usnique. Malgré le fait que les quatre composés identifiés ne sont pas nouveaux, leurs activités biologiques demeurent très peu étudiées. De plus, l’activité anti-inflammatoire qui a été détectée pour l’extrait DCM de C. stellaris lors du criblage biologique a été associée principalement à l’acide perlatolique. Dans le cas des acides olivetolique et 4-O-méthylolivétocarboxylique, ils seront synthétisés pour poursuivre l’étude de leurs propriétés anti-inflammatoires (chapitre 5). L’élucidation de la structure des deux molécules non identifiées devra être terminée étant donné que ces composés ne semblent pas être rapportés dans la littérature pour les lichens Cladonia. Finalement, l’investigation phytochimique des extraits méthanol de C. mitis et C. stellaris pourra être poursuivie en effectuant un fractionnement par MPLC pour tenter d’isoler des composés minoritaires qui n’ont pas été isolés pour l’extrait DCM du lichen C. stellaris.

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Chapitre 4 : Investigation phytochimique du lichen Stereocaulon paschale 1. Avant-propos

1.1 Généralités sur le genre Stereocaulon 3,4

Le genre Stereocaulon comprend à ce jour 130 espèces qui ont été identifiées. Parmi ceux- ci seulement environ 40 espèces et sous-espèces ont été étudiées phytochimiquement, car leur identification est très complexe en raison de la morphologie très variable au sein du genre stereocaulon. La classification scientifique du genre Stereocaulon est présentée au tableau 10. Le photobionte des lichens Stereocaulon peut être une cyanobactérie, mais il est habituellement une algue verte unicellulaire du genre Trebouxia.

Tableau 10. Classification scientifique des lichens Stereocaulon Classification Règne Fungi Division Ascomycota Classe Ascomycètes Ordre Lecanorales Famille Stereocaulaceae Genre Stereocaulon

La morphologie du thalle des lichens du genre Stereocaulon est de type complexe, c’est-à- dire qu’ils sont initialement formés d’un thalle primaire est de type squamuleux sur lequel un thalle secondaire de type fruticuleux croît. Contrairement au genre Cladonia, ce sont des tiges pleines qui forment le thalle très ramifié. Les extrémités des tiges sont formées d’apothécies qui ont une forme de coupe de couleur brun-bourgogne tandis que les tiges sont de couleur gris-blanc et peuvent avoir une teinte légèrement rose comme dans le cas de l’espèce S. paschale.102

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Les lichens Stereocaulon ont habituellement une distribution circumpolaire dans l’hémisphère nord. Dans le cas de l’espèce S. paschale, elle est très répandue au Canada à l’Est, sur les côtes du Pacifiques et dans les régions arctiques. Le lichen S. paschale a aussi été répertorié dans la partie nord des États-Unis, en Europe (Finlande, Suède et Norvège), en Indonésie et au Japon.103,104 Les lichens de genre Stereocaulon sont généralement

retrouvés sur des sols rocheux, légèrement acides. De plus, ils sont très répandus en haute altitude dans des régions froides et même dans les régions chaudes et humides.

1.2 Précédents de la littérature : métabolites isolés et activité biologique

Une investigation des métabolites qui ont été isolés des lichens du genre Stereocaulon et de leur activité(s) biologique(s) a été effectuée en cherchant dans la littérature à l’aide des bases de données SciFinder et DNP (Dictionary of Natural Products). Notre revue de littérature est principalement basée sur les recherches du groupe de Joël Boustie qui ont largement contribué à l’investigation des lichens du genre Stereocaulon.3,4 La revue de

littérature détaillée des composés de la voie des acétates polymalonates est présentée à l’annexe 8.

On démontre au total soixante-seize composés lichéniques qui ont isolés et identifiés parmi les 40 espèces de lichen du genre Stereocaulon. La moitié de ces métabolites proviennent de la voie biosynthétique des acétates polymalonates (52 %) alors qu’environ le quart et le cinquième appartient respectivement à la voie mévalonate (28 %) et aux métabolites primaires (20 %) (sucres, acides gras). Pour le moment et au meilleur de nos connaissances, aucun métabolite appartenant à la voie de l’acide stictique n’a été isolé et identifié du genre

Stereocaulon. Les depsidones (11/40) et les diphényléthers (13/40) sont les deux types de

composés les plus souvent isolés dans les lichens Stereocaulon, chacune de ces classes de métabolites représente environ 1/3 du nombre total de métabolites issus de la voie des acétates polymalonates. Le dernier tiers est composé des composés monoaromatiques (6/40), des depsides (6/40) et des dibenzofuranes (3/40).

Les acides lobarique, stictique et norstictique sont les trois depsidones qui ont été le plus souvent isolées des lichens Stereocaulon investigués. Le depside atranorine a été identifié

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dans 19 espèces différentes de lichen du genre Stereocaulon, il est ainsi le métabolite le plus fréquemment isolé des lichens de ce genre malgré le fait que les depsides sont une classe de métabolite très peu présente. L’haematommate de méthyle et le β-orcinol carboxylate de méthyle sont les deux unités monoaromatiques qui mènent à la formation de l’atranorine, c’est pourquoi elles sont les deux unités les plus rapportées pour le genre

Stereocaulon. Pour terminer, dans le cas des diphényléthers qui représentent la plus grande

classe de métabolites, neuf des treize diphényléthers ont identifiés du lichen S. azoreum par Gonzalez et al. Cette classe n’est peut-être donc pas très représentative de la composition des lichens Stereocaulon.

Des investigations phytochimiques du lichen S. paschale ont été effectués précédemment et ont menés à l’identification de trois composés monoaromatique : l’haematommate d’éthyle, le β-orcinol carboxylate de méthyle et l’haematommate de méthyle. Des propriétés antioxydantes, antimicrobiennes et anti-tumorales ont aussi été rapportées pour l’extrait méthanol de S. paschale, les composés responsables de ces activités n’ont toutefois pas été identifiés. En effet, les propriétés biologiques des métabolites lichéniques des lichens

Stereocaulon demeurent très peu étudiées. Les composés les plus fréquemment isolés des

lichens Stereocaulon ont été plus étudiés biologiquement puisqu’ils sont habituellement les composés majoritaires des lichens. Par exemple, pour l’acide lobarique qui est la depsidone la plus rencontrée, des propriétés antimitotiques,105 antimicrobiennes,106 antioxydantes,6

inhibitrices de PTP1B,25 anti-inflammatoires (Cox et 5-LO) 107 et anticarcinogènes lui ont

été associées.72 Des propriétés antioxydantes, antimicrobiennes, anticarcinogènes ont aussi

été rapportées pour l’acide norstictique alors que la depsidone acide stictique serait neuroprotective et antioxydante.72 Dans le cas de l’atranorine qui est le métabolite le plus

fréquent, il a été déterminé que ce depside possède des propriétés antivirales (hépatite C),108

inhibitrices de PTP1B,25 cytoprotectives, antimicrobiennes et anticarcinogènes.72 Des

activités intéressantes ont aussi été rapportées pour les métabolites de types diphényléthers (pseudodepsidones) : antimicrobiennes,106 anti-inflammatoire (TNF-α et NF-κB) 109 et

inhibition de PTP1B.25 Finalement, certains composés monoaromatiques isolés des

Stereocaulons sont connus pour être antifongiques, antibactériens, antioxydants et

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2. Résultats et discussion: étude du lichen Stereocaulon paschale 2.1 Préparation des extraits bruts

La macération avec gradient de polarité a été utilisée pour extrait le lichen Stereocaulon

paschale afin d’effectuer une première séparation des composés à extraire selon leur

polarité. Des pourcentages d’extraction de 0,29 %, 2,5 % et 5,4 % ont respectivement obtenu pour l’hexane, le dichlorométhane et le méthanol. Cette technique d’extraction a permis d’extraire environ 8,2 % de la masse sèche lichen ce qui est excellent puisqu’en général, les métabolites lichéniques constituent entre 0,1 et 5 % de la masse sèche d’un lichen.2 Selon les masses des extraits bruts obtenus, les métabolites contenus dans S.

paschale ont pour la majorité une polarité assez élevée puisque la masse de l’extrait

méthanol représente 66 % de la masse totale extraire et ceux de polarité intermédiaire constituent 30 %. Seulement 390 mg d’extrait brut hexane contenant des métabolites peu polaires a été obtenu ce qui représente seulement 4 % de la masse totale extraite.

Tableau 11. Préparation des extraits bruts du lichen S. paschale Lichen sec (g) Solvant Masse de l’extrait (g) Extraction (%) 130,7 Hexanes (3 x 600 mL) 0,39 0,29 DCM (4 x 600 mL) 3,22 2,5 MeOH (4 x 600 mL) 7,01 5,4

2.2 Criblage biologique des extraits brut

Les extraits dichlorométhane et méthanol ont été premièrement soumis à l’essai de l’inhibition de la voie de signalisation du facteur de transcription nucléaire NF-κB. Pour les deux extraits, une excellente viabilité des macrophages a été obtenue, mais de très faibles pourcentages d’inhibition ont été mesurés à une concentration de 20 µg/mL. Selon ces résultats, les extraits ne contiendraient pas ou en très faible quantité des métabolites ayant une activité anti-inflammatoire.

Dans le cas de l’essai mesurant l’induction de la synthèse de la quinone réductase, une très faible activité a été mesurée pour l’extrait dichlorométhane. Il a été mentionné

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précédemment à la sous-section 2.3 du chapitre 3, que le rapport doit être supérieur à 2,0 pour être considéré actif. Il pourrait ainsi être pertinent de tenter d’isoler et d’identifier les composés cytotoxiques envers les cellules Hepa-1c1c7 (quinone réductase) de l’extrait dichlorométhane. Pour les deux extraits, aucune cytotoxicité n’a été détectée lors de la détermination de la viabilité des cellules. Une viabilité supérieure à 100 % a même été obtenue pour l’extrait méthanol. Parfois, les composés peuvent stimuler la croissance des cellules, ce qui explique ce résultat.

Tableau 12. Criblage biologique des extraits bruts du lichen S. paschale

Extrait (µg/mL) Conc. (% inhb.) NF-κB Viabilité (%) Activité Hepa QR 1c1c7

Viabilité

(%) Activité

SP DCM 20 34 89 - 2,21 100 +

SP MeOH 20 0 91 - 1,36 106 -

x: toxique + : actif au test biologique - : aucune activité

2.3 Analyse de l’extrait brut par HPLC-PDA-ESI-TOF-HRMS

L’extrait méthanol a été choisi pour effectuer notre première étude phytochimique approfondie du lichen Stereocaulon paschale en raison de la probabilité élevée qu’il contient des produits naturels bioactifs. En effet, des propriétés antioxydantes, antimicrobiennes et anticancéreuses ont été rapportées précédemment dans la littérature pour l’extrait MeOH de S. paschale.102 L’échantillon méthanolique a aussi été choisi, car le

plus haut rendement d'extraction a été obtenu pour cet extrait (5,4%, 7,01 g) lors de la macération avec gradient de polarité. Les extraits bruts sont souvent composés de plusieurs métabolites minoritaires en très faible concentration, il est ainsi plus facile de les isoler en assez grande quantité pour les caractériser par RMN lorsqu’une grande quantité d’extraits bruts est disponible.

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Figure 29. (A) Analyse de l’extrait MeOH de S. paschale par HPLC-PDA. (B) Analyse de l’extait brut par HPLC-TOF-HRMS en mode négative. (C) Analyse de l’extait brut par HPLC-TOF-HRMS en mode positive.

Un échantillon de l’extrait MeOH a d’abord été analysé par HPLC-PDA et HPLC-PDA- ESI-TOF-HRMS afin de déterminer le nombre de composés dans l’extrait et de tenter d’identifier des composés connus dans la littérature à partir des spectres UV et des masses moléculaires qui sont déduites de la masse des ions moléculaire ([M]+) et de la masse des

fragments. En comparant le spectre UV de chaque métabolite avec les données spectrales dans la littérature, les composés 4 et 5 ont été associés respectivement au β-orcinol carboxylate de méthyle et à l’haematommate de méthyle (figure 29).4,110 Ces dérivés

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Stereocaulon.4 Dans le cas du profilage des métabolites de l’extrait par HPLC-ESI-TOF-

HRMS, des informations importantes sur les masses moléculaires potentielles des composés ont été obtenues. Les ions qui ont été obtenus pour le composé 6 en mode d’ionisation négative et positive à 429,1919 m/z [M-H]- et 431,2041 m/z [M+H]+, peuvent

être associés au composé sakisacaulon A, une pseudodepsidone isolée du lichen

Stereocaulon sasakii.105 À partir des chromatogrammes B et C de la figure 29, des masses

moléculaires de 412, 442, 444, 456 et 488 ont pu être déduites des ions protonés et déprotonés détectés dans l’intervalle entre 35 et 43 min. Des diphényléthers (pseudodepsidones) correspondants à ces masses moléculaires ont été précédemment identifiés dans le lichen Stereocaulon azoreum.111 À partir des ions à 455,1750 m/z [M-H]-

et 457,1885 m/z [M+H]+ détectés à 46 min, le composé 13 a pu être corrélé à l’acide

lobarique, une depsidone bien connue chez les espèces du genre Stereocaulon.4 Lors de

l’ionisation en mode négatif, les ions à 243,0677, 287,0579 et 301,0370 m/z ont été obtenus respectivement pour les composés 1, 2 et 3. Aucune de ces molécules déprotonées n’a été encore rapportée pour le genre Stereocaulon, ce qui semble indiquer que nous sommes en présence de potentielles molécules inédites.

2.4 Isolation et identification des métabolites

L’extrait méthanol (2,5 g) a été fractionné par chromatographie liquide à moyenne pression afin d’isoler et d’identifier tous les 13 métabolites qui ont été détectés par HPLC-PDA (figure 29). Une mise à l’échelle efficace de la HPLC à la MPLC a été réalisée en convertissant les conditions d’élution utilisées en HPLC. En plus, d’être basée sur les paramètres géométriques des colonnes, la méthodologie de transfert implique les équations de la chromatographie, ce qui permet d’assurer une sélectivité similaire et une prédiction précise de la séparation.34 Le fractionnement de l’extrait MeOH a mené à l’isolation et

l’identification de 11 métabolites lichéniques connus en plus de deux nouveaux composés de type dibenzofurane. Les composés 4, 5 et 13 ont été obtenus avec une excellente pureté directement du fractionnement par MPLC sans purification supplémentaire. Les structures du β-orcinol carboxylate de méthyle (4) et de l’acide lobarique (13) ont été élucidées par cristallographie aux rayons X, RMN 1D-2D et HRMS (annexes 10, 11, 15 et 16).25,112 Le

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complète par RMN et spectrométrie de masse haute résolution (annexes 10 et 11).25 Il a été

rapporté dans la littérature que les composés monoaromatiques 4 et 5 peuvent être des artéfacts du depside atranorine qui sont formés lors du processus d’isolation.112 Le lien ester

du depside peut être facilement clivé lorsque chauffé en présence d’alcool tel que le méthanol.111 Aucune trace de l’atranorine (374 m/z) n’a toutefois été détectée avant et après

l’isolation. Il semblerait ainsi que les composés 4 et 5 sont naturellement présent dans le lichen S. paschale.

Les fractions mixtes 104-134 (A), 140-168 (B), 273-287 (E), 288-292 (F), 303-313 (G) et 314-328 (H) ont été purifiées par HPLC semi-préparative ce qui a mené à l’isolation à l’échelle du milligramme de 10 composés qui ont été caractérisés par HRMS et RMN (1H, 13C, COSY, HSQC, HMBC, NOESY) (annexes 10 et 11). Les huit métabolites connus

suivants ont été identifiés : l’acide isostrepsilique (2),113 le sakisacaulon A (6),105 la

lobarine méthylée (7),106 la lobarine estérifiée (8),111 le sakisacaulon méthylé (9),111 le

sakisacaulon A estérifié (10),111 l’anhydro sakisacaulon (11) 111 et l’acide norlobarique (12)

(figure 30).4 Les composés 6 à 12 sont structurellement liés à l’acide lobarique (13) qui est

le constituant majoritaire de l’extrait méthanolique. L’acide norlobarique (12) est le dérivé non méthylé de l’acide lobarique, la seule différence est qu’il ne possède pas de groupement méthoxy (figure 30).

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2.5 Élucidation de la structure des composés inédits

Les dibenzofuranes 1 et 3 ont été caractérisés par spectrométrie de masse haute résolution (HRMS) et par RMN (1H, 13C, HSQC, COSY, HMBC, NOESY). Les données spectrales

obtenues pour les composés 1 et 3 lors des expériences de RMN 1H, 13C sont présentés au

tableau 13 tandis que les spectres RMN et HRMS figurent respectivement aux annexes 10, 12 et 13. L’élucidation des structures est détaillée ci-après.

Le composé 1 a été isolé sous la forme d’un solide blanc gris avec une bonne pureté suite à la purification par HPLC semi-préparative (annexe 14). L’analyse par HPLC-ESI-TOF- HRMS a permis de détecter une molécule déprotonée à 243,0662 m/z [M-H]- qui

correspond à la formule moléculaire C14H12O4 (calculé pour C14H11O4-, 243,0663). Dans le

cas des études RMN, les spectres 1H et HSQC ont révélé la présence d’un groupement

méthyle (δH/δC 2,83/21,7), un hydroxyméthyle (CH2OH, δH/δC 5,03/63,7) et quatre signaux

aromatiques à 6,87 (1H, d, J = 2,23 Hz, H1), 6,81 (1H, d, J = 2,26 Hz, H2), 6,71 (1H, d, J =

2,17 Hz, H3) et 6,58 (1H, d, J =1,79 Hz, H4). L’analyse du spectre RMN 13C a permis de

déduire que la structure contient deux cycles aromatiques par la présence de douze signaux dans la région aromatique (δC 90-160 ppm). Deux autres signaux ont été détectés sur le

spectre 13C à 63,9 et 21,8 ppm, qui correspondent respectivement à des groupements

méthylène (C14) et méthyle (C15). Dans le spectre 1H, des constantes de couplage d’environ

2 Hz ont été obtenues pour les doublets correspondants aux quatre protons aromatiques. Il est ainsi possible de conclure que les cycles aromatiques A et B contiennent chacun deux protons aromatiques qui sont en position meta l’un de l’autre. Un dibenzofurane a été proposé pour la structure du composé 1 en se basant sur les déplacements chimiques de quatre carbones aromatiques qui sont caractéristiques d’un furane. Les carbones C1 (δC

157,9), C2 (δC 157,8), C7 (δC 115,7) et C8 (δC 114,8) correspondent respectivement aux deux

carbones de la liaison éther (C-O-C) et de deux carbones de la liaison C-C. Le spectre UV du composé 1 (218, 239, 256 et 309 nm) concorde également avec une structure de dibenzofurane (figure 29). Des spectres UV similaires ont été obtenus pour l'acide norascomatique (ou acide hypostrepsilique), l'acide hypostrepsilalique et la strepsilline, trois dibenzofuranes qui ont été précédemment isolés à partir de culture du mycobionte des lichens Evernia esorediosa, S. japonium et S. evolutum Graewe (figure 29).4,114,115

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Les corrélations COSY ont permis d’identifier la présence des protons H1 (δH 6,87), H2 (δH

6,81) et de l’hydroxyméthyle (H5 δH 5,03) sur le cycle aromatique (A) alors que les protons

H3 (δH 6,71), H4 (δH 6,57) et le méthyle (H6 δH 2,83) sont sur le cycle aromatique (B). Les

spectres RMN 1H et 13C du composé 1 ont montrés des similitudes étroites avec des

données analogues pour l'acide isostrepsilique (2), un dibenzofurane préalablement isolé de la culture du mycobionte d’Usnea orientalis (tableau 13).113 Comparé à l’acide

isostrepsilalique (2), le spectre 1H du dibenzofurane 1 affiche un proton aromatique (H4)

supplémentaire sur le cycle aromatique B. Ces données spectrales suggèrent que le composé 1 est un dérivé de l’acide isostrepsilalique où la fonction acide carboxylique du cycle B est remplacée par un proton (H4). De plus, en se basant sur les ressemblances

structurelles et la formule moléculaire (C14H12O4), un substituant hydroxy a été assigné sur

chacun des cycles aromatiques.

Tableau 13. RMN 1H et RMN 13C des composés 1 à 3 et des acides hypostrepsilalique

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La forte corrélation observée entre les protons H5 et H6 lors de l’expérience NOESY 1D, a

permis de positionner sur le même côté de la dibenzofurane les groupements hydroxyméthyle (H5) et méthyle (H6). Ils sont respectivement sur les carbones C5 et C6

adjacents aux carbones C8 et C7 du lien C-C (figure 31). Les corrélations HMBC entre les

protons H6 (CH3-C6) et les carbones C7 (δC 115,7), C6 (δC 132,4) et C9 (δC 113,4) et celles

entre les protons H5 (CH2OH-C5) et les carbones C10 (δC 111,6), C8 (δC 114,8) et C5 (δC

134,6) ont également conduit à la localisation univoque du méthyle et de l’hydroxyméthyle. L’assignation des protons aromatiques H1 (H1-C10) et H4 (H4-C9) respectivement en positon

ortho de l’hydroxyméthyle (H5-C5) et du méthyle (H6-C6) a été obtenue par les corrélations

HMBC suivantes : H1 interagit avec C13 (CH2) alors que H4 interagit avec les carbones C14

(CH3) et C7 (C-C). Les positions de H1 et H4 ont aussi été confirmées par l’expérience de

NOESY 1D où des corrélations entre H5 (δH 5,03) et H1 (δH 6,87) et entre H6 (δH 2,83) et

H4 (δH 6,57) ont été observées (figure 31). Il a été déterminé précédemment que les protons

H1 et H2 du cycle aromatique A et que les protons H4 et H3 du cycle aromatique B sont en

position meta l’un de l’autre. En se basant sur cette information, H2 et H3 ont été

positionnés sans équivoque en para de l’hydroxyméthyle (CH2OH-C5) sur le carbone C11 et

en para du méthyle (CH3-C6) sur le carbone C12. Pour terminer, les substituants hydroxy

ont été attribués sur les carbones C4 et C3 en raison du déplacement chimique

caractéristique de ces carbones aromatiques et en se basant sur les interactions de type HMBC entre le carbone C4 et les protons H1 et H2 et entre le carbone C3 et les protons H3 et

H4 (figure 31).

Figure 31. Corrélations HMBC et NOESY pour les dibenzofuranes 1 et 3

Le composé 3 a été obtenu par HPLC semi-préparative sous la forme d’un solide blanc avec une bonne pureté (annexe 14). Lors de la caractérisation par HPLC-ESI-TOF-HRMS une molécule déprotonée a été détectée à 301,0362 m/z [M-H]- (annexe 13). À partir de ce

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rapport masse sur charge, la formule moléculaire C15H10O7 a été déduite (calculé pour

C15H9O7-, 301,0364). L’analyse des spectres 1H et HSQC a permis de déterminer la

présence d’un méthyle (δH/δC 2,69/21,4) et de trois signaux aromatiques à 6.89 (s, H3), 7,01

(d, J = 2,26 Hz, H2) et 7.06 (d, J = 2,25 Hz, H1). De façon analogue au composé 1, la

structure du composé 3 a été établie comme étant un dibenzofurane en se basant du spectre UV (figure 29), les quatre signaux carbones caractéristiques d’un furane et la présence de douze carbones aromatiques entre 90 et 160 ppm. Trois autres carbones ont été détectés sur le spectre RMN 13C à 173,1, 171,6 et 21,4 ppm correspondant respectivement aux deux

acides carboxyliques (C1 et C2) et au substituent méthyle (C15). Les protons H1 et H2 ont été

déterminés comme étant une paire de protons-meta en raison des constantes de couplage de 2,3 Hz qui ont été obtenus pour les doublets correspondants à ces deux protons aromatiques. Le proton H3 a été attribué sur le cycle aromatique B en raison de l’absence de

corrélations avec les protons-meta qui ont plutôt été assignés sur le cycle aromatique A. Les spectres RMN 1H et 13C du composé 3 ont montrés des similitudes étroites avec des

données analogues pour l'acide hypostrepsilalique (tableau 13).114 La principale différence

détectée pour le spectre RMN 13C est la présence d'un acide carboxylique (C

2 δC 171,6) au

lieu d'un aldéhyde (δC 192,8) pour le cycle aromatique A. Le composé 3 serait donc un

dérivé de l'acide hypostrepsilalique où la fonction aldéhyde du cycle A est remplacée par acide carboxylique (C2). Un substituant hydroxy a été assigné sur chacun des cycles

aromatiques en se basant sur les ressemblances structurelles et la formule moléculaire (C15H10O7).

La présence du proton H3 (δH 6,89) et du méthyle (H4, δH 2.68) sur le même cycle

aromatique (B) a été indiquée par les corrélations HMBC des protons H4 et H3 avec les

mêmes carbones aromatiques (C11 δC 112,4, C9 δC 116,6, C4 δC 159,0 et C3 δC 160,1) et le

carbone C1 (δC 173,1) de l’acide carboxylique. Le substituent méthyle (C15) a été assigné

sur le carbone (C7) adjacent au carbone C11 du lien C-C tel que démontré par les

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