Dans CREAM-III, 3 sous-détecteurs peuvent être utilisés pour mesurer la charge des particules : les
deux plans de SCD ainsi que CherCam. Au-delà de Z=2, la résolution de la charge est une gaussienne
dans chaque sous-détecteur (pour le SCD, la distribution est proche d’une distribution de Landau
convoluée avec une gaussienne pour Z=1 et Z=2). La figure 6.12 montre les distributions des charges
mesurées (aussi appelées spectres de charge) par les 3 sous-détecteurs. On constate que les résolutions
des deux plans de SCD sont similaires tandis que la résolution de CherCam est sensiblement moins
bonne. À titre d’exemple, les résolutions de la mesure de la charge de l’oxygène sontσ
bottom= 0.27,
σ
top= 0.26etσ
CherCam= 0.40. Pour le groupe d’éléments B, C, N et O, CherCam apporte donc peu
d’informations. On peut toutefois envisager une utilisation future pour la reconstruction des flux de
protons et d’hélium, voire même de lithium et de béryllium. En effet, on constate que dans les SCD,
6.4 Conclusion : spectres en charge des 3 sous-détecteurs
FIGURE6.11 – Résolution sur la mesure de la charge de l’oxygène dans CherCam.
les distributions des protons et des héliums possèdent des queues qui se propagent jusqu’aux charges
∼ 5. Elles proviennent des fluctuations dans les dépôts d’énergie dues à leur nature stochastique.
Pour une énergie déposée moyenne fixée, la distribution de l’énergie déposée s’apparente à une loi de
Landau. Dans le cas de CherCam, à basse charge, la résolution est principalement gouvernée par la
fluctuation sur le nombre de photons détectés qui est de nature poissonnienne. Une telle fluctuation
ne produit pas la queue de distribution observable dans les plans du SCD. Un tel avantage pourrait
être exploité pour la reconstruction des flux de lithium et de béryllium, pour lesquels la contamination
dans les SCDs due aux protons et aux héliums est extrêmement importante. En attendant, dans cette
analyse CherCam joue un rôle important dans l’estimation des efficacités d’identification des top et
bottom SCD. Puisque sa mesure de charge est indépendante, on peut créer des échantillons de chaque
espèce qui peuvent être utilisés pour tester la réponse au passage de ces charges à travers le bottom et
le top SCD. Afin de créer des échantillons suffisamment purs, deux sous-détecteurs sont nécessaires,
et puisque l’on ne peut pas utiliser le même détecteur pour créer les échantillons et mesurer sa réponse,
au total 3 détecteurs sont indispensables. Tout ceci sera expliqué en détail dans la section 8.2.
Quatrième partie
Comme nous l’avons vu dans la section précédente, la mesure des flux et des rapports du
rayon-nement cosmique est l’objectif de l’expérience CREAM. Dans cette partie, nous nous consacrerons
à la reconstruction des flux et des rapports avec les données du troisième vol de CREAM ayant eu
lieu entre le 19 décembre 2007 et le 17 janvier 2008. La mesure prioritaire est la mesure du rapport
bore sur carbone, dont l’estimation passe par la reconstruction des flux B et C. La méthode d’analyse
est suffisamment générique pour reconstruire d’autres flux tels que ceux de l’azote et de l’oxygène.
Par ailleurs, nous verrons que connaître ces flux nous permet de contrôler la contamination due aux
azotes et aux carbones mal identifiés. La contamination due à l’hydrogène et à l’hélium est a priori
beaucoup moins probable, cependant leurs abondances sont beaucoup plus grandes que celles des
autres éléments et au final leur contamination n’est pas négligeable. On calculera donc aussi les flux
d’hydrogène et d’hélium. Ces flux serviront aussi à contrôler la procédure d’analyse car ils pourront
être comparés avec ceux issus de l’analyse des flux H et He effectuée par la collaboration.
La formule du flux
Un flux représente le nombre de particules d’une espèce donnée passant à travers une surface de
détection par unité de temps, de surface, d’énergie et d’angle solide. Si le flux est homogène, isotrope
et stationnaire, son expression s’écrit :
ϕ(E) = < N
tot>
∆E·T ·GF
où< N
tot>représente le nombre moyen de particules d’énergie comprise entreE etE+ ∆Equi
passent à travers le détecteur pendant un tempsT. La quantitéGF représente le facteur géométrique
du détecteur, c’est-à-dire l’intégrale de son angle solide sur toute la surface de détection. On ne mesure
pasN
totmais seulement une fraction pour plusieurs raisons. D’abord, certaines particules passent à
travers le détecteur sans déclencher l’acquisition. La fraction d’évènements déclenchant l’acquisition
se nomme efficacité de déclenchement ϵ
trig. D’autre part, pour certains évènements, l’information
enregistrée par les détecteurs n’est pas suffisante pour identifier la charge et l’énergie de la particule et
ces évènements sont rejetés de l’analyse. La fraction d’évènements gardés est nommée efficacité des
coupuresϵ
cut. Pour une réalisation de l’expérience, qui correspond à un nombreN(E)d’évènements
gardés dont l’énergie est comprise entreEetE+ ∆E, on utilise comme estimateurϕ˜(E)du flux, la
formule suivante :
˜
ϕ(E) = N(E)
∆E·T˜·GF˜ ·˜ϵ
trig·˜ϵ
cut(6.4)
où les variables avec le tilde correspondent à un estimateur des variables sans le tilde.
En pratique, la mesure deN(E)n’est pas immédiate pour deux raisons principales. Les détecteurs
possèdent des résolutions finies et il est possible de commettre des erreurs dans l’attribution de la
charge et de l’énergie des particules. Lorsque la charge est mal reconstruite, une particule peut-être
identifiée comme une autre, on parle de contamination des espèces. La mauvaise reconstruction de
l’énergie peut impliquer qu’une particule soit placée dans le mauvais bin en énergie, on parle de
convolution de la distribution des évènements avec la réponse en énergie du détecteur. Pour obtenir
Nous avons vu lors de l’étude sur la propagation du rayonnement cosmique que sa composition était
modifiée lors de la propagation par l’interaction de ce dernier avec la matière du milieu interstellaire
via le processus de fragmentation. Le même phénomène se produit lors de la traversée de
l’atmo-sphère et même dans les parties du détecteur situées au-dessus des détecteurs sensibles. Connaissant
la composition du détecteur et de l’atmosphère, on mettra en place une procédure permettant de
retro-propager les flux en dehors de l’atmosphère afin d’obtenir les flux finaux.
Cette partie est donc organisée comme suit. On commencera par estimer le temps de vol T de
l’instrument. Ensuite, on procédera à l’identification des particules en leur attribuant une charge et
une énergie, puis on déconvoluera de la résolution en énergie du détecteur. On évaluera et supprimera
alors la contamination des éléments et on appliquera les efficacitésϵ
cut. On obtiendra alors les flux au
niveau du détecteur en estimant et en corrigeant de l’acceptance du détecteur (GF˜ ·˜ϵ
trig). Il ne restera
plus qu’à rétro-propager les flux hors de l’atmosphère pour obtenir les flux finaux.
Chapitre 7
Reconstruction de la distribution en
énergie des évènements sélectionnés
7.1 Sélection des données et calcul du temps d’exposition
La première étape consiste à sélectionner les lots de données prises pendant une période où le
détecteur était stable. On voudra ensuite calculer la durée correspondante à ces périodes.
7.1.1 Sélection des périodes stables
Les données sont agencées par paquets ayant chacun une durée de∆T = 3000 s(qu’on appellera
une période). On définit les périodes stables comme celles ayant un taux de déclenchement proche
de celui attendu. Le taux de déclenchement correspond au nombre moyen d’évènements pendant une
seconde. Il est estimé à partir du nombre d’évènementsN
∆Tpar période : Rate =N
∆T/∆T.
On calcule ensuite les moments d’ordre un et deux de la distribution des taux de déclenchement de
l’ensemble des périodes. Cette distribution (en bas) ainsi que le taux de déclenchement en fonction
du temps (en haut) sont représentés sur la figure 7.1. Sur la figure supérieure, on peut voir deux
pé-riodes où le détecteur a un taux de déclenchement anormal qui peut être dû à un dysfonctionnement
dans un des sous-détecteurs. On observe aussi des périodes durant lesquelles aucun évènement n’est
enregistré. Hormis ces périodes, on constate sur la figure du bas que la distribution des taux de
dé-clenchement est relativement gaussienne. Cette gaussienne est de moyenne0.54 Hzet d’écart-type
0.03 Hz. Les périodes sont gardées pour l’analyse si leur taux de déclenchement est à moins de 3
sigmas de la moyenne. Les périodes gardées représentent 25.7 jours de données, soit94.5%du temps
total de vol.
7.1.2 Calcul du temps d’exposition
La durée cumulée des périodes stables ne représente pas le temps actif du détecteur. Il faut aussi
prendre en compte le temps mort qui suit l’acquisition de chaque évènement. Comme nous l’avons
vu dans la partie précédente, CREAM est équipé de deux systèmes de déclenchement de
l’acquisi-tion : déclenchement par le calorimètre et déclenchement par le TCD. Dans cette analyse, nous nous
consacrons uniquement aux évènements déclenchés par le calorimètre. Après l’acquisition d’un
évè-nement, il existe une période pendant laquelle l’acquisition d’un nouvel évènement est bloquée pour
que le système d’acquisition de CREAM enregistre l’évènement courant et que chaque détecteur soit
à nouveau opérationnel. Le temps d’exposition n’est donc pas simplement la durée intégrée de toutes
les périodes stables, mais doit être corrigé du temps mort. Pour cela, CREAM est équipé de plusieurs
FIGURE7.1 – En haut : taux de déclenchement en fonction du temps. En bas : distribution des taux
de déclenchement.
horloges et la mesure de la fraction de temps mort est effectuée régulièrement par l’électronique
embarquée et enregistrée par le logiciel d’housekeepingqui permet de contrôler les paramètres de
l’instrument et des détecteurs (température, tension, temps mort ...). Dans cette étude, le temps
d’ex-position est calculé pour chaque période stable puis intégré sur l’ensemble des périodes. Pour chaque
période stable, la durée d’exposition est calculée comme le produit du temps total de la période∆T
et de la fraction de temps opérationnel moyen intégré durant cette période< ϵ
actif>. La durée de la
période est prise comme l’intervalle de temps entre le premier et le dernier évènement de la période
et la variable de temps utilisée estCRM_TimeInSec.
On moyenne la fraction de temps opérationnel car ces périodes sont longues devant l’intervalle de
temps entre deux acquisitions des donnéeshousekeeping(∼5 s), si bien que la valeur de cette fraction
peut varier durant la période. Dans les évènementshousekeeping, c’est la variableHSK_LiveToTotalRatio
qui contient l’information sur la fraction de temps mort. En intégrant sur l’ensemble des périodesi,
le temps d’expositionT et la fractionF de temps opérationnel s’écrivent :
T =
Nperiodes∑
i=1∆T
i< ϵ
actifi>
= 2203250 s = 25.5 jours
et
Dans le document
Mesure et phénoménologie du rayonnement cosmique avec l'expérience CREAM
(Page 125-134)