• Aucun résultat trouvé

Conclusion : le Service de parcs de Montréal, un service de son époque

Chapitre 3 : 1953 à 1966 Le Service des parcs de Montréal : la société du loisir

3.4 Conclusion : le Service de parcs de Montréal, un service de son époque

C’est donc dans un contexte d’évolution importante que s’inscrit notre première période d’analyse et que se met en branle le Service des parcs de Montréal. On peut conclure que cette période est particulièrement marquée par la notion de loisir et le sens que lui donnent les acteurs de cette période. Cela se traduit par l’aménagement de nouveaux parcs et de centres récréatifs, le réaménagement des parcs existants et la création de nombreuses activités ayant comme

objectifs l’apprentissage et le développement des plus jeunes par leur introduction aux arts, à la culture et aux sports. Elle est aussi marquée par la sécularisation du loisir qui permet l’accès à des sports ou à des activités sans finalité prosélytique. Ces deux éléments correspondent en tous points aux enjeux et aux changements qui marquent les années d’après-guerre, les premières années de la Révolution tranquille et, de manière corollaire, l’organisation des activités par le Service des parcs de Montréal. À travers les discours que renferment les documents d’archives, on comprend la multiplicité d’aspects que renferme la notion de loisir ainsi que sa fonction dans les activités de ce service municipal. On observe que les parcs ne sont pas aménagés ou gérés comme étant une fin en soi, mais comme un moyen d’éveil culturel, esthétique et intellectuel de la jeunesse et un moyen d’orienter la moralité au sens de l’époque. La notion de loisir apparaît parallèlement à une augmentation du temps libre des populations occidentales, à une mutation du milieu culturel de la majorité francophone montréalaise et aux intérêts moralisateurs de la nouvelle administration municipale montréalaise.

Ces considérations se retrouvent dans le contexte d’après-guerre, de baby-boom et de Révolution tranquille. La guerre a eu de bonnes retombées pour l’économie montréalaise grâce à ses industries manufacturières de différents ordres (Polèse 2012, 972-973). En parallèle, les avancées technologiques de la guerre amènent leurs lots d’innovation. Le Québec et sa métropole vivent alors un deuxième essor d’industrialisation et d’urbanisation (Turgeon 1999, 46). Cela a pour effet d’amener un nombre grandissant de Québécois à s’installer dans la région montréalaise. Le territoire urbanisé de la métropole augmente considérablement entre 1944 et 1961 et les premières banlieues planifiées font leur apparition (Poitras 2012, 901; Séguin et al. 2012, 1147). Les projets autoroutiers et le pouvoir d’achat de la nouvelle classe moyenne permettent aux Montréalais de devenir propriétaires hors de la ville centre et même hors de l’île (Latouche 2012, 1269). Ainsi, bien que l’on parle d’un exode rural au profit des villes, la population de la ville-centre à Montréal diminue au profit des autres secteurs de l’île et même de l’extérieur de l’île (Poitras 2012, 901). C’est dans ce contexte d’évolution économique et démographique que s’inscrit l’accroissement des parcs et l’évolution du loisir dans la métropole québécoise des années 1940 à 1960. Le Service des parcs de Montréal souhaitait répondre à de nouvelles demandes inhérentes à ces transformations sociales.

Les années de politique axée sur les valeurs traditionnelles ont mené paradoxalement à une « société moderne et laïque délivrée des entraves posées par des institutions vétustes » (Gingras et Nevitte 1983, 691). Bien que les valeurs traditionnelles n’aient pas été annihilées avec l’élection du parti libéral à la fin des années 1950, il s’agit sans équivoque d’un vent de

changement au niveau institutionnel. Ceci est caractérisé par une « révolution culturelle », c’est- à-dire l’adhésion des Québécois et des Québécoises à un ensemble de valeurs progressistes pour l’époque et par une atrophie des institutions cléricales (Gingras et Nevitte 1983, 693). C’est dans ce contexte que sont organisées les nouvelles activités du Service des parcs de Montréal : théâtre, ateliers d’artisanat, spectacle de musique, parade et autres activités ludiques. Elles se portent garantes, sans atteindre l’idéal, de ses nouvelles valeurs émergentes dans la société. Cela s’observe à travers les discours portant sur les thèmes de l’esthétisme, d’éducation visant les plus jeunes, de culture et de moralité. De plus, elles s’inspirent de modèles de loisir en vogue dans les pays où l’urbanisme est plus développé qu’au Québec, principalement les États-Unis.

Pour revenir à une de nos questions de recherche, soit celle de la présence de la dimension d’équité environnementale dans les représentations véhiculées par les acteurs municipaux, rien ne traduit une intention explicite et nette dans les politiques ou discours publics d’atteindre une équité dans la distribution spatiale des parcs et des activités organisées sur le territoire montréalais. L’analyse des documents de cette période ne permet pas d’établir que Claude Robillard et les autres acteurs publics gravitant autour du Service des parcs de Montréal avaient un souci explicitement formulé de distribuer équitablement les parcs et les activités sur le territoire. Les parcs ont néanmoins été la cible d’un discours où figuraient des préoccupations pour les populations pauvres sans que le Service des parcs ne poursuive clairement une politique d’aménagement équitable de parcs dans tous les quartiers urbains et notamment dans les plus pauvres. Inversement, nous n’avons pas repéré de politiques, de discours ou d’actions posées par les acteurs politiques du Service des parcs menant à une discrimination d’une catégorie particulière de population dans la distribution des parcs ou des activités qui y étaient organisées.

Si l’on ne peut inférer de l’analyse des discours concernant les parcs montréalais, l’existence d’un souci explicite pour l’équité distributionnelle des parcs, on peut toutefois conclure que les enfants comme groupe cible, et la diffusion de la culture, l’esthétisme et la sécurité ont été des priorités pour Robillard.

CHAPITRE 4 : 1967 À 1991 - LES DISCOURS SUR LES PARCS ET LES