• Aucun résultat trouvé

La lecture des programmes de différents classe de lycée nous a permis de montrer la vision spécifique de l’enseignement des suites en classe de 1ère L par rapport aux autres sections. Dans cette classe, la notion de suite est abordée dans le contexte culturel ou historique. Ainsi, elle est présentée comme un moyen de « modéliser » les types de croissances pour comprendre certains phénomènes (l’accroissement ou la diminution d’une population, l’évolution d’un capital placé à intérêts, etc.). Dans les autres sections, la notion de suite introduite par une approche plus mathématique avec une définition plutôt formelle relative à la notion de fonction, où les calculs sur l’expression algébrique sont explicites.

En classe de 1ère L, l’utilisation du tableur est incitée pour générer des valeurs des suites à partir de la définition par récurrence et pour les représenter graphiquement. Cette utilisation apparaît comme la compensation de l’absence d’éléments théoriques dans le contenu mathématique de cette classe. Cependant dans les autres sections le tableur est plutôt utilisé pour l’illustration au début de l’étude de la notion.

Tall (1997) fait une schématisation d’approches possibles pour l’étude des concepts de l’analyse à trois niveaux (Figure 18). Le premier niveau

‘real-world calculus’ consiste dans une approche ‘enactive’ dans laquelle les notions prennent un sens par les activités humaines (par exemple les élèves ont déjà un sens de la

vitesse de leur expérience de la vie quotidienne). Selon Tall ce premier niveau construit une base intuitive pour le deuxième niveau ‘theoritical calculus’. Ce deuxième niveau est établi par les approches numériques, symboliques et visuelles. Le dernier niveau ‘analysis’ constitue une approche formelle plus élevée. Selon notre analyse, nous constatons qu’en classe de 1ère L, le contenu mathématique reste plus proche du niveau ‘enactive’ et le tableur compense l’absence de représentations ‘directement’ calculables. Dans les classes de 1ère S et Terminale S (et partiellement en ES) ce qui est en jeu c’est la transition du niveau ‘enactive’ au niveau ‘theoritical calculus’ en

ANALYSIS formal Mathematical

analysis THEORITICAL CALCULUS Graphic Symbolic Numeric REAL-WORD CALCULUS Enactive Elementary calculus

appliquant toutes les approches de ce niveau. Le tableur est incité par le programme pour réaliser ce passage.

Le tableur prend aussi une place dans la classe de 1ère L conformément aux objectifs généraux dans l’enseignement des mathématiques. Il s’agit d’une formation informatique de base pour les élèves en leur faisant acquérir les connaissances initiales d’un logiciel bureautique plus répandu.

Dans le programme d’accompagnement, les exigences institutionnelles concernant l’acquisition des élèves pour l’utilisation du tableur sont considérées comme ‘très modeste’ par rapport aux autres sections. Malgré une utilisation systématique demandée, les tâches des enseignants sont considérées comme triviales. Les rédacteurs du programme estiment que les enseignants peuvent vite acquérir la maîtrise nécessaire à l’usage visé du tableur dans cette section : « […] en première L, les exigences du programme en matière informatique sont modestes, un entraînement relativement rapide de chaque enseignant devrait lui permettre de remplir son contrat. »

L’analyse de manuels nous montre une diversité d’approches dans l’interprétation et dans l’application du programme concernant l’utilisation du tableur ainsi que dans la façon d’aborder les notions de suite et de croissance :

 dominance des activités en papier/crayon et quelques exercices/problèmes sur tableur (très peu de changement par rapport à l’ancien programme)

 dominance des activités en papier/crayon dans le manuel mais un dispositif secondaire sur Internet et sur CD proposant des activités sur tableur

CHAPITRE 3

I.Une observation « naturaliste »

Pour répondre à notre problématique, la méthodologie de l’observation choisie doit prendre en compte le fonctionnement réel de la classe. Notre recherche porte donc sur le déroulement habituel des séances. C’est pourquoi, nous n’intervenons pas dans la mise en œuvre du projet du professeur ni dans le processus de préparation de ce projet, ce qu’il convient de nommer comme une observation « naturaliste 28».

Nous avons rencontré des enseignants et leur avons présenté notre recherche et demandé de nous recevoir dans leurs classes afin d’y mener nos observations. Lors de la première entrevue, il a été décidé que les enseignants nous invitent dans leurs classes quand ils vont commencer à étudier le sujet mathématique -les suites- auquel nous nous intéressons.

Les enseignants observés

Nous avons choisi deux enseignants ayant une bonne expérience professionnelle, mais présentant des profils assez différents. Les deux professeurs observés possèdent une trentaine d’années d’expérience dans le métier. Le premier professeur a déjà enseigné en classe de 1ère L avant le changement du programme et il enseignait au moment de nos observations pour la première fois avec ce nouveau programme. Le deuxième professeur enseigne dans cette section depuis le changement du programme.

Les rapports des professeurs aux outils informatiques se différencient également. Le premier enseignant n’a aucune expérience sur l’utilisation des TIC dans l’enseignement. Le deuxième participe depuis une dizaine d’année aux travaux de l’IREM sur les TICE et elle a beaucoup d’expérience pour l’utilisation des outils informatiques dans l’enseignement. Nous allons donc nommer les enseignants selon leur rapport aux TICE.

28 suivant la terminologie utilisée par Coulange, L. (2000), Etude des pratiques du professeur du double point de vue écologique et

économique. Cas de l’enseignement des systèmes d’équations et de la mise en équations et de la mise en équation en classe de troisième”,

Les deux professeurs enseignent dans deux établissements de profil différent : le lycée du premier professeur est situé dans un arrondissement de Paris et celui de l’autre est situé dans une banlieue sud de Paris.

Les séances observées

Nous avons choisi comme sujet mathématique la notion de suite. Selon le programme officiel, cette notion doit être abordée dans un chapitre nommé ‘type de croissances’. Ceci nous a conduit à observer les séances portant aussi bien sur la notion de croissance que sur la notion de suite.

Le recueil de données

Les observations ont été réalisées environ pendant trois mois. Elles ont débuté au début de janvier 2003 et ont duré à peu près jusqu’à la fin du mois de mars. Les séances ont été enregistrées à l’aide d’un micro-cravate relié à un magnétophone porté sur l’enseignant pour conserver sa mobilité habituelle et pour accéder aux échanges entre l’enseignant et les élèves. Nous avons filmé aussi les séances et particulièrement les écrans des ordinateurs à l’aide d’un caméscope numérique pour mieux comprendre les échanges entre l’enseignant et les élèves en suivant les actions sur l’ordinateur. Nous avons complété notre recueil avec des données sur le travail des élèves comme nous le préciserons dans le dernier paragraphe.

Nous avons eu un entretien avec les deux enseignants. Nous leur avons posé des questions sur les aspects généraux de leurs classes, sur leur formation, sur l’enseignement en classe de 1ère L, sur leurs points de vue relatifs à l’utilisation des TICE, etc. Au début des observations, nous avions comme projet de faire de petites interviews avant chaque séance pour nous rendre compte du projet du professeur, mais nous avons remarqué que c’était une tâche très difficile à réaliser en raison de l’intensité de l’emploi de temps des enseignants et du fait que nous disposions de très peu de temps entre deux cours des enseignants. Finalement nous avons essayé d’avoir des échanges avant et après le cours mais il faut noter que le contenu de ces échanges varie notablement d’une séance à l’autre et d’un enseignant à l’autre.

Il nous semble qu’il n’est pas possible d’étudier les pratiques du professeur sans prendre en compte le travail des élèves. Les pratiques des enseignants ont un effet sur le travail des élèves et réciproquement, ce dernier peut influencer les pratiques des enseignants. Nous avons donc suivi le travail des élèves dans la limite du possible : nous avons enregistré tous les fichiers des élèves sur l’ordinateur dans une classe. Nous avons eu aussi des copies de l’épreuve d’entraînement au baccalauréat des élèves de la même classe. Nous n’avons pas eu la même possibilité pour l’autre classe.