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Après le réchauffement climatique, longtemps jugé comme constituant le principal problème environnemental du XXIe siècle, les experts s'alarment à présent du taux d'extinction particulièrement élevé de la biodiversité et des écosystèmes, à tel point que cet enjeu environnemental est désormais estimé tout aussi critique que celui du réchauffement global de la planète. En effet, les taux d'extinction n'ont jamais été aussi élevés, des espèces disparaissent avant même d'avoir été découvertes, d'autres n'existent plus à l'état sauvage quand certaines atteignent des seuils probablement critiques en deçà desquels elles ne seront plus à même de se multiplier à nouveau. Les principales causes de ces pertes découlent des activités humaines, gourmandes en espace et sources de pollutions multiples. Les espèces voient ainsi leurs habitats se raréfier, se morceler et parfois disparaître. Plus qu'un enjeu environnemental, le réchauffement climatique constitue également un facteur de perte pour certains écosystèmes et les espèces qui y vivent.

Face à ce constat fortement préoccupant, les États se sont réunis à Johannesburg lors d'un sommet mondial dédié aux questions environnementales, et se sont mis d'accord pour freiner l'érosion de la biodiversité pour l’année 2010. La question qui se posait alors était celle des actions à mener pour atteindre cet objectif, ces actions devant conduire, comme toujours, au meilleur résultat possible pour l'environnement au moindre coût économique. Des groupes de travail réunissant des spécialistes de plusieurs disciplines se sont succédés pour réfléchir ensemble à ces questions. Globalement, l'objectif de ces groupes de travail était focalisé sur l'identification des actions à mener à l'échelle macroéconomique ainsi que sur les moyens disponibles pour estimer leur coût économique et leur impact probable sur l'environnement. Si certains des concepts retenus, telle l'orientation de ces estimations sur les services éco systémiques, peuvent être conservés au niveau microéconomique, ce n'est pas le cas des actions identifiées, spécifiques à l'échelle macro. Or, la lutte contre l'érosion de la biodiversité doit se faire à tous les niveaux, y compris au niveau local des projets d'aménagement. D'autant plus que, bien souvent, les décideurs locaux doivent faire face à un arbitrage constant entre les orientations nationales visant à atteindre les objectifs environnementaux globaux et l'impact de ces orientations sur l'environnement et l'économie locale, parfois contradictoires. Des outils économiques d'aide à la décision sont alors nécessaires pour aider les décideurs locaux à prendre la meilleure décision.

Malheureusement, lorsque l'on traite de questions environnementales, les outils d'évaluation économique classiques ne sont pas pertinents. Cela est dû au caractère de bien public de la plupart des actifs environnementaux et à la défaillance des marchés associés à ce type de biens, conduisant à une mauvaise allocation des ressources environnementales. Aussi, des outils spécifiques ont-ils été créés afin de pallier ces défaillances et d'attribuer une valeur à ces actifs. Ces méthodes, qu'il s'agisse de méthodes par préférences déclarées ou révélées, fonctionnent plutôt bien lorsqu'il est question d'évaluer des actifs environnementaux que les agents connaissent bien comme l'eau ou des actifs touchant à leur santé. Elles atteignent cependant leurs limites lorsqu'il s'agit de traiter de biens et services environnementaux complexes, comme par exemple une zone humide, que les agents connaissent mal et qu'ils ne sont pas capables d'appréhender dans leur ensemble en tenant compte de tous les services rendus. La question de recherche posée est alors : comment améliorer l'évaluation économique des milieux et des impacts supportés par ces milieux de sorte à les intégrer aux processus décisionnels ?

Pour répondre à cette question, nous nous sommes inspirés d'une méthode d'évaluation par équivalence, la méthode HEP, développée aux États-Unis dans le cadre du Mitigation Banking. L'objectif initial de cette méthode consiste à déterminer la taille des mesures compensatoires nécessaires pour compenser entièrement l'impact d'un projet. L'intérêt de cette méthode réside, selon nous, dans l'utilisation d'une unité non monétaire, l'unité d'habitat, permettant d'obtenir une équivalence en nature entre les dommages causés et les mesures de compensation mises en œuvre. Les principales limites de la méthode HEP et du Mitigation Banting résident dans l'application effective des mesures compensatoires, qui n'ont pas toujours été une réussite, ou dans certains problèmes posés par le système de marché. Le principe d'évaluation en lui-même n'est pas directement remis en cause. Or, c'est justement ce principe que nous reprenons dans notre méthode HEP "adaptée".

L'idée de la méthode "adaptée" consiste à utiliser le coût de mise en œuvre des mesures compensatoires "idéales", c'est-à-dire celles permettant de compenser entièrement les impacts d'un projet, comme mesure du coût environnemental du projet. Le développement de la méthode "adaptée" a été envisagée à partir d'un cas d'application sur une zone pilote, la Sebkha d’Oran, choisie du fait de l'existence de certaines données éco systémiques du terrain nécessaires. La méthode "adaptée" reprend tout d'abord les étapes suivies par la méthode d'origine, une première fois pour estimer l'impact environnemental du projet, puis une

seconde fois pour déterminer la taille des mesures compensatoires à mettre en œuvre pour compenser cet impact. La divergence principale à ce stade est l'intégration des services éco systémiques au cœur de la méthode, telle que recommandée par les groupes de travail internationaux. Le coût de mise en œuvre de ces mesures compensatoires "idéales" est ensuite estimé et correspond au coût environnemental du projet d'aménagement.

Contrairement à la méthode d'origine, notre méthode "adaptée" a vocation à évaluer le coût environnemental d'un projet, de façon à intégrer ce coût dans l'analyse coûts-bénéfices. Les mesures compensatoires restent donc hypothétiques, évitant de ce fait la plupart des écueils rencontrés par la méthode d'origine apparaissant principalement lors de la mise en œuvre de ces mesures. La plupart des critiques pouvant être faites sur la méthode "adaptée", telle qu'elle est présentée ici, concernent la validité écologique de certaines hypothèses. En effet, le manque de certaines données environnementales et les limites de nos connaissances relatives aux espèces et aux milieux naturels, ne nous ont pas permis d'obtenir des résultats chiffrés valides. Les résultats obtenus sont donnés uniquement à titre d'illustration de la méthode. Ces limites ne remettent toutefois pas en cause la validité économique de la méthode et le principe d'utiliser une unité non monétaire pour estimer l'impact environnemental du projet sur la base de l'impact effectivement supporté par les milieux. Il n'en reste pas moins que celle-ci peut être amélioré à plusieurs titres pour conduire à de meilleurs résultats.

Tout d'abord, la méthode telle qu'elle est conçue peut évoluer à mesure que les connaissances se développent au gré des recherches, tant au niveau de la liste des services éco systémiques que de la sélection des espèces d'évaluation (fonction notamment des connaissances touchant aux liens entre les espèces et les services éco systémiques). Ensuite, un recours à des experts écologues et naturalistes permettrait d'améliorer le modèle HSI utilisé (en déterminant les bons indicateurs de qualité à employer), l'estimation des impacts attendus du projet sur les milieux naturels, la prévision des conditions futures sur la zone de compensation (c'est à-dire les bénéfices attendus des mesures de compensation) et l'identification des mesures de compensation adaptées au regard des impacts estimés. Enfin, il serait bon d'approfondir les recherches quant à l'intégration éventuelle de coûts supplémentaires (comme le coût de suivi des mesures ou une somme dédiée aux mesures correctrices potentiellement nécessaires), aux adaptations à apporter à la méthode pour lui

de coupure) et aux questions spécifiques soulevées par la mise en œuvre réelle des mesures de compensation une fois le projet accepté (soit les contraintes techniques, écologiques et juridiques en découlant).

L'évaluation de notre méthode et de sa capacité à atteindre l'objectif fixé à l'origine, à savoir une meilleure estimation du coût environnemental d'un projet d'aménagement, reste à effectuer. Le coût environnemental obtenu grâce à l'application de notre méthode "adaptée" au site de notre étude "sebkha" a été comparé aux résultats obtenus via la mise en œuvre d'une évaluation contingente et d'une analyse conjointe. Ces premières comparaisons semblent, a priori, favorables à notre méthodologie. En effet, celle-ci attribue aux actifs environnementaux une valeur plus importante que celles obtenues par les deux autres méthodes (une fois les résultats rapportés à une durée de vie et à une taille comparables). Toutefois, cette comparaison est loin d'être suffisante pour tester la validité de notre méthode. Comme nous l'avons vu, une telle comparaison nécessiterait, pour être significative, une étude plus approfondie dudit site, intégrant notamment l'aide des écologues, ainsi qu'une application de la méthode d'évaluation contingente (ou d'une autre méthode d'évaluation) à des types de terrain et des populations analogues à ceux étudiés dans notre méthode "adaptée". Quant à savoir si cette meilleure prise en compte des actifs environnementaux dans le processus décisionnel pourrait venir modifier les résultats des analyses coûts-bénéfices, nous ne pouvons le dire. Le coût environnemental ne constitue qu'un élément de l'analyse, d'autres coûts, mais aussi d'autres bénéfices (y compris des bénéfices environnementaux) sont également à prendre en compte. Cela étant dit, la zone de la grande sebkha, constituée principalement de zones humides et semi arides à la fois, n'est pas des plus sensibles. Aussi la sensibilité des résultats aux types de terrain impactés constitue-t-elle un axe de recherche qui reste à explorer.

Annexes

Annexes

Annexe A : Les programmes d'étude, bases de données et classification américaines Annexe B : Les programmes d'étude, bases de données et classification européennes Annexe C : La base de données locale (BD-OCS)

Annexe D : La classification des couvertures terrestres présentes sur la zone pilote Annexe E : Les inventaires faunistiques et floristique

Annexe F : Les liens espèces - milieux Annexe G : Les liens espèces - services

Annexe H : Les schémas illustrant les liens milieux - espèces puis espèces - services Annexe I : Les calculs détaillés des unités d'habitat cumulées pour chaque espèce cible

Annexe A

Les programmes d'étude, bases de données