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8.1 Des réponses à nos questions de recherche, vraiment ?

Arrivées à ce stade de notre travail, nous allons reprendre nos questions de recherche et voir si nous avons trouvé quelques pistes de réflexions pour y répondre partiellement.

En fonction des différents dispositifs, qu’est-ce qui a été appris par les étudiants ?

Suite aux comparaisons des résultats des pré-tests et post-tests, nous avons constaté que les étudiants ont amélioré leurs connaissances en bureautique, quelle que soit la formation. S’agit-il de connaissances ou de compétences ? L’étudiant est-il capable de mobiliser et d’actualiser les savoirs en situation selon Perrenoud (1994) ?

Par rapport aux résultats des certifications, la certification visaTICE évaluant les connaissances des étudiants dans une mise en situation (compétences), a montré que les étudiants formés avec cette formation ont obtenu de meilleurs résultats que les étudiants formés avec MEDIAplus. Il ressort que la formation MEDIAplus permet d’acquérir des savoir-faire sur les logiciels de la suite MS-Office.

Nous n’avons pas prévu d’évaluer tous les étudiants sur les parcours MEDIAplus. En effet, il nous semblait à priori que de les tester sur ECDL était plus ou moins similaire, toutefois les items de MEDIAplus portent sur un nombre de fonctionnalités plus important et sont d’un niveau complexe. Si nous l’avions fait, quels auraient été les résultats ? Nous pouvons imaginer que les étudiants formés avec visaTICE auraient peut-être rencontré quelques difficultés. Tout dépend des objectifs testés, comme le relève Leclerc (2006) pour qui l’évaluation teste les objectifs définis, et c’est ce qui est testé dans la certification visaTICE, pas le parcours. La certification visaTICE est proche d’une réalité pouvant subvenir n’importe quand.

L’étude quantitative a aussi permis de prouver que les étudiants ont obtenu facilement la certification ECDL Start, quelle que soit la formation suivie.

Nous avons également pu constater grâce aux entretiens, que les apprentissages réalisés par certains étudiants formés sur visaTICE étaient parfois exprimés très clairement. Ils disent avoir appris à automatiser, à utiliser les logiciels de manière efficace. Ils sont maintenant plus rapides, plus efficaces. Ils n’attribuent pas cet apprentissage à une simple connaissance des différents menus mais à une réelle compréhension des concepts, des « mots » comme ils disent. Ils peuvent s’attribuer cet apprentissage car ils ont dû fournir un effort considérable afin d’y parvenir. Nous pouvons notamment faire de tels constats dans les propos réjouissants relatifs au post-test. Les formés sur MEDIAplus nous disent également qu’ils ont appris. Toutefois, ils ne relient pas cet apprentissage à autre chose que des savoir-faire, mais l’apprentissage est là. Nous ne savons pas à quoi ils attribuent cet apprentissage. Toutefois, comme le courant pédagogique qui sous-tend

cette formation est plutôt orienté sur le behaviorisme, l’attribution de l’apprentissage est plutôt externe.

Quelles variables de l’ergonomie conditionnent la satisfaction des apprenants ?

Pour la plateforme MEDIAplus, les étudiants apprécient surtout les critères de guidage et d’homogénéité. Les étudiants sont cadrés, le déroulement du parcours est séquentiel et simple. Ils savent vraiment où ils en sont lorsqu’ils quittent et reviennent dans la formation, ils savent ce qu’ils ont fait « juste ». Par ailleurs, les étudiants visaTICE apprécient les critères d’homogénéité concernant la charte graphique et apprécient la flexibilité, quel que soit le système d’exploitation et le logiciel, la formation pouvait être suivie sur leur ordinateur personnel. Par rapport aux critères de guidage, ils apprécient la navigation très libre sur la plateforme. Par rapport à la charge mentale, les étudiants apprécient que l’information soit concise, pas trop de texte en continu.

Les entretiens relatent également les différents éléments que les étudiants apprécient dans les différentes formations et les superlatifs sont destinés à la formation visaTICE, la motivation est palpable, tant au niveau verbal que non verbal.

« Le site est agréable à voir ! Pratique à utiliser » ;

« ça ça donne plus envie, personnellement... » ;

Quant à l’appréciation des étudiants sur les contenus de la plateforme visaTICE, ils expriment avec enthousiasme la diversité des formes de contenus, de la réflexion au résumé en passant par la mise en situation et les diverses activités. De plus, ils peuvent s’y rendre à leur guise grâce à la puissance d’un environnement hypermédia.

« ça amène plus à vouloir lire, à vouloir comprendre, on a envie de découvrir, les activités, les petits exemples, ça a l’air sympa quand même… »

Par ailleurs, nous l’avons déjà évoqué plus haut, ils ne sont pas satisfaits des corrections et parfois des consignes d’exercices peu explicites.

Pour la formation MEDIAplus, selon le sondage, les étudiants apprécient également les contenus, même si leur forme reste monotone dans un environnement numérique de type tutoriel :

« De bons exercices pour la compréhension et pour l'utilisation des programmes ! » ; « Ils étaient en adéquation avec ce que je voulais apprendre. Le fait d'avoir la théorie et les exercices m'a aussi permis de mieux saisir certaines choses. »

Nous conclurons en disant qu’une plateforme ou site web de formation « ergonomique » ne veut pas dire grand-chose en soi. Il s’agit vraiment de savoir si elle est ergonomique pour un apprenant avec ses attentes et avec son niveau de connaissances. Apparemment, l’ergonomie de visaTICE convient à certains et celles de MEDIAplus convient à d’autres, peut-être davantage à ceux qui ont un niveau plus faible initialement.

Quelles représentations de l’usage et de l’enseignement des ou avec les TIC la formation a-t-elle modifié ? Va-t-elle réorienter leurs pratiques ? A-t-elle modifié leur possible, leur souhaitable ? Les entretiens nous ont permis de constater l’influence de la formation sur les représentations de l’enseignement, notamment en ce qui concerne la formation visaTICE, axée sur l’apprentissage faisant appel à la compréhension. Les étudiants choisiraient un enseignement basé sur l’explicitation des « mots » ou des concepts et ils pensent que cela améliorerait l’apprentissage de leurs élèves, comme cela a permis d’améliorer leur apprentissage des TIC.

En ce qui concerne les représentations des usages des TIC pour l’enseignement, nous avons vu l’absence de motivation intrinsèque lorsqu’ils les évoquent. Nous pouvons supposer qu’une meilleure connaissance du monde virtuel donne confiance, c’est ce que nous avons entendu dans les entretiens. Dès lors, ce sentiment peut être transmis à leurs futurs élèves. On peut alors imaginer (ou souhaiter) que cette représentation change et que les « il faut » soient remplacé à plus ou moins long terme par des « nous avons l’opportunité de… ».

8.2 Synthèse des résultats de l’étude visaMEDIA

Cette étude nous a permis de comparer l’apprentissage réalisé avec deux formations fort différentes. C’est sans surprise que nous constatons qu’avec les deux on apprend, Il serait toutefois intéressant de pouvoir vérifier sur le long terme si les apprentissages sont pérennes autant avec une formation qu’avec l’autre. À ce sujet, nous avons relevé à deux reprises, une mention sur l’oubli pour l’échantillon MEDIAplus du sondage uniquement :

« Le manque de temps face aux nombreux points des exercices, ainsi que l'oubli de certaines notions avant de passer les examens, font que j'ai oublié comment faire certains points. »

« Temps trop espacé entre les modules exercices et la certification visaTICE = oubli. »

Même si les résultats ont montré au post-test de meilleurs scores pour le groupe visaTICE, ces étudiants avaient de meilleurs pré-requis (hasard dû à la création de l’échantillon), l’écart lui n’était pas significatif. En revanche, la certification visaTICE a fait apparaître une grande différence entre nos deux échantillons, qui s’explique par le type de tâche proposée : une mise en situation proche de la réalité englobant les savoirs étudiés. Les formés sur MEDIAplus étaient en effet drillés sur des tâches courtes sans liens entre elles, comme pour la certification ECDL par ailleurs, réussie haut la main par la plupart de nos étudiants, toutes formations confondues. Nous faisons l’hypothèse d’une différence de complexité entre ces deux certifications et nous constatons qu’une tâche simple est réussie par tous les étudiants, alors que la tâche complexe accentue l’écart entre nos deux échantillons.

Cette étude nous a permis de mettre en évidence le lien entre apprentissage, motivation et effort : « Pour apprendre, l’individu exige d’en retirer un certain plaisir, mais il faut bien admettre qu’apprendre nécessite toujours des efforts. » « Apprendre permet une adaptation au milieu, aux autres ou à la société… » « Rien d’étonnant à ce qu’apprendre soit pénible et fatigant, presque traumatisant. Le plus souvent, l’individu doit aller jusqu’à faire « son deuil » de son fonctionnement antérieur. » Giordan p. 191

« …être motivé c’est comprendre l’enjeu de ce qu’on fait et accepter les efforts, les épreuves, les risques qui sont des moyens pour atteindre le but qu’on s’est fixé, il s’agit d’une motivation supérieure ». Reboul.

« …dans le milieu du e-learning, sans saveur, sans odeur, sans territoire, comment s’y sent l’apprenant pour fournir les efforts nécessaires à l’apprentissage ? Dans de telles structures, l’aspect collaboratif de travail est proposé pour constituer un sentiment d’appartenance au monde de l’école ». Deleuze & Guattari (1972), cités par Ravenstein

Dans les deux formations, l’effort à fournir est important. En effet, cette formation est suivie en sus du cursus universitaire. Elle est en ligne avec tout ce que cela implique La formation MEDIAplus demande à la longue une astreinte à des tâches répétitives et nombreuses alors que la formation visaTICE demande, dès le début et de façon continue, une recherche des savoir-faire. Au final, l’étudiant ayant réussi les certifications a fait preuve d’une motivation élevée. À ce constat, nous pouvons ajouter l’impact de la motivation émanant du tuteur qui doit se faire dans la philosophie du style d’apprentissage de la formation. En effet, « Il existe un lien étroit entre le

rôle du tuteur dans le dispositif de formation et le modèle d’apprentissage qui a servi de référence à sa conception » selon Depover, Karsenti & Komis(2010).

Au-delà des résultats aux différentes certifications, nous avons pu constater une influence de la méthodologie véhiculée par les formations sur les représentations de l’enseignement des étudiants. Sans tenir compte des préférences d’une formation ou d’une autre, c’est un paramètre non négligeable dont il faudrait tenir compte pour des étudiants en formation à l’enseignement primaire.

Le manque de motivation dans la recherche d’autonomie pour l’usage des TIC en contexte d’apprentissage pourrait être lié à l’absence de conscience de sa complexité, comme nous l’ont fait remarquer Duchâteau et Caraballo et Cicala. Cet apprentissage basé sur des savoir-faire autant que sur des savoirs, pour amener à une réelle maîtrise, doit faire appel aux trois types de connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles.

À l’époque où les termes « outils informatiques » sont toujours employés à la place de « système informatique (couple ordinateur/logiciel) » les pédagogues auraient peut-être un rôle à jouer pour démystifier les propos simplificateurs de certains constructeurs de logiciels. Les propos de Baron et Bruillard « des approches de type « transposition didactique » se concentrant sur les savoirs ne nous fournissent pas d’éclairage concernant les instruments d’apparition récente mais les évolutions se feront grâce à l’engagement des enseignants et des chercheurs » pourraient être relus à la lumière de ce qui précède.

Au mois de septembre, lorsque nous avons démarré ce projet, il était question de faire une étude comparative, afin d’expérimenter les bienfaits d’une formation d’une part sur l’apprentissage des TIC et, d’autre part, sur son influence sur les représentations de l’enseignement des ou avec les TIC des futurs enseignants du primaire. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous avons eu connaissance de la décision de la Faculté de choisir la formation visaTICE pour former des étudiants de 1re année B1 aux TIC à la prochaine rentrée. C’est une nouvelle motivante après cette année d’expérimentation.

Les nouveaux tuteurs recevront une formation d’un jour pour l’accompagnement des étudiants et il serait alors important de parcourir avec eux les « compétences et objectifs » relevés dans visaTICE et de les mettre en discussion, afin qu’ils soient à même de motiver leurs troupes le moment venu.

8.2.1 Nos apprentissages à travers ce mémoire

En regardant en arrière, cette année a été riche en découvertes diverses au niveau de l’apprentissage. Cette recherche comparant deux formations aux méthodes d’apprentissage différentes, aux courants pédagogiques d’univers très différents, nous a obligées à faire un effort pour comprendre les théories qui sous-tendent ces deux formations. Notre motivation étant réelle, l’aboutissement de ce travail nous encourage dans la voie de la recherche.

Telle une énorme « situation-problème », nous avons pu mettre en relation théorie et pratique, éprouver l’une et l’autre, ou l’une avec ou contre l’autre. Les régulations apportées par notre directeur de mémoire nous ont parfois bousculées mais toujours de manière constructive, avec un zeste de redirection, un saupoudrage d’éléments à faire lever et une bonne dose d’autonomie nécessaire à tout apprentissage.

L’apprentissage le plus intéressant a été de mettre de côté nos propres représentations de l’apprentissage. À quoi bon faire une recherche si nous avions déjà les réponses avant de la réaliser ? Il est donc important de mettre de côté nos préjugés avant de commencer une recherche, déconstruire pour pouvoir ensuite reconstruire.

Finalement, savoir poser les bonnes questions, c’est ce que nous avons dû apprendre. En effet, une analyse qualitative repose sur du matériel récolté et si nous passons à côté d’un bon questionnement, nous passons à côté de bonnes informations.

L’apprentissage s’est également avéré profitable quant aux conflits cognitifs rencontrés et surtout à leur dépassement. Ces zones de déséquilibre inconfortables vécues nous ont amenées à un niveau supérieur d’analyse et c’est tout l’art d’un bon pédagogue de susciter la réflexion chez ses apprenants.

8.3 Bilan et perspectives (de la formation et de l’expérience)

Et pour exprimer de manière plus personnelle nos perspectives après avoir effectué cette recherche, nous reprenons le « je ».

Pour Lydia

Au début de cette recherche, j’ai été passablement déstabilisée par les remarques des étudiants, insatisfaits d’une démarche où l’élève est actif « ça doit venir de nous… » comme préconisé dans la pédagogie actuelle. Je me suis demandée alors si mes convictions pédagogiques devaient passer à la corbeille. Et puis le cheminement à travers les différentes phases de cette recherche m’ont finalement redonné espoir. Surtout lors des entretiens car j’ai pu entendre les difficultés des étudiants et également la manière dont ils les ont surmontées, ce que chaque formation leur amenait, mais aussi leurs manques.

L’analyse des entretiens a mis en évidence une problématique qui m’a toujours interrogée : la difficulté pour nos élèves à apprendre l’usage du tableur. Plusieurs propos d’étudiants font état de la difficulté à contextualiser cet usage. Nous trouvons une confirmation de ce constat chez Blondel & Bruillard (2006) cités par Tort (2007), qui ont apporté des éléments de réponse par des entretiens et questionnaires d’élèves français sur leurs usages du tableur « les élèves interrogés témoignent de très rares usages privés d’un tableur ». La question qui nous taraude alors est celle du transfert. À ce propos, à l’instar de Giordan lorsqu’il évoque le transfert, nous avons pu remarquer dans les discours de certains étudiants leurs difficultés à intégrer les notions pour les appliquer à leur vie courante. Et la question serait alors : quel questionnement proposer aux étudiants pour transférer ces compétences ?

Malgré tout cette recherche, je reste avec la même question qu’au début de ce travail « qu’est-ce qui fait qu’un étudiant se satisfait d’un apprentissage du type MEDIAplus ? ». Certainement que mes études en psychologie à l’Université de Genève dans les années 1980, où les théories ne s’intéressant pas au contenu de la « boîte noire » avaient mauvaise presse, ont exacerbé en moi ce besoin de comprendre pour apprendre.

En septembre 2010, mes objectifs étaient d’acquérir les bases nécessaires à l’approfondissement de mon activité de formatrice d’enseignant. En juin 2013, je me rends compte de l’intérêt d’être dans un processus de recherche, c’est ce que j’ai acquis pendant cette formation du MAS.

Pour Sylvie

Cette recherche m’a permis d’approfondir les apprentissages et l’approche des TIC par la didactique, par conséquent l’année prochaine, la gestion du tutorat prendra une autre dimension.

Il s’agira de former les tuteurs à transmettre à leurs étudiants le sens de l’apprentissage dans la formation visaTICE et à leur insuffler l’autonomie. Ce qui m’a séduite dans cette expérience est que le tuteur visaTICE se sent plus impliqué dans son travail, il est motivé et a des « vrais échanges avec ses étudiants ».

Par ailleurs, les tuteurs auront un rôle important à jouer pour évaluer les pré-requis des étudiants en TIC et d’adapter ensuite leurs interventions. Il sera nécessaire de proposer des aides, des méthodes au sein du travail collaboratif des tuteurs. Je reste encore perplexe, compte tenu du cahier des charges actuel du tuteur, du niveau de correction à exiger pour les productions de leurs étudiants.

L’évaluation du tuteur reste aussi pour moi une tâche difficile face aux différentes compétences qu’il doit posséder dans ce multi-rôle. De plus, le lien entre « bon tuteur » et « pas d’abandons » n’est toujours pas élucidé, peut-être sera-t-il l’objet d’une prochaine recherche ?

Par rapport à la formation MEDIAplus que nous avons analysé sous tous les angles, je souhaite d’une part rappeler son objectif principal : « acquérir en situation les fonctionnalités d’un logiciel (de la suite MS-Office ou Open Office) », et d’autre part ajouter que selon le sondage, la formation répond aux attentes des étudiants pour 80 % d’entre eux. Finalement, cette auto-formation basée sur des « savoir-faire partiels » a répondu jusqu’à aujourd’hui aux besoins immédiats de l’étudiant B1 FAPSE.

En relisant mes motivations initiales lors de l’inscription à la formation du MAS : « A travers cette formation, j’espère échanger des expériences avec des personnes issues du milieu enseignant et y découvrir des solutions pédagogiques et didactiques », j’ai vraiment l’impression d’avoir atteint cet objectif non seulement au cours de la formation mais également au cours de cette recherche en coopération avec Lydia. La formation Master of Advanced Studies (MAS) : Théories, pratiques et dispositif de formations d’enseignant a répondu à mes attentes.