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À l’issue des trois premières années d’expérimentation, le bilan de la procé-dure de choix scolaire régulé mise en œuvre dans deux des secteurs bi-collèges est nuancé.

Un bilan en demi-teinte. Dans le secteur Bergson-Pailleron, la procédure de choix régulé a permis une progression sensible des effectifs scolarisés dans les deux collèges et, à l’instar du phénomène observé dans le secteur Berlioz-Coysevox, a entraîné un recul sensible de l’évitement vers le privé. Ce phénomène a contribué à endiguer l’érosion des effectifs de 6e qui menaçait de conduire à la fermeture de l’un des deux collèges : entre 2016 et 2019, les effectifs de 6eont augmenté de 6 % à Bergson et de 25 % à Pailleron. Si la procédure de choix régulé n’est pas par-venue à assurer chaque année une répartition parfaitement homogène des élèves en fonction de la PCS de leurs parents, elle a néanmoins permis de rééquilibrer la composition sociale des deux collèges, en augmentant la part des élèves de PCS favorisées ou très favorisées au collège Pailleron.

Bien que s’appuyant sur la même procédure de choix régulé que le secteur Bergson-Pailleron, le secteur Curie-Philipe n’a pas produit les effets escomptés du point de vue de la mixité sociale, notamment lors des deux premières années d’ex-périmentation. Certes, l’évitement vers le privé a diminué de manière continue dans le double secteur, passant de 35 % en 2016 à 28 % en 2019. Toutefois, les écarts de composition sociale entre les deux collèges ne se sont pas réduits de manière

signi-14. Contrairement à ce qui s’était passé lors des deux premières années d’expérimentation, les affectations intervenues en dehors de la procédure régulé n’ont pas contribué à réduire les écarts de composition sociale entre les collèges Curie et Philipe à la rentrée 2019. En effet, le profil social des élèves de 6equi ont été affectés dans ces deux collèges en 2019 sans avoir participé à la procédure de choix régulé (9 % des effectifs de 6eà Curie et 6 % à Philipe) avaient un profil social très semblable (voir figure C8 et C10c de l’annexe C).

ficative entre 2016 et 2018, la part des élèves de PCS défavorisées demeurant deux fois plus élevée au collège Philipe (entre 60 et 70 %) qu’au collège Curie (entre 25 et 35 %) à l’entrée en 6e. Si les modifications apportées à la procédure de choix régulé ont permis de réduire ces écarts à partir de la troisième année d’expérimen-tation – les deux collèges accueillant à la rentrée 2019 des proportions comparables d’élèves de PCS favorisées ou très favorisées (27 % à Curie contre 26 % à Philipe) – le dispositif n’est pas parvenu à les résorber entièrement, en raison notamment de la forte asymétrie dans l’offre de formation des deux établissements.

Perspectives. Les enseignements tirés de l’évaluation des secteurs Bergson-Pailleron et Curie-Philipe ont permis d’identifier plusieurs pistes susceptibles d’améliorer si-gnificativement les performances de la procédure de choix régulé au cours des pro-chaines années.

L’une des évolutions les plus notables de cette procédure est qu’elle peut désor-mais s’appuyer sur des données fiables relatives à la catégorie socio-professionnelle des parents d’élèves entrant en 6e – cette information étant depuis la rentrée 2019 enregistrée dans les bases de gestion des élèves du premier degré. L’accès à cette information, qui n’était jusqu’alors disponible que pour les élèves déjà scolarisés au collège, constitue un progrès important dans la mesure où elle permet de ré-soudre les nombreuses difficultés soulevées par l’approche jusqu’alors utilisée pour apprécier l’origine sociale des élèves. Cette approche, qui s’appuyait sur le niveau de revenu des parents d’élèves, mesuré à partir de leur quotient familial, a limité la capacité de la procédure de choix régulé à égaliser la composition sociale des collèges en raison notamment de la difficulté à obtenir cette information auprès des familles. En fournissant une mesure plus directe de la mixité sociale, l’approche fondée sur la PCS des parents devrait permettre à cette procédure de réaliser plus efficacement cet objectif. Elle a été mise en œuvre pour la première fois pour af-fecter les élèves entrant en 6e à la rentrée 2020 dans les secteurs Curie-Philipe et

Bergson-Pailleron, et sera évaluée à la lumière du constat de rentrée.

Au-delà de ces évolutions techniques, d’autres leviers devront être actionnés pour renforcer durablement la mixité sociale dans le secteur Curie-Philipe. À court terme, l’effort doit porter sur la mise en place d’une offre pédagogique plus at-tractive au collège Gérard Philipe. Contrairement au collège Curie, qui a pu fixer des élèves de catégories sociales favorisées grâce à l’implantation d’une classe à horaires aménagées de musique (CHAM), le collège Philipe ne dispose que d’une section sportive rugby qui n’a pas permis à ce collège de diversifier son recrute-ment social – cette classe accueillant des élèves au profil social très défavorisé. Pour rendre le collège Philipe plus attractif auprès des parents de PCS favorisées, le co-mité de suivi du secteur Curie-Philipe a appelé de ses vœux l’ouverture dans ce collège d’une classe à horaires aménagés de théâtre (CHAT), qui constituerait le pendant de la CHAM du collège Curie. Bien que le Rectorat de Paris ait indiqué étudier cette possibilité, la perspective d’ouverture d’une section théâtre au collège Philipe demeure encore très incertaine.

Le rééquilibrage de la composition sociale des collèges Curie et Philipe néces-site par ailleurs de mettre en œuvre des actions pour des réduire les taux d’évite-ment considérables constatés parmi les élèves de PCS favorisées affectés au collège Philipe. Un levier prometteur pour inciter les parents à « jouer le jeu » de la carte scolaire consisterait à s’appuyer sur les incitations créées par la procédure d’affecta-tion au lycée (applicad’affecta-tion Affelnet post-troisième). Depuis 2008, cette procédure de choix scolaire centralisée et automatisée gère les affectations des élèves de 3e aux lycées publics en tenant compte des préférences des familles et de critères de prio-rité qui sont calculés sous la forme d’un barème en points15. Lors de la deuxième année d’expérimentation des secteurs multi-collèges à Paris, et à la demande des parents d’élèves, l’Académie de Paris a annoncé la mise en place d’une bonification spécifique en faveur des élèves scolarisés dans les secteurs multi-collèges (au même

15. Sur la procédure Affelnet post-troisième, voir Fack et al. (2014) et Fack et Grenet (2016).

titre que pour les élèves scolarisés dans les collèges REP), de manière à augmenter leurs chances d’obtenir le lycée classé en premier vœu dans le cadre de la procé-dure Affelnet. Tel qu’il fonctionne aujourd’hui, ce bonus procure malheureusement un avantage trop modeste (480 points sur un total de 24 000 points) pour peser réellement sur les choix des parents. Une revalorisation de ce bonus pour les élèves scolarisés dans les secteurs multi-collèges permettrait de renforcer les incitations des familles de catégories sociales favorisées à fréquenter leur collège public de secteur. Dans le secteur Curie-Philipe, une telle approche serait de nature à réduire significativement les taux d’évitement constatés à l’entrée en 6e dans le collège Phi-lipe et, par conséquent, à rapprocher sa composition sociale de celle du collège Curie.

Le bilan provisoire que l’on peut tirer des trois première années d’existence des secteurs multi-collèges à Paris est encourageant, même si les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de cette expérimentation ambitieuse doivent inciter à une certaine prudence quant la capacité du dispositif à renforcer durablement la mixité sociale au collège.