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Dans ce chapitre, nous avons d´evelopp´e une « boˆıte `a outils »pour la description th´eorique des condensats de Bose-Einstein pi´eg´es. En particulier, nous avons introduit l’´equation de Gross-Pitaevskii comme premi`ere approximation, puis l’approximation de Bogoliubov `a un ordre sup´erieur. Le formalisme d´evelopp´e permet bien entendu de traiter le cas d’un v´eritable condensat, dont les fluctuations de phase et de densit´e sont faibles. A temp´erature finie, et pour un gaz pi´eg´e, il n´ecessite cependant d’ˆetre compl´et´e par une description du nuage thermique. Nous abordons ce probl`eme de mani`ere th´eorique dans l’appendice A, et d’un point de vue exp´erimental aux chapitre III, consacr´es aux propri´et´es globales du nuage `

a temp´erature finie. Le chapitre IV abordent le probl`eme du laser `a atomes, et nous y ´

etendons le formalisme de Gross-Pitaevskii pour inclure les degr´es de libert´e de spin. Enfin, la description dans le point de vue densit´e/phase sera utilis´e lourdement dans les chapitres V et VI pour ´etudier le gaz de Bose uni-dimensionnel, et sa r´ealisation approch´ee dans un pi`ege tr`es anisotrope sous la forme d’un quasi-condensat. Avant d’aborder ces chapitres, qui constituent le coeur de cette th`ese, nous allons d´ecrire bri`evement le dispositif exp´erimental sur lequel les exp´eriences ont ´et´e r´ealis´ees.

18On entend par l`a qu’ils sont localis´es dans un volume ∼ a3o`u la probabilit´e de recombinaison augmente

Production et caract´erisation du

condensat

Dans ce chapitre, nous donnons une pr´esentation succinte du dispositif exp´erimental utilis´e dans les exp´eriences d´ecrites aux chapitres suivants. Il nous a ´et´e l´egu´e par nos pr´ed´ecesseurs, B. Desruelle, V. Boyer, G. Delannoy, S. Murdoch, S. Rangwala et Y. Le Coq, et on trouvera des expos´es plus d´etaill´es dans les th`eses de B. Desruelle [38], V. Boyer [39] et G. Delannoy [48]. Une variante de ce dispositif, comprenant notamment une version « am´elior´ee » du banc de refroidissement laser, est d´ecrite dans la th`ese de Y. Le Coq [46].

En guise d’introduction, nous indiquons les principaux obstacles `a surmonter pour fran- chir le seuil de condensation avec un maximum d’atomes. Nous donnons ensuite une vue d’ensemble du dispositif, avant de discuter bri`evement la phase cruciale de refroidissement laser1, en mettant l’accent sur les difficult´es suppl´ementaires qui apparaissent quand on veut

pi´eger un grand nombre d’atomes [109, 110]. Nous discutons ensuite du pi`ege magn´etique de type Ioffe-Pritchard, et de son impl´ementation dans notre dispositif sous la forme d’un ´electro-aimant `a noyau ferromagn´etique [37]. L’´evaporation forc´ee [111, 112], qui permet de franchir les derniers paliers avant la condensation, est pr´esent´ee dans le contexte de notre exp´erience. Enfin, nous terminons par une discussion d´etaill´ee de l’imagerie par absorption [113], qui est utilis´ee pour sonder le nuage ultra-froid.

2.1

Vers la condensation

Atteindre le r´egime de d´eg´enerescence quantique dans un gaz atomique dilu´e repr´esente un bond significatif dans l’espace des phases. Le crit`ere de condensation2 peut s’´ecrire, en

fonction de la densit´e au centre du pi`ege n(0) et de la longueur d’onde de de Broglie thermique λT comme (relation d’Einstein)

n(0)λ3T = 2, 612. (2.1)

1Pour une introduction g´en´erale et une bibliographie compl`ete, on pourra se reporter aux conf´erences

Nobel de S. Chu, C. Cohen-Tannoudji et W. D. Phillips [106, 107, 108].

2En toute rigueur, ce crit`ere n’est valable que dans le cadre d’une approximation de champ moyen. Nous

discutons le rˆole des fluctuations critiques dans le chapitre III, et montrons qu’il ne modifie que faiblement ce crit`ere.

La quantit´e D = n(0)λ3

T, appel´ee densit´e dans l’espace des phases, est extrˆemement faible

dans les conditions habituelles. Pour un gaz `a pression et temp´erature ambiante, on a par exemple D ∼ 10−8, et pour les ´echantillons plus dilu´es utilis´es traditionnellement en phy- sique atomique, on se rapproche de D ∼ 10−15. La phase de refroidissement laser permet de gagner la plupart des ordres de grandeur manquants, pour aboutir `a D ∼ 10−5. Ensuite, le refroidissement laser « standard » bute sur une limite intrins`eque, li´ee au caract`ere al´eatoire de l’´emission spontan´ee. Les techniques de refroidissement sub-recul [106, 107] permettent de s’affranchir de cette limite, mais jusqu’ici elles n’ont ´et´e d´emontr´ees que pour des ´echantillons peu denses. Au contraire, un nuage dense sera soumis `a des effets de chauffage suppl´emen- taires, dˆus par exemple `a la diffusion multiple de photons ou aux collisions assist´ees par la lumi`ere [110]. Pour ces raisons, l’´evaporation forc´ee dans un pi`ege conservatif [112] est deve- nue la technique standard pour prendre le relais du refroidissement laser. L’id´ee de base est d’´ejecter s´electivement du pi`ege les atomes plus rapides que la moyenne. L’´energie moyenne totale diminue apr`es rethermalisation par collisions ´elastiques, assurant ainsi le refroidisse- ment. La s´election en ´energie se fait par un « couteau » radio-fr´equence qui transf`ere vers un ´etat non-pi´egeant les atomes les plus rapides, dans les ailes de la distribution de Maxwell- Boltzmann. La fr´equence ωrf du couteau d´etermine l’´energie `a partir de laquelle les atomes

sont ´eject´es, et donc la surface d’´evaporation selon

~ωrf = Vext(r). (2.2)

En plus de l’´evaporation, un gaz pi´eg´e magn´etiquement subit `a des pertes, soit par collisions avec les atomes du gaz r´esiduel, soit par collisions in´elastiques dans le gaz lui-mˆeme. On caract´erise ces deux processus par les taux de pertes respectifs τres−1 et γinel. L’efficacit´e du

refroidissement repose sur le processus de thermalisation : celui-ci doit se produire suffisam- ment vite par rapport `a la dur´ee de vie des atomes dans le pi`ege magn´etique. Le temps de thermalisation est de l’ordre de l’inverse du taux de collisions ´elastiques [61], γel= nσelvth. La

vitesse thermique est donn´ee par vth =p8kBT /πM , n est la densit´e typique et σel est la sec-

tion efficace de collisions ´elastiques entre atomes pi´eg´es. Pour que l’´evaporation fonctionne, il faut donc satisfaire la condition γinel, τres−1  γel. Le premier crit`ere est li´e aux propri´et´es

collisionnelles de l’atome, mais le second dicte des conditions drastiques sur la qualit´e du vide que l’on doit atteindre dans l’enceinte de pi´egeage.

2.1.1

Qualit´e du vide

Si on suppose que le gaz r´esiduel est compos´e essentiellement de Rubidium, `a une tem- p´erature de 300 K, avec une section efficace de collision typique σ ∼ 10 nm2 `a temp´erature

ambiante, on trouve que la dur´ee de vie des atomes pi´eg´es s’exprime en fonction de la pres- sion comme τres[s] ∼ 2.10−9/P [mbar] : une dur´ee de vie de 1 minute, typique pour notre

exp´erience, correspond `a une pression de l’ordre de 4.10−11mbars. Une des cl´es de la r´eussite d’une exp´erience de condensation de Bose-Einstein est donc d’atteindre un ultra-vide stable au niveau de 10−11 mbars. On trouvera sur la figure 2.1 un sch´ema d’ensemble du syst`eme `

a vide con¸cu par B. Desruelle, V. Boyer, et P. Bouyer, qui s’est r´ev´el´e tr`es robuste et n’a caus´e aucun probl`eme majeur en trois ann´ees de th`ese. L’enceinte primaire, dans laquelle d´ebouche le four contenant du Rubidium (enrichi par rapport `a la proportion naturelle en ce qui concerne l’isotope 87), est pomp´ee par une pompe turbo-mol´eculaire et une pompe

Mélasse Transverse Pompe ionique + Sublimateur de titane Pompe ionique Cellule Pompage Primaire Obturateur Four Laser Ralentisseur + Repompeur Pôles Magnétiques enceinte primaire enceinte secondaire

0 0.6 1.6 2.2 y (mètres)

z

Ralentisseur Zeeman

Fig. 2.1 – Sch´ema global du dispositif exp´erimental. La figure est adapt´ee de la th`ese de Yann Le Coq [46].

ionique. Elle est isol´ee de l’enceinte secondaire, o`u les atomes sont pi´eg´es, par un tube de pompage diff´erentiel qui permet d’atteindre la qualit´e de vide n´ecessaire.

2.1.2

Crit`eres `a respecter

En supposant un vide suffisamment bon, il reste encore deux conditions essentielles `a remplir pour atteindre la condensation de Bose-Einstein. En premier lieu, on doit charger le pi`ege magn´etique. Ceci ne peut ˆetre r´ealis´e de fa¸con efficace qu’`a partir d’un ´echantillon pr´ealablement refroidi par laser. En effet, la « profondeur » d’un pi`ege magn´etique est limi- t´ee `a quelques mK environ. De plus, le taux de thermalisation doit ˆetre suffisamment ´elev´e pour que le refroidissement puisse proc´eder rapidement, sans ˆetre gˆen´e par les processus in´elastiques. En pratique, on cherchera `a atteindre le « r´egime d’emballement »[112], dans lequel le taux de collisions ´elastiques, qui varie comme n(0)√T , augmente au cours de l’´eva- poration. Le refroidissement devient alors de plus en plus efficace au fur et `a mesure que l’´evaporation proc`ede. Enfin, il faut ´evidemment charger le plus d’atomes possibles pour en conserver un maximum `a la fin de l’´evaporation. Ces contraintes sont parfois contradictoires. Elles imposent un protocole compliqu´e de refroidissement laser, que nous allons maintenant d´etailler.

F = 1 F = 2 6.834 GHz 5S1/2 F '= 2 F '= 1 818 MHz 5P1/2 F '= 2 F '= 1 F '= 0 F '= 3 72.3 MHz 157.1 MHz 267.2 MHz 5P3/2 Raie D1 λ = 794.7 nm g=+1/2 g=-1/2 Raie D2 = 780.2 nm M aî tr e PM O R ep om pe ur la té ra l R ep om pe ur c en tr al R al en tis se ur So nd e

Fig. 2.2 – Sch´ema des niveaux du87Rb (en champ magn´etique nul). Nous indiquons les struc- tures fines et hyperfines, avec les ´ecarts en ´energie correspondants. A droite, nous indiquons les transitions utilis´ees pour le refroidissement laser et l’imagerie.