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concernant les observations de carcajou (Gulo gulo), au Québec

1. Introduction

1.1 Historique du carcajou

Le carcajou demeure le plus méconnu et le plus mystérieux des mammifères du Québec. D figure dans de nombreuses histoires et légendes relatant son ingéniosité à découvrir les caches des chasseurs, sa ruse à déjouer les pièges et son esprit malfaisant à piller le bien d'autrui et à le souiller de son odeur fétide. Cette réputation lui aura valu le surnom de "démon du nord" (Krott, 1959) venant ainsi s'ajouter à celui de

"glouton", à cause d'un appétit soi-disant vorace. En réalité, le carcajou est un animal adapté à une vie très rude, doté d'un odorat très fin lui permettant de détecter toutes carcasses d'animaux même gelées qu'il enduit d'une très forte et caractéristique odeur, lui assurant le monopole de ses découvertes.

Bien qu'il soit très présent dans l'imagerie populaire, très peu de gens peuvent se vanter d'avoir aperçu un carcajou. Autrefois répandu à travers le Canada, à l'exception de la Nouvelle-Ecosse, de l'île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, il demeure aujourd'hui un animal peu abondant, particulièrement dans Les Prairies et dans Test du pays.

Parfois, ses populations atteignent des niveaux plus importants dans l'ouest et le nord du continent aux abords de la chaîne des montagnes Rocheuses en Colombie-Britannique, en Alberta, dans les Territoires-du-Nord-Ouest et du Yukon. Sa distribution historique a connu un déplacement vers le nord (van Zyll de Jong, 1975).

Il est maintenant considéré par le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada (1989) comme une espèce en danger de disparition dans l'est du Canada et vulnérable dans l'ouest (Hummel et Pettigrew, 1991 et Dauphiné, 1989). En plus d'être une espèce rare, le carcajou tolère mal la présence de congénères, a des habitudes nocturnes et exploite un territoire très vaste variant entre 100 et 600 km2 (Beaudin et Quintin, 1983; Hummel et Pettigrew, 1991), ce qui diminue davantage les chances de le rencontrer.

Malgré cette rareté, une grande dispersion et une présence sporadique dans la partie nord du Québec, quelques mentions, notamment dans le Parc de la Gatineau (Miller, 1972) et au Lac Saint-Jean (Prescott, 1983), laissent croire que le carcajou est susceptible de se retrouver aussi dans le sud du Québec.

1.2 Importance d'un document d'enquête

II apparaît nécessaire pour le ministère de l'Environnement et de la Faune de se munir d'un document d'enquête permettant d'assurer un suivi auprès des témoins croyant avoir aperçu un carcajou. Il importe de récolter toutes ces observations afin de pouvoir confirmer la présence de l'animal, déterminer les secteurs fréquentés et préciser le statut réel de cette espèce au Québec.

/2 Dans ce document, l'enquêteur y retrouvera l'information nécessaire pour procéder adéquatement à une entrevue avec le témoin. Le respect du protocole est important afin d'assurer une analyse uniforme de chacune des observations. Si l'enquêteur n'est pas familier avec les techniques d'entrevue, il devrait contacter une personne-ressource avant d'amorcer son enquête. Aussi, il est préférable de se familiariser avec le questionnaire avant l'entrevue.

2. Protocole d'enquête

2.1 Que faire avec une mention déclarée?

Lorsqu'un témoin déclare avoir observé un carcajou, un représentant du MEF doit le contacter. Le suivi sera effectué par un représentant du MEF (agent de conservation, biologiste ou technicien de la faune). Chaque mention rapportée devra être traitée individuellement et aussi rapidement que possible.

Un lieu et un moment de rencontre seront déterminés à la convenance du témoin.

On privilégiera un endroit tranquille. Il faut compter au moins une heure pour compléter une entrevue.

Il faut apporter une carte topographique du secteur concerné.

Dans le cas où plusieurs personnes sont concernées, bien que l'entrevue puisse se faire au même endroit, chacun des témoins sera rencontré individuellement.

2.2 Attitude à adopter lors de l'enquête

II est important de se rappeler qu'il ne s'agit pas d'une affaire d'infraction et que l'on compte uniquement sur la participation volontaire du témoin. Le climat de la rencontre devra être détendu, sans pour autant négliger la qualité des réponses.

Il est important d'aborder le témoin avec sérieux et lui accorder notre confiance.

Le témoin doit être prévenu au préalable qu'il sera soumis à un certain nombre de questions et que l'enquêteur prendra beaucoup de notes pour récolter le plus d'informations possibles. Il faut aussi garder en tête que plusieurs personnes demeurent sceptiques quant à la présence de carcajou au Québec.

Lors de l'entrevue il n'est pas nécessaire d'obtenir une réponse à toutes les questions. Le témoin ne répond qu'à celles où il peut fournir une réponse sûre, au meilleur de sa connaissance. D sera préférable de ne rien indiquer si l'information est inconnue. Il faudra cependant préciser dans le questionnaire si l'absence de réponse signifie un détail oublié ou une information inconnue. L'objectif des enquêtes n'est pas de récolter le plus grand nombre de mentions mais plutôt de récolter plusieurs mentions valables. On se doit de demeurer rigoureux. En cas de doute ou d'informations imprécises, il ne faut pas hésiter à demander plus de détails.

/3 II faut éviter les descriptions ambiguës qui n'apportent rien. Il faut demander au témoin d'expliquer ce qu'il veut dire par "une queue poilue", "une grosse tête",

"un animal large", "un animal adulte", etc. Toujours lui demander ses points de référence lorsqu'il évalue la longueur et le poids. Par exemple, si l'animal était de la taille d'un ours. De quel âge parle-t-il? (ourson ou adulte? en a-t-il déjà vu?), etc.

Il faudra veiller à ne pas influencer la nature des réponses fournies par le témoin. Pour ce faire :

. Lors des conversations téléphoniques et durant l'entrevue, il faut éviter de prononcer les mots "carcajou", ou "glouton" afin d'éviter de suggérer l'identification de l'animal que le témoin a vu. On parlera plutôt de "l'animal qui a été observé", sans le nommer.

. Certains types de questions sont à éviter :

Les questions fermées, se répondant seulement par un oui ou par un non. Ce sont celles qui débutent habituellement par ce que...?", "avez-vous...?", "est-il...?", etc.

Les questions suggestives : "Avez-vous observé deux bandes obliques plus claires sur le pelage de l'animal?"

. Une formulation ouverte est plus appropriée pour faire s'exprimer un témoin.

Par exemple : "Décrivez-moi la coloration de ce que vous avez vu?" ou "Parlez-moi de la queue de l'animal?" Ces questions permettent au té"Parlez-moin de relater son observation sans être influencé. Si le témoin éprouve de la difficulté à décrire de façon structurée ou à utiliser le vocabulaire approprié, l'enquêteur pourra intervenir, toujours en demeurant neutre.

2.3 Comment remplir le questionnaire?

La discussion est amorcée de manière informelle en discutant avec le témoin.

L'enquêteur interviendra de temps à autre afin que le témoin élabore sur les points moins précis ou plus pertinents. C'est au moment de récapituler l'entrevue que le questionnaire sera complété. Cette procédure requiert une bonne connaissance de l'ensemble des questions.

Le questionnaire se divise en huit parties :

A- Identification du ou des observateur(s) B- Type d'observation

C- Lieu et moment de l'observation D- Conditions d'observation

E- Description de l'animal observé F- Indices physiques

G- Renseignements personnels H- Partie à compléter par l'enquêteur

/4 Voici donc une description de ce qui est recherché pour chacune de ces parties.

A- Identification des observateurs (questions 1 et 2) B- Type d'observation (question 3)

C- Lieu et moment de l'observation (questions 4 à 8)

Questions 4, 5, 6: Si le témoin ne peut se souvenir exactement, on récolte les informations les plus précises.

Question 7: Avant même de consulter une carte, le témoin doit décrire le plus exactement possible le site où il a effectué son observation.

D- Conditions d'observation (questions 9 à 13)

Questions 10,11,12 et 13: Si le témoin ne peut répondre précisément, on doit tenter de trouver des points de référence. Par exemple, pour la distance séparant le témoin de l'animal, la largeur de la route ou la longueur du champ, etc.

E- Description de l'animal observé (questions 14 à 20)

Cette étape est de loin la plus importante, car elle permettra de déterminer ce que le témoin a observé de l'animal lui-même. Vous devez en tout temps demeurer neutre dans la façon de poser les questions.

Question 14: Dans le cas d'une observation de plusieurs animaux, précisez s'il s'agissait d'un adulte en compagnie de jeunes ou d'individus de taille semblable.

Question 15: Permet de comprendre l'absence de certains détails dans la description de l'animal. Il faut chercher à savoir quelles sont les parties du corps qui n'ont pas été aperçues.

Question 16: II est important de pouvoir faire ressortir, dans la description du témoin, les points permettant une identification et distinguer le carcajou des autres mammifères rencontrés au Québec. Obtenir une description de la queue et de la tête.

Question 17: Le témoin doit donner ses points de référence lui permettant d'estimer la taille et le poids de l'animal observé.

Question 18: Description de tout ce que l'animal a effectué pendant l'observation, son attitude, sa posture, sa démarche, etc.

Question 19: Prendre les dispositions qui s'imposent pour obtenir une copie, dans le cas où des photographies ou une séquence vidéo ont été réalisées pendant l'observation. Savoir si une carcasse, des poils ou des excréments peuvent être retrouvés. Ces éléments peuvent être primordiaux dans l'analyse de l'observation.

/5 Question 20: On note tous les détails complémentaires à l'observation comme par exemple ce qui aura intrigué le témoin, ses réflexions et ses commentaires.

F- Indices physiques

Questions 21 à 36: Les indices physiques représentent toutes les indications du passage et de l'identité de l'animal observé, autres que l'observation directe de l'animal.

Si des poils, des excréments ou une carcasse sont rapportés, l'enquêteur doit les récupérer, car il s'agit de preuves formelles.

G- Renseignements personnels (questions 37 à 41)

Question 38: S'assurer de répondre à cette question. S'assurer de la connaissance des espèces avec lesquelles le carcajou peut être confondu.

H- Partie à compléter par l'enquêteur (questions 42 à 47)

Une fois l'entrevue réalisée et en absence du témoin, l'enquêteur devra compléter le rapport d'enquête dans les plus brefs délais. Il remplira la section réservée pour ses commentaires et ajoutera certaines informations au question-naire.

Question 44: L'enquêteur porte un jugement personnel sur sa perception du témoin: peut-on avoir confiance en lui?, est-il crédible et pourquoi? Des critères tels que la cohérence dans ses propos, une vision critique de son observation ou un témoin s'en tenant à des descriptions plutôt que des affirmations sont tous des éléments permettant de se faire une meilleure idée de sa crédibilité. Il est difficile d'évaluer ce point et c'est pourquoi il est important que l'enquêteur note ses impressions aussitôt après avoir rencontré le témoin. L'enquêteur note s'il y a concordance ou contradiction entre les différents témoins du même événement.

Question 46: À partir des indications données par le témoin, l'enquêteur devra indiquer les coordonnées précises et/ou les coordonnées Mercator du site d'observation. Une carte des lieux devra aussi être jointe au questionnaire: on y indiquera le lieu de l'observation, tel que décrit par le témoin.

Une fois le rapport d'entrevue complété, une copie est conservée pour les dossiers régionaux et l'original ainsi que tous les indices récoltés sont transmis à la Direction de la faune et des habitats pour analyse. Le dossier est transmis au responsable régional du dossier des espèces menacées.