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Introduction au deuxième chapitre

1. Conceptualiser la géographie de la créativité

Si la géographie de la créativité ne constitue pas encore une branche de la recherche géographique à part entière telle que peuvent l’être les champs de la géographie culturelle, urbaine ou économique, elle repose néanmoins sur plusieurs réalités territoriales qui font l’objet de ce premier point. Après avoir intégré certaines réflexions émanant d’autres disciplines, la géographie s’empare à son tour de la notion de créativité en proposant entre autres, de définir les milieux, les villes ou les quartiers créatifs. Dans un premier temps, il s’agit de présenter les principales théories qui cadrent ces notions et traduisent des réalités territoriales spécifiques. Par ailleurs, à travers ce point nous souhaitons également proposer une première définition de la créativité territoriale. Enfin, dans un dernier temps, ce cadrage conceptuel universitaire est étayé par les travaux de plusieurs agences d’urbanismes françaises dont les contributions autour de la notion de créativité sont aussi riches que pertinentes.

1.1.Les fondements théoriques de la créativité territoriale.

D’un point de vue théorique, la définition de la créativité territoriale se construit en deux temps. D’abord, elle se nourrit des diverses approches qui ont permis de caractériser le milieu créatif d’une part et la ville créative d’autre part. En s’imposant comme des notions clés de la géographie de la créativité, ces approches théoriques posent les bases d’une discipline balbutiante et révèlent une grande diversité de réflexions académiques qu’il convient de présenter mais aussi de nuancer. Ensuite, la créativité territoriale se définit également à travers une démarche plus opérationnelle qui tente de déterminer les différents facteurs et processus permettant de transiter du territoire au territoire créatif.

- Milieu créatif et ville créative : des notions clés. ❖ Définitions et caractéristiques du milieu créatif.

La décennie 1980-1990 voit l’émergence d’une première vague de travaux géographiques portant sur la notion de créativité ou sur le potentiel des secteurs artistiques en tant qu’outils de la revitalisation urbaine (BIANCHINI et al., 1988). Les recherches initiales sont principalement menées en Suède comme en témoignent les travaux du géographe Gunnar TÖRNQVIST, (TÖRNQVIST, 1983, 1989, 1990), l’un des premiers chercheurs à théoriser le milieu créatif (OLECHNICKA et al., 2018), ou ceux d’Ake ANDERSSON, chercheur en économie régionale (ANDERSSON, 1985).

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Ces premières réflexions se diffusent progressivement en Europe et font l’objet de plusieurs manifestations scientifiques comme le prouve par exemple l’organisation du colloque intitulé

La géographie de la Créativité et de l’Innovation, organisé par l’Université Paris-Sorbonne en

juin 1987 (CHEVALIER, 1989).

Dans la lignée de ces réflexions, l’économiste italien Giacomo BECATTINI s’intéresse également - dans un article de la revue Espaces et Sociétés publié en 1992 -, à la notion de milieu créatif dans le cadre d’une analyse sur le district industriel marshallien (BECATTINI, 1992). Il s’agit alors pour l’auteur de proposer une première territorialisation de la créativité dont les potentialités sont déjà nombreuses et connues. Selon lui, l’établissement d’un milieu créatif serait déterminé par « […] la coexistence de « compétences » multiples […] » (ibid., p. 155). Autrement dit, plusieurs approches différentes doivent exister au sein d’un territoire pour résoudre un problème donné. Toutefois, on l’a vu à travers les travaux de psychologie, pour devenir créatif, un individu (ou un territoire) ne peut se contenter d’une seule et même ressource.

En ce sens, pour G. BECATTINI, le premier facteur d’impulsion du milieu créatif repose sur la nécessaire présence d’un « agent de liaison » (ibid.), qui peut s’incarner à travers diverses institutions ayant des compétences variées. À titre d’exemple, l’économiste italien évoque le rôle du marché comme institution permettant d’organiser les compétences créatives individuelles. Mais l’un des points les plus importants soulevés dans cet article est celui qui aborde la question de l’auto-organisation des individus. En effet, en se rencontrant régulièrement, ces derniers favoriseraient une forme d’échange qui se traduirait par l’émulation de compétences dans le but d’établir un milieu créatif spécifique. Par le biais de ces nouvelles formes de communication et d’échanges – particulièrement novatrices au début des années 1990 –, les chercheurs comme G. BECATTINI mettent également en exergue le problème de l’éducation traditionnelle qui reste globalement lacunaire et tend à restreindre les modes de raisonnements créatifs. Enfin, pour qu’elle puisse s’ancrer dans une société ou sur un territoire, la créativité dépendrait également de ressources et de qualités humaines telles que : la curiosité d’esprit, la socialisation, la préférence pour les raisonnements analogiques ou encore la capacité à surestimer ses chances de réussite.

Dans le sillage du travail de G. BECATTINI, C. LANDRY et F. BIANCHINI proposent également de définir le milieu créatif en expliquant quels sont selon eux, les prérequis de son développement au sein des territoires urbanisés (BIANCHINI, LANDRY, 1995 ; LANDRY, 2000).

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À ce titre, les auteurs dressent une première liste de facteurs – regroupés en douze thématiques clés –, qui constitueraient les fondements d’un milieu créatif. Parmi ces facteurs, l’on compte notamment : la capacité à admettre et à intégrer l’échec, le développement du travail d’équipe et des partenariats, la valorisation de l’immigration et des apports des différentes communautés culturelles, ethniques et religieuses, l’amélioration de la participation citoyenne, la création ou l’amélioration d’équipements culturels, le fait de proposer des espaces (terrains et bâtiments) abordables, ou encore le fait de repenser le management et l’aménagement du territoire. Ces facteurs s’apparentent rapidement à une liste de bonnes pratiques adressées aux décideurs locaux et à tous ceux que C. LANDRY nomme les urban innovators dans son ouvrage The Creative City - A toolkit for urban innovators, publié en l’an 2000. L’auteur consacre par ailleurs un chapitre entier44 de cet ouvrage à la notion de milieu créatif en reprenant plusieurs points du texte de 1995 mais en proposant également de nouveaux éclairages définitionnels. Ainsi, selon lui, le milieu créatif s’entend comme : « […] a place – either a

cluster of buildings, a part of a city, a city as a whole or a region – that contains necessary preconditions in terms of ‘hard’ and ‘soft’ infrastructure to generate a flow of ideas and inventions. »45 (LANDRY, 2000, p. 133).

À travers cette première définition, l’on constate que les caractéristiques géographiques du territoire concerné par le milieu créatif n’ont ici pas de réelles importances et que ce dernier peut se développer aussi bien au sein de petits espaces (bâtiments, quartiers…) que de grandes métropoles ou régions. En ce sens, l’analyse territoriale proposée par C. LANDRY rentre en relative contradiction avec les travaux les plus récents de G. TÖRNQVIST qui déclare : « Among geographic milieu as forges for creative processes, densely populated cities

predominate. »46 (TÖRNQVIST, 2004, p.230). En effet, selon le géographe suédois, les grandes

villes représentent des foyers pour la créativité du fait des avantages comparatifs dont elles disposent. Ces foyers correspondent entre autres aux fonctions économiques, administratives, financières et culturelles qui coexistent depuis plusieurs années dans les plus grandes villes et les capitales du monde (TÖRNQVIST, 2011). Pour G. TÖRNQVIST, les caractéristiques géographiques d’un territoire sont déterminantes et influent directement sur sa capacité à devenir ou non un milieu créatif.

44 LANDRY C., 2000, « Chapter 6 – The Creative Milieu », in The Creative City – A toolkit for urban innovators, pp. 132-159.

45 « […] un lieu – qu’il s’agisse d’un regroupement de bâtiments, d’un quartier, d’une ville entière ou d’une région – qui abrite les conditions nécessaires à la fois en termes d’infrastructures ‘hard’ et ‘soft’, pour permettre aux idées et aux inventions de circuler. » (LANDRY, 2000, p.133. Traduction personnelle).

46 « Parmi les milieux géographiques au sein desquels se forgent les processus créatifs, les villes densément peuplée prédominent. » (TÖRNQVIST, 2004, p.230.Traduction personnelle).

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Selon lui, un tel milieu s’entend comme : « […] [the] places and groupings that have attracted

competencies within specialized disciplines. »47 (Ibid., p. 241), ce qui est le cas des plus grandes

métropoles. À l’inverse, A. J. SCOTT rejoint la théorie de C. LANDRY et rappelle qu’un milieu créatif peut tout à fait s’implanter et perdurer au sein de petites agglomérations dès l’instant où elles sont spécialisées dans un domaine créatif précis. C’est le cas de Limoges et de la production de porcelaine par exemple (SCOTT, 2006).

La suite de notre thèse montre par ailleurs que les notions de milieu et surtout de ville créative, concernent majoritairement certains quartiers urbains, dont les caractéristiques positives masquent souvent d’autres réalités territoriales moins reluisantes.

Finalement, en s’appuyant sur les travaux d’autres auteurs (ANDERSSON, 1987 ; HALL, 1998), C. LANDRY détermine sept éléments qui caractérisent la notion de milieu créatif (Figure 7). Dès lors, si certains facteurs à l’origine du milieu créatif semblent corrélés aux déterminismes de la créativité individuelle développés dans le premier chapitre (connaissances et compétences des individus, adaptabilité, flexibilité…), d’autres peuvent paraître plus surprenants et originaux. C’est notamment le cas de l’instabilité structurelle que l’auteur considère comme l’une des conditions à l’émergence d’un milieu créatif. Cette idée d’instabilité est liée à la conjecture économique et sociale d’un territoire.

Dans son analyse du milieu créatif, C. LANDRY confirme l’existence d’un lien fort entre les potentialités créatives d’un territoire d’une part et les marqueurs de l’instabilité socio-économique. À ce titre, il déclare : « Creative milieus are uncomfortable places, both

responding to and creating instability that need to combine the requisite balance between tension and comfort ; collaboration and competition. »48 (LANDRY, 2000, p.142). Une telle

caractéristique nécessite que les décideurs locaux et les aménageurs tiennent compte de la conjoncture afin de développer un milieu créatif au meilleur moment. C. LANDRY évoque également plusieurs éléments déclencheurs permettant d’impulser des processus créatifs au sein des villes.

Selon lui, le milieu créatif peut naître de la nécessité à s’adapter à certaines conditions de vie (développer de nouvelles technologies pour résister à des températures extrêmes par exemple) mais aussi de la rareté (manque de place, d’énergie…) qui oblige à trouver de nouvelles

47 « […] [les] lieux ou les groupes qui valorisent et attirent plusieurs compétences dans des domaines variés. » (TÖRNQVIST, 2004, p.241.Traduction personnelle).

48 « Les milieux créatifs sont des lieux inconfortables, à la fois réactifs et créateur d’instabilité, ils doivent trouver le bon équilibre entre la tension et le confort, la collaboration et la compétition. » (LANDRY, 2000, p.142. Traduction personnelle).

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solutions (construction de buildings verticaux, exploitation de l’énergie solaire…) en s’adaptant une fois de plus à l’environnement urbain considéré. Enfin, la résilience face à l’obsolescence est également considérée comme l’un des éléments au cœur de l’émergence de milieux créatifs. À ce titre, C. LANDRY évoque le cas des anciens bâtiments industriels, laissés en déshérence et qui sont visés par plusieurs politiques de réaménagement territorial dans le but d’en faire de nouveaux lieux de vie créatifs. La question de la transformation des anciennes friches industrielles en territoires créatifs gagnants (BENKO, LIPIETZ, 1992) est abordée plus précisément dans le deuxième point de ce chapitre.

En outre, certains auteurs comme la chercheuse grecque Stella KOSTOPOULOU analyse l’essor des milieux créatifs par le biais du tourisme créatif49 qui s’implante progressivement au sein des waterfronts régénérés.

Figure 7 : Les sept caractéristiques du milieu créatif selon C. LANDRY.

Source : Mathilde VIGNAU, 2019 d’après LANDRY, 2000.

Les éléments précédents caractérisent donc la notion de milieu créatif pour laquelle l’intérêt des universitaires est toujours vif. À titre d’exemple, en 2008, les chercheurs allemands Martha

49 Selon S. KOSTOPOULOU, les touristes créatifs différent des touristes classiques dans le sens où ils n’apprécient pas la culture patrimoniale traditionnelle mais lui préfèrent des lieux créatifs, basés sur une culture plus contemporaine (KOSTOPOULOU, 2013).

MILIEU CRÉATIF

Connaissances

et compétences des individus qui

doivent

communiquer

entre eux. Une base

financière solide permettant l'expérimentatio n sans réglementation trop stricte. Un déséquilibre entre les besoins des différents acteurs territoriaux et les opportunités réelles. Adaptabilité aux futurs changements culturels, scientifiques et technologiques Un environnement accueillant, disposant de lieux de rencontres informels. Un environnement

qui favorise les

synergies.

Particulièrement dans les champs

artistique et scientifique.

Une certaine

instabilité structurelle.

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HESSLER et Clemens ZIMMERMANN s’intéressent aux milieux créatifs en considérant leur dimension culturelle et économique (HESSLER, ZIMMERMANN, 2008) tandis qu’en 2017, l’ouvrage intitulé Creative Milieux : How Urban Design Nurtures Creative Clusters est publié sous la direction du chercheur australien Quentin STEVENS qui regroupe plusieurs textes scientifiques dans le but d’approfondir cette notion (STEVENS, 2017). Dans la continuité de ces réflexions, plusieurs auteurs vont tenter de définir la ville créative en explicitant les déterminants grâce auxquels elle peut se développer et les intérêts qui découlent de son émergence. En fonction des approches, il apparaît rapidement que ces éléments théoriques peuvent différer d’un auteur à l’autre.

❖ Les théories propres à la ville créative.

Si la plupart des chercheurs portant un intérêt à la ville créative se réfèrent systématiquement aux ouvrages de C. LANDRY, considéré comme un précurseur concernant la définition de cette notion (LANDRY, BIANCHINI, 1995 ; LANDRY et al., 1996 ; LANDRY, 2000), il convient de rappeler que ces analyses ne sont pas les premières à mentionner la ville créative dans les champs de la géographie ou de l’urbanisme.

Comme le rappelle C. LANDRY lui-même dans son ouvrage intitulé The Art of City Making (LANDRY, 2006), la première mention de cette notion est attribuée à David YENCKEN, ancien secrétaire de la planification et de l’environnement de l’État de Victoria en Australie. En septembre 1988, lors d’un séminaire organisé entre autres par l’Australia Council, la ville de Melbourne et le ministère de la planification et de l’environnement de Victoria, il propose une présentation sur la ville créative. Selon lui, cette ville spécifique représente un nouveau type de territoire urbain particulièrement efficace puisqu’il inclurait à la fois le souci du bien-être matériel de tous les citoyens (y compris les plus pauvres) et permettrait de stimuler la créativité individuelle en intégrant les arts et la culture à l’aménagement local (YENCKEN, 1988). En recourant à cette notion spécifique, D. YENCKEN s’inscrit dans la continuité de réflexions antérieures (JACOBS, 1984 ; ANDERSSON, 1985) et ouvre la voie d’un approfondissement théorique par la recherche universitaire. Or, à partir des années 1990, à la suite de la labellisation de Glasgow en tant que capitale européenne de la culture (Cf. le troisième point du présent chapitre), l’intérêt pour la notion de ville créative se renforce indéniablement et plusieurs définitions établies en dehors de la sphère académique vont servir de terreau fertile aux chercheurs.

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Ainsi, à titre d’exemple, le groupe de réflexion britannique COMEDIA50 propose en 1991, une première définition assez vague offrant de nombreuses possibilités exploratoires : “A creative

city, therefore, must be creative in the way it runs its economy (a creative economy), in the way it develops its social dynamics (a creative society) and in the way it handles its political arrangements (a creative polity)” (COMEDIA, 1991, p.31)51.

Dans le même temps, la ville de Vancouver propose une définition plus précise en rapprochant immédiatement la notion de ville créative des secteurs culturels et artistiques mais aussi de la diversité culturelle : “A city where : the arts are respected for their aesthetic importance and

for their ability to foster understanding and communication; [where] cultural diversity is embraced and the expression of creativity in all its forms is encouraged […]” (City of

Vancouver, 1993 cité dans DUXBURY, 2004, p.1)52.

Les caractéristiques esthétiques de la ville créative et son potentiel pouvoir concernant le changement d’image territoriale qu’elle induit ont par ailleurs été repris par plusieurs auteurs et notamment par C. LANDRY, R. FLORIDA ou encore E. VIVANT qui, dans un ouvrage publié en 2009, affirme que d’un point de vue théorique, la ville créative : « […] s’accompagne d’une

revalorisation des qualités des espaces urbains, transformant l’image des métropoles et renvoyant aux archives l’image de la ville industrielle […] » (VIVANT, 2009, p.16).

Dans la lignée des définitions du début des années 1990, F. BIANCHINI et surtout C. LANDRY vont mettre à jour plusieurs caractéristiques effectives de la ville créative. D’abord dans un ouvrage commun intitulé The Creative City publié en 1995 où ils cherchent à savoir comment devenir créatif d’un point de vue territorial. À partir de cette interrogation et sur le même modèle que la définition du milieu créatif, ils dressent, à l’attention des lecteurs et des décideurs locaux, une liste d’éléments qui contribueraient favorablement à l’établissement d’une ville créative. Ainsi, ce type de ville émergerait avant tout au sein de territoires qui parviennent à se détacher au maximum des contraintes administratives. En effet, selon C. LANDRY et F. BIANCHINI, l’environnement créatif ne saurait se déployer face aux contraintes émanant de la bureaucratie.

50Le think tank COMEDIA est en charge de la rédaction du rapport intitulé Making the most of glasgow cultural assets publié en 1991 à la suite de la labellisation de la ville de Glasgow en tant que capitale européenne de la culture.

51« Une ville créative doit donc être créative dans la gestion de son économie (une économie créative), dans la manière dont elle développe sa dynamique sociale (une société créative) et dans la manière dont elle gère ses arrangements politiques (une politique créative). » (COMEDIA, 1991, p.31. Traduction personnelle.)

52« Une ville où: les arts sont respectés pour leur importance esthétique et pour leur capacité à favoriser la compréhension et la communication ; [où] la diversité culturelle est adoptée et l'expression de la créativité sous toutes ses formes est encouragée […] » (City of Vancouver, 1993 cité dans DUXBURY, 2004, p.1. Traduction personnelle).

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Par ailleurs, les territoires ayant le plus de probabilité de devenir créatifs sont ceux qui intègrent la culture de l’échec et les auteurs rappellent qu’être créatif ne signifie pas pour autant de constamment réussir. À ce propos, les auteurs préconisent la création et la mise en place d’indicateurs permettant de mesurer les échecs et les succès d’une ville. Enfin, deux autres facteurs permettraient de développer la créativité à l’échelle urbaine, il s’agit d’abord de la diversité sociale en tant que principal atout quant à la résolution originale de problèmes territoriaux, et de la compétition internationale que se livrent de plus en plus de villes et qui constitue l’un des principaux stimuli créatifs territoriaux.

Ces caractéristiques sont d’ailleurs reprises et détaillées par C. LANDRY en l’an 2000 qui affirme que la ville créative découlerait de l’association de sept facteurs principaux (Figure 8).

Figure 8 : Les caractéristiques de la ville créative selon C. LANDRY.

Source : Mathilde VIGNAU, 2019 d’après LANDRY, 2000.

Le schéma précédent permet de constater que dans certaines acceptations, l’émergence d’une ville créative repose sur une large diversité de facteurs qui constituent à la fois des ressources humaines et techniques. Selon C. LANDRY, le premier et principal facteur à l’origine du développement de la créativité territoriale repose sur la présence d’individus créatifs qu’il considère comme le moteur de ce nouveau type de ville.

VILLE CRÉATIVE Des individus créatifs La volonté d'être créatif La diversité/ mixité culturelle L'innovation dans l'organisation territoriale L'impulsion d'une identité culturelle locale Le développement de l'espace public Le développement des réseuax et des associations locales

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Dans l’ensemble, les caractéristiques soulevées par l’auteur s’inscrivent comme autant de recommandations aux décideurs locaux souhaitant transformer leur territoire urbain en une nouvelle centralité créative. En ce sens, si l’idée générale du développement de la ville créative implique incontestablement une mise en concurrence des territoires qui traduit relativement bien les caractéristiques (critiquables) des idéologies capitalistes et néolibérales, relevons toutefois la détermination de C. LANDRY à nuancer ses propos.

En effet, à la différence de la théorie défendue par R. FLORIDA qui incite les décideurs locaux à mettre en place et valoriser tous les critères permettant d’attirer la classe créative, sans soulever les limites de cette stratégie (FLORIDA, 2002, 2004, 2008) ; le discours de C. LANDRY semble plus objectif. À ce titre, l’auteur britannique déclare, à propos de la nécessaire présence d’individus créatifs : « Creative people are the motor of the creative city

[but] they can achieve nothing without the others […] » (LANDRY, 2000, p.107)53.

De la même manière, concernant le développement de l’espace public, C. LANDRY souligne l’importance pour les décideurs locaux qui souhaitent impulser la créativité territoriale au sein des villes qu’ils gouvernent, de fournir des terrains et bâtiments à des prix abordables pour permettre aux jeunes entreprises de se développer. Enfin, il dénonce également les processus de privatisation de l’espace public, de plus en plus tangibles et affirme que ces derniers constituent une réelle menace pour l’émergence de la ville créative.

Les propos et les réflexions de C. LANDRY révèlent finalement une dualité assez paradoxale dans le sens où l’auteur semble conscient des limites des systèmes capitaliste et néolibéral (privatisation de l’espace public, élitisme social, compétitivité accrue…) mais qu’il l’entretient indéniablement à travers les facteurs qu’il suggère de développer dans les centres villes. Cela