• Aucun résultat trouvé

Introduction au premier chapitre

1. La conceptualisation des premières théories de la créativité en psychologie

Tenter de définir la notion de créativité reste une tâche ardue qui doit s’appuyer sur un important travail pluridisciplinaire. Avant de se focaliser sur la dimension territoriale d’un tel terme à travers le champ de la géographie de la créativité (chapitre 2), nous nous sommes intéressés à la théorisation de cette notion en psychologie. Ce premier choix est justifié par deux éléments principaux. D’une part la recherche en psychologie apparaît comme l’un des premiers champs disciplinaires à accorder une importance réelle à la notion de créativité en y apportant à la fois des éclairages théoriques et méthodologiques. D’autre part, en proposant une définition de l’individu créatif, la psychologie offre un premier cadre de réflexion sur lequel viennent se greffer les notions connexes de classe ou de ville créative. Il s’agit donc pour nous, à travers ce premier point, d’aborder la notion de créativité à la lumière de plusieurs éléments théoriques pour ne pas risquer de la « dessécher » (DE ROSNAY, 1975).

1.1.La créativité en psychologie : éléments généraux de définition.

En tant que champ disciplinaire précurseur dans la conceptualisation de la notion de créativité, la psychologie offre de nombreux éléments de cadrage qui forment un socle de réflexion particulièrement fécond. À travers ce premier point, notre volonté est d’analyser certains des principaux fondements théoriques portant sur ce sujet. Nous nous intéresserons donc ici à deux éléments spécifiques : d’une part, la pluralité de formes de la créativité - mise à jour par la recherche en psychologie - et d’autre part les conditions d’émergence du potentiel créatif individuel.

- Une créativité polymorphe.

Aborder la conceptualisation de la notion de créativité en sciences humaines et sociales en mobilisant d’abord une entrée par la psychologie est riche de sens. En effet, avant d’être considérée comme une qualité fondamentale du XXIème siècle, nouveau crédo de nombreux slogans publicitaires (« Soyez créatifs ! », « Développez vos potentialités créatives ! »), la créativité a été pendant une longue période – du milieu des années 1920 jusqu’au début des années 2000 -, un objet d’étude privilégié pour les chercheurs en psychologie. Ainsi, les chercheurs Graham WALLAS, qui théorise le processus créatif en 1926 ; Joy Paul GUILFORD dont les publications et théories sur la créativité émergent dans les années 1950 (GUILFORD, 1950), Carl ROGERS qui publie en 1954 un article intitulé : « Towards a theory of creativity » (ROGERS, 1954) ou encore Ellis Paul TORRANCE à l’origine des premiers tests permettant

32

de mesurer le potentiel créatif (TORRANCE, 1962 ; 1974) comptent parmi les premiers chercheurs à s’être intéressés à la théorisation de la créativité et plus précisément la créativité individuelle. Ces travaux vont être largement repris et complétés à partir des années 1960 où la créativité devient une thématique phare des recherches en sciences humaines et sociales et plus particulièrement en psychologie. En 1963, le chercheur américain Stuart E. GOLANN fait le constat d’une grande diversité dans les travaux portant sur le thème de la créativité et distingue quatre sujets d’étude principaux à savoir : les analyses portant sur le produit créatif (œuvre créative ou invention), les études orientées autour du processus créatif, l’intérêt méthodologique pour les méthodes permettant de mesurer le potentiel créatif individuel et enfin les études sur la personnalité et la motivation des individus créatifs (GOLANN, 1963).

À cela s’ajoute souvent une cinquième thématique qui se focalise sur les liens entre la créativité et l’éducation, la seconde pouvant impulser ou au contraire refreiner la première (VERNON, 1967). Au-delà de ces grandes thématiques théoriques, la recherche en psychologie met rapidement en lumière la polymorphie de la créativité. Pour le psychologue américain Robert J. STERNBERG il existerait huit formes de contributions créatives réparties en trois grandes catégories (STERNBERG, 2006) et synthétisées dans le tableau suivant :

Tableau 2 : La pluralité de formes de la créativité.

Les contributions créatives qui acceptent les

paradigmes courants.

Les contributions créatives qui rejettent les

paradigmes courants.

Les contributions créatives qui intègrent une

multitude de paradigmes. - Réplication, - Redéfinition, - Incrémentation, - Incrémentation avancée. - Redirection, - Reconstruction. - Intégration.

Source : Mathilde VIGNAU, 2016, d’après STERNBERG, 2006.

Avant d’expliquer plus en détails les différentes formes de créativité, il est important de souligner le fait que pour les deux premières catégories, les individus proposant les idées créatives, ne se contentent pas d’accepter ou de rejeter les paradigmes existants. Au contraire, à travers la diversité des formes et des méthodes créatives, ils tentent d’approfondir ce qui existe déjà (catégorie 1) ou de remplacer ce qui pose un problème (catégorie 2).

33

Dans un premier temps, les contributions créatives relevant de la première catégorie c’est-à-dire celles qui acceptent les paradigmes courants en essayant de les étendre se composent de quatre sous-catégories qui sont autant de formes possibles pour la créativité générale.

• La réplication tente de montrer que le champ de recherche ou le paradigme est à la bonne place et qu’il ne nécessite pas d’être profondément modifié.

• La redéfinition correspond comme son nom l’indique, à une contribution créative permettant de redéfinir l’emplacement du champ d’étude initial à travers une multiplication des angles de vue qui vont venir graviter autour de l’emplacement de base sans réellement le modifier.

• L’incrémentation tente d’accentuer le mouvement pris par une idée ou un champ d’étude en l’approfondissant. Ici, la direction prise par le paradigme est la bonne et cette forme de créativité permet simplement d’aller plus loin dans la recherche.

• Enfin, l’incrémentation avancée, repose sur les mêmes principes que la forme créative précédente mais a l’ambition de dépasser la progression espérée.

La deuxième grande catégorie qui regroupe les formes de créativité qui vont rejeter les paradigmes courants tout en essayant de les remplacer se compose quant à elle de trois catégories créatives distinctes :

• La redirection, qui permet de rediriger le champ d’étude initial vers un emplacement qui lui semble mieux adapté.

• La reconstruction, qui consiste à repenser le paradigme initial en le ramenant à un point où il se trouvait dans le passé et qui était mieux adapté que celui où il se trouve présentement.

• Et la réinitialisation, à travers laquelle il s’agit de trouver un nouveau point de départ au paradigme initial.

Enfin, la troisième catégorie inclut les contributions créatives qui permettent de faire la synthèse entre plusieurs paradigmes existants et qui proposent donc un nouveau contenu principalement à travers une forme créative :

• L’intégration, qui tente de fusionner deux manières de penser afin d’en faire émerger une seule.

34

Finalement, la diversité des formes créatives est bien plus large que la seule distinction entre créativité artistique et créativité scientifique. Lorsque l’on évoque les différents types de contributions créatives l’on constate surtout un intérêt pour la transformation, l’approfondissement mais aussi la création d’idées et de contenu. Par ailleurs, il est important de souligner que les formes de créativité varient aussi en fonction des individus et de la manière dont ils vont développer leur potentiel créatif. C’est pourquoi il est nécessaire de parvenir à caractériser concrètement les individus créatifs (Cf.1.2.).

- Des conditions d’émergence spécifiques.

Au-delà des apports scientifiques sur le caractère protéiforme de la créativité, la recherche en psychologie va également mettre en lumière un certain nombre de conditions qui semblent fondamentales à l’émergence des potentialités créatives. L’un des premiers à évoquer cette idée est le psychologue américain Carl ROGERS qui définit les conditions d’émergence, de développement et de maintien de la créativité en un temps T (ROGERS, 1954). D’après ses travaux sur la théorie de la créativité, il existerait deux facteurs principaux favorables à l’essor d’idées créatives. Le premier insiste sur l’importance de se sentir « psychologiquement en

sécurité » (ROGERS, 1954 ; ROGERS N., RAISONNIER, 2007, p. 89). Le deuxième repose sur l’existence d’un « climat pour la liberté psychologique » (ibid.). À ces deux facteurs originels, la chercheuse américaine Natalie ROGERS ajoute une troisième condition à savoir le fait : « [d’] offrir des expériences qui stimulent et interpellent » (ROGERS, 1993, p. 14). Par la suite, en 1990, le chercheur américain David M. HARRINGTON publie un article dans lequel il montre l’importance de l’environnement social qui agirait comme un support essentiel à l’émergence et surtout au maintien d’idées créatives (HARRINGTON, 1990). Cet environnement social s’entend alors comme : « […] une ambiance favorable, comprenant un

accès facile et rapide aux matériaux, à l’espace et au temps, mais également […] la possibilité de voir récompensé l’engagement dans la tâche » (GODEFROID, 2001, p. 505), autrement dit

l’engagement dans la production de contenu créatif. Dès lors, la notion d’environnement en tant que condition sine qua non de l’émergence et du développement de la créativité devient une constante dans les publications de psychologie.

Cela est complété en 2006, avec les travaux de R. J. STERNBERG qui démontre que la créativité nécessite la coprésence de six ressources distinctes mais reliées les unes aux autres. Il s’agit d’abord de ressources ou de capacités intellectuelles (d’où l’affiliation récurrente en psychologie de l’intelligence et de la créativité, comme nous le verrons par la suite), puis de

35

savoirs, de manières de penser, du développement d’une personnalité individuelle propre, d’une forte motivation et enfin d’un environnement spécifique (STERNBERG, 2006).

Selon R. J. STERNBERG le rôle de l’environnement est donc fondamental en ce qui concerne le développement de l’esprit et du potentiel créatif d’un individu. Selon lui, un environnement qui encourage et récompense l’émergence d’idées créatives favorise leur essor. À l’inverse, sans un environnement adapté, un individu qui posséderait toutes les caractéristiques essentielles au bon développement de sa créativité peut se trouver dans une situation où l’ensemble de son potentiel est contraint voire, totalement inhibé. C’est par exemple le cas dans les sociétés dictatoriales où le bien-être et même la vie d’un individu peuvent être menacés dès l’instant où ce dernier franchit le Rubicon de la pensée conventionnelle, socialement tolérée. De fait, la créativité semble donc se développer davantage dans les contextes où :

« l’imagination est libérée de ses entraves » (SILLAMY, 2010, p. 76). Toutefois, R. J.

STERNBERG nuance l’importance de l’environnement en tant que condition essentielle de la créativité dans le sens où, selon lui, le rôle des individus reste prépondérant puisqu’ils peuvent délibérément choisir de ne pas laisser les caractéristiques peu favorables d’un environnement, bloquer leurs potentialités créatives. L’environnement est donc bel et bien un support au développement de la créativité individuelle et non un facteur déterminant dans le processus d’émergence d’idées créatives.

Finalement, au-delà d’un environnement spécifique à l’établissement d’une créativité pérenne, il est également primordial de tenir compte des contextes socioculturels au sein desquels vont évoluer les individus les plus susceptibles de développer des idées créatives. Ainsi, le déploiement des potentialités créatives serait : « étroitement [dépendant] du milieu

socioculturel » (ibid.). Par ailleurs, le contexte socio-historique a également un impact sur le

déploiement de la créativité et permet notamment d’établir une distinction entre les découvertes d’une part et les redécouvertes d’autre part.

En sciences humaines et sociales et, a fortiori, en psychologie, la créativité doit donc être analysée à la lumière d’une approche multivariée (ROUQUETTE, 2007) où l’on trouve à la fois

« […] des facteurs cognitifs, conatifs, émotionnels et environnementaux. » (LUBART, 2003, p.

14). Ces éléments nourrissent entre autres, les théories portant sur le processus ou encore l’individu créatif.

36 1.2.Théoriser le processus et l’individu créatif.

La recherche en psychologie a également contribué à théoriser le processus et l’individu créatif. Certains travaux comme ceux de l’universitaire britannique Graham WALLAS3 ont contribué à l’essor de véritables modèles méthodologiques permettant de déterminer les différentes phases qui aboutiraient à « l’illumination » créative d’un individu. Ces résultats représentent une avancée majeure dans l’analyse de la notion de créativité. Ils ont notamment permis d’étayer les réflexions portant sur l’individu créatif et constituent une solide base théorique concernant les tentatives de mesure et d’évaluation quantitative de la créativité individuelle.

- Le modèle de G. WALLAS.

La question du processus créatif émerge dans les travaux de psychologie dès le début du XXème siècle. À ce titre, le modèle développé en 1926 par G. WALLAS, reste une référence pour qui souhaite saisir mais aussi vulgariser la complexité de la créativité individuelle. D’une manière générale, le processus créatif s’entend comme un moyen spécifique de développer la créativité individuelle. Pour Claude LEVY-LEBOYER, ce processus : « est favorisé par une attitude

positive vis-à-vis des idées nouvelles et inattendues, et par le fait de disperser son attention plutôt que de la concentrer sur le problème posé » (LEVY-LEBOYER, 2013, p. 171). À partir

de ce constat, plusieurs méthodes spécifiques vont être formulées pour tenter de faire émerger la créativité individuelle. Ces dernières reposent par exemple sur des groupes de discussion au sein desquels un individu peut exprimer l’intégralité de ses idées, y compris les plus originales sans craindre d’être moqué ou jugé par d’autres.

Au milieu des années 1920, G. WALLAS propose finalement de théoriser le processus créatif en le décomposant en plusieurs étapes clés (WALLAS, 1926). Sa démarche scientifique rigoureuse traduit l’idée selon laquelle : « [l]’acte créatif [demande] un travail ardu et

intentionnel et doit présenter des problèmes de réalisation » (LUBART, 2003, p. 11). En ce

sens, l’on remarque à nouveau la dichotomie persistante entre les chercheurs partisans d’une créativité spontané et ceux pour qui elle découlerait au contraire de l’application d’un processus intentionnel et soigneusement préparé. Ces approches paradoxales posent question dans la sphère scientifique au point de remettre parfois en cause la nécessité d’une recherche sur le processus créatif en lui-même.

3 Graham WALLAS a enseigné les sciences politiques à la London School of Economic à la fin du XIXème siècle. Il s’intéresse également aux problèmes relatifs à l’éducation, fortement corrélée à la créativité pour de nombreux chercheurs.

37

Ainsi, le psychologue canadien P. VERNON souligne que pour certains artistes, les actes créatifs doivent rester inexpliqués car le fait même de chercher à comprendre la manière dont les artistes créent annihilerait immédiatement le processus créatif (VERNON, 1967). Toutefois cette opinion n’est pas toujours partagée. En effet, les mathématiciens comme Henri POINCARÉ ou les scientifiques comme G. WALLAS ne vont avoir de cesse – à travers l’expérience -, de développer des méthodes conduisant au processus créatif.

La démarche proposée par G. WALLAS repose sur quatre phases distinctes (Figure 1) à savoir :

« […] une préparation mentale ([où] des informations sont recherchées), une phase d’incubation, une phase d’illumination quand l’idée créative parvient à la conscience, et une phase de vérification pour tester l’idée une fois élaborée » (LUBART, 2003, p. 8). À ces quatre

premières étapes précéderait une phase de présentation de la tâche correspondant à la prise de connaissance du problème posé et aux premières difficultés qu’il représente. Entre outre, les idées créatives sont rarement reconnues comme justes ou valides a priori. En effet, il existerait un temps de latence entre les phases d’illumination et de vérification au cours duquel les idées émises peuvent être critiquées voire complétement rejetées avant de faire finalement pleinement consensus (STERNBERG, 2006).

Figure 1 : Les étapes du processus créatif selon Graham WALLAS.

Source : Mathilde VIGNAU, 2016, d’après LUBART, 2003.

La formulation des étapes du processus créatif ouvre alors une nouvelle boîte de Pandore dans la recherche scientifique. En effet, en proposant une méthodologie facilitant l’émergence de la créativité, il devient alors possible de quantifier et d’apprécier le degré de créativité de chaque individu.

38 - Caractériser l’individu créatif.

On emploie l’adjectif « créatif » le plus souvent pour caractériser un individu : « qui présente

une tendance notable à la création imaginaire, qui est doué de créativité […] » (PIERON,

2003), ou bien pour référer aux individus qui : « […] font preuve d’imagination, d’esprit

d’invention et d’originalité. » (LEVY-LEBOYER, 2007, p. 171). Les individus créatifs sont

souvent perçus à travers certaines catégories professionnelles ou certains corps de métier et la plupart du temps, l’on retrouve derrière cette notion, le triptyque de l’artiste, de l’écrivain et du scientifique qui ont tous trois des potentialités créatives élevées (VERNON, 1967). Néanmoins, la définition de l’individu créatif ne fait pas consensus. En effet, dans plusieurs travaux scientifiques et notamment dans les publications de psychologie, les chercheurs ne s’accordent pas toujours sur cette notion.

L’une des premières interrogations qui apparaît lorsque l’on s’intéresse aux individus créatifs, repose sur les questions d’inné et d’acquis. En effet, si plusieurs auteurs (REUCHLIN, LE NY., 1996, STERNBERG, 2006) considèrent que la créativité est une caractéristique essentielle, présente chez tous les individus, d’autres (FELDMAN, CSIKSZENTMIHALYI, GARDNER, 1994 ; ROOK, 1994), considèrent au contraire que tous les individus n’ont pas les mêmes capacités quant à la formulation d’idées créatives. Par ailleurs, certains chercheurs comme le psychologue américain Howard GARDNER, pensent que l’expression de la créativité individuelle dépend également du domaine créatif considéré. En analysant le parcours de plusieurs individus créatifs célèbres (Pablo PICASSO, Albert EINSTEIN, Martha GRAHAMS…), il tente de dresser un compte-rendu détaillé des similitudes et des différences qui caractérisent les individus dont la créativité est collectivement reconnue grâce à la maîtrise d’une activité spécifique (ici, respectivement : la peinture et l’art en général, la physique et les sciences ou encore la danse). Cette étude permet de constater une fois de plus qu’il existe plusieurs formes de créativité (GARDNER, 2001) et qu’un individu peut être créatif dans un domaine spécifique sans pour autant l’être d’une manière générale. En outre, certains chercheurs comme le biologiste britannique Peter MEDAWAR, considèrent que : « […] [la

créativité] ne peut certes pas s’apprendre, mais peut très certainement être encouragée et favorisée » (MEDAWAR,1969, p. 88).

Parvenir à un consensus théorique semble donc difficile et finalement, la créativité individuelle repose sur la coexistence de facteurs spécifiques qui permettraient d’exalter toutes les potentialités créatives d’un individu.

39

En partant de ce constat, plusieurs chercheurs (STERNBERG, 1988 ; STERNBERG, LUBART, 1991, 1992 ; MYERS, 2007) ont tenté de dresser une liste des caractéristiques propres aux individus créatifs qui disposeraient alors d’un grand niveau de compétence, d’une capacité d’imagination élevée, d’une personnalité aventureuse, d’une motivation intrinsèque et qui évolueraient dans un environnement spécifique.

La première caractéristique, relative au niveau de compétence, est propre à tous les individus créatifs qui ont besoin d’un niveau d’expertise élevé afin de compléter au mieux les différentes phases du processus créatif (VERNON, 1967). Par ailleurs, pour être considéré comme créatif, un individu doit également posséder des traits psychologiques spécifiques. De fait, pour N. ROGERS, la personne créative est : « […] ouverte aux options, […] flexible et valorise les

différences individuelles. » (ROGERS N., RAISONNIER, 2007, p. 89). Elle doit

également : « […] être capable de jouer avec des idées, de voir des solutions alternatives, et

[…] d’écouter avec empathie tous les points de vue » (ibid.).

Dans les premières étapes du processus créatif, les idées défendues peuvent faire face à une forme de résistance de la part de certains individus qui ne voient pas toujours en elles un intérêt majeur. Or, pour l’individu créatif, tout l’enjeu est de pallier cette résistance en maintenant l’idée première et en la développant comme quelque chose de novateur et d’original avant de se concentrer sur une autre idée. De plus, dans le contexte ultra-compétitif des sociétés contemporaines, le rôle des individus créatifs est prépondérant. Ils sont en effet perçus à travers leur très grand potentiel et leur capacité à « […] trouver rapidement des réponses efficaces. » (LUBART, 2003, p. 2). À travers eux, la créativité est : « […] considérée comme un moyen

d’améliorer la performance et de s’adapter à des marchés toujours en évolution » (ibid., p. 1).

Selon le chercheur Irving A. TAYLOR les individus créatifs sont même au cœur de changements sociaux importants puisqu’ils ne se contentent pas de s’adapter à un milieu donné mais au contraire, ils le transforment (TAYLOR, 1975 ; GODEFROID, 2001).

Finalement, il semble que : « […] la créativité [soit] une décision que tout le monde peut

prendre mais que seule une petite proportion d’individus prend vraiment car les autres considèrent le prix à payer pour être créatif, trop élevé. » (STERNBERG, 2006, p. 97). Bien

qu’il ne soit pas toujours évident de déterminer avec précision les caractéristiques propres aux individus créatifs, force est de constater que ces derniers existent bel et bien et jouent un rôle particulier dans nos sociétés.

40

Cela a d’ailleurs poussé de nombreux chercheurs en psychologie à estimer, tester et mesurer le potentiel créatif individuel (GETZELS, JACKSON, 1962 ; VERNON, 1967 ; KRIPPNER, 1994 ; RUNCO, 1994 ; JUNG, 2002 ; GERRIG, ZIMBARDO, 2008).

En définitive, la psychologie offre de nombreuses pistes de réflexion pour appréhender le