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Section 1 : La méthode des risques attribuables pour contourner

1. Le concept de risque attribuable

Le calcul de risques attribuables est une méthode fréquemment utilisée en santé publique pour estimer l’impact d’un facteur de risque sur la santé d’une population. Cette méthode a été développée pour la première fois par LEVIN (1953) pour évaluer l’impact du tabagisme sur le cancer du poumon. Elle a été appliquée par la suite à d’autres types d’exposition et à d’autres pathologies. Dans le domaine des maladies d’origine professionnelle, elle a par exemple permis d’étudier les défauts d’auditions ou l’asthme dus à des expositions professionnelles (DRISCOLL et alii 2005, NELSON et alii 2005).

La méthode de calcul d’un risque attribuable est très présente dans la littérature. Les expressions « fraction attribuable », « fraction étiologique » ou encore « pourcentage de risque attribuable » sont autant de termes qui correspondent à la même méthode de risque attribuable. GEFELLER (1990, 1995) a recensé 16 termes servant à définir ce même concept. Pour notre analyse nous employons le terme de risque attribuable qui est le plus couramment utilisé dans la littérature (INSERM 2005).

On peut définir le risque attribuable de deux façons différentes. Il estime la fraction des cas d’une maladie attribuables à une exposition dans l’ensemble d’une population, y compris chez les individus non exposés (BOUYER et alii 1995). Autrement dit le risque attribuable évalue la fraction de cas qui pourrait être évitée si l’exposition était supprimée.

Il est cependant difficile d’évaluer l’impact d’un seul facteur car les pathologies, et plus particulièrement les cancers, sont la résultante d’une multitude de facteurs, à la fois d’origine professionnelles mais aussi comportementaux ou encore génétiques. Même si on considère tous les facteurs de risque d’une pathologie comme étant identifiés, la somme des risques attribuables à chacun de ses facteurs peut dépasser le risque attribuable à l’ensemble des facteurs pris simultanément en raison des synergies et effets multiplicateurs. Mais le risque attribuable indique toujours la proportion de cas qui serait évitée si le facteur de risque était supprimé puisque l’exposition simultanée à ces deux facteurs n’existerait plus.

Le risque attribuable est défini par la formule suivante :

Risque attribuable =

R - R n.exp

(1) R

Avec R le risque observé dans l’ensemble de la population (exposés et non exposés) et Rn.exp le risque observé dans une population non exposée.

Le risque attribuable dépend de la prévalence d’exposition du facteur dans la population PE et du risque relatif noté RR qui quantifie l’intensité du lien entre ce facteur et la pathologie. Pour faire apparaître cette relation à partir de la formule (1), il faut décomposer le risque R en distinguant la population exposée et la population non exposée. On a donc :

R = (PĒ x Rn.exp) + (PE x Rexp)

Le risque attribuable s’écrit désormais :

Risque attribuable =

(PĒ x Rn.exp) + (PE x Rexp) - Rn.exp (PĒ x Rn.exp) + (PE x Rexp)

On peut également décomposer le risque observé dans la population exposé pour faire apparaître le risque relatif : Rexp = RR x Rn.exp

On peut donc écrire :

Risque attribuable =

((PĒ x Rn.exp) + (PE x RR x Rn.exp)) - R n.exp ((PĒ x Rn.exp) + (PE x RR x Rn.exp))

On factorise et on simplifie par Rn.exp puis on remplace PĒ par 1-PE :

Risque attribuable =

Rn.exp [(PĒ + PE x RR ) - 1] 1-PE + (PE x RR) - 1

=

Rn.exp [PĒ + (PE x RR )] 1-PE + (PE x RR)

On factorise enfin par PE pour obtenir la formule suivante (LEVIN 1953):

Risque attribuable =

PE x (RR - 1)

(2) [PE x (RR - 1)] + 1

Cette seconde écriture (2) met en évidence l’influence de la prévalence d’exposition et du risque relatif. La mesure du risque attribuable est donc propre à une population et ne sera que très rarement transposable à un autre contexte puisque la prévalence d’exposition diffère généralement d’une population à une autre.

Le risque relatif peut être exprimé en termes de morbidité ou de mortalité. Dans le second cas, le risque attribuable calculé, parfois appelé « mortalité attribuable » est défini par VALLERON

(2000) comme « la mortalité supplémentaire qu’on observerait par rapport à celle obtenue

dans l’hypothèse où le facteur étudié est supprimé ». Dans le cas de pathologies mortelles,

cette distinction permet d’éviter les erreurs d’interprétations bien que dans la littérature on fait fréquemment l’hypothèse que le risque relatif de décès est égal au risque relatif de morbidité dans le cas de maladie avec pronostic sombre (NURMINEN et KARJALAINEN 2001, KURIHARA

et WADA 2004, GUHA et alii 2009). Les cancers du poumon et de la plèvre ont un taux de survie à 5 ans inférieur à 20 % (MAZEAU-WOYNAR etCERF 2010) et sont donc considérés comme des pathologies à pronostic sombre.

Si on regarde de plus près la formule (2), on remarque que le risque relatif est une fonction croissante des deux paramètres qui le composent. Le tableau suivant donne les valeurs de risques attribuables en fonction de différentes valeurs de risque relatif et de prévalence d’exposition : PE

\

RR 1 2 5 10 0% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 1% 0,00% 0,99% 3,85% 8,26% 2% 0,00% 1,96% 7,41% 15,25% 3% 0,00% 2,91% 10,71% 21,26% 4% 0,00% 3,85% 13,79% 26,47% 5% 0,00% 4,76% 16,67% 31,03% 6% 0,00% 5,66% 19,35% 35,06% 7% 0,00% 6,54% 21,88% 38,65% 8% 0,00% 7,41% 24,24% 41,86% 9% 0,00% 8,26% 26,47% 44,75%

Une même valeur de risque attribuable peut traduire plusieurs réalités différentes. On remarque qu’un risque attribuable de 8,26 % par exemple peut être obtenu si le facteur de risque touche une faible part de la population (PE = 1%) mais que son lien avec la pathologie

est fort (RR = 10). On peut obtenir le même résultat si on s’intéresse à un facteur de risque touchant davantage la population (PE = 9%) mais avec un lien plus faible avec la pathologie (RR = 2). Le tableau nous montre également qu’un risque attribuable nul traduit une absence d’exposition dans la population ou une absence de lien entre le facteur et la maladie.

Le risque attribuable possède une propriété qu’il est important d’expliciter pour la suite de notre analyse. Un risque attribuable est estimé à partir de données de risque relatif et de prévalence d’exposition. L’estimation de ces paramètres nécessite de définir ce qu’on entend par « personne exposée ». La définition de l’exposition doit être identique dans l’estimation de la prévalence d’exposition et du risque relatif. Il est possible de définir différentes catégories d’exposition par exemple, une exposition « moyenne » comprise entre 1 et 3 mg par m3 et « forte » supérieure à 3 mg par m3. Nous pouvons donc estimer autant de valeur de risque attribuable qu’il existe de catégorie d’exposition. La propriété de distributivité nous dit que si des valeurs de risque attribuable sont estimées pour plusieurs catégories d’exposition alors leur somme est égale au risque attribuable calculé pour toutes ces expositions regroupées à condition que le seuil de référence soit le même (INSERM 2005). Dans notre exemple le risque attribuable calculé pour une exposition supérieure à 1 mg par m3 est égal à la somme des risques attribuables estimés pour une exposition comprise entre 1 et 3 mg par m3 et pour une exposition supérieure à 3 mg par m3.

Cette propriété est essentielle pour notre évaluation. Il serait intéressant de réaliser une analyse par catégorie d’exposition mais les données disponibles sont très peu nombreuses. Notre évaluation mobilise donc une seule catégorie d’exposition par facteur de risque.

Le risque attribuable s’exprime en proportion de cas qui peut aisément être transformé en nombre de cas (prévalents, incidents ou de décès) attribuable à l’exposition étudiée en appliquant la formule suivante :

Nombre de cas attribuables = RA x N (3)

Avec RA le risque attribuable et N le nombre de cas (incidents, prévalents ou de décès) total de la pathologie dans la population concernée.

Si le risque attribuable est fonction des valeurs de risque relatif et de prévalence d’exposition, le nombre de cas attribuable est quant à lui fonction des valeurs de N dans la formule (3). L’impact d’une exposition sur une population générale dépend en grande partie de l’impact de la pathologie dans cette même population qu’il soit mesuré en termes de nombre de cas incidents, prévalents ou de décès.

Comme pour le risque attribuable, un même résultat en termes de nombre de cas attribuables peut traduire différentes réalité :

N

\

RA 5% 10% 20% 50% 20 1 2 4 10 50 2,50 5 10 25 100 5 10 20 50 500 25 50 100 250 1 000 50 100 200 500 2 000 100 200 400 1 000 5 000 250 500 1 000 2 500 10 000 500 1 000 2 000 5 000 50 000 2 500 5 000 10 000 25 000 1 000 000 50 000 100 000 200 000 500 000

Si N est le nombre de cas incidents de la maladie, on remarque qu’on peut obtenir un nombre de nouveaux cas attribuables de 2500 pour un nombre de cas incidents faible (N = 5000) et un risque attribuable élevé (RA = 50%) ou pour un nombre de cas incidents plus fort (N = 50 000) mais un risque attribuable plus faible (RA = 5%).

Au vue des différentes étapes aboutissant à l’estimation d’un nombre de cas attribuable, il est nécessaire d’interpréter chaque résultat en tenant compte à la fois des données d’incidence (ou de prévalence ou de mortalité) de la pathologie mais aussi de risque relatif et de prévalence d’exposition du facteur de risque.