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Le conflit est généralement perçu comme un antagonisme. Cette définition est suffisamment large pour inclure toutes sortes de conflits allant des disputes de ménage

aux guerres. Selon TRAN VAN Minh, « la notion de conflit est une terminologie qui met en

concurrence plusieurs termes : conflit, litige, différend, crise, tension, antagonisme,

situation… »48. Cette variabilité dans l’usage des termes est susceptible de créer une

certaine confusion d’où la nécessité de les disséquer et les distinguer.

Premièrement, le conflit se distingue de la crise. Pour le politologue américain William ZARTMAN, le conflit est le premier stade de la crise. Alors que celui-là renvoie « au litige qui sous-tend les heurts entre les belligérants, celle-ci désigne le passage actif

46I William ZARTMAN, La résolution des conflits en Afrique, Paris, éditions L’Harmattan, 2000, p.12

47Ibidem

37 des hostilités armées »49. C’est une phase critique dans l’évolution du conflit ; « le conflit précède donc la crise »50.

Deuxièmement, la Charte de l’ONU utilise les notions de différend et de situation sans toutefois préciser leur portée. Le Professeur Charles CHAUMONT, après avoir

inventorié les différents cas d’utilisation des deux concepts, conclut que le différend a un

caractère subjectif alors que la notion de situation serait objective51. Dans son arrêt du 30

août 1924 sur l’affaire Mavrommatis, la Cour Permanente de Justice Internationale définit

le différend international comme un « désaccord sur un point de droit ou de fait, une

contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre deux Etats ». Bien

que restrictive, cette définition se rapproche de celle du conflit.

Troisièmement, il importe, de faire la différence entre le conflit et les termes de

tension interne et de trouble intérieur. Ce sont des situations de basse intensité n’ayant

pas encore atteint le stade de conflit armé52.Ces situations ne présentent pas l’intensité et

l’organisation militaire nécessaire caractéristique du conflit armé.

Le terme conflit est défini comme une « hostilité, lutte entre groupes sociaux, entre

Etats, n’allant pas jusqu’au conflit armé et sanglant, que l’on oppose souvent à la guerre politique militaire »53. Lorsque la conduite de cette hostilité ou lutte est faite par les armes,

le conflit devient armé et s’apparente ainsi à une véritable guerre qui est perçue comme

« un acte de violence dont le but est de forcer l’adversaire à exécuter notre volonté »54.

Dans le langage courant, le mot « guerre » est souvent employé pour désigner les situations qui ne correspondent pas au « concept juridique » du même nom. Au sens du droit international, la guerre est un procédé de contrainte avec emploi de la force qui comprend obligatoirement deux aspects : un aspect militaire et un autre interétatique. La guerre est une lutte armée avec intention de guerre. En tant que telle, elle se distingue de

49I William ZARTMAN, op.cit. p.14 50I William ZARTMAN, op.cit. p.14

51Cf. Charles CHAUMONT, La sécurité des Etats et la sécurité du monde, Paris, L.G.D.J, 1948, 158 p.

52Pour une analyse sur le sujet, voir Pietro VERRI, Dictionnaire international des conflits armés, CICR, Genève, 1988. Sur cette question, voir A. EIDE « Troubles et tensions intérieurs » dans UNESCO (éd.), Les dimensions internationales du droit humanitaire, Paris/Genève, 1986, p.279 ss. ; MOMTAZ D. « Les règles humanitaires minimales applicables en période de troubles et de tensions internes », RICR, vol.80, 1998, p.487 ss.

53Gaston BOUTHOUL, Traité de sociologie. Les guerres, éléments de polémologie, Paris, édition Fayard 1951, p. 35

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la rétorsion et des représailles pacifiques qui excluent le recours aux armes et des

représailles armées qui s'exercent sans intention de guerre55.

Pour sa part, Gaston BOUTHOUL propose la définition suivante : « la guerre est la

lutte armée et sanglante entre groupements organisés »56. Cette lutte, pour présenter un caractère guerrier, doit obligatoirement être armée et sanglante. Ce dernier trait permet, selon l'auteur, de distinguer la guerre des autres formes d'opposition ou de compétitions, comme la concurrence économique, les luttes sportives, la propagande politique ou religieuse et les discussions de toute sorte. Aussi, la lutte armée, pour mériter le nom de guerre, doit comporter des combats et des victimes. En un mot, Gaston BOUTHOUL définit la guerre comme étant une forme de violence qui a pour caractéristique essentielle d'être méthodique et organisée quant aux groupes qui la font et aux manières dont ils la mènent. En outre, elle est limitée dans le temps et dans l'espace, et soumise à des règles juridiques particulières, extrêmement variables suivant les lieux et les époques. Tous ces

traits découlent du caractère organisé des conflits guerriers57.

Utilisant les concepts de « conflit armé » pour expliquer le phénomène de guerre, Rosemary ABI-SAAB dit, quant à elle, que ces termes impliquent l'existence d'hostilités

entre les forces armées organisées58. Les hostilités sont comprises comme les opérations

de guerre ou l'état de guerre lui-même. Divers critères, matériels ou subjectifs, ont été recherchés pour préciser le contenu de ces termes : les forces armées placées sous un commandement responsable ; le contrôle territorial, le nombre de victimes, la durée et l'intensité des combats, etc. L'application stricte de ces critères exclurait cependant les troubles et les tensions internes.

La guerre ou le conflit armé peut être international ou non en raison de la nature

des belligérants en présence. Lorsqu’il oppose des entités étatiques, il s’agit d’un conflit

armé international ou d’une guerre interétatique. Quand au conflit armé non international (CANI) ou conflit armé interne, il désigne des conflits opposant sur le territoire d’un Etat

donné, les forces armées régulières à des groupes armés identifiables (cas de la Côte

d’Ivoire) ou à des groupes armés entre eux (exemple de la Somalie).

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NGUYEN QUOC Dinh et al., Droit international public, 2e Edition, L.G.D.J., Paris, 1980, p. 855. 56GastonBOUTHOUL, op. cit. p. 35

57Idem, p. 37 58

R. ABI-SAAB, Droit humanitaire et conflits internes, Origines et évolution de la réglementation internationale, A. Pédone, Paris, 1986, p. 69

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Cette définition est consacrée par le Droit International Humanitaire qui indique « Est réputé CANI, tout conflit qui se déroule sur le territoire d’un Etat, entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d’un commandement responsable exerce sur une partie de son territoire un

contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées

et d’appliquer le droit international établi par ce type de conflit »59.

A ce stade de l’analyse, il importe de faire des précisions entre le conflit armé

interne et le concept de guerre civile qui se confondent dans bien de cas, le premier pouvant conduire au second.

La guerre civile peut être définie comme « une lutte armée ayant éclaté au sein d’un

Etat et ayant pris une importance et une extension qui la différencie d’une simple révolte ou insurrection »60. Au regard de cette définition, tout conflit armé opposant une fraction de la population au Gouvernement établi ne peut se confondre avec la guerre civile ;

celle-ci revêt un but hautement politique nourri d’une « volonté de transformation des structures politiques et sociales ou économiques »61. Les raisons politiques qui sous-tendent la

guerre civile tiennent essentiellement à la mise en place d’un nouveau gouvernement ou à

fonder un nouvel Etat en séparant du territoire national une partie de ce territoire62.

Dans les analyses qui suivront, les notions de conflit, crise et de guerre civile seront

utilisées distinctement en référence aux situations différentes qu’elles décriront. Dans tous les cas, il s’agira d’un conflit armé interne dont l’évolution peut conduire aux deux autres

notions. Au vu de ce qui précède, nous pouvons aborder notre étude, dont l’objet est de s’interroger sur les mécanismes et procédures de règlement des conflits en Afrique et surtout, sur leur efficacité comme stratégie de sortie de crise. Pour y parvenir, il importe

d’adopter une démarche qui permette de saisir, tous les contours du sujet à traiter. Il conviendra, dès lors, d’étudier la conclusion des accords politiques (Première partie) et

l’ayant fait d’analyser, ensuite, leur application (Deuxième partie).

59Voir l’article 1 du Protocole additionnel II de 1977 aux conventions de Genève de 1949 60Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, 1960, p.308

61Francis WODIE, « La sécession du Biafra et le droit international public », RGDIP, 1969, p.1024. L’auteur définit la guerre civile comme « un conflit armé opposant pour des raisons politiques le gouvernement établi à une fraction de la population qui possède une organisation militaire et civile et exerce en fait une partie des compétences gouvernementales. »

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