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b. Les aménagements : les points de presse

Le huis clos constitue le mode idoine susceptible de préserver la confidentialité des débats, des informations et des concessions faites avant la signature proprement dite d'un accord de paix. Toutefois, si le secret des débats constitue, quasiment, un serment pour les parties négociantes y compris le médiateur, il ne l'est que conformément aux concessions faites par elles, et ce pour permettre l'avancée des discussions. Dans les différents quartiers généraux (QG) des délégations négociantes, se déroulent régulièrement des réunions pour résumer les points d'accords et de désaccords afin de mieux aborder la journée de négociation qui suit; une sorte de ré-analyse des points négociés ainsi que de la conduite même des pourparlers.

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Des aménagements sont initiés pour donner un aperçu sur l'évolution globale des négociations. A cet effet, des communiqués de presse sont organisés ou de brèves

interviews sont accordées à des organes de presse. Ces points de presse sont l'œuvre

des instances de médiation et engagent au plus haut point celles-ci d'où la prudence des propos et la brièveté de ceux-ci comme l'atteste le communiqué du porte-parole du Quai d'Orsay sur les négociations sur la crise ivoirienne:

« La table ronde des forces politiques ivoiriennes a été ouverte hier par le ministre au Centre de conférences internationales, elle s'est poursuivie hier après-midi sous la conduite de M. Pierre Mazeaud au Centre national du Rugby à Linas-Marcoussis. Cet après-midi a été consacré à un tour de table, ce dernier a permis à chaque délégation d'exposer son point de vue et de faire part de son analyse de la crise ivoirienne. L'ensemble des délégations a insisté sur la nécessité d'un retour rapide à la paix et à l'Etat de droit en Côte d'Ivoire. Cette première journée s'est achevée par une minute de silence en l'honneur et en mémoire de toutes les victimes de la crise ivoirienne. Ce matin, M. Mazeaud a rencontré, et rencontre peut-être encore, à l'heure où je parle, pour des entretiens bilatéraux, les différents chefs de délégations. Cet après-midi, débuteront les discussions sur les problèmes de fond, que le ministre a évoqués hier, comme l'ivoirité, la nationalité, le statut des communautés étrangères, le droit foncier. Voilà ce que je voulais vous indiquer sur l'état des travaux de la table ronde ivoirienne» 253.

Les modalités de forme ci-dessus exposées démontrent un caractère flexible compte tenu de la matière, la médiation, et du sujet à traiter, la résolution des conflits. Ce

qui n’est pas toujours le cas pour les modalités de fond.

B. Les modalités de fond

Les négociations peuvent se dérouler en plusieurs phases à travers différentes

séquences (1) ou en une seule fois abordant de façon globale toutes les questions

contentieuses (2).

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1. Les négociations séquentielles

Il faut entendre par négociations séquentielles, celles qui portent distinctement sur différentes questions du conflit à régler. Plusieurs rounds sont organisés à intervalle de temps variable sur divers sujets dont il convient, pour assurer une éventuelle efficacité du processus, d'obtenir plusieurs accords négociés séparément. Les tractations ainsi initiées se penchent sur les revendications constituant les causes essentielles du conflit armé. De telles négociations ont particulièrement eu lieu dans le processus de sortie de crise dans la région des Grands Lacs, plus spécifiquement au Rwanda. Pour mettre fin au conflit armé né depuis 1990 entre le Gouvernement rwandais et le Front Patriotique Rwandais (FPR) plusieurs protocoles d'accords ont été négociés et conclus après différents rounds de négociation entre mars 1991 et août 1993. Ce sont notamment :

- L’accord de cessez-le-feu signé à N'selé (Zaïre) le 29 mars 1991 et amendé à Gbadolite (Zaïre) le 16 septembre 1991 et à Arusha (Tanzanie) le 12 juillet 1992. - Le protocole d'accord relatif à l'Etat de droit signé à Arusha le 18 août 1992.

- Les protocoles d'accords sur le partage du pouvoir dans le cadre d'un Gouvernement de Transition à Base Elargie signés le 30 octobre 1992 et le 09 janvier 1993.

- Le protocole d'accord sur le rapatriement des réfugiés rwandais et la réinstallation des personnes déplacées du 09 juin 1993.

- Le protocole relatif à l'intégration des forces armées des deux parties conclu à Arusha le 03 août 1993.

- Le protocole d'accord sur les questions diverses et dispositions finales conclu le 03 août 1993.

Tous ces différents protocoles d'accords sont contenus dans l'accord de paix du 04 août 1993 qui constitue une sorte d'enveloppe englobant ces derniers.

L'intérêt de procéder à la signature de plusieurs protocoles d'accords sur des questions spécifiques réside dans la nécessité de ne point hâter les négociations sur une sortie de crise encore hypothétique en raison de la très grande méfiance entre les belligérants et d'un sentiment élevé de supériorité militaire réciproque. L'idée de règlement pacifique à travers un accord de paix « tient sur du fil » susceptible d'être rompu à tout

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moment d'où l'intelligence de procéder prudemment à des négociations sur des questions, en général, plus conciliantes et terminer, une fois, le processus lancé, avec les sujets plus délicats.

Jean-Luc MARRET illustre fort éloquemment à ce propos que « La négociation peut

comprendre en réalité des phases, une progression séquentielle, plus ou moins heurtée, graduelle ou abrupte, des avancées rapides et de longs moments d'immobilisme; des comportements antagonistes ou conciliants de façon alternative, des étapes corrélées et inter-indépendantes plutôt qu'une succession ordonnée et figée de différentes discussions; une succession de moments clés ouvrant de nouvelles perspectives. Ces variations rythmiques suggèrent que certaines choses sont à faire certains moments, qu'il y a des interventions appropriées aux différents instants d'une négociation ».254

Ces propos de Jean-Luc MARRET, résume bien les choix alternatifs entre les diverses démarches qui s’offrent aux acteurs impliqués dans les négociations. Ces

démarchent peuvent conduire à opter pour des négociations globales en fonction des

circonstances, portant sur l’ensemble des questions litigieuses dont le contenu sera

confiné dans un seul et unique document.

2. Les négociations globales

La négociation est avant tout un mécanisme, un instrument qui peut permettre de préserver dans certaines circonstances, de rétablir dans d'autres, la stabilité ou la paix. Mais elle n'est pas que cela. L'élément central qui, de tout temps, a déterminé et déterminera les rapports entre les protagonistes à un conflit armé est le rapport de force. La nécessité de maintenir le contact et la communication est tout à la fois la raison suprême de la négociation. Celle-ci s'est déroulée dans certains contextes africains dans un cadre global abordant toutes les questions contentieuses en une seule fois, à un même moment, en un seul lieu, sur une même période plus ou moins longue. De telles négociations sont privilégiées dans les conflits impliquant, généralement, plus de deux belligérants, d'une part le gouvernement attaqué ou contesté et les mouvements rebelles ou insurgés d'autre part.

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Jean-Luc MARRET, La fabrication de la paix, nouveaux conflits, nouveaux acteurs, nouvelles méthodes, Paris, Ellipses, 2001, pp. 64-65

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En effet, au regard du nombre important de mouvements contestataires et d'acteurs en conflit, il paraît mieux indiqué de concentrer les ressources diverses (diplomatiques, humaines, logistiques, financières...) afin de permettre une négociation d'ensemble avec tous et éviter ainsi que certains acteurs actifs du conflit ne rejettent le processus ainsi initié

parce qu'ils n'auraient pas participé aux négociations255. Aussi paradoxal que cela peut

paraître, certains belligérants participent plus ou moins activement aux négociations sans

pour autant signer l'accord qui en sera issu ni même le parapher256. La multiplicité

d'acteurs en arme en République Démocratique du Congo et la violence des combats ainsi que l'intervention active de gouvernements étrangers notamment le Rwanda et l'Ouganda, principalement, ont suscité, un cadre de négociation globale sans commune mesure traduit par l'accord de Pretoria signé le 17 décembre 2002 et adopté par le Dialogue Inter-congolais tenu à Sun City le 1er avril 2003.

Qu'elles soient séquentielles ou globales, les négociations lorsqu'elles sont fructueuses produisent des accords de paix dont il convient de voir le texte qui en est issu.