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Les annexes des accords de paix sont l'ensemble d'un programme (A) bien ficelé

susceptible d'être révisé (B).

A. Les annexes constituent un programme pour les accords

Le programme des accords décrit et précise les concessions faites dans le cadre

des négociations (1) ; il comporte un chronogramme très élaboré (2).

1. Un programme détaillant et précisant les concessions

faites

Les annexes sont aux accords ce que les décrets sont aux lois notamment les décrets d'application. Tout comme la loi qui ne peut prévoir tous les détails dans son dispositif, l'accord de paix ne peut réaliser le détail dans ses dispositions. Un regard attentif sur les accords de paix donne à constater qu'ils régissent l'essentiel des compromis réalisés pendant les négociations, laissant transparaître les détails et les précisions dans les annexes. Ces derniers nourrissent les dispositions principales et brèves conclues et leur donnent toute leur signification car ils constituent l'unité de mesure de l'applicabilité de l'ensemble du texte ainsi produit.

Pour mieux décrire le rôle et la place des annexes, il convient d'illustrer avec quelques exemples simples et clairs. Le dispositif d'un accord de paix peut prévoir, le

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Cette présentation de la rédaction appelle quelques observations qu'il conviendra de voir un peu plus loin dans l'analyse portant sur l'application des accords de paix que nous traitons dans une partie deuxième de la présente étude.

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partage du pouvoir politique dans le cadre d'un gouvernement de réconciliation nationale, le désarmement des entités illégalement en arme... Il appartiendra aux annexes de

préciser le nombre de portefeuilles ministériels297 que comportera le futur gouvernement

de réconciliation nationale ainsi que la répartition effective des postes aux différents

acteurs impliqués d'une part. D’autre part, les différents programmes de désarmement, de

démobilisation, de réinsertion, de rapatriement et de réinstallation sont du ressort des annexes qui détaillent ce processus. Il en est ainsi de toutes les dispositions contenues dans le dispositif succinct de l'accord lui-même; et chaque disposition a son pendant détaillé dans les annexes. Le schéma décrit ci-dessus est le modèle type fréquent constaté dans les documents sources des accords de paix.

Toutefois, il arrive que la distinction entre le dispositif pur de l'accord et les annexes devienne une entreprise difficile voire vaine dans la mesure où tous deux s'imbriquent de manière indétachable. En tout état de cause, les deux documents constituent une même source dans la recherche de solution politique seulement que le deuxième se révèle être un support détaillé du premier. En plus d'être cela, il constitue un programme contenant un chronogramme très élaboré.

2. Un chronogramme très élaboré

Les annexes aux accords de paix, en plus d'être un programme détaillé, jouissent d'un caractère temporel. En effet, la réalisation des différents points qui y sont contenus est prévue dans des termes assez explicites, c'est à dire à des moments précis voire à des dates spécifiques. La pratique dans l'élaboration de ce chronogramme consiste à inscrire, dans un premier temps, les actions urgentes et nécessaires visant à mettre un terme à la destruction d'infrastructures, de structures étatiques et aux menaces pesant sur la vie des populations ou sur les biens. Ensuite viennent les actions tendant à renforcer la confiance des parties notamment leur collaboration au sein d'un gouvernement ainsi que dans les autres administrations étatiques voire dans les institutions politiques telles que la Présidence ou le Parlement. Une fois les structures de transition mises sur pied, celles-ci s'attèlent à la deuxième phase du chronogramme consistant en la mise en application des activités de désarmement, de démobilisation et de réinsertion ainsi que des activités

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Lire par exemple les annexes I et II de l'accord global et inclusif sur la Transition en RDC conclu à Pretoria. C’est également le cas de l’Accord de Linas Marcoussiset des accords d’Accra I et II sur le conflit ivoirien.

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entrant dans le processus électoral qui doit s'achever par l'organisation d'élections crédibles.

Ces différents chapitres sont prévus à être réalisés sur « une période mathématique ». La date de départ est celle de la signature des accords avec l'indication

que telle disposition doit être mise en œuvre à telle date298 exprimée sous la forme Jour J, Jour J + ... Mieux, il arrive que le détail d'applicabilité souhaitée touche les heures et les minutes pour les mesures portant sur la cessation des hostilités telles qu'indiquée dans le Pacte National conclu entre le Gouvernement du Mali et les Mouvements et Fronts Unifiés

de l'AZAWAD299.

B. Les annexes font l’objet de révision

La conclusion des accords de paix ne constitue pas un acte figé en ce qu’il peut faire l’objet de modification témoignant ainsi de son caractère dynamique. Cette

modification se fait dans un cadre et dans un esprit intimement lié aux négociations

antérieures (1). Une fois ce cadre précisé, l’analyse des dispositions à réviser peut être

envisagé (2).

1. Le cadre de révision

Quels peuvent être les raisons ou les motifs justifiant la révision et les dispositions susceptibles d'être révisées? Ces deux interrogations reposent la question de l'opportunité de révision d'une part et d'autre part de la méthode de révision. En d'autres termes, pourquoi réviser les dispositions d'un accord obtenu non sans difficulté qui au demeurant peut provoquer un risque de blocage et d'impasse généralisé paralysant tout le processus et susceptible de recréer une atmosphère de trouble favorable à une reprise des hostilités? Et comment y procéder, le cas échéant? Faut-il procéder à une révision

respectant les moyens mis en œuvre pendant les négociations initiales, et ce pour tenir

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L'Accord de Ouagadougou du 04 mars 2007 sur la crise ivoirienne et l'Accord de paix de Lusaka de 1994 sur la crise angolaise en son annexe 9 sont des illustrations éclairantes en la matière.

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Voir le Pacte National sur le conflit malien en son point 64 qui prévoit que « le cessez-le-feu définitif entrera en vigueur au lendemain de la signature du Pacte à zéro heure ». Sur la question touarègue, lire par exemple Dominique ROSENBERG, « Le peuple

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compte d'un certain parallélisme des formes en évitant au mieux de frustrer telle ou telle partie au conflit ou tel ou tel acteur dont la participation s'est avérée utile dans l'obtention des premiers accords?

En effet, les accords de paix ne constituent pas « des tentes dressées pour le

sommeil », pour reprendre la belle formule de ROYER COLLARD. L'environnement politique et social est très changeant alors que l'application des accords se heurte à la réalité du terrain c'est à dire au climat socio-politique. Pour tenir compte de cette réalité, différents accords complémentaires sont conclus pour réadapter les dispositions à l'évolution de la situation du moment. D'autre part, le calendrier d'application de l'accord devient dans la plupart du temps caduc eu égard au retard constaté dans sa mise en

œuvre. Depuis les années 1960 marquant les indépendances pour de nombreux Etats africains, on dénombre un nombre croissant d'accords de paix principaux ainsi que

d'importants accords complémentaires censés compléter ceux-ci300.

Par ailleurs, l'une des raisons qui explique la nécessité de révision réside dans un argument conjoncturel tenant à ceci que le processus de sortie de crise connaît une impasse réelle risquant de créer la dégénérescence et conduire à une effervescence politique et militaire dangereuse pour la stabilité du pays. S'il est vrai que les accords doivent être révisés pour tenir compte de l'évolution de la situation politique, cette révision ne saurait se produire n'importe comment.

Les accords politiques complémentaires (A.P.C) qui traduisent l'idée de révision des accords politiques initiaux (A.P.I) sont conclus dans l'esprit de ces derniers à l'égard desquels ils ne peuvent se détacher fondamentalement ni y déroger. Il suffit pour s'en convaincre de lire attentivement les différents types d'accords politiques. Les A.P.C font référence dans leurs dispositions aux A.P.I dont ils reconnaissent la validité et proclament leur attachement. Les négociateurs des A.P.C sont politiquement liés dans leur entreprise. La classification des accords politiques en A.P.I et A.P.C n'est pas tranchée.

L'inventaire des accords de paix montre que certains ont un caractère hybride; ils proclament leur attachement à un A.P.I qui les précède dont ils reportent textuellement des dispositions et s'en détachent sur d'autres s'ils n'y dérogent pas ouvertement.

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L'exemple de l'accord politique de Ouagadougou du 04 mars 2007 sur le conflit ivoirien constitue un cas patent. En effet, le Dialogue Direct tenu à Ouagadougou entre les Forces Nouvelles et le Président ivoirien Laurent GBAGBO et non avec le Gouvernement comme

certains ont pu l'écrire, réaffirme son attachement301 à l'Accord de Linas Marcoussis de

janvier 2003 tout en dérogeant à bien de dispositions de cet accord notamment le point 4 qui prévoyait une structure de surveillance dudit accord fortement externalisée.

Quelles sont les dispositions susceptibles de révision et celles qui ne le sont pas.

2. Les dispositions à réviser

L'étude des A.P.C révèle que certaines dispositions sont révisables tandis que d'autres ne le sont pas. Les dispositions révisables sont celles qui font l'objet de

négociation – concession ou de compromis conformément aux revendications des parties

négociantes; celles-ci concernent essentiellement, le terme de cessez-le-feu, le partage du pouvoir, le processus électoral, le programme de désarmement et de démobilisation, la réinstallation des déplacés de guerre et des réfugiés, la sécurisation des populations et de leurs biens...Ces dispositions négociées ne constituent pas en soi des délits ou des crimes au plan international et nécessitent un appui aux différentes parties afin de rétablir l'ordre, la sécurité et la normalité rompue à la faveur de la crise. Les dispositions révisables font l'objet de propositions de la part des parties négociantes et donc, il est convenable de leur redemander la renégociation en cas de retard ou d'impasse. Ces dispositions restent tributaires de la volonté des belligérants qui jouissent d'un total contrôle en la matière étant entendu qu'ils constituent les premiers destinataires quand bien même le bénéficiaire idéal c'est à dire la population reste impuissante face à cette volonté.

Quant aux dispositions non révisables, elles portent principalement sur les

questions touchant aux droits de l’homme et aux principes démocratiques affirmés dans le

préambule. Ce sont notamment les crimes et délits commis en violation des droits de

l’homme et du droit international humanitaire pendant le déroulement des combats dont il

convient d’exclure l'amnistie, les crimes économiques qui ont trait aux pillages et à

l'exploitation abusive et illicite des ressources naturelles de l'Etat en crise au regard

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desquelles certaines restrictions voire des sanctions sont décidées au plan international. De plus, le délit d'atteinte à la sûreté de l'Etat, amnistié dans la quasi-totalité des accords de paix, ne peut être remis en cause. Les modalités de négociation, une fois exposées, il convient à présent d'analyser le contenu des accords qui en ressortent.