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a. L'accession au pouvoir de manière démocratique

A. Le rappel des principes démocratiques

A la suite du président Abraham LINCOLN305, le constituant a défini la démocratie

comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »306. Et même si le

peuple n’exerce pas lui-même directement le pouvoir, il en constitue à la fois la finalité et

la source. L’étude des dispositions des accords politiques révèle leur attachement aux

valeurs démocratiques (1)tout en valorisant les droits de l’homme (2).

1. L’attachement aux valeurs démocratiques

Selon le Doyen René DEGNI-SEGUI, « la démocratie est d’abord une valeur

fondamentale et un principe universel »307. Les dispositions concernant les valeurs démocratiques donnent à lire la proclamation du principe de l'accession au pouvoir de

manière démocratique (a), l’élaboration d’une nouvelle constitution ou la révision de la

constitution existante (b), et enfin l’organisation des élections libres et transparentes (c).

a. L'accession au pouvoir de manière démocratique

Les tentatives de coup d'Etat ainsi que les mouvements insurgés constituent de graves délits dans les différents droits internes et une situation préoccupante menaçant la sécurité intérieure voire internationale. La survenance de la crise donne à constater

l’occupation de certaines parties du territoire par les groupes armés. Cette occupation,

longue dans le temps, fragilise le principe de l’effectivité de la souveraineté territoriale. Les

territoires sous contrôle rebelle, généralement appelés « zones occupées ou zones

assiégées » échappent à l’autorité du chef de l’Etat et du gouvernement. Ces portions du

305Formule utilisée par le président américain lors de sa visite du champ de bataille de Gettysburg le 19 novembre 1863, rapporté par Dominique TURPIN, Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p.150

306Cette formule est de PERICLES. Elle a donc été reprise par Abraham LINCOLN. Pour ces deux hommes, la démocratie doit avant tout se baser sur un principe de liberté du peuple.

307René DEGNI-SEGUI, « L’influence de la démocratie libérale dans le monde: le cas de quelques Etats de l’espace francophone », op. cit. p.33

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territoire sont administrées par les rebelles qui organisent la sécurité, le commerce, la

santé, l’école308

Les accords, en prévoyant de telles dispositions, visent à dissuader tout projet de sécession longtemps condamné et rejeté par les organisations internationales africaines. Par ces mesures, il apparaît clair que le phénomène des guerres civiles constitue un

problème interne susceptible de trouver une solution dans un cadre négocié. D’autres

mesures sont prises relativement à la constitution.

b. L’élaboration ou la révision de la constitution

L’élaboration de la constitution est l’acte par lequel l’on donne naissance à la loi devant servir de base au droit positif. C’est un acte créateur d’un ordre juridique nouveau.

Elle est l’œuvre du pouvoir constituant originaire. Quant à la révision, c’est l’acte visant à

modifier la constitution existante et non à créer une autre. Cela répond à un souci

d’adaptation des dispositions à l’évolution des réalités sociales309. Elle est l’œuvre d’un pouvoir dérivé, agissant en tant qu’organe institué ne pouvant travestir l’essentiel c'est

-à-dire l’esprit et la lettre de la constitution.

Un conflit armé interne peut intervenir dans un Etat dans lequel la constitution a été

emportée par des troubles internes. Lorsqu’il en est ainsi, les accords politiques visant à rétablir l’ordre et la paix s’y intéressent en tant qu’indispensable pour la démocratisation de l’Etat. Il importe, dès lors, d’inscrire l’élaboration d’une nouvelle constitution comme

fondamentale pour la survie de l’Etat et de la nation prenant en compte les difficultés du moment voire du futur. C’est donc une question capitale qui est débattue durant les

négociations et qui peut donner lieu à plusieurs rencontres entre les parties au conflit et la société civile. Ces nombreuses rencontres révèlent les intérêts, parfois divergents des uns et des autres pour ce qui concerne les clauses à y insérer.

Relativement à la révision constitutionnelle, ne produisant qu’une modification de la loi fondamentale, elle pose des problèmes différents. La modification de certains articles

308

En 1987, le Front Populaire de Libération de l’Erythrée (FPLE) d’ISSAYAS AFEWORKI s’attache à développer les zones qu’il a

libérées en créant ses propres services sociaux et des écoles. Cf. Michel GAUD et Laurence PORGES, op. cit.

309

Pour une étude bilan en la matière, lire MELEDJE Djedjro, « la révision des Constitutions dans les Etats africains francophones –

183 de la constitution s’avère importante pour lever certains blocages politiques et donner plus

de chances à la paix et à la démocratie. La révision de la constitution doit respecter les

procédures prévues à cet effet. Ici, l’accord conclu se conforme à la norme fondamentale dont il est censé améliorer l’autorité et l’acceptation sans pour autant la violer.

Et c’est là, à la vérité, un cas de compatibilité entre l’accord politique et la constitution. L’accord, prévoit même dans certains cas des clauses entièrement écrites susceptibles de satisfaire mutuellement les signataires. Que dire de l’organisation des

élections ?

c. L’organisation d’élections libres et transparentes

L’organisation d’élections libres et transparentes constitue un point focal des

accords car elle constitue un moyen de légitimation des institutions nouvelles même si

celles déjà existantes estiment demeurer dans la légalité310. Elle apparaît comme le début

d’un nouveau départ. C’est d’ailleurs l’un des objectifs majeurs de l’accord. L’organisation d’élections libres et transparentes fait l’objet d’un calendrier précis en ce sens qu’elle

constitue un nouvel espoir pour une société qui n’en a jamais connue telle que la Somalie

ou qui souffre d’élections frauduleuses. L'organisation d'élections frauduleuses ou le tripatouillage des résultats des scrutins avec la complicité des organes chargées de la supervision ne manquent pas de constituer des cocktails explosifs voire de justifier les crises nées à la suite de ces élections qui voient les uns revendiquer la légitimité et les

autres la légalité311. « Ce pouvoir en double »312 est une constante en Afrique où il est rare

de constater l'acceptation des résultats des urnes, lesquels sont régulièrement entachés d'irrégularités. S'il est vrai que, dans certains cas, cette querelle finit par consacrer une « installation progressive, lente et patiente du pouvoir légitime à travers des manifestations pacifiques à répétition »313, dans d'autres, la situation se révèle être dramatique au vu des nombreux morts et de l'instabilité politique qu'elle provoque.

310Pour une étude sur le rapport entre légitimité et légalité en droit international, voir, entre autre, Alix TOUBLANC, Contribution à une étude des rapports entre légalité et légitimité dans la doctrine internationaliste du XXème siècle, Thèse de Droit international public, Université de Paris 2, 2002, 421 p.

311

Lire par exemple, Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA, « Légalité et légitimité à travers la crise des élections présidentielles malgaches du 16 décembre 2001. Existe-t-il une exception malgache? », in Droit Public et civilisations, colloque du Groupe Européen de Droit Public avec le soutien de l'UNESCO, 16, 17 et 18 avril 2003, Londres, European Public Law Series, vol. LXXIX, 2005, pp. 337-348

312 F. RAISON-JOURDE, « Le pouvoir en double », Politique africaine, n° 86, juin 2002, pp. 46-67

313

Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA, « Légalité et légitimité à travers la crise des élections présidentielles malgaches du 16 décembre 2001. Existe-t-il une exception malgache? », op. Cit., p. 340

184 Pour cette raison, l’organisation des élections est confiée au gouvernement issu des accords et supervisée par des observateurs internationaux alors que le contentieux

électoral314 est réservé à l’administration judiciaire fortement remaniée. Elle intervient

après une période transitoire et doit se dérouler sur toute l’étendue du territoire. C’est l’une des meilleures manifestations de la démocratie et de l’Etat de droit. L’accord politique, en s’y attachant profondément, révèle toute son importance. Cette organisation des élections n’intervient après que la sécurité entière de l’Etat et dans l’Etat soit une réalité. Toutefois,

elle a eu lieu dans certains pays en conflit alors que les belligérants tenaient toujours les

armes à la main. Une telle situation n’est pas de nature à garantir la normalisation de l’Etat étant entendu que la perte de l’une des parties au conflit pendant ces échéances peut l’amener à reprendre les armes et à continuer les combats. Ce fut le cas en Angola où les

élections de 1992 se sont tenues alors que les rebelles de l’UNITA détenaient toujours les

armes en main ; toute chose qui a favorisé la reprise des combats en 1993 après la défaite de Jonas SAVIMBI.

Tout comme le volet des élections, la question des droits de l’homme n’est pas

sans importance.

2. La question des droits de l’homme

Elle a été introduite dans les accords politiques depuis une dizaine d’années au

regard des nombreuses violations provoquées par les conflits armés notamment les vols,

viols, pillages, meurtres, assassinats, enlèvements... Au regard des faits, la condamnation

de ces violations est abondante (a). De plus, il est exigé la création de commissions

nationales des droits de l’homme (b).

314Pour une étude édifiante, lire par exemple MELEDJE Djedjro, « Le contentieux électoral en Afrique », revue Pouvoirs, n° 129, avril 2009, pp. 139-155

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