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Composites multiferroïques à base de la structure Ba 2 LnFeNb 4 O 15

Chapitre I – Les bronzes quadratiques ferroélectriques et multiferroïques

III. Les bronzes quadratiques multiferroïques – la structure Ba 2 LnFeNb 4 O 15 (Ln = ions

3. Composites multiferroïques à base de la structure Ba 2 LnFeNb 4 O 15

Nous nous sommes concentrés sur les composés de formulation Ba2LnFeNb4O15 afin de diversifier les structures qui possèdent des propriétés multiferroïques à température ambiante. En effet, la plus grande partie des publications qui discutent des matériaux multiferroïques à température ambiante portent sur des matériaux de structure pérovskite, particulièrement les composés de formulation BiFeO3 et ses dérivés [68]. L'étude des niobates TTB-Ln de formule chimique Ba2LnFeNb4O15 (Ln est un ion lanthanide diffèrent de La3+) sous forme de céramique montre que ces matériaux peuvent également posséder simultanément des propriétés ferroélectriques et magnétique à température ambiante. En effet, ces céramiques ferroélectriques peuvent contenir des phases secondaires magnétiques dépendamment du processus de préparation. L’étude des niobates TTB-Ln en fonction des conditions de synthèse, notamment en fonction de la température et de la durée de chamottage, montre dans certaines conditions la formation de deux phases secondaires qui sont ; la fergusonite LnNbO4 et l’hexaferrite de baryum BaFe12O19 [41,67]. Les fergusonites LnNbO4 sont des minéraux qui ne présentent ni un ordre polaire ni un ordre magnétique à température ambiante [1], mais leur formation est une étape nécessaire pour activer le mécanisme qui est responsable à la formation de la phase magnétique d’hexaferrite de baryum. Cette dernière est connue comme un matériau ferromagnétique dur et l’une des phases magnétiques la plus étudiée à la fois pour son magnétisme dur à température ambiante ainsi que pour son utilité dans diverses applications [69–72]. Par conséquent, c’est la formation de l’hexaferrite de baryum comme phase magnétique dans la matrice ferroélectrique TTB-Ln qui donne toute sa valeur à cette classe de composites multiferroïques.

Le mécanisme responsable de la formation des différentes phases secondaires dans les TTB-Ln, a été étudié en se basant sur des considérations cristallochimiques ainsi que sur la neutralité électrique. Cette étude a mis en valeur l’importance fondamentale des ions lanthanides pour

déclencher ce mécanisme. Comme mentionné brièvement auparavant, les ions lanthanides, qui ont généralement un environnement de coordinance 9 ou 8, occupent les sites carrés de coordinance 12 dans les TTB-Ln. Par conséquent, la structure TTB subit une distorsion et les octaèdres d’oxygène se réarrangent pour accommoder les ions lanthanides. Puisque la distorsion possible du réseau TTB est limitée, l’accommodation des ions lanthanides est partielle ou quasi- partielle à l’exception du composé où Ln = La3+. Les ions lanthanides non-accommodés interagissent alors avec les ions de niobium qui se trouvent au sein des octaèdres d’oxygène pour former la phase fergusonite de formulation LnNbO4. Cela libère une petite quantité d’ions de fer, préalablement contenue dans un environnement octaédrique, qui interagit ensuite avec des ions de baryum pour former la phase d’hexaferrite de baryum, qui est une phase fortement magnétique. Au final, la neutralité électrique est assurée par l’intermédiaire de l’ajustement du rapport cationique Fe3+/Nb5+ (ce rapport a été estimé à aux alentours 1/4,8 pour Ln = Eu3+ au lieu de 1/4 pour le composé nominal) [12,41]. La formation in-situ de l’hexaferrite de baryum au sein de la matrice TTB-Ln qui présente un ordre polaire donne donc à ce composite un comportement multiferroïque à température ambiante.

En plus du fait que la teneur en phase magnétique dépend des conditions de synthèse et de la nature de l’ion lanthanide, il est possible de contrôler la formation de la phase BaFO en ajoutant une quantité supplémentaire d’hématite α-Fe2O3. Cette expérience peut être vue comme une confirmation du mécanisme de formation de la phase magnétique décrit plus haut. En effet, l’ajout d’oxyde de fer aux composés TTB-Eu et TTB-La a permis d’améliorer la réponse magnétique dans le premier cas et d’induire une aimantation spontanée préalablement inexistante dans le deuxième cas [73]. La réponse magnétique qui apparait dans le composé avec Ln = La3+ est la réponse caractéristique de l’hexaferrite de baryum, validant ainsi le mécanisme de formation de la phase BaFO [12]. En effet, lorsque l’on ajoute α-Fe2O3, la matrice TTB-Ln est forcée de libérer une faible quantité de baryum qui interagit avec l’hématite ajouté pour former de l’hexaferrite de baryum [12]. Dans le cas du composé qui contient l’europium, l’ajout de l’hématite a pour effet d’activer le mécanisme de formation de la phase BaFO pour en augmenter la teneur, et donc augmenter sa réponse magnétique dans le composé déjà multiferroïque [12,41]. Ce résultat est d’une extrême importance car il montre qu’il est possible d’améliorer et de contrôler la réponse magnétique du composite multiferroïque TTB-Ln/BaFO sans changer la nature chimique de la phase magnétique ou de la phase TTB. Il est aussi important de mentionner

que ces expériences démontrent aussi l’effet de la nature de l’ion lanthanide (plus précisément de son rayon ionique) puisque la réponse magnétique du composé qui contient l’europium reste toujours plus importante que celle du composé contenant le lanthane abstraction faite de la quantité d’hématite ajoutée [12]. D’autre part, la détection d’une aimantation dans la solution solide avec Ln = La3+ suggère que ce matériau contient probablement de l’hexaferrite de baryum même avant d’ajouter l’hématite, mais en quantité réduite, de sorte que sa réponse est en dessous de la limite de détection des appareils de mesure.

En ce qui concerne le comportement diélectrique, la transition ferroélectrique du composé qui contient l’europium reste pratiquement inchangée abstraction faite de la quantité de α-Fe2O3 ajoutée [41]. Par contre, la valeur de la partie réelle de la permittivité diélectrique oscille entre approximativement 250 et 350 en fonction de la quantité d’hématite ajoutée. En examinant la variation de la partie imaginaire de la permittivité diélectrique du même composé, Castel et al ont montré le régime de conductivité s’établit à température de plus en plus faible quand la teneur en hématite augmente. Particulièrement, le régime de conduction s’établit à des température plus faible que 250K quand la concentration de α-Fe2O3 dépasse 5%, ce qui perturbe remarquablement les propriétés diélectriques de la solution solide [41]. Au final, l’ajout de l’hématite en quantité raisonnable (< 5%) dans le composite multiferroïque TTB-Eu/BaFO n’altère pratiquement pas le comportement diélectrique tout en améliorant la réponse magnétique. Ainsi, cette approche améliore le magnétisme et atteste la stabilité du composite multiferroïque étudié.

En conclusion, les TTB-Ln sont donc des matériaux ferroélectriques dont la structure permet la formation d’une phase magnétique donnant lieu à un composite multiferroïque à température ambiante. Néanmoins, ces composites sont caractérisés par une polarisation très réduite. Comme les structures BNN ferroélectriques possèdent une polarisation nettement plus importante (~10 fois plus élevée), des tentatives de déclenchement du mécanisme de formation de la phase magnétique BaFO dans des solutions solides de BNN en ajoutant une quantité additionnelle de α- Fe2O3 ont été réalisées. Il s’agissait de profiter à la fois des propriétés ferroélectriques intéressantes de la phase BNN ainsi que de la réponse magnétique de la phase BaFO. Néanmoins, les solutions solides obtenues se décomposent rapidement en phases secondaires sans aucune chance de détection de la phase BaFO, démontrant ainsi l’importance et la spécificité des

niobates TTB-Ln pour donner lieu à un composite multiferroïque à la température la plus utile pour l’application (la température ambiante et au-dessus) [47].