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Étude des propriétés électromécaniques microscopiques

Chapitre IV – Couches minces composites multiferroïques Ba 2 LnFeNb 4 O 15 /BaFe 12 O 19

I. Étude des couches minces TTB-Eu déposées sur un substrat NSTO(100)

4. Étude des propriétés électromécaniques microscopiques

Après avoir démontré la ferroélectricité à l’échelle macroscopique dans les couches minces TTB- Eu/NSTO(100) (polycristallines et épitaxiées), nous nous intéressons dans cette section à leurs propriétés polaires locales en étudiant leurs propriétés électromécaniques à l’aide de la microscopie à force piézoélectrique. Cette étude consiste à évaluer l’effet des excitations électriques externes sur la polarisation en mesurant les propriétés piézoélectriques au niveau de la surface de l’échantillon à l’échelle locale [91,92]. Cette méthode permet de déterminer si les propriétés ferroélectriques mesurées macroscopiquement sont-elles conservées à l’échelle microscopique, et aussi d’étudier leurs distributions (présence uniforme ou non, homogénéité, etc.) spatiales. En utilisant cette technique, comme c’est le déplacement piézoélectrique qui est

mesuré, il est également possible d’éviter les problèmes liés au courant de fuite observé macroscopiquement, ce qui permet par conséquent d’évaluer uniquement la réponse piézoélectrique/ferroélectrique de l’échantillon.

Dans un premier temps, nous commençons par regarder les propriétés électromécaniques microscopiques obtenues dans des couches minces polycristallines. Dans un second temps, nous regarderons la réponse piézoélectrique d’une couche mince déposée épitaxialement sur un substrat NSTO(100).

Figure 29 : Réponses piézoélectriques des couches minces polycristallines TTB-Eu déposées par PLD sur un substrat NSTO(100) : (a) Image AFM donnant la topographie de la surface, (b) réponse piézoélectrique hors plan et (c) réponse piézoélectrique dans le plan des couches étudiées. La région délimitée par les cercles bleus démontre clairement que les contrastes piézoélectriques n'ont pas de corrélation avec la topographie, confirmant que les contrastes sont uniquement dus à la présence d’une polarisation au niveau de la surface de l’échantillon.

L’image de la topographie présentée dans la Figure 29(a) montre que la surface des couches minces étudiées dans cette partie est caractérisée par une faible rugosité où RMS ≈ 2,18 nm et une bonne homogénéité, indiquant la bonne qualité des couches. Ces caractéristiques sont encourageantes pour effectuer des mesures en mode contact afin d’étudier la réponse piézoélectrique et les propriétés ferroélectriques à l’échelle locale. Les Figures 29(b) et 29(c) représentent les réponses piézoélectriques hors plan, respectivement dans le plan. Ces deux images montrent clairement que les couches minces étudiées sont caractérisées par la présence de grains possédant une polarisation ayant des composantes orientées perpendiculairement et parallèlement à la surface de la couche. La comparaison de l’image de la Figure 29(a) avec les images des Figures 29(b) et 29(c) montre que les réponses piézoélectriques ne présentent pas de corrélations avec la topographie, ce qui indique que les contrastes observés dans ces images sont dus uniquement à la présence de polarisations à l’échelle microscopique. En ce qui concerne l’image de la Figure 29(b), les contrastes noirs et blancs désignent des régions polaires de polarisations orientées respectivement du haut vers le bas et du bas vers le haut perpendiculairement à la surface des couches analysées. Les contrastes marron représentent des régions qui sont ou bien dépourvues de polarisations ou bien des régions contenant des polarisations parallèles au plan de la couche. En outre, les contrastes noirs et blancs observés dans la Figure 29(c) indiquent des régions polaires de polarisations antiparallèles et contenues dans le plan pendant que les contrastes marrons indiquent des régions qui sont dépourvues de polarisations ou des régions qui contiennent des polarisations perpendiculaires au plan. Les régions qui présentent un contraste à la fois dans les images des Figures 29(b) et 29(c) possèdent une polarisation ayant une composante hors plan et une composante dans le plan.

Figure 30 : Mesure des coefficients piézoélectriques (a) hors plan (dZZ) et (b) dans le plan (dXZ) montrant le comportement ferroélectrique à l’échelle microscopique des couches minces polycristallines étudiées. (c) et (b) Représentent la réponse piézoélectrique de l’échantillon respectivement avant et après l’acquisition des cycles d’hystérésis (dZZ vs. V et dXZ vs. V) démontrant la commutation de la polarisation à l’échelle locale.

Tableau 9 : Coefficients piézoélectriques à saturation, rémanents et tensions coercitives associées aux cycles d’hystérésis des coefficients piézoélectriques hors plan et dans le plan (dZZ et dXZ). Coefficient piézoélectrique à saturation (pm/V) Coefficient piézoélectrique rémanente (pm/V) Tension coercitive (Volt) dZZ 0,9 0,5 2,5 dXZ 0,4 0,3 2,5

Dans le but de démontrer la ferroélectricité dans les couches minces étudiées, donc la commutation de la polarisation à l’échelle microscopique, nous examinons à un endroit donné les variations des coefficients piézoélectriques longitudinal (dZZ) et transversal (dXZ) en fonction d’un champ électrique cyclique appliqué. Les Figures 30(a) et 30(b) montrent respectivement les cycles d’hystérésis des coefficients piézoélectriques dZZ et dXZ mesurés dans la région désignée par le cercle rouge dans la Figures 30(c) et 30(d) qui représentent la réponse piézoélectrique hors plan respectivement avant et après l’acquisition des cycles d’hystérésis.

Le comportement d’hystérésis qui représente la variation des coefficients piézoélectriques dZZ et dXZ est une preuve solide de la nature ferroélectrique des couches minces polycristallines TTB- Eu/NSTO(100) à l’échelle microscopique. Ainsi, la ferroélectricité mesurée macroscopiquement est conservée à l’échelle locale. Les valeurs des coefficients piézoélectriques à saturation et rémanents ainsi que les tensions coercitives sont rassemblées dans le tableau 9. Les cycles d’hystérésis de la Figure 30(a) et 30(b) sont parfaitement centrés en zéro, ce qui est dû principalement au fait que les mesures locales de la réponse piézoélectrique permettent d’éviter le courant de fuite qui est inévitable dans le cas des mesures macroscopiques comme nous l’avons évoqué plus haut. En outre, nous observons dans les images de la Figure 30(c) et 30(d) que la région désignée par le cercle rouge est devenue noire alors qu’elle était blanche avant de mesurer les courbes dZZ vs. V et dXZ vs. V. Cette observation montre que l’application d’une tension de 15 V d’amplitude a pour effet de commuter la polarisation dans la région excitée, confirmant ainsi le comportement ferroélectrique des couches.

Figure 31 : Réponses piézoélectriques microscopiques des couches minces épitaxiées TTB- Eu/NSTO(100). (a) image AFM montrant la topographie des couches minces étudiées. (b) et (c) montrent respectivement les réponses piézoélectriques hors plan et dans le plan des couches. La comparaison entre les différentes images (cercles de différentes couleurs) montre que la réponse piézoélectrique n’est pas corrélée avec la topographie de la surface de la couche. Le carré bleu en traitillés indique la configuration de la polarisation dans le cas des cercles bleus en traitillés, tandis que le carré bleu continu indique la configuration de la polarisation dans le cas des cercles bleus continus.

Comme dans le cas de la ferroélectricité à l’échelle macroscopique, nous présentons dans ce qui suit les propriétés électromécaniques microscopiques des couches minces épitaxiées de TTB-Eu déposées sur NSTO(100) dont l’axe cristallographique c est perpendiculaire à la surface du substrat. La Figure 31 montre la topographie ainsi que les réponses piézoélectriques hors plan et dans le plan des couches minces étudiées. L’image de la topographie révèle que la surface de la couche est caractérisée par une rugosité faible RMS ≈ 0,39 nm. Cette rugosité est

considérablement plus faible que celle estimée pour les couches polycristallines, ce qui s’explique par l’effet de la croissance épitaxiée sur la qualité des couches minces synthétisées. Les réponses piézoélectriques des couches minces épitaxiées ont été également étudiées (Figures 31(b) et 31(c)). La comparaison des images de la Figures 31 (contours de différentes couleurs) montre que la topographie ne possède pas de corrélations avec les réponses piézoélectriques, indiquant que les contrastes observés sont dus uniquement à la présence de polarisations au niveau de la surface des couches.

Une comparaison attentive des images qui représentent les réponses piézoélectriques hors plan et dans le plan (Figures 31(b) et 31(c)) montre que toutes les régions qui possèdent un signal piézoélectrique dans le plan correspondent nécessairement à des régions qui possèdent un signal piézoélectrique hors plan (voir, e.g. les ellipses continues en bleu dans la Figure 31). Par contre, toutes les régions qui possèdent un signal piézoélectrique maximal hors plan ne correspondent à aucune région qui possède un signal piézoélectrique dans le plan (voir, e.g. les cercles pointillés en bleu dans la Figure 31). En outre, si nous considérons que les contrastes piézoélectriques sont dus uniquement à des polarisations ferroélectriques nous pouvons conclure que dans les couches minces épitaxiées la totalité de la polarisation est orientée parallèlement à l’axe c de la structure quadratique de la couche. Cependant, certaines régions présentent, en plus de la composante hors du plan, une composante dans le plan de la polarisation. Cela peut être expliqué par plusieurs facteurs : (i) Par la présence des grains ayant des orientations aléatoires (régions polycristallines dans la couche épitaxiée). (ii) Une autre raison qui peut être attribuée à cette observation est l’effet de substrat. En effet, dans la littérature, il a été démontré que la terminaison d’un substrat SrTiO3 (SrO ou TiO2) peut affecter la réponse piézoélectrique des structures TTB de formulation (BaSr)Nb2O6 (SBN) [51,87]. Il a été démontré que la terminaison SrO du substrat conduit à la croissance des grains orientés parallèlement à la direction (001)SBN alors que la terminaison TiO2 conduit à des grains d’orientation (310)SBN. Comme la réponse piézoélectrique est étroitement liée à l'orientation des grains, la croissance parallèlement à l’axe c renforce l’alignement des polarisations microscopiques parallèlement à l’axe c ce qui se traduit par une diminution considérable du signal piézoélectrique dans le plan par opposition aux couches polycristallines où le signal dans le plan est du même ordre de grandeur que celui hors plan.

Figure 32 : Cycle d’hystérésis du coefficient piézoélectrique hors plan (dZZ) d’une couche épitaxiée typique de TTB-Eu déposée sur un substrat NSTO(100). Le comportement d’hystérésis déterminé pour dZZ atteste la présence de commutation ferroélectrique dans les couches épitaxiées.

L’étude de la variation des coefficients piézoélectriques en fonction d’une tension appliquée à certains endroits fixes a été effectuée également pour des couches minces épitaxiées. D’après la Figure 32, qui montre la variation du coefficient piézoélectrique hors plan dZZ, le comportement d’hystérésis observé atteste, comme précédemment, la nature ferroélectrique des couches minces étudiées. Il est important de noter que pendant ces expériences le coefficient piézoélectrique dans le plan est toujours estimé être approximativement zéro. Ceci confirme que la contribution de la polarisation ferroélectrique la plus importante est exclusivement hors plan, montrant par conséquent l’effet de la croissance épitaxiée sur les propriétés électromécaniques microscopiques. La valeur maximale du coefficient piézoélectrique est estimée à 2,5 pm/V environ, nettement plus importante que la valeur maximale du coefficient dZZ dans le cas des couches polycristallines.