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Comportements des individus et traits de personnalité

II. Comparaison des trois dynamiques relationnelles entre les niveaux inter-firmes et inter-

2. Comportements des individus et traits de personnalité

Les chercheurs en psychologie se sont investis davantage dans la littérature des trois stratégies (coopération, compétition et coopétition) et ont déterminé les comportements adoptés par les individus selon certains critères, notamment les traits de personnalité. Ces derniers sont associés au modèle des cinq facteurs (Costa et McCrae, 1992 ; Digman, 1990 ; Zhao et Seibert, 2006) qui influencent l’atteinte du succès escompté :

- Névrosisme (Neuroticism) : lié à l’instabilité émotionnelle (Rolland, 1996, 2002) ;

- Extraversion (Extraversion) : la capacité de l’individu de nouer des relations avec son environnement. Elle reflète, donc, la qualité et le nombre des relations établies avec son environnement (Rolland, 1996, 2002) ;

- Agréabilité (Agreeableness) : décrit la qualité des liens tissés avec autrui (Rolland, 1996, 2002) ;

- Ouverture à l’expérience (Openess to Experience) : l’acquisition de nouvelles expériences que ce soient cognitives ou non (idées, croyances, valeurs, actions) (Rolland, 1996, 2002) ;

- Conscienciosité (Conscientiousness) : la capacité d’un individu à accomplir ses propres tâches et maintenir ses engagements (Zhao et Seibert, 2006).

Dans ce contexte, nous présentons dans le tableau, qui suit, les comportements des individus et les traits de personnalité qui y sont appropriés.

Dans ce tableau, nous synthétisons les traits de personnalité associés à chaque dynamique relationnelle. Le modèle des traits de personnalité le plus répandu dans la littérature est celui des cinq traits de personnalité (Five Factor Model ou FFM) : extraversion, névrosisme, agréabilité, ouverture à l’expérience, conscienciosité. Nous avons jugé important d’évoquer ce point qui donne davantage d’éclaircissement sur chaque dynamique relationnelle mais aussi qui nous servira après à approfondir nos recherches futures sur la relation entre les traits de personnalité et l’opportunisme. Il ouvrira des voies de recherche et donne des idées tant pour les chercheurs que pour les

78 praticiens de mieux comprendre ces dynamiques et le comportement des participants qui prennent part aux plateformes de co-création et de leur adapter leurs stratégies.

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Tableau 11: Comportements des individus et traits de personnalité

Auteurs Comportement Traits de personnalité

Colley et al. (1985) Danio (1985)

Kirkcaldy et Furnham (1991) Newcombe et Boyle (1995)

Compétition Extraversion

Lu et Argyle (1991) Coopération Extraversion

McNeil (1995) Coopération Introversion

Ryckman et al. (1990) Hyper-compétition Névrosisme

Ryckman et al. (1996)

Hyper-compétition Névrosisme

Personal-Development Competition Extraversion

Ross et al. (2003)

Coopération Extraversion + Agréabilité

Hyper-compétition Extraversion

Personal-Development Competition Extraversion

Géraudel et Salevetat (2009)

Coopération Extraversion

80 Coopétition Extraversion + Agréabilité + Ouverture à

81 En termes des motivations relatives à l’adoption de la coopétition, à l’opposé des entreprises, les individus participant à une plateforme de co-création « coopétitent2 » par motivations de socialisation, d’interaction, d’établissement des liens sociaux et de développement du sentiment d’appartenance à une communauté (Hutter et al., 2011). En outre, les relations de coopération, de compétition et de coopétition sont gérées par des contrats élaborés entre les firmes qui déterminent à travers des clauses la durée de la relation contrairement à celles entretenues entre les individus (inexistence de contrat). Cela veut dire qu’au niveau inter-individuel, les individus peuvent ne pas se connaitre (cas des plateformes Swarovski, InnoCentive, OSRAM) alors qu’au niveau inter-organisationnel les firmes n’entrent dans de telles relations que si elles se connaissent (cas de coopétition : Apple et Samsung, Ford et Lear Corporation) c’est-à-dire que pour les entreprises le plus important c’est le choix de leurs partenaires (Granata et al., 2016). Nous développons ce point relatif à l’incertitude dans la section portant sur l’opportunisme. Au niveau inter-firmes, la coopétition a figuré dans différentes théories, synthétisées dans le Tableau 12, sous d'autres dénominations pour expliquer la manière dont l'entreprise devra agir pour créer des bénéfices et survivre sur le marché.

La coopétition est considérée comme la dynamique relationnelle la plus privilégiée ou favorisée dans la littérature aussi bien au niveau inter-firmes qu’au niveau inter-individuel même si elle peut conduire à l’opportunisme. Dans ce cadre, plusieurs théories ont fait l’objet de base de la coopétition et l’ont étudiée d’une manière approfondie, notamment :

la théorie des ressources qui est basée sur deux perspectives, à savoir : « Monopoly Rents

Perspective » et « Dynamic Capability-Based Perspective ». Néanmoins cette dernière est la perspective relative à la coopétition et repose sur l’apprentissage et l’accumulation des ressources. La théorie des jeux, qui est la théorie la plus adoptée par les chercheurs pour expliquer les jeux d’acteurs et est basée sur le modèle des jeux économique le plus répandu qui est celui du dilemme du prisonnier, qui correspond à une situation combinant la coopération et la compétition où les acteurs doivent choisir entre la recherche ou la

2 « Coopétiter » : néologisme que nous utilisons du fait qu’il n’existe pas un verbe, dans la langue française, dérivé du concept de la « coopétition » et qui rassemble les deux termes : « coopération et compétition ».

82 réalisation de leur intérêt personnel ou celui du groupe (i.e., l’intérêt commun). C’est d’ailleurs, sur ce modèle que nous nous sommes basés pour expliquer et analyser les jeux d’acteurs sur les plateformes de co-création en mettant l’accent plus spécifiquement sur leur comportement opportuniste. Enfin, la théorie socio-économique des organisations, qui met en évidence la vocation de la coopétition, notamment l’acquisition des avantages compétitifs et coopératifs et l’amélioration à la fois de l’intérêt personnel et de l’intérêt commun ou du groupe.

Certes, toutes ces théories relèvent du champ managérial mais sont aussi appliquées dans le champ psychologique et bien évidemment dans d’autres champs de recherche, notamment la théorie des jeux à travers son modèle fondamental : le dilemme du prisonnier (e.g., Thielmann et al., 2020).

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Tableau 12: Théories traitant de la coopétition

La théorie des ressources (Resource-Based Theory)

Basée sur deux perspectives :

- « Monopoly Rents Perspective » : stipule que seule la rareté des ressources qui fait la différence entre les entreprises. Cette perspective s’intéresse plus à la durabilité des rentes qu’à la création des rentes.

- « Dynamic Capability-Based Perspective » : repose sur l’accumulation des ressources, l’apprentissage et l’acquisition de nouvelles compétences par le biais de « la combinaison des stratégies de coopération et de compétition via les alliances collaboratives (Hamel, 1991) » (Coopétition).

La théorie des jeux (Game Theory) La création de rente à travers « l’adoption simultanée de la coopération et de la compétition » (Coopétition).

La théorie socio-économique des organisations (Socioeconomics)

- Les décisions des acteurs sont orientées par « l’amélioration à la fois de l’intérêt de soi et de l’intérêt commun » (Coopétition).

- Les firmes cherchent « l’acquisition à la fois des avantages compétitif et collaboratif » (Coopétition).

84 Les chercheurs en psychologie qui traitent des relations inter-individuelles, ont affirmé que c'est rarement que des situations de pure coopération ou de pure compétition existent du fait que les deux stratégies (coopération et compétition) ne sont pas adoptées séparément mais simultanément (Deutsch, 1949a ; Galinsky et Schweitzer, 2015 ; Johnson et Johnson, 2005 ; Landkammer et Sassenberg, 2016 ; Tjosvold et al., 2003, 2006).

A titre d’exemple, les chercheurs travaillent ensemble pour élaborer un projet commun et partagent les idées entre eux mais en même temps, ils sont toujours en compétition pour gagner un prix (Landkammer et Sassenberg, 2016).

De même, les chercheurs en management stratégique traitant des relations inter-organisationnelles affirment qu’il est déconseillé d’adopter l'une des deux stratégies (coopération et compétition) indépendamment de l’autre.

Cependant, le succès des entreprises dépend essentiellement de la combinaison des deux stratégies pour dépasser ses concurrents et gagner à la fois des avantages collaboratif et compétitif. Ceci dit qu'ils prennent part à une compétition et coopèrent simultanément à travers les alliances stratégiques (Hamel, 1991 ; Hill, 1990 ; Lado et al., 1997).

Selon Deming (1993), le meilleur allié en matière d'une alliance stratégique est un fort concurrent à ne pas négliger. Donc, les deux stratégies se complètent. C'est d'ailleurs les exemples, cités par Lado et al. (1997), de la coopération de « Toyota » avec ses fournisseurs pour gagner en termes de position compétitive et de la coopération entre « Ford » et « Mazda » en matière de design.

De ce fait, même si les appellations des stratégies de coopération, de compétition et de coopétition diffèrent selon les auteurs et le contexte, leur sens est conservé dans les deux niveaux (inter-individuel et inter-firmes).

Pour les chercheurs opérant dans les deux champs (psychologie et management stratégique), les stratégies de coopération et de compétition ne sont désormais pas considérées comme opposées mais complémentaires, c’est-à-dire que chacune des deux stratégies complète l’autre.

85 De surcroît, un consensus s'avère clair entre les chercheurs des deux champs en matière de l'importance et du poids de la coopétition puisqu’elle mène à la flexibilité et permet aux acteurs d’acquérir à la fois des avantages collaboratif et compétitif.

L'une des autres similitudes entre les niveaux inter-organisationnel et inter-individuel en termes des stratégies de compétition, de coopération et de coopétition est le comportement opportuniste.

L'opportunisme est un comportement souvent adopté par une personne pour arriver à ses fins. Malgré cela, il n’a été que rarement étudié par les chercheurs. Ce comportement a été identifié, par certaines disciplines comme le management et le marketing à travers plusieurs études menées, dans les relations et les échanges entre les firmes. Parfois, certains contrats conclus entre deux firmes l’abordent dans certaines clauses en obligeant les parties en question de l’éviter, ce qui n'est pas le cas pour les individus.

L'opportunisme peut se manifester, dans les deux niveaux (organisationnel et inter-individuel), par la non-divulgation de l’information à l’autre partie (e.g. délit d’initié), le non-déploiement d’effort nécessaire, et l’insincérité.

La forme active de l'opportunisme reflète le fait que les comportements indésirables sont adoptés, ce qui constitue une violation du contrat et le non-respect des obligations. Quant à la forme passive, elle se réfère généralement à la non-divulgation des informations précieuses (par exemple les compétences ou les qualités) comme le cas de la relation entre « Ford » et « Lear Corporation ». Manquant de franchise, « Lear Corporation » a fait subir à « Ford » des coûts élevés (Wathne et Heide, 2000).

Ces deux formes sont présentes dans les relations inter-individuelles dans le contexte des plateformes de co-création, où certains individus sont insincères et ne partagent pas leurs informations et connaissances (Forme active : commentaires et feedbacks destructifs ; Forme passive : le non-partage des ressources opérantes).

Pour les deux niveaux, la relation entretenue entre deux ou plusieurs acteurs aboutit à la création de la valeur. Or, l'adoption d'un comportement opportuniste conduit à une co-destruction de la valeur en limitant sa création (Ghosh et John, 1999 ; Kaufmann, 1987 ;

86 Plé et Chumpitaz Cáceres, 2010 ; Wathne et Heide, 2000) ou en conduisant à une distribution non équitable de la valeur entre les acteurs.

Nous pouvons, ainsi, déduire que dans les deux niveaux (inter-individuel et inter-firmes) les chercheurs ont gardé la même logique, celle relative au côté négatif de l’opportunisme. Le tableau récapitulatif suivant (Tableau 13) présente un aperçu général des trois stratégies (coopération, compétition et coopétition) dans les deux niveaux (individuel et inter-firmes).

En effet, toutes les littératures que nous avons passées en revue sur les trois dynamiques relationnelles, sont synthétisées dans ce tableau. Nous mettons en évidence toutes les appellations qui leur ont été octroyées dans les deux niveaux, leur signification, les comportements et les traits de personnalité qui y sont associés. De surcroît, nous mettons l’accent sur la stratégie la plus privilégiée dans les deux niveaux. Ce tableau constitue une transposition des trois dynamiques relationnelles du niveau firmes au niveau inter-individuel. Il récapitule, traduit et compare les trois dynamiques dans les deux niveaux.

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Tableau 13: Comparaison des trois dynamiques relationnelles aux niveaux inter-firmes et inter-individuel

Niveau

Inter-organisationnel Inter-individuel

Concepts octroyés aux trois stratégies

Coopération (e.g. Bunger et al., 2014 ; Deutsch, 1949a ; Peng et al., 2012)

Collaboration (Bunger et al., 2014 ; Gray, 1989)

Coopération (e.g. Bullinger et al., 2010 ; Deutsch, 2001 ; Hutter et al., 2011 ; Opotow, 2017 ; Roseth et al., 2008 ; Tjosvold et al., 2006 ; Zaho et al., 2016)

Interdépendance positive (Johnson et Johnson, 1989)

Compétition (e.g. Barman, 2002 ; Bunger et al., 2014) Rivalité (Han, 1994)

Compétition (e.g. Bonta, 1997 ; Bullinger et al., 2010 ; Douilliez et al., 2014 ; Gläser et al., 2017 ; Huang et al., 2017 ; Landkammer et Sassenberg, 2016 ; Martinent et Nicolas, 2017 ; Opotow, 2017 ; Poortvliet, 2012; Tauer et Harackiewicz, 2004 ; Tjosvold et al., 2006 ; Urcelay, 2017 ; Zhao et al., 2016)

Interdépendance négative (Johnson et Johnson, 1989)

Hyper-compétition (Ross et al., 2003 ; Ryckman et al., 1996) Self-contained Individualism (Sampson, 1988, 1989)

88 Coopétition (e.g. Bunger et al., 2014 ; Chen, 2008 ; Le Roy et

Fernandez, 2015 ; Nalebuff et Brandenburger, 1995 ; Peng et al., 2012)

Comportement syncrétique (Dagnino et al., 2007 ; Lado et al., 1997)

Coopétition (Erez et al., 2016 ; Landkammer et Sassenberg, 2016) Personal-development Competition (Ross et al., 2003 ; Ryckman et al., 1996)

Coopétition interpersonnelle (Interpersonal Coopetition) (Landkammer et Sassenberg, 2016)

Ensembled Individualism (Sampson, 1988, 1989)

Compétition inter-groupe (Esses et al., 1998 ; Landkammer et Sassenberg, 2016 ; Mead et Maner, 2012)

« Communitition » (Hutter et al., 2011)

Sens

Coopération :

Travailler ensemble et partager les ressources, les connaissances et les informations en vue d’obtenir des bénéfices mutuels et d’atteindre un objectif commun (l’apprentissage).

Compétition :

Travailler indépendamment des autres pour parvenir à ses propres objectifs (augmenter sa propre performance et surpasser l’autre).

Coopétition :

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Stratégie privilégiée Coopétition demeure une stratégie gagnant-gagnant (win-win) et aboutit à des résultats meilleurs tels que la flexibilité et l’acquisition à la fois des avantages de la coopération (avantage collaboratif) et de la compétition (avantage compétitif).

Comportements et profils

-Comportement coopératif de recherche de rente ; -Comportement monopolistique de recherche de rente ; -Comportement compétitif de recherche de rente ; -Comportement syncrétique de recherche de rente.

-Hyper-compétiteurs ; -Coopérateurs ; -Compétiteurs ;

-Personal-Development Competitors ; -Coopétiteurs.

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SECTION V

Opportunisme : Définitions et

fondements théoriques

91 Dans la continuité de la section précédente, nous allons développer en détail le concept majeur de notre travail doctoral, à savoir l’opportunisme.