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Chapitre 1: Etude bibliographique

1.4 Comportement thermoélastique

La chaleur dissipée au niveau des faces de frottement lors de son fonctionnement ainsi que le chargement mécanique peuvent avoir une influence significative sur les performances de l’étanchéité.

1.4.1 Transferts thermiques

Lors du fonctionnement d’une garniture mécanique et sous l’action de la rotation de l’arbre, le film lubrifiant peut être fortement cisaillé conduisant ainsi à une dissipation d’énergie et à l’apparition de gradients de température. Le frottement des aspérités contribue également à la génération de chaleur.

1.4.1.1 Mise en évidence expérimentale

Afin d’étudier le comportement thermique des garnitures mécaniques, plusieurs techniques expérimentales ont été utilisées. Certains auteurs ont utilisé des garnitures mécaniques spécifiques dotées d’une face transparente adaptée à la visualisation du contact. En 1969, Orcutt [47] a réalisé un montage expérimental fonctionnant avec une garniture mécanique dont le rotor était muni d’une fenêtre transparente permettant de mesurer des profils radiaux de température. La distribution de température à l’interface est relevée avec un pyromètre infrarouge. Les essais ont été réalisés sur une large gamme de vitesse de rotation de l’arbre. Diverses valeurs de pression et de température d’alimentation pour de l’eau et de l’huile ont été testées. Les expériences ont montré que la température au niveau de la face de frottement augmente suivant la

41 direction radiale dans le sens de la fuite. De plus, le niveau de température augmente avec la vitesse de rotation.

Dans les travaux de Tournerie et al. [48], Reungoat [49], Reungoat et al. [50] et Brunetière [23], la thermographie infrarouge a été adoptée pour obtenir expérimentalement la cartographie de température de la face tournante à travers un stator transparent en fluorine au moyen d’une caméra infrarouge. La garniture mécanique était alimentée en huile par le rayon interne. Ces travaux ont montré que la température augmente globalement avec la vitesse de rotation et croît dans la direction de l’écoulement. Des changements ont été effectués sur le banc d’essais lors des travaux de Migout et al. [5], afin d’observer le changement de phase du fluide dans l’interface. Dans ce cas, la garniture fonctionnait avec de l'eau chaude pressurisée. Le stator était en saphir, mieux adapté aux conditions de fonctionnement.

Ces méthodes ne sont toutefois pas adaptées aux garnitures industrielles qui font l’objet de notre étude car placer un anneau transparent sur une garniture industrielle l’éloigne sensiblement de ses conditions réelles de fonctionnement. Pour ce type de garniture, les températures sont mesurées par des thermocouples collés dans le stator, comme l’ont fait Doane et al. [51]. Ils ont utilisé une garniture compensée à 66% testée avec de l’eau pour des vitesses de rotation allant de 1500 à 3000 tr/min. Au moyen de méthodes d’extrapolation, ils ont pu déterminer la température au niveau de la surface de contact et la distribution locale du flux de chaleur qui ne sont pas directement accessibles avec des thermocouples. Merati et al. [52] ont également utilisé des thermocouples. Leur travail a montré que les températures les plus élevées apparaissent à proximité du diamètre interne pour une garniture alimentée par le rayon extérieur. Ceci est dû au faible échange dans l’espace confiné entre l’intérieur de l’anneau et l’arbre. La plus grande partie du flux de chaleur engendré dans le contact est transféré au rotor en carbure de silicium.

Lebeck et al. présentent dans leur article [53] une étude expérimentale pour une large gamme de conditions de fonctionnement avec deux types de fluide: de l’eau et une huile. La température dans le stator a également été mesurée par des thermocouples. Les expériences ont montré que la température du fluide qui entoure le joint est à peu près uniforme. De petites augmentations sont toutefois observées près de la face de frottement dont les valeurs sont plus élevées pour l’huile. Les températures des faces ont aussi été évaluées par une approche numérique [54].

42 Les modèles thermiques doivent tenir compte à la fois de la dissipation de chaleur dans le film, de la conduction dans les anneaux ainsi que du transfert de chaleur par convection entre les solides et le fluide environnant.

Des méthodes simplifiées ont été développées de façon à éviter la mise en place de simulation numérique plus élaborée. La chaleur globale dissipée dans l'interface est supposée être transférée axialement par conduction (théorie de l’ailette) dans le rotor alors que le stator est supposé adiabatique. Buck [55] a montré que l’application de la théorie d’ailette n'est valable que si le rapport entre la longueur et la largeur de la section transversale est suffisamment grande. Sa méthode permet d’obtenir une valeur approchée de la température moyenne de la face en prenant en compte à la fois les transferts thermiques par convection et par conduction pour une section de garniture rectangulaire. Plus récemment, le même principe a été généralisé par Luan et al. [56] en utilisant quatre formes géométriques différentes.

Les études expérimentales ont montré que la température n’est pas uniforme dans le contact. C’est pourquoi des méthodes bidimensionnelles ont aussi été développées afin d’avoir la distribution radiale de la température au niveau de la face de frottement.

Dumbrava et Morariu [57] ont proposé une solution analytique en se basant sur des hypothèses restrictives : la garniture est double et symétrique. Le flux de chaleur axial dans les solides est de forme simple imposée, et la face du stator est adiabatique. Pascovici et Etsion [58] améliorent ce modèle avec un calcul en deux dimensions de l'équation de l'énergie dans le film grâce à une procédure semi-analytique itérative. Ce modèle est amélioré après par Luan [59] en incluant les rugosités.

Dans les modèles semi-numériques présentés par la suite, la chaleur dissipée dans l'interface est formulée analytiquement et l’équation de la conduction de la chaleur dans les anneaux est résolue numériquement.

Doust et Parmar [60] imposent une température uniforme sur la face de frottement issue de données expérimentales et calculent ensuite le champ de température dans les solides par la méthode des intégrales de frontière. Au moyen de formulations analytiques, Zeus [61] évalue, à la fois, la dissipation par cisaillement visqueux dans le film et la dissipation par barbotage du fluide au voisinage de l’anneau tournant. Zhu [62] utilise lui aussi des méthodes analytiques pour déterminer la chaleur dissipée à l'interface par frottement hydrodynamique et mixte. Les deux

43 auteurs calculent ensuite les températures dans les anneaux à l'aide de codes de calcul par éléments finis.

Selon Lebeck [10], une part importante de la chaleur générée à l’interface est évacuée par convection entre les anneaux et le fluide environnant.

Pendant longtemps, les coefficients de convection ont été calculés à partir des formules empiriques déterminées expérimentalement [63, 64, 65]. Des travaux expérimentaux plus récents [51, 66, 53] et numériques par méthode CFD [54, 67] ont conduit à des valeurs plus précises des coefficients de convection locaux.

L’étude numérique par méthode CFD menée par Shirazi et al. [54] a permis de montrer que l’anneau tournant entraine le fluide extérieur qui tourne alors à une vitesse correspondant à environ la moitié de celle du rotor. De ce fait, la vitesse relative du fluide est pratiquement la même pour les deux anneaux et le coefficient d’échange par convection est du même ordre pour le rotor et le stator. Merati et al. [52], ont comparé les mesures obtenues expérimentalement et celles obtenues par un modèle CFD basé sur les conditions aux limites obtenues expérimentalement. Leur étude a montré que le flux de chaleur transféré au rotor est plus important que celui transféré au stator. Brunetière et Modolo [67], ont montré que les échanges thermiques sont très influencés par les rapports des conductivités entre fluide et solides (rotor et stator). Cette constatation justifie d’orienter la circulation du fluide de refroidissement de l’anneau le moins conducteur vers le plus conducteur.

Enfin d’autres auteurs ont établi des modèles où la dissipation est également calculée de manière numérique. Knoll et al. [68] ont établi les équations tridimensionnelles de transferts de chaleur dans le film et les solides afin de résoudre le problème TEHD dans le cas d’une garniture double. La résolution se fait avec la méthode des éléments finis. Person et al. [69] développent un modèle THD qui ne se limite pas au joint double en utilisant la méthode des différences finies. Le stator est supposé adiabatique dans cette étude. Peu après, Tournerie et al. [70] généralisent ce modèle en tenant compte des transferts à la fois dans le rotor et dans le stator.

1.4.2 Déformation des faces

Les différentes forces appliquées aux deux anneaux de la garniture influent sur la géométrie de l’interface d’étanchéité. Les déformations élastiques dépendent essentiellement de la valeur du module d’Young du matériau et des dimensions des anneaux alors que les déformations

44 thermiques dépendent surtout des caractéristiques thermiques des matériaux constituant les faces de frottement et des échanges thermiques.

1.4.2.1 Déformation mécanique

Lors du fonctionnement d’une garniture mécanique, ses composants sont soumis à des pressions et à des efforts qui engendrent des distorsions entraînant une perte de planéité de la surface de contact.

La mesure des déformations élastiques des faces de frottement est extrêmement difficile à réaliser. En effet, la mesure combine généralement l’épaisseur du film lubrifiant et les distorsions des faces. Orcutt [47] est certainement un des premiers à avoir mesuré des distributions d’épaisseur de film. Pour cela, il utilise l’interférométrie en lumière blanche et un rotor en quartz. Il met en évidence des films d’une hauteur inférieure à 1,5 µm et dont l’épaisseur varie principalement dans la direction radiale. Il montre aussi que les conditions de fonctionnement affectent l’épaisseur du film et les déformations. Un peu plus tard, Doust et Parmar [60] réalisent des mesures d’épaisseur de film entre les faces d’une garniture au moyen de douze capteurs capacitifs. Ils montrent que les déformations peuvent être quantifiées en termes de conicité. Une conicité positive (espace convergent dans le sens de la fuite si la haute pression est à l’extérieur) est créée par les déformations thermiques alors que les déformations mécaniques engendrent généralement une conicité négative et défavorable (espace divergent dans le sens de la fuite si la haute pression est à l’extérieur) éliminant l’avantage donné par les déformations thermiques. Doust et Parmar [60] utilisent un coefficient qui représente le taux de rotation mécanique et traduit le rapport entre l’angle du cône et la pression du fluide à étancher.

Comme il existe très peu de méthodes approchées pour le calcul des déformations des faces, dans la plupart des études, les auteurs ont résolu les équations de Navier par la méthode des éléments finis [71]. Ces équations étant linéaires, il est possible d’utiliser des coefficients d’influence. Une matrice de coefficients d’influence peut aussi être utilisée, comme l’ont fait Ruan et al. [40], afin d’avoir une meilleure description géométrique des surfaces déformées.

Ces différents travaux ont montré l’influence des déformations élastiques sur les performances d’une garniture mécanique. Cependant, à cette déformation nous devons généralement ajouter la déformation thermique.

45 Les gradients de température dans les solides conduisent à des dilatations différentielles des anneaux entraînant une perte de planéité des faces de frottement. Le choix des matériaux, en fonction de leurs caractéristiques telles que la conductivité thermique, le coefficient de dilatation et l’efficacité des échanges thermiques revêtent donc une importance capitale afin de limiter les gradients de température [72] et les déformations résultantes.

Les mesures de Doust et Parmar [60] ont montré que les distorsions thermiques peuvent être supérieures à celles dues à la pression. Cette déformation peut être quantifiée avec un angle de rotation thermique. Ils ont constaté que pendant le régime transitoire lié au démarrage de la garniture, la distorsion thermique (angle du cône) atteint un maximum, puis décroît [73]. Cicone et al. [74] ont également observé ce phénomène. Ils ont montré qu’une distorsion thermique défavorable peut mener à du contact, entraînant une dissipation importante de chaleur, des températures élevées et de l'usure.

Certains auteurs ont choisi de résoudre simultanément les équations de la thermo-élasticité dans leur propre modèle. Zhu [62] a réalisé ce type de simulation en configuration axisymétrique, alors que Knoll et al. [68] ont traité le problème tridimensionnel. Dans tous ces travaux, la méthode des éléments finis a été préférée. Cette méthode a été aussi utilisée par Brunetière et al. pour compléter leur étude expérimentale [75, 76] avec un modèle théorique portant sur le comportement thermo-élasto-hydrodynamique (TEHD) des garnitures d’étanchéité. La détermination des déformations et des échanges de chaleur avec les solides est réalisée par la méthode des coefficients d’influence. Les coefficients d’influences ont été aussi utilisés en régime transitoire par Tournerie et al. [77, 78] pour le calcul de déformation dans un modèle TEHD. Salant et Cao [79] ont également utilisé les coefficients d’influence pour calculer les déformations d’origine mécanique et thermique dans les garnitures. Cette méthode fonctionne tant que les conditions aux limites sont inchangées et que le comportement des matériaux est linéaire. D’autres études [76, 80, 81] concernant la modélisation TEHD des garnitures mécaniques ont également utilisé la méthode des coefficients d’influence.

Pour ces travaux, les faces de frottement sont supposées lisses. Nous avons montré que les surfaces de frottement présentent des rugosités qui sont du même ordre de grandeur que l’épaisseur du film. La rugosité a été prise en compte par Brunetière [82] dans un modèle semi analytique qui sera détaillée au chapitre 4.

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