I.2 Les alliages de magnésium
I.2.2 Comportement mécanique à froid
La déformation plastique des matériaux cristallins se fait principalement grâce au
déplace-ment des dislocations dans leurs plans de glissedéplace-ment. Un plan de glissedéplace-ment est activé lorsque
la contrainte limite de cisaillement, appelée cission critique résolue (CRSS : Critical Resolved
Shear Stress), est atteinte dans le matériau. Il existe plusieurs types de systèmes de glissement
dans la structure hexagonale compacte : basal{0001}, prismatique{10¯10}, pyramidalπ
1{10¯11}
et pyramidal π
2{10¯12}. Les vecteurs de Burgers associés sont de type < a > (b =
13[11¯20]) ou
< a+c > (b =
13[11¯23]) (gure I.23).
a
c a
Figure I.23 Systèmes de glissement dans la structure hexagonale compacte avec les vecteurs de Burgers
associés : de type < a > pour le système basal, prismatique et pyramidal π
1et de type < a+c > pour
le système pyramidalπ
2[Agnew and Duygulu, 2005].
Les travaux de Roberts, Wonsiewicz et Backofen sur la déformation plastique de
monocris-taux de magnésium ont montré que le magnésium ne possède que deux systèmes de glissement
indépendants, tous deux de type glissement basal [Roberts, 1964; Wonsiewicz. and Backofen,
1967]. Le magnésium ne satisfait donc pas au critère de Taylor qui requiert cinq systèmes de
glissement indépendants an d'assurer une bonne déformation plastique [Taylor, 1938].
Néan-moins, les récents travaux d'Agnew et al. sur l'alliage de magnésium AZ31 donnent un rapport
des CRSS pour le glissement non basal et basal bien inférieur aux valeurs trouvées dans des
études précédentes. Ceci suggérerait l'activation de plans de glissement autres que les plans
de base [Agnew and Duygulu, 2005]. On considère donc que l'activation des plans de base est
I.2. Les alliages de magnésium
favorisée à température ambiante par rapport aux autres plans cristallographiques mais que
l'activation d'autres plans n'est pas à exclure.
La structure hexagonale compacte des alliages de magnésium explique donc leur capacité de
déformation à froid limitée. Pour leur mise en forme, on se place généralement à des températures
supérieures à 473 K, pour lesquelles les plans prismatiques et pyramidaux vont pouvoir être plus
facilement activés.
I.2.2.2 Rôle de la texture cristallographique
La capacité de déformation d'un matériau va dépendre de son nombre de systèmes de
glis-sement mais également de la valeur du facteur de Schmid. Ce facteur est donné par la relation
suivante : m = cosθcosχ, avec θ l'angle entre la normale au plan de glissement et l'axe de
sollicitation et χ l'angle entre la direction de glissement et l'axe de sollicitation. Le glissement
s'eectuant pour les plans dont la valeur de m est maximale, les plans orientés à 45 par
rap-port à l'axe de sollicitation seront par exemple les premiers activés. Les plans parallèles à la
sollicitation auront quant à eux un facteur de Schmid nul (cosθ = 0) et donc ne pourront pas
participer à la déformation. On comprend donc l'importance de la texture cristallographique :
l'orientation des plans de glissement par rapport à l'axe de sollicitation inue fortement sur la
réponse mécanique du matériau. La gure I.24 reprend les directions spéciques d'une plaque
laminée : DL
→la direction de laminage, DT
→la direction transverse et DN
→la direction normale,
ainsi que l'orientation cristallographique principale des grains à l'issue du laminage. Les alliages
corroyés possèdent souvent une texture bre, c'est-à-dire que la grande majorité des grains ont
leurs axes
→c orientés parallèlement à la direction normale DN
→.
DL
DN
DT
DL
DN
DT
Sens de laminageFigure I.24 Directions spéciques d'une plaque laminée et orientation cristallographique principale des
grains à l'issue du laminage.
→
DN, présente un facteur de Schmid nul dans le cas d'une sollicitation suivant les directionsDL
→ouDT
→. Dans ce cas limite les plans de base ne permettent pas d'accommoder la déformation, les
plans de glissement non-basaux et/ou d'autres mécanismes contribuentt alors à la déformation.
Les gures de pôles réalisées par Agnew et al. sur un alliage de magnésium préalablement
laminé présentent bien une texture bre (gure I.25.a) [Agnew and Duygulu, 2005]. La gure
de pôle (0002) montre une forte concentration du signal au centre qui indique qu'une grande
proportion des plans de base est orientée dans une même direction. En reprenant le schéma
d'orientation d'une plaque laminée gure I.24, on a donc les plans de base orientés en majorité
parallèlement aux directionsDL
→etDT
→. La répartition symétrique du signal en périphérie de la
gure de pôle des plans prismatiques (10¯10) signie qu'il n'y a pas d'orientation préférentielle
de ces plans.
État H24
État ‘O’
DL
DT
(a)
Con
tra
in
te
vraie
(
MPa
)
Déformation vraie
Traction
DL
DL
DT
DT
Tôle d’AZ31
état ‘O’
(b)
Figure I.25 Figures de pôles (10¯10) et (0002) de l'alliage AZ31 à l'état laminé (état H24) et après
un recuit d'1h à 618 K (état 'O') [Agnew and Duygulu, 2005] (a). Courbes contrainte-déformation en
traction et en compression d'une tôle d'AZ31 à l'état 'O' suivant trois directions par rapport à la direction
de laminage de la tôle (O(DL)
→,45et90(DT
→)) [Lou et al., 2007] (b).
La direction de cisaillement privilégiée des plans de glissement étant celle orientée à 45
par rapport à l'axe de sollicitation, dans cette conguration, les plans de base présentent donc
un facteur de Schmid faible. Néanmoins, une déformation importante est obtenue lors d'une
sollicitation en traction à température ambiante (gure I.25.b). Cette capacité de déformation
peut être en partie reliée à l'écart de la texture à une bre parfaite, qui permet alors l'activation de
certaine proportion des plans de base, mais aussi à l'activation de plans non-basaux [Agnew and
Duygulu, 2005]. On observe également sur la gure I.25.a un étalement de la texture légèrement
I.2. Les alliages de magnésium
plus important dans la direction de laminage (DL
→). Cet étalement non symétrique de la texture
conduit généralement à une anisotropie de contrainte, comme on peut le voir sur les courbes de
la gure I.25.b. Les contraintes sont plus fortes dans la direction DT
→que DL
→, que se soit en
traction ou en compression. Cette diérence s'explique par le fait qu'un étalement plus important
dans la directionDL
→entraîne un facteur de Schmid plus grand et donc une activation des plans
de base plus facile. Inversement la contrainte seuil pour activer les plans de base est donc plus
élevée dans la directionDT
→.
On remarque également que la limite d'élasticité est deux fois plus élevée en traction qu'en
compression ainsi qu'un coecient d'écrouissage plus fort dans le cas de la compression. Cette
diérence de comportement entre la traction et la compression est généralement attribuée à
l'activation du maclage.
I.2.2.3 Rôle du maclage
Les structures hexagonales compactes ont la capacité d'activer du maclage, en plus du
glisse-ment des dislocations, comme autre mécanisme de déformation. Le maclage est un mouveglisse-ment
de cisaillement local d'un volume déni du cristal contrairement au glissement qui se déroule sur
un plan cristallin unique. Reed et al. ont mesuré une CRSS permettant d'activer du maclage
pour du magnésium pur, 10 fois supérieure à celle du glissement basal [Reed-Hill and Robertson,
1957]. Le maclage prend place dans les alliages monocristallins uniquement si les plans de base
sont orientés défavorablement par rapport à l'axe de sollicitation. Mais ce critère ne semble pas
susant pour prédire l'activation de maclage ou non puisque Belle et al. ont montré que le mode
de sollicitation (traction ou compression) inuait également [Bell and Cahn, 1957]. Les courbes
de traction suivent une forme standard tandis que les courbes de compression présentent une
courbure inversée, caractéristique de l'activation du maclage lors de la déformation (gure I.25)
[Lou et al., 2007].
Dans le document
Elaboration par co-déformation de matériaux stratifiés alliage léger / verre métallique
(Page 43-46)