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Comme dŽcrit dans la littŽrature, le CRCM de Rouen est confrontŽ au problme liŽ ˆ lÕinfection/colonisation par les mycobactŽries du complexe abscessus chez les patients atteints de mucoviscidose.

Une MABSC a ŽtŽ isolŽe chez 10 patients : 8 M. abscessus sensu stricto, un M. bolletii et un

M. massiliense. Ce dernier a ŽtŽ identifiŽ comme un M. massiliense dÕaprs le sŽquenage du gne hsp65 mais identifiŽ comme un M. bolletii par celui du gne rpoB. Cette discordance illustre bien les

difficultŽs dÕidentification fiable au rang dÕespce.

PrŽcisons que les rŽsultats de ce volet du travail ne sont que descriptifs du fait de lÕeffectif faible (10 patients) des patients colonisŽs/infectŽs par MABSC et de lÕabsence de groupe tŽmoin (absence dՎtude observationnelle rŽtrospective de dossiers de patients non mucoviscidosiques colonisŽs/infectŽs par MABSC). Cependant, il faut souligner que les Žtudes cas-tŽmoins publiŽes rŽcemment ne sont pas fondŽes sur des effectifs consŽquents (22 patients infectŽs ˆ M. du complexe

abscessus dans lՎtude de Verreghen et al., 38 patients infectŽs ˆ MNT dont 23 par MABSC dans celle

dÕEsther et al.). La sŽlection de notre population dÕintŽrt ne prenait pas en compte les critres cliniques et radiologiques dÕinfection ˆ MNT. Toutefois, les dix patients ayant eu au moins deux cultures positives ˆ mycobactŽries du complexe abscessus ˆ partir dÕexpectorations ; ils remplissaient les critres microbiologiques dÕinfection ˆ MNT selon le consensus de lÕATS (Griffith, 2007).

Remarques gŽnŽrales

Lorsque nous comparons le rŽsultat de certains paramtres ŽtudiŽs avec les donnŽes nationales 2010 du RFM (Tableau 13), nous constatons certaines diffŽrences significatives concernant :

! le sexe ratio, avec une forte proportion dÕhomme dans notre population ! le nombre de patients traitŽs pour un reflux gastro-oesophagien

! les colonisations microbiologiques ˆ SAMS, S. maltophilia et Aspergillus

En revanche, la proportion de patients ne diffre pas de la population nationale de patients mucoviscidosiques au niveau du nombre dÕhomozygote pour la mutation F508, de diabŽtiques, du nombre de patients traitŽs par azithromycine et par des cortico•des inhalŽs.

LՉge des patients au moment du diagnostic de colonisation/infection ˆ MABSC Žtait de 22,7 ans. MABSC Žtait la MNT la plus reprŽsentŽe (10/22) devant M. avium complex (4/22). Ces rŽsultats sont en accord avec la grande Žtude de prŽvalence rŽalisŽe en France chez 1582 patients atteints de mucoviscidose en 2004 (Roux, 2009). Les mycobactŽries du complexe abscessus Žtaient les plus reprŽsentŽes (48%) devant MAC (22%) ; elles infectaient surtout les enfants et jeunes adultes. DÕautres Žtudes ont fourni les mmes rŽsultats mais pas lՎtude de prŽvalence amŽricaine au sein de laquelle MAC Žtait plus reprŽsentŽe que MABSC (Olivier, 2003). Il existe deux explications ˆ cela : tout dÕabord lՎtude amŽricaine ne comprenait que des patients adultes et dÕautres part elle incluait des patients depuis 1992 et ˆ cette Žpoque les mycobactŽries du complexe abscessus Žtaient peu connues et probablement mal identifiŽes au rang dÕespce.

MABSC et fonction pulmonaire

Notre Žtude met en Žvidence une atteinte fonctionnelle plus sŽvre chez les patients qui ont une Žradication de la mycobactŽrie par apport aux patients toujours infectŽs/colonisŽs. La plupart des Žtudes comparent la fonction pulmonaire des patients colonisŽs ou infectŽs par rapport aux sujets contr™les (Levy, 2008; Verregghen, 2012). Verreghen et al, qui Žtudie les facteurs de risque dÕinfection ˆ MNT dans la mucoviscidose dans une Žtude cas-tŽmoins, retrouve une diffŽrence fonctionnelle significative ˆ la mise en Žvidence de la MNT entre les sujets infectŽs et les sujets colonisŽs (56,4% vs 64,1% ; p<0,01).

Au fil des annŽes de la colonisation/infection ˆ MABSC, nous avons observŽ un dŽclin du VEMS et du CVF qui sÕintensifiait ˆ lÕidentification de la MNT et pendant le traitement. Esther et al, dont le travail compare une population de 178 patients atteints de mucoviscidose ayant une culture positive ˆ MNT (dont 38 patients infectŽs selon les critres de lÕATS), soulignent que les infections chroniques ˆ MNT sont associŽes ˆ un dŽclin du VEMS (dŽclin de -2,33% par an chez les infectŽs par rapport aux non infectŽs, p<0,01). Cette Žtude note Žgalement un impact plus particulier des mycobactŽries du complexe abscessus sur la fonction ventilatoire (-2,42% par an), quÕils attribuent ˆ la plus forte virulence de cette MNT (Esther, 2010).

112 MABSC et colonisation bactŽrienne

Tous les patients de notre Žtude prŽsentaient un SAMS dans leur ECBC. S. maltophilia Žtait retrouvŽ chez quatre des dix patients. Ces taux sont beaucoup plus ŽlevŽ que ceux retrouvŽs dans la population gŽnŽrale : 53,5% pour SAMS et 8,5% pour S. maltophilia.

Verreghen et al ont montrŽ que la prŽsence de S. maltophilia Žtait un facteur de risque dÕinfection ˆ M. abscessus. Sur 22 patients infectŽs ˆ M. abscessus, 11 avaient un S. maltophilia tandis quÕil nÕy avait quÕun seul patient porteur dans le groupe tŽmoin (p < 0,002) (Verregghen, 2012).

MABSC et Aspergillus fumigatus

Nous retrouvons une forte prŽsence dÕAspergillus fumigatus (80%) dans les ECBC des patients mucoviscidosiques suivis au CRCM de Rouen, comparativement aux donnŽes nationales (21%) (Bellis, 2012). Aspergillus fumigatus appara”t donc comme un facteur associŽ ˆ la colonisation/infection ˆ mycobactŽries du complexe abscessus. Ces rŽsultats sont concordants avec plusieurs Žtudes cas-tŽmoins (Esther, 2010; Olivier, 2003a; Verregghen, 2012) montrant une frŽquence accrue dÕAspergillus fumigatus dans lÕECBC des patients infectŽs ou colonisŽs avec une MNT. De faon plus approfondie, une Žtude de Levy et al (Levy, 2008), chez 42 patients mucoviscidosiques pour lesquels au moins une MNT Žtait isolŽe dans lÕECBC, comparŽs ˆ 144 tŽmoins sans MNT, retrouve que la prŽsence dÕAspergillus spp. en culture Žtait un facteur prŽdictif de colonisation ˆ MNT et que la prŽsence isolŽe ou conjointe de ces germes Žtait le reflet de la sŽvŽritŽ de la maladie sous- jacente. La possibilitŽ dÕune crŽation rŽciproque de conditions favorables de dŽveloppement est ŽvoquŽe.

Parmi les dix patients suivis ˆ Rouen, sept Žtaient traitŽs pour une aspergillose broncho- pulmonaire allergique. Mussaffi et al. ont montrŽ que lÕABPA Žtait un facteur de risque ˆ dÕinfection par les MNT et plus particulirement de MABSC. Il est dŽcrit que nŽgliger la prŽsence dÕune potentielle infection aspergillaire pourrait tre confondue avec un Žchec de traitement de lÕinfection ˆ MNT ou une rŽcidive de celle-ci (Le Bourgeois, 2005).

MABSC et traitements antŽrieurs

Notre Žtude nÕa pas mis en Žvidence de lien entre les traitements antŽrieurs (inhibiteur de la pompe ˆ proton, azithromycine, cortico•des, antibiothŽrapie) et la colonisation/infection ˆ MABSC.

La littŽrature relate une plus forte proportion de reflux gastro-oesophagien chez les patients porteurs dÕune MNT. Les thŽories expliquant cette association sont diverses. Le mŽcanisme du reflux favoriserait les micro-inhalations dÕeau contaminŽe par des MNT prŽsente dans lÕestomac (Koh,

2007). Un traitement anti-reflux ˆ plus forte dose chez les porteurs de MNT ne seraient alors que le reflet dÕun reflux plus sŽvre ou masquerait les sympt™mes de micro-inhalations frŽquentes (Levy, 2008; Thomson, 2007).

Dans la mucoviscidose, lÕazithromycine au long cours et ˆ faible dose est largement prescrite ˆ visŽe anti-inflammatoire. Il est recommandŽ de surveiller chez ces patients lՎmergence de MNT. Le r™le de lÕazithromycine dans lՎmergence de MNT rŽsistantes aux macrolides nÕest pas prouvŽe (Wilms, 2012).

LÕarticle de Choi et al. (Choi, 2012) dit que, comparŽe ˆ la clarithromycine, lÕazithromycine a une activitŽ supŽrieure vis ˆ vis de M. abscessus in vitro, ex vivo et in vivo alors que ces deux macrolides ont une activitŽ comparable sur M. massiliense. La clarithomycine induit plus fortement lÕexpression du gne erm(41) et donc un plus haut niveau de rŽsistance aux macrolides que lÕazithromycine.

IntŽrt de la sŽrologie antimycobactŽrienne : Anticorps A60

Les critres diagnostiques dÕinfection ˆ mycobactŽries fournis par lÕATS, basŽs sur des critres microbiologiques mais Žgalement cliniques et radiologiques, ne semblent pas adŽquats chez les patients atteints de mucoviscidose. En effet, les signes cliniques liŽs ˆ M. abscessus sont difficiles ˆ distinguer de ceux de la mucoviscidose elle-mme. Les critres microbiologiques sont fiables mais ils ne refltent pas nŽcessairement la maladie active. Ainsi, des critres diagnostiques supplŽmentaires peuvent tre utiles avant de dŽbuter un traitement qui sera ˆ la fois long et avec potentiellement de nombreux effets indŽsirables.

Le test de sŽrologie A60 permet de dŽtecter des anticorps dirigŽs contre le complexe antigŽnique A60, produit au cours dÕune infection mycobactŽrienne. CÕest un antigne interspŽcifique localisŽ dans le cytosol de toutes les mycobactŽries. Comme la coloration de Ziehl-Neelson, ce test est positif pout toutes les mycobactŽrioses. Le seuil de positivitŽ est Žtabli ˆ 225 UA/ml pour les IgG.

Les patients avaient tous des taux en anticorps A60 supŽrieurs ˆ la limite de positivitŽ lors du diagnostic de colonisation/infection ˆ MABSC. MalgrŽ des traitements rŽpŽtŽs, seul un patient est passŽ sous le seuil de positivitŽ alors que trois patients ont eu des cultures de MNT qui se sont nŽgativŽes.

Selon Ferroni et al., la grande sensibilitŽ de ce test permettrait de dŽtecter les mycobactŽrioses atypiques chez les patients atteints de mucoviscidose, de suivre la production dÕanticorps chez les malades sous traitement et donc de suivre lÕefficacitŽ de ce dernier (Ferroni, 2005). Cette Žguipe a ŽtudiŽ la relation entre le traitement de lÕinfection ˆ MABSC et le taux des anticorps A60. Il semblerait

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SensibilitŽ aux antibiotiques et traitement de la colonisation/infection

Les antibiogrammes effectuŽs sur les diffŽrentes souches de MABSC sont assez caractŽristiques de ces souches. En effet, celles-ci sont rŽsistantes ˆ de nombreux antibiotiques (minocycline, doxycycline). LÕamikacine et la clarithromycine sont, le plus souvent, les seuls antibiotiques sensibles comme dŽcrit dans la littŽrature (Nessar, 2012).

Parmi les 16 antibiogrammes effectuŽs, il existe de nombreux profils diffŽrents. Le profil amikacine Ç sensible È, tobramycine Ç rŽsistante, cŽfoxitine Ç intermŽdiaire È et clarithromycine Ç sensible È est le plus frŽquent (6/16 antibiogrammes dont 2 chez le mme patient). Une diffŽrence de sensibilitŽ est observŽe toutefois au niveau du linŽzolide, de la tigŽcycline et du sulfamŽthoxazole.

La souche de M. massiliense de VAR ARU prŽsentait une sensibilitŽ ˆ la clarithromycine mais une rŽsistance inductible. La littŽrature indique que cette souche, ayant un gne erm(41) tronquŽ ne peut pas prŽsenter une rŽsistance inductible ˆ la clarithromycine. LÕidentification faite par le CNR par sŽquenage du gne hsp65 avait premirement conclu ˆ une souche de M. massiliense tandis quÕun second sŽquenage du gne rpoB avait identifiŽ ˆ un M. bolletii. Selon ces indications et le profil de rŽsistance de la souche, VAR ARU est donc colonisŽ/infectŽ par une souche de M. bolletii et non M.

massiliense.

Chez certains patients, des traitements lourds et rŽpŽtŽs nÕont pas permis lՎradication de MABSC, lÕinfection chronique durant parfois depuis plus de 6 ans (CHA ANA et TRU DAM).

Chez CHA ANA, 4 souches de M. abscessus, isolŽes entre 2004 et 2008, ont ŽtŽ envoyŽes pour lՎtude de la sensibilitŽ aux antibiotiques. La souche devient de plus en plus rŽsistante aux antibiotiques. CHA ANA a ŽtŽ traitŽ par de la cŽfoxitine, amikacine et clarithromycine lors du diagnostic puis ˆ plusieurs reprises. Cela a certainement contribuŽ ˆ lÕaugmentation de la CMI de ces antibiotiques au fil du temps.

De mme, COU DOR a ŽtŽ traitŽ par de la cŽfoxitine, amikacine et clarithromycine. Les deux antibiogrammes effectuŽs sur des souches isolŽes ˆ deux ans dÕintervalle montre Žgalement une augmentation de la CMI de la cŽfoxitine et clarithomycine.

Typage molŽculaire

LՎlectrophorse en champ pulsŽ est la mŽthode de typage des MNT la plus utilisŽe ces dernires annŽes. Cette mŽthode est adaptŽe ˆ lՎpidŽmiologie des mycobactŽries mais elle est lourde, longue ˆ rŽaliser et demande du matŽriel et un personnel expŽrimentŽ.

Notre expŽrience a montrŽ que cette mŽthode Žtait difficile ˆ mettre en place. MalgrŽ diffŽrents paramtres modifiŽs, il reste encore ˆ faire Žvoluer le protocole : casser de faon plus efficace la paroi car parfois aucun fragment nՎtait visible sur le gel de migration, et amŽliorer la purification de lÕADN pour avoir des profils plus nettes.

Les quelques profils que nous avons obtenus semblent nous indiquer que dans le temps, un patient est colonisŽ par la mme souche. Cette souche semble diffŽrente des souches retrouvŽes chez les autres patients suivis au CRCM de Rouen. De nombreuses publications ont montrŽ lÕabsence de transmission interhumaine des MNT chez les patients atteints de mucoviscidose. Cependant, un article rŽcent montre quÕun patient avec un fort inoculum respiratoire de M. massiliense peut reprŽsenter un danger de contamination de lÕenvironnement et tre ˆ lÕorigine dÕune contamination indirecte des patients mucoviscidosiques frŽquentant le mme Žtablissement de soins.

Afin de mieux conna”tre lՎpidŽmiologie des souches isolŽes chez les patients mucoviscidosiques suivis au CRCM de Rouen, de nouvelles techniques devrons tre utilisŽes, comme la MLVA ou la rep-PCR automatisŽe sur le Diversilab mais elles sont plus cožteuses.

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