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Comparaison des paramètres avec de nouveaux outils de détection du delirium

Chapitre 5 : Discussion

5.5 Comparaison des paramètres avec de nouveaux outils de détection du delirium

Depuis le début de cette étude, de nouveaux outils ont été développés et validés par des chercheurs qui font des efforts pour simplifier le processus de dépistage du delirium et améliorer la durée de complétion de ces outils. Comme les résultats obtenus semblent encourageants, il devient intéressant de comparer les résultats obtenus pour le RADAR avec les différents paramètres de ces outils.

Le Single Screening Question-delirium (SSQ-delirium) a été validé auprès d’un échantillon de 161 aînés de plus de 65 ans en centre hospitalier (Hendry, Quinn, Evans et Stott, 2015). Il a été complété pour 70 de ces participants (44 %) dans les 36 heures suivant leur admission. Cet outil ne compte qu’une seule question concernant le delirium, et celle-ci est adressée à un proche de l’aîné. Il était complété une seule fois dans le cadre de l’étude et le résultat obtenu était comparé au CAM, qui était complété par un étudiant en médecine. Les paramètres de cet outil sont présentés au tableau 11. Le SSQ-delirium n’a pas été validé en CHSLD. Puisqu’il est complété par un proche de l’aîné, il n’est pas possible d’appliquer la même démarche aux aînés hébergés. En effet, il serait nécessaire, dans cette situation, de valider à nouveau l’outil en le faisant compléter par les préposés aux bénéficiaires ou un autre membre du personnel soignant. De plus, étant donnée la nature fluctuante des symptômes du delirium, la complétion à un seul moment peut limiter sa capacité de détection. Cet outil n’est donc pas adapté à la détection en CHSLD, malgré ses résultats paramétriques semblables à ceux du RADAR.

Le 3D-CAM est un test diagnostique du delirium adapté du CAM (Marcantonio et al., 2014). Il a été validé auprès de 201 patients âgés de 75 ans et plus en milieu hospitalier. L’outil était administré par des assistants de recherche ayant reçu une formation d’une durée d’une à deux heures. Il était complété en 3 minutes en moyenne, le temps maximal ayant atteint 15 minutes. Les paramètres de l’outil sont présentés au tableau 11. La validation de l’outil en centre hospitalier, complété par des assistants de recherche, ne permet pas de généraliser les

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résultats au CHSLD. Comme démontré au chapitre 2 avec le CAM, la complétion de l’outil par des infirmières ou des assistants de recherche lors d’une brève évaluation cognitive, sans formation préalable et auprès d’une population ayant une forte prévalence de démence, faisait diminuer la sensibilité de l’outil (Wei et al., 2008). Il est possible que les résultats des paramètres obtenus ne soient pas représentatifs de son utilisation par le personnel soignant en CHSLD. De plus, le temps d’administration est trop élevé étant donné le nombre de résidents sous la responsabilité de l’infirmière dans ce milieu de pratique.

Le 4AT a été validé auprès de 236 patients de 70 ans et plus en milieu hospitalier (Bellelli et al., 2014). L’outil est composé de quatre questions adressées au patient, qui doit entre autres nommer les mois de l’année à l’envers. Il était complété une seule fois par un gériatre. Ses paramètres sont présentés au tableau 11. L’utilité de cet outil pour le personnel soignant en CHSLD reste à être démontrée, d’autant plus qu’il était complété par un gériatre lors de la validation.

Malgré le développement de ces nouveaux outils, certains enjeux restent d’actualité pour le dépistage du delirium en CHSLD. Le tableau 11 présente les caractéristiques des différents outils. Le temps d’administration demeure un enjeu important étant donné que le ratio absolu infirmière-résidents dans les CHSLD du Québec est de 1 : 20 (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2014). Pour les infirmières auxiliaires, le ratio proposé est de 25 à 32 résidents en CHSLD (Voyer et al., 2016). Un outil comme le 4AT, avec un temps d’administration de 2 minutes, demande tout de même au membre du personnel infirmier de prendre 40 minutes pour dépister le delirium sur chacun des quarts de travail, ce qui semble élevé. Ensuite, puisqu’aucun des outils identifiés n’a été utilisé par du personnel soignant, le temps de formation requis n’est pas connu. De plus, dans le contexte de ces études, la validation n’a pas été réalisée auprès des véritables utilisateurs des outils de dépistage en CHSLD, soit le personnel soignant, mais plutôt par des professionnels de recherche ou des gériatres. Enfin, aucun de ces outils n’a été utilisé dans un contexte de surveillance clinique, où l’utilisation de l’outil à plusieurs reprises est un enjeu. Les résultats sont encourageants, mais de nouvelles études de validation doivent être réalisées avant que ces outils deviennent de véritables options pour le dépistage du delirium en CHSLD.

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Tableau 11 Comparaison des différents outils de détection du delirium

Sensibilité Spécificité Signes du delirium lorsque positif Fidélité interjuge Temps d’administration Acceptabilité RADAR (présente

étude, a posteriori) 68 % 71 % 100 % (12/12) 94-97 % 53 secondes Élevée

RADAR

(Voyer et al., 2015) 65 % 71 % 100 % (34/34) 82–98 % 7 secondes Élevée

SSQ-delirium (Hendry et al., 2015) 77 % 56 % 3D-CAM (Marcantonio et al., 2014) 95 % 94 % 67 % 95 % 3 minutes

4AT (Bellelli et al.,

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5.6

Limites et forces de l’étude

L’étude présente certaines limites et forces qui seront analysées dans la prochaine section.

5.6.1

Limites de l’étude

Premièrement, l’utilisation d’un échantillonnage par convenance, qui est non probabiliste, ainsi que la faible taille de l’échantillon ne permettent pas d’assurer la représentativité de la population à l’étude. Toutefois, l’utilisation d’un cadre bayésien pour l’analyse des données permet une diminution du biais causé par la taille de l’échantillon. Le calcul du gain au niveau de la variance en fonction de la taille de l’échantillon permet aussi d’objectiver la valeur ajoutée des données de la présente étude.

Deuxièmement, le double rôle de l’étudiante chercheuse dans le milieu où a été réalisée l’étude pourrait avoir influencé les données recueillies. En effet, l’étudiante chercheuse avait une bonne connaissance des résidents, du personnel soignant et du milieu clinique. Pour valider l’influence de cette connaissance sur les résultats obtenus, une comparaison des niveaux d’acceptabilité et de faisabilité de l’utilisation de l’outil a par ailleurs été faite avec d’autres études où ce biais n’était pas présent (Lewallen, 2015; Voyer et al., 2015). Les valeurs des paramètres, le niveau d’harmonie interjuge, l’acceptabilité et la faisabilité de l’utilisation dans le milieu sont comparables aux autres études. On peut donc supposer que si l’appartenance de l’étudiante chercheuse a influencé les résultats obtenus, cette influence a été très minime. Les comparaisons effectuées appuient en partie la validité externe de l’étude.

Enfin, puisque le CAM et le RADAR servant d’interjuges étaient tous les deux complétés par la même personne, soit l’étudiante chercheuse, cette dernière connaissait les résultats diagnostiques du delirium lors de la complétion du RADAR. Cela pourrait donc avoir eu une influence sur les résultats du RADAR. En effet, comme l’étudiante chercheuse complétait le CAM aux jours un et sept dans le cadre de la présente étude, elle avait déjà évalué l’état mental du participant-résident avant de compléter les interjuges avec le RADAR. Cette évaluation pourrait avoir influencé sa complétion du RADAR. Pour

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minimiser l’influence de cet élément sur les résultats, l’étudiante chercheuse faisait l’analyse du CAM à la fin de la participation du résident. De plus, elle complétait le RADAR en se fiant seulement au portrait du résident au moment de l’administration de la médication.

5.6.2

Forces de l’étude

Avant le début de l’étude, l’étudiante chercheuse a suivi une formation avancée sur l’utilisation du CAM donnée par un professionnel de recherche. Cette formation incluait des démonstrations auprès des patients. Le CAM et le MEEM étaient complétés conjointement dans le cadre de l’étude. Ce faisant, les critères pour l’utilisation du CAM étaient respectés : être utilisé avec un test cognitif et être précédé d’une formation préalable pour un usage optimal (Inouye et al., 2013).

L’utilisation de l’analyse bayésienne a ensuite permis d’augmenter la crédibilité des résultats. Dans un contexte d’études de maîtrise, l’atteinte de la taille d’échantillon nécessaire pour l’obtention de tels résultats n’aurait pas été possible.

Enfin, la détection du delirium dans le cadre de l’étude est adaptée au contexte de la pratique en CHSLD. En effet, la validation sur une période de sept jours consécutifs est plus représentative de la pratique en soins de longue durée, où les aînés sont connus du personnel soignant et demeurent dans la même unité pour une longue période. De plus, la complétion du RADAR durant une semaine diminue le risque de sous-détection associé à la fluctuation des symptômes du delirium.