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3.2 Modélisation et manipulation d’informations imparfaites

3.2.6 Combinaison d’informations incertaines, incomplètes, imprécises, linguistiques

Les travaux de G. Choquet [Choquet, 1953] et A. Dempster [Dempster, 1967] sur les bornes inférieure et supérieure d’une famille de distributions de probabilité ont permis à G. Shafer d’établir les bases de la théorie de l’évidence. Ce formalisme théorique a été ensuite utilisé pour développer la théorie des fonctions de croyance de Shafer et a montré son intérêt pour modéliser les connaissances incertaines [Shafer, 1976]. Ces théories sont communément regroupées sous le nom de théorie de Dempster-Shafer. Ensuite, Smets [Smets et Kennes, 1994] a développé le Modèle des Croyances Transférables (MCT ; traduction de « Transferable Belief Model » ou « TBM »), un modèle non probabiliste de raisonnement sur l’incertain basé sur les fonctions de croyance, complétant ainsi la théorie de Dempster-Shafer et suscitant ensuite de nombreuses applications nœud [Denœux, 2010].

Soit un sous-ensemble de l’ensemble fini appelé cadre de discernement. Une fonction de croyance est définie par son « basic belief assignment » (ou « bba », traduit par affectation de masse de base ou jeu de masses) m, défini sur (i.e.

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l’ensemble des parties de ) dans [0,1], qui satisfait la relation . Les valeurs de sont appelées « basic belief masses » (ou « bbm », traduit par masses de croyance de base). Chaque sous-ensemble de avec est appelé élément focal de m. La masse d’un sous-ensemble A est le degré de croyance qui a été assigné spécifiquement à ce sous-ensemble, compte tenu de l'état actuel des connaissances. La masse est donc la proportion de toutes les preuves disponibles affirmant que l'état actuel est spécifiquement (et non pas un autre état ou un sous-état de ). La valeur de concerne donc uniquement le sous-ensemble A et n’apporte aucune preuve à ses propres sous-ensembles, chacun d’eux ayant, par définition, sa propre masse. L'ignorance totale est traduite par une masse vérifiant et pour toute partie non pleine de . Si par exemple, on ne considère que deux éventualités avec et , alors symbolise l'indifférence à a ou b, et symbolise la part de ce qui pourrait être autre chose que ou . On ne requiert donc pas , mais si c'est le cas, m est dite normale ou complète, et, alors, on peut montrer qu'une telle masse définit une famille de probabilités.

Le degré de croyance Bel de évalue la quantité totale potentiellement affectée spécifiquement à . Son calcul consiste à additionner toutes les masses allouées aux ensembles qui sont inclus dans , i.e. ⊆ , . La mesure de plausibilité duale Pl de évalue la quantité maximum d’évidence qui peut être potentiellement affectée à . Elle est obtenue en additionnant toutes les masses allouées aux ensembles B qui n’ont pas d’intersection vide (et qui sont donc compatibles) avec , i.e. ⊆ . Les mesures de crédibilité et de plausibilité vérifient la relation suivante : .

Lorsque la crédibilité et la plausibilité sont déduites d’une distribution de masse particulière que nous allons préciser ci-dessous, elles peuvent correspondre soit à une distribution de probabilité soit à une distribution de possibilité, comme le montrent les deux théorèmes qui suivent.

Théorème : les éléments focaux sont totalement ordonnés par inclusion si et seulement si Bel et Pl sont respectivement une mesure de nécessité et de possibilité.

Une distribution de possibilité n’est pas une fonction de croyance car, en général, la somme des possibilités est différente de 1. Une distribution de possibilité peut être transformée en distribution de masses focales de la manière suivante, dans le cas d’intervalles flous discrets :

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soient n intervalles flous discrets. La relation entre les alpha-coupes caractérisant ces intervalles et les masses des éléments focaux associés est la suivante :

En voici une illustration pour :

Figure 13 : relations entre alpha coupes et masses focales

Théorème : une distribution de masse (croyance) est une probabilité si et seulement si les éléments focaux sont des singletons.

Dans ce cas, P est une probabilité, c’est-à-dire une application de vers [0,1], satisfaisant les relations mathématiques suivantes : et où les sont une famille finie d’événements disjoints de , et .

Considérant deux sources d’informations, avec respectivement deux bba, et , définis sur ; ces deux jeux de masses peuvent être agrégés avec l’opérateur de combinaison conjonctive de Dempster (qui est aussi appelé somme orthogonale), qui correspond à l’opération de combinaison conjonctive de deux jeux de masses (qui est aussi appelé somme conjonctive) notée , normalisé via un facteur qui dépend du conflit entre les deux jeux de masses :

. est le degré de conflit entre et . La distribution de bbm résultante a pour expressions :

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La somme orthogonale est possible seulement si le conflit entre les deux bba n’est pas total, c’est-à-dire si au moins deux éléments focaux de et n’ont pas l’ensemble vide pour intersection.

3.2.7 Combinaison de variables aléatoires et de distributions de possibilité par

encadrement de fonctions de répartition

Les p-boîtes, qui, d’une manière générale, caractérisent l’incertitude épistémique (manque de connaissance), sont une famille de probabilités définies par deux distributions de probabilité haute et basse afin de modéliser l’imprécision due au manque de données et de connaissances ; par exemple les valeurs fixes d’un modèle, la date d’un événement passé, etc. Une p-boîte généralisée [Destercke et al., 2008] [Destercke et Dubois, 2009] sur un ensemble fini est une paire de fonctions comonotoniques , c’est-à-dire que pour toute paire d’éléments , on a . Cette paire de fonctions vérifie: and tel que est toujours inférieure à (i.e. ) et qu’il existe au moins un élément x dans tel que . Une p-boîte généralisée génère un ensemble particulier de probabilités telles que

avec l’ensemble des mesures de probabilités sur . Si est l’ensemble des réels ( ) et que les ensembles des sont de type avec lorsque , on retrouve la théorie classique des p-boîtes, qui a été étudiée par de nombreux auteurs [Ferson et al., 2003] [Troffaes et Destercke, 2011]. Les p-boîtes interprètent les distributions de possibilité comme étant des familles de fonctions de répartitions encadrées par une fonction haute et une fonction basse. Enfin, les liens entre les

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différentes théories présentées sont expliqués dans [Destercke et al., 2007] et [Troffaes et al., 2013].

3.3 Conclusion : les limites des approches classiques de modélisation