• Aucun résultat trouvé

L E COMBAT ANTI ALIÉNISTE FRANÇAIS AU XIX E SIÈCLE : UNE CAMPAGNE DE PRESSE

Les développements de la médecine mentale et de lřinstitution asilaire au XIXe siècle ne sont pas si reluisants ou aussi positifs que ce que lřhistoire en a retenu1 ; Jacqueline Carroy2, Sylvie Navel3, Ian Robert Dowbiggin4 et Aude Fauvel5, en outre, suivant les pas de Michel Foucault6, lřont bien montré dans leurs travaux. À lřenvers des récits sans heurt ni dérive laissés par les aliénistes se dissimule tout un pan du passé oblitéré par la plupart des historiens de la psychiatrie. Lřéchec est pourtant considérable. Les résultats, du moins, vont à lřencontre des prétentions hasardeuses des aliénistes les plus influents ; comme Esquirol par exemple : « Ces établissements [les maisons dřaliénés] sont des instruments de guérison, et entre les mains dřun médecin habile cřest lřagent thérapeutique le plus puissant contre les maladies mentales7. » On commence à réaliser quřon ne guérit pas la folie, ou alors très rarement. Que le traitement moral si prisé par Philippe Pinel nřest dřaucune utilité, ou peu sřen faut. Que les aliénistes ne sont peut-être que des incompétents, ou alors des charlatans. De là à prétendre à la théorie du complot visant à enfermer frénétiquement et arbitrairement le plus dřindividus possibles sous quelque prétexte spécieux, cautionné en France par la loi de 1838 (cf. annexe I) de surcroît, il nřy a pas loin. Rappelons que cette fameuse loi, promulguée le 30 juin 1838 sous le règne de Louis-Philippe, visait justement à encadrer lřinternement des fous dans les asiles dřaliénés, devenus ainsi, pour les partisans de ce quřon appellera plus tard lřanti-aliénisme ou antipsychiatrie, des malades

1. Citons seulement à titre dřexemple les travaux de Marcel Gauchet et de Gladys Swain qui se situent du côté des psychiatres, parmi lesquels leur œuvre commune, La pratique de l’esprit

humain. L’institution asilaire et la révolution démocratique, Paris, Gallimard, 1980.

2. Cf. notamment Jacqueline Thirard [Carroy], « Les aliénistes et leur opposition sous le second empire », in Psychanalyse à l’université, no 6, mars 1977, p. [321]-338.

3. Cf. notamment Sylvie Navel, Les « Anti-aliénistes » sous le Second Empire, thèse de médecine, Paris 5, 1984.

4. Cf. notamment Ian R. Dowbiggin, ŖFrench Alienism and Antipsychiatryŗ, in Inheriting

Madness. Professionalization and Psychiatric Knowledge in Nineteenth-Century France,

Berkeley, University of California Press, 1991, p. 93-115.

5. Cf. notamment Aude Fauvel, Témoins aliénés et « Bastilles modernes ». Une histoire politique,

sociale et culturelle des asiles en France, Paris, École des hautes études en sciences sociales,

2005, 3 vol.

6. Cf. Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1961.

7. E[tienne]. E[squirol]., « Folie », in Encyclopédie des gens du monde, tome onzième, première partie, Paris, Librairie de Treuttel et Würtz, 1839, p. 195.

mentaux dépossédés de leurs droits civiques8. En réaction à lřimposture prétendue sous-jacente à la création de ce nouveau statut dřaliéné9, divers mouvements anti- aliénistes émergent ici et là au tournant de la Deuxième et de la Troisième République. Champs politique, littéraire et journalistique deviennent les lieux privilégiés dřune longue campagne en faveur de la réforme de lřinstitution asilaire et surtout de la loi de 1838. Léon Gambetta, notamment, et dřautres pourfendeurs aussi divers que Jules Vallès ou Yves Guyot ne cessent dřalimenter les vitupérations plusieurs années durant, qui des Chambres, qui des romans, qui des journaux. Citons parmi dřautres la funeste harangue que Gambetta prononce devant le Corps législatif le 21 mars 1870 à lřégard de la réforme de la loi de 1838, tant elle est remarquable :

« Le principe sur lequel repose mon projet est la transformation du médecin en simple expert, et la constitution dřun jury préalable pour lřexamen des personnes soupçonnées dřêtre atteintes dřaliénation. »

« Lřopinion publique […] est justement préoccupée des aliénés ; elle sřeffraye dřen voir croître le nombre au point que la folie semble être la maladie du siècle. Elle sřémeut des dangers que fait courir à la liberté individuelle la loi trop facile du 30 juin 1838. Il ne se passe pas de mois, il ne se passe pas de semaine, sans que de nouveaux faits ne viennent démontrer la nécessité dřune réforme, et il y a cependant plus de dix ans que les adversaires de cette loi, quoique soutenus par le sentiment public, sřagitent dans le vide, sans parvenir à fixer lřattention distraite, ni à vaincre lřindifférence coupable des pouvoirs publics. Le Gouvernement, pressé de toute part, a nommé une Commission le 12 février 1869. On ignore si elle sřest jamais réunie. »10

Contrairement à ce quřon pourrait croire, le débat fait rage à lřintérieur des asiles aussi. Les aliénés eux-mêmes, premières victimes au fond de ce combat, ne sont pas laissés pour compte. Ils participent, de gré ou de force, à lřaffrontement.

8. Sur la loi de 1838 et les retombées quřelle aura sur les aliénés, leur entourage, les aliénistes et plus globalement les systèmes asilaires et hospitaliers, cf. le texte de François Faraut et Jean- François Paoli, « Le rôle du secteur psychiatrique, des familles et des autorités dans lřapplication de la loi de 1838 », ainsi que celui dřAnne Biadi, « Lřinternement psychiatrique et la loi de 1838. Étude dřun département », dans L’internement psychiatrique. Médecins, familles, hôpitaux et la loi

de 1838, Paris, I.D.R.A.S.S. [Institut pour le Développement de la Recherche Appliquée en

Sciences Sociales], 1979, p. [1]-77 et p. [79]-146.

9. Sur cette question cf. notamment Robert Castel, L’ordre psychiatrique. L’âge d’or de

l’aliénisme, Paris, Minuit, 1977.

10. La déclaration est citée dans Annexe au Procès-Verbal de la Séance du 20 mai 1884.

Commission relative à la révision de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés. Notes et documents concernant la législation française et les législations étrangères sur les aliénés. Annexes au rapport de M. Théophile Roussel, Paris, P. Mouillot, 1884, p. [298]-299.

L’Anti-Aliéniste : un journal de fous au cœur de la tourmente

La croisade anti-aliéniste des journalistes et des pétitionnaires atteint un sommet avec la chute du Second Empire. Notamment sous la pression des républicains Léon Gambetta et Joseph Magnin11. La tension se calme un peu par la suite, eu égard à lřabrogation de la loi de 1838 qui survient peu après12, mais elle ne sřéteint pas complètement. Dřabord, en fait, elle nřest pas près de disparaître, du moins pas totalement, si on tient compte du fait quřofficiellement, la loi sera effective jusquřà la promulgation de la loi no 90-527 du 27 juin 1990 « relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions dřhospitalisation13. » Ensuite, il subsiste encore au sein de la population française une sorte de malaise devant lřinstitution asilaire. Malaise que partagent vraisemblablement les aliénés. Du moins à Bicêtre, où la rumeur anti-aliéniste persiste. Elle est entretenue par les épigones de la presse officielle, les aliénés, qui brandissent leur crayon au rythme dřune folle Marseillaise émancipatrice. Avec comme organe de propagande un journal insolite, publié au beau milieu du camp ennemi, L’Anti-Aliéniste, le combat est lyrique, la cantilène, épique. Cinq numéros, au moins, sont publiés sous la houlette du rédacteur en chef, un certain Charles Etlinger14, entre le 1er avril et le 1er août 189315. Aliénistes et aliénés sont du nombre des abonnés. Auxquels vient sřajouter au moins un lecteur étranger. Non que le journal rencontre une certaine

11. Cf. Maurice Desruelles, « Histoire des projets de révision de la loi de 1838 », in Annales

médico-psychologiques, XVe série, 96e année, tome premier, 1938, p. [585]-623 et Marie-Pierre

Champenois-Marmier et Jean Sansot, Droit, folie, liberté. La protection de la personne des

malades mentaux (loi du 30 juin 1838), Paris, Presses universitaires de France, 1983.

12. Cf. supra.

13. Cf. le dossier complet sur le site Internet de la chambre haute du Parlement français (le sénat) : URL : <http://www.senat.fr/dossierleg/s89900045.html>.

14. Sur Charles Etlinger, cf. notamment Gilles Leray, « Scoop : un aliéné criminel témoigne »,

Synapse, no 22, 1986, p. 68-75.

15. Les exemplaires consultés sont conservés dans le fonds ancien de la bibliothèque interuniversitaire de médecine (BIUM) sous la cote 113433. Il sřagit des cinq premiers de la série. Ils ont été reproduits dans la présente thèse en annexe II. Il sřavère impossible pour lřinstant de déterminer si dřautres numéros ont paru. Les recherches effectuées ailleurs sont demeurées infructueuses. Gilles Leray fait état dans sa thèse, Lecture d’un journal de 1893 ou un mouvement

antipsychiatrique en 1893, Paris VI Saint-Antoine, 1978, no 270, dřun no 3 bis, sans certitude. Il

précise par ailleurs que ces exemplaires faisaient partie des papiers personnels de Philippe Chaslin avant dřêtre versés à cette bibliothèque. Chaslin avait débuté sa carrière à titre de médecin titulaire le 1er janvier 1899 à Bicêtre : cf. T[hierry]. Haustgen, « Philippe Chaslin (1857-1923) », Annales médico psychologiques, vol. 162, no 9, novembre 2004, p. 770.

Fig. 13. L’Anti-Aliéniste, 1ère année, no 1, Samedi 1er avril 1893, p. [1].

réception hors des murs de lřenceinte asilaire ŕ il nřy est probablement pas distribué ŕ, mais, en cherchant bien, on arrive à trouver sa trace dans au moins trois journaux. Grâce, apparemment, au journaliste et écrivain Guy Tomel [autrement Gabriel Guillemot16], qui sřy attarde le premier. Il y consacre deux colonnes dans Le Journal des Débats politiques et littéraires, dans lesquels il décrit longuement lřétrange publication quřil lui a été donné de découvrir lors dřune visite à lřasile :

Sur la table de lřinterne de Bicêtre à qui jřétais allé, la semaine dernière, demander un renseignement pour un de mes articles, jřaperçus une double feuille de papier in- quarto, tirée au polycopie, avec un soin calligraphique tout particulier.

[…] ŕ Ceci, me dit le jeune médecin, cřest la gazette des fous de Bicêtre. Elle est assez curieuse et si vous voulez en consulter la collection, elle vous amusera.

ŕ Comment ? les fous publient un journal ?

ŕ Parfaitement, et ils ont des abonnés. Notre sympathique directeur, M. Pinon17,

ne manque jamais dřacheter chaque numéro, dès quřil paraît, les internes en font autant et les malades, que nřeffrayent point le prix élevé de 30 centimes lřexemplaire, sont ses fidèles lecteurs. LřAnti-Aliéniste nřenrichira pourtant jamais son entrepreneur parce quřil ne tire quřà quarante numéros. Cřest la limite de production que donne (sic) la plaque de gélatine et lřencre à copier ; dřautre part, il faut quatre jours pour mouler le texte avec lřart que vous voyez. La publication nřa rien de clandestin et nous y mettons dřautant moins obstacle quřelle procure une distraction à nos malades et un dérivatif à leurs idées fixes. On tolère même quřils se fassent apporter des journaux quotidiens du dehors, cřest comme cela quřils se trouvent informés dans leur feuille.

Ainsi que lřindique son titre lřAnti-Aliéniste est un journal de combat. On ne sřy occupe ni de politique, ni de religion, mais on y taille de nombreuses croupières aux médecins aliénistes. Lřhonorable M. Charpentier18, surtout, est la bête noire de la

rédaction, au point que lorsquřon désigne nominativement un autre docteur, cřest encore lui qui est visé au fond. Sa mise débonnaire, ses allures familières, tout jusquřaux modifications de la coupe de sa barbe est prétexte à satire…

ŕ Cela, interrompis-je, nřest point exclusif aux polémistes de Bicêtre. Il y a des journaux sérieux, qui ont leur dada bien enfourché. On en vit jadis servir

16. Cf. notamment Auriant [pseudo. dřAlexandre Hadjivassiliou], « Il y a Guillemot et Guillemot », Mercure de France (Série Moderne), tome 233, 1er janvier 1932, p. 251-253.

17. Edouard Pinonest alors directeur de lřasile de Bicêtre depuis le 1er mai 1889 : cf. Paul Bru, Histoire de Bicêtre (Hospice, prison, asile), Paris, Lecrosnier et Babé, 1890, p. 167.

18. Eugène Charpentier :médecin de la 1ère division des Aliénés de lřhospice de Bicêtre depuis le

22 novembre 1884 : cf. Paul Bru, Histoire de Bicêtre (Hospice, prison, asile), Paris, Lecrosnier et Babé, 1890, p. 169.

quotidiennement un plat de leur façon à Gambetta. De nos jours M. Charles Dupuy19

ŕ Mais ne croyez point que la prose de lřAnti-Aliéniste soit plus incohérente que celle du boulevard, lisez plutôt20.

Le journaliste de citer ensuite de longs extraits dudit journal21 et de conclure :

Lřhomme qui formule de pareils appels et qui est capable de passer avec autant de facilité de la raillerie à lřindignation, Charles Etlinger, ancien sergent-major, et, dans la vie civile, ancien élève de pharmacie, est à Bicêtre depuis environ deux ans. Son dossier constate, paraît-il, quřil nřa pas de crises de délire et quřil est atteint de « folie morale ».

Nous nřaurions garde nřayant point de renseignements complets à son égard de prétendre juger son cas. Mais nous croyons que les documents extraits de lřAnti- Aliéniste sont curieux pour appeler une attention sérieuse sur la situation de son rédacteur en chef22.

Apparemment, le petit brûlot ne laisse pas indifférent. Ce nřest pas quřune affaire de folliculaire. Il a un je ne sais quoi de troublant qui le démarque des canards, libelles, placards et autres petits journaux et feuilles volantes qui pullulent à la même époque. Il a même droit à un petit encart dans le New York Times, tiré du London Daily News23, où les propos de Tomel sont visiblement repris :

L’Anti-Aliéniste is a title of a remarkable and amusing little sheet written and produced by the patients ŕ they would no doubt strongly object to being called lunatics ŕ of the great Bicêtre Asylum. Its editor-in-chief is one Charles Etlinger, and its price the same as the Times. Its circulation is limited, forty copies being as large an edition as can be produced by the gelatine process. Politics and religion find no place in it, but excels in satire, directed mainly against the doctors.

19. Il est alors président du Conseil, et donc chef du gouvernement, sous la présidence de Sadi Carnot, tout comme lřavait été Gambetta une dizaine dřannées plus tôt sous Jules Grévy :

cf. Laurent Gothelf, « Charles-Dupuy », Benoît Yvert (dir.), Premiers ministres et présidents du Conseil. Histoire et dictionnaire raisonné des chefs du gouvernement en France (1815-2007),

Paris, Perrin, 2007, p. 360-365.

20. Guy Tomel [pseudo. de Gabriel Guillemot], « Le journal des fous », Le journal des débats

politiques et littéraires, 17 juin 1893, p. 2-3.

21. Quatre extraits sont proposés. Ils sont tirés des articles suivants : C[harles]. E[tlinger]., « Aliéniste fin de siècle », L’Anti-Aliéniste, 1ère année, no 3, 1er juin 1893 ; « Faits divers », L’Anti- Aliéniste, 1ère année, no 4, 1er juillet 1893 ; « Infaillibilité des aliénistes », L’Anti-Aliéniste, 1ère

année, no 4, 1er juillet 1893 et C[harles] Etlinger, « La contagion de la folie », L’Anti-Aliéniste, 1ère

année, no 2, 1er mai 1893.

22. Guy Tomel [pseudo. de Gabriel Guillemot], « Le journal des fous », op. cit., p. 3. 23. On nřa pas été en mesure de retrouver la notice originale du London Daily News.

Its prose is not one whit more incoherent than that of the boulevards. Serious discussions are not tabooed. A propos of a communication by Dr. Charles Féré to the Society of Biology, relative to the transmission of madness from men to animals, Etlinger, in a recent number inveighs against the promiscuousness in asylums which allows of the exchange of all sorts of madness between man and man. He demands to know what amount of reason it is necessary to possess to resist a long stay in an asylum like Bicêtre, where the iron cages converge toward a common centre, and where the raving madmen disturb their more peaceful neighbors24.

Le dessein formé par La Rédaction est précisé en tête du premier numéro :

Nous nous étions bornés jusquřici à remplir nos devoirs de citoyens sans prendre part aux discussions politiques, et fort occupés de nos affaires nous nous sommes toujours abstenus de nous mêler à la lutte qui divise les partis mais la situation ayant complètement changé il ne sřagit plus de repousser ou de reproduire la candidature de tel ou tel individu, cřest le droit et lřhumanité qui se trouvent en présence de lřinjustice […25]. [Ce journal] servira comme son titre lřindique à combattre les médecins

aliénistes ces ennemis jurés de la liberté, ces chevaliers dřindustrie qui ne vivent que de rapines.

Nous apporterons dans ces colonnes autant de ferveur à vous mettre en garde contre cette paresse de lřintelligence, cette fatale indifférence pour ce qui est juste et vrai, à laquelle prospérité vous dispose, et nous vous adjurerons, comme citoyens dřun pays libre de maintenir lřinviolabilité de vos principes, et de travailler sans cesse au développement de la liberté des nations et des individus.

24. ŖSane Suggestions from the Insaneŗ, The New York Times, July 9, 1893, p.6 : « L’Anti-

Aliéniste est le titre dřune remarquable et amusante petite feuille écrite et produite par les patients

ŕ ils sřobjecteraient sans doute fortement à se faire appeler fous ŕ du grand Asile de Bicêtre. Son éditeur-en-chef est un certain Charles Etlinger, et son prix le même que le Times. Sa circulation est limitée, quarante copies étant tout ce quřune édition puisse être produite par le procédé à la gélatine [procédé photographique non argentique de la gomme bichromatée]. Politique et religion nřy trouvent pas leur place, mais il excelle dans la satire, dirigée

principalement contre les médecins. / Sa prose nřest pas à un iota plus incohérant que celui des

boulevards. Les discussions sérieuses ne sont pas taboues. À propos dřune communication du Dr. Charles Féré à la Société de Biologie relatives à la transmission de la folie des hommes aux animaux, Etlinger, dans un numéro récent invective contre la prosmiscuité dans les asiles qui permettent les échanges de toutes les sortes de folie entre un homme et un autre. Il exige de savoir quel niveau de raison il est nécessaire de posséder pour résister à un long séjour dans un asile comme Bicêtre, où les cages de fer convergent vers un centre commun, et où les fous furieux dérangent les voisins les plus paisibles. ». On fait référence à ce texte : C[harles] Etlinger, « La contagion de la folie », L’Anti-Aliéniste, 1ère année, no 2, 1er mai 1893, soit à un de ceux que Tomel

cite.

25. Les phrases suivantes de lřexemplaire de la BIUM sont en partie illisibles. Le texte dans lřensemble, dřailleurs, est fort difficile à déchiffrer (cf. à titre dřexemple fig. 13). Même si cřest lřexemplaire original qui a été consulté dans le cadre de ce travail, la lecture du journal a été grandement facilitée grâce à Michel Caire, qui a entamé ce travail de déchiffrage et lřa reproduit dans le site Internet quřil a créé sur lřhistoire de la psychiatrie en France : cf. URL : <http://psychiatrie.histoire.free.fr/antipsy/etlinger.htm>.

Vous ne pouvez pas extirper dřun seul coup le poison qui sřest infiltré dans toute la France, mais vous pouvez empêcher quřil nřatteigne les membres restés jusquřà présent à lřabri de sa pernicieuse influence ; vous pouvez préserver de toute souillure ces sources vives qui rendront un jour à la République, la vigueur et la santé.

Devez-vous souffrir que sur ce territoire sřétablisse une institution fatale qui condamne à jamais une partie de ses habitants à lřesclavage et au déshonneur. Votre sol fécond entre tous doit-il devenir la propriété de maîtres fainéants ? Doit-il en arrêter le progrès dans sa course, imposer silence à la vérité et lřhomme devra-t-il étouffer les plus nobles penchants de sa nature ?

Que vous lřempêchiez tous, vous qui pouvez dřun mot ou dřun vote prévenir pour votre part cet effroyable malheur. Quřil ne soit pas dit que le poison a pénétré jusquřau siège de la vie, et quřau centre dřun pays éclairé et libre comme le nôtre, il existe des hommes qui trahissent la liberté.

Unissez-vous, opposez des convictions profondes aux conseils perfides dont vous êtes assiégés, et que le parti que vous représentez proclame au moins par ses votes la liberté de la France26.

La manœuvre est on ne peut plus patriotique. Le tribun en appelle en quelque sorte à une certaine mutinerie contre lřautorité établie. On a presque lřimpression que le rédacteur du discours brigue les suffrages des électeurs. Il en va de la