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Collapse du puits La141 et essaim du cluster de puits

Cette section traite un fait particulier que nous avons observé. Il s’agit d’une anecdote très intéressante dont l’étude rentre tout à fait dans nos objectifs.

Le cluster est un groupe de puits se situant juste à l’aplomb du top du réservoir (figure 1.5). Il s’agit de la majorité des puits actifs. Lorsque nous analysons les cartes de sismicité période par période, nous distinguons l’apparition d’un petit essaim au niveau de ce cluster de puits ainsi que son intensification à partir de 1996 (groupe 4 de la classification). En effet, la dernière période est caractérisée par de nombreuses occurrences, localisées à la base des puits. Il apparaît que l’intensification de la sismicité dans cette zone a eu lieu à partir d’août 1996. Après étude de l’historique, nous avons remarqué que cette date correspond au collapse du puits La141 (figure 5.7). Pour information, aucune évolution du réseau ou de la détection en général n’a eu lieu lors de cette période, et aucun autre essaim ou zone n’a subit de variation à ce moment précis. L’objectif de cette partie est de comprendre la relation de cause à effet entre la sismicité et la rupture du puits. Pour ceci, commençons par l’historique des évènements.

Le 6 août 1996, un incident est survenu au niveau du puits La141. Le casing du puits, ou paroi exterieure du puits, a commencer à s’effondrer sur elle-même à 2100 m de profondeur, au niveau du récif Crétacé saturé en eau. L’influence de la sismicité sur le collapse du puits est non prouvée. Quelques rares séismes ont eu lieu dans la proximité de la zone de collapse plus de dix ans auparavant. La relation possible serait une fragilisation du casing (gaine en béton) à cette époque et l’accumulation des contraintes ayant fait dépasser le seuil de rupture du puits. Une autre hypothèse pourrait être une déformation asismique importante (la rupture a eu lieu à la limite récif-marnes). Cependant, ce n’est pas la rupture de puits elle-même qui nous intéresse, mais plutôt les conséquences :

Afin d’éviter un écrasement total du puits, l’usine a injecté de grands volumes d’eau (volume inconnu) dans le puits afin de maintenir une pression importante au sein de celui-ci. Après plusieurs jours d’injection massive dans le puits, celui-ci s’est tout de même collapsé et un nouveau a dû être foré en parallèle. Il est très important de noter qu’une grande partie

5.3. COLLAPSE DU PUITS LA141 ET ESSAIM DU CLUSTER DE PUITS 141

FIG. 5.7 – Évolution temporelle de la sismicité au niveau du cluster de puits et date du col-lapse du puits La141. La première partie représente l’ensemble de la période de surveillance et la seconde se focalise sur l’année 1996. La date du collapse est représentée par un trait pointillé.

142 CHAPITRE 5. DONNÉES EXTERNES ET MÉCANISMES DE DÉFORMATION

FIG. 5.8 – Résumé des étapes majeures de l’incident La141 : (1) état initial ; (2) début d’ef-fondrement (collapse) du puits à 2100 m de profondeur ; (3) injections massives dans le but d’arrêter l’effondrement ; (4) infiltration dans le réservoir de l’eau injectée en surface.

des injections d’eau sont infiltrées dans le réservoir. C’est ce phénomène qui nous intéresse particulièrement. En effet, la crise sismique détectée à eu lieu dans le réservoir au niveau de la base du puits La141, au moment des injections d’eau. Un résumé des évènements est donné dans la figure 5.8.

La hausse de la sismicité que l’on observe sur la figure 5.7 survient donc juste après ces premiers afflux d’eau alors qu’aucune activité sismique n’avait été décelée dans les quelques semaines précédent le collapse. Cet essaim de séismes existait déjà auparavant, mais la hausse du nombre de séismes est très nette et bien corrélée en temps au collapse. Selon l’enchaînement des évènements, il apparaît que c’est le collapse et l’injection asso-ciée qui sont à l’origine de l’essaim. Comme expliqué dans la section 2.1.2, les injections de fluide peuvent déclencher des évènements précocement.

Nous avons vu dans la figure 5.7 que la fréquence d’occurrence des séismes augmentait fortement avec la surpression de liquide. Par contre, nous ne connaissons pas le volume et la durée d’infiltration d’eau dans le réservoir. La seule certitude que nous ayons sur les vo-lumes infiltrés et la durée des infiltrations (donc de la durée de surpression de fluide) est (i) que le puits était réparé moins de six mois après le collapse et (ii) que le gaz de la matrice diffuse rapidement et la surpression de fluide a été annulée par la compressibilité du gaz très rapidement après la fin des infiltrations. Six mois de surpression semblent donc être la durée

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maximale. Il s’agit cependant d’une surestimation volontaire. En réalité, lorsque les pres-sions sont faibles, la remise à pression normale par le gaz aurait pu avoir lieu très rapidement après les premières infiltrations et ensuite accommoder sans difficulté l’infiltration constante [Maury, 2005b]. En conclusion, nous considérerons que la surpression de fluide engendrée par le collapse a duré entre un mois et six mois et cette fourchette n’est donnée qu’à titre indicatif.

Dans la section 2.1.2, nous avons fait référence au déclenchement des séismes par sur-pression de fluide. Dans cette optique, nous considérons qu’un séisme déclenché est un séisme qui aurait eu lieu, quoi qu’il arrive. De manière exagérée, une surpression de fluide pourra déclencher deux évènements de faible énergie là où un seul d’énergie double se serait produit, sans surpression. Selon ce raisonnement, la hausse de la fréquence des séismes ne doit pas être accompagnée d’une hausse de l’énergie libérée par unité de temps. Il s’agit d’un cas théorique et nous devons ajouter qu’une injection risque de déclencher des évènements qui n’auraient jamais eu lieu, la contrainte pouvant parfois être accommodée de manière asismique.

La figure 5.9 représente les magnitudes des séismes autour de la base du puits La141, ainsi que les énergies cumulées obtenues grâce aux magnitudes et à la formule empirique

E = 104.8+1.5∗Ml. Alors que le premier schéma représente les magnitudes et énergies cu-mulées tout au long de la surveillance, le second se focalise sur l’année 1996. Le nombre d’évènements cumulés (tiré de la figure 5.7) est représenté en bleu afin de mieux figurer l’évolution du nombre d’occurrences. L’interprétation essentielle est que l’énergie libérée par cette crise ne fait que très peu augmenter le taux d’énergie libérée par unité de temps par rapport au nombre d’occurrences. Alors qu’en une année se sont produits autant d’évè-nements que pendant tout le reste de la surveillance, l’énergie libérée pendant cette année est égale à l’énergie moyenne libérée chaque année. Les évènements sont effectivement en moyenne de plus faible magnitude. Cette caractéristique très importante peut être utilisée comme argument quant au déclenchement des évènements par surpression de fluide. En ef-fet, alors que la baisse du critère de rupture n’induit pas nécessairement une baisse des ma-gnitudes, une baisse significative des magnitudes pour plus de séismes (conservation du taux annuel d’énergie dissipée) montre nécessairement l’existence d’une variation importante du comportement local et vraisemblablement une baisse du critère de rupture. La stabilité de l’énergie déchargée tend en effet a montrer que le chargement de contrainte n’a pas évolué et que seul le critère de rupture a été abaissé, conséquence de l’injection.

Comme dit précédemment, nous considérons que la surpression de fluide a duré entre un et six mois. La sismicité post-collapse pourrait quant à elle être séparée en deux étapes. La première étape commence une semaine après le collapse et dure environ deux mois. Cette étape représente la période la plus intense en nombre de petits évènements et marque l’aug-mentation brutale de sismicité. La période suivante est caractérisée par une sismicité moins fréquente que la crise post-collapse elle même, mais néanmoins plus importante qu’aupa-ravant. Ces trois périodes ne comportent pas suffisamment d’évènements pour le calcul du coefficientb. Nous remarquons que, même sans ce calcul, la moyenne des magnitudes des

évènements est abaissée pour la période de deux mois suivant le collapse et beaucoup plus difficile à estimer pour la suite, la surveillance s’arrêtant trop tôt. La sismicité semble tout de même plus intense en terme de nombre d’occurrences encore 16 mois après le collapse alors que six mois sont censés avoir suffit pour accommoder toute la surpression. Nous re-marquons que la surveillance s’est arrêtée trop tôt car il aurait été très intéressant d’observer la suite.

144 CHAPITRE 5. DONNÉES EXTERNES ET MÉCANISMES DE DÉFORMATION

FIG. 5.9 – Évolution temporelle de la magnitude et de l’énergie cumulée des séismes au niveau du puits La141. (a) ensemble de la période de surveillance et (b) agrandissement sur l’année 1996. La date du collapse est représentée par un trait pointillé. Le nombre cumulé de séismes est ajouté (trait bleu) pour indication.