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collaborateurs, avant et après le développement de la pleine conscience

3.5.1.1 Le choix et les objectifs des entretiens individuels semi-directifs

Rappelons d’abord l’objectif de l’étude : il s’agit de mettre en lumière le mécanisme reliant la pleine conscience d’un côté, et l’expérience et les pratiques managériales de l’autre. A cette fin, nous mettons en œuvre une approche exploratoire hybride, un raisonnement abductif et nous nous inscrivons dans un paradigme interprétativiste.

Dans un entretien semi-directif ou centré, le chercheur utilise un guide structuré pour aborder une série de thèmes préalablement définis et adapte le cours et le contenu de l’entretien en fonction du discours du sujet : il peut approfondir certains thèmes, en découvrir de nouveaux et en abandonner d’autres (Baumard P. et al, 2014). Ce type d’entretien se caractérise par des questions ouvertes et par l’interaction entre le chercheur et le répondant (Demers C., 2003) et il se mène sur un mode conversationnel (Kvale S., 1996 ; Rubin H.J. et Rubin I.S., 1995) qui favorise la confiance dans l’échange, la flexibilité dans la collecte et l’approfondissement des informations.

Cette approche nous a paru pertinente pour collecter les données pour les raisons suivantes : tout d’abord, elle est adaptée à la réalisation d’études de cas et à la collecte d’informations riches et détaillées (Yin R.K., 2009) ; ensuite, elle s’insère naturellement dans un paradigme interprétativiste où le chercheur souhaite comprendre la réalité organisationnelle telle que les acteurs se la représentent (Demers C., 2003). La dimension semi-directive est adaptée à un raisonnement abductif. L’entretien nous permet de réaliser une approche comparative avant – après le développement de la pleine conscience sur trois niveaux : entre managers, entre managers et collaborateurs, et entre collaborateurs. Ces comparaisons permettront de construire le mécanisme recherché. Enfin, ce format d’entretien nous paraît adapté à l’émergence de concepts et de caractéristiques propices à la construction d’une théorie à partir des données (Glaser B.G. et Strauss A.A., 1967). Rappelons que nous nous différencions cependant de l’aspect purement inductif de la théorie enracinée puisque nous avons un raisonnement abductif : notre entretien est donc semi-directif et non pas non-directif.

Chaque entretien fait l’objet d’une prise de notes en temps réel, d’un enregistrement complet et d’une retranscription intégrale.

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3.5.1.2 La structuration des entretiens et les outils de collecte des données

Chaque participant à la recherche (manager ou collaborateur) fait l’objet d’un entretien avant et d’un entretien après le développement de la pleine conscience des managers, comme le montre la figure 4 ci-après.

Figure 4 Planning du terrain

La réalisation de deux vagues d’entretiens répond à l’objectif de comparaison des représentations des acteurs avant et après le développement de la pleine conscience des managers, afin d’identifier d’éventuelles différences de représentations liées à ce développement. Rappelons que les collaborateurs ne sont informés ni de l’objet de la recherche, ni des contenus et objectifs de formation des managers.

Les thèmes abordés lors des entretiens suivent une trame parallèle entre les entretiens managers et les entretiens collaborateurs de manière à croiser et comparer les perceptions dans l’analyse, même si chaque entretien a ses spécificités. Le tableau 12 ci-dessous restitue les thèmes des entretiens, les guides complets étant proposés en annexe 3.

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Tableau 12 Thèmes des entretiens

Thèmes des entretiens managers Thèmes des entretiens collaborateurs Introduction

Echange sur le contenu et le vécu général du travail

Echange sur les émotions au travail

Etat émotionnel général au travail Stress

Gestion des émotions au travail

Echange sur la relation managériale

Relations avec les collaborateurs Perception et gestion des émotions des

collaborateurs

Echange sur l’équipe de collaborateurs

Perception du groupe en termes de cohésion, d’ambiance, de coordination…

Clôture : « si vos collaborateurs devaient vous décrire en trois mots »

Introduction

Echange sur le contenu et le vécu général du travail

Echange sur les émotions au travail

Etat émotionnel général au travail Stress

Relations au travail et à l’organisation, motivation

Echange sur la relation managériale

Relations avec le manager

Echange sur l’équipe de collaborateurs

Perception du groupe en termes de cohésion, d’ambiance, de coordination…

Clôture : « si vous deviez décrire votre manager en trois mots »

Le choix des thèmes est issu de la revue de littérature sur la pleine conscience et le management. Chaque entretien fait l’objet d’une introduction rappelant notre rôle, l’objet de la recherche, les objectifs et les « règles du jeu » du déroulement des entretiens et d’une demande d’autorisation d’enregistrement. Nous insistons sur la dimension confidentielle des entretiens ainsi que sur

nos attentes et notre position vis-à-vis des interviewés : « Je recherche une expression la plus

libre possible. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, pas de jugement de ma part, ou d’évaluation. Je suis un chercheur, je n’ai pas d’intérêt personnel dans la formation. Ce qui m’intéresse, c’est votre ressenti, votre vécu ». La confidentialité des entretiens est d’autant plus importante que nous demandons aux collaborateurs de parler de leurs managers.

Chaque thème est introduit par une question générale ouverte, appelant une description, de manière à amener l’interviewé à approfondir le thème en question. Le guide d’entretien comprend une liste de questions, à utiliser au cas par cas, afin d’approfondir, de relancer, ou d’orienter la discussion.

Il est important pour nous de faire préciser les affirmations générales comme « je suis stressé »

afin d’en comprendre les causes, les conséquences et les modalités car nous nous intéressons aux expériences et pratiques managériales. Nous poussons donc toujours les interviewés soit à illustrer une affirmation par des exemples concrets en situation, soit à la préciser ou à la développer (extrait du deuxième entretien avec un directeur de plateforme téléphonique) :

- « Intervieweur : Est-ce qu’il y a des choses qui ont changé dans ta relation avec les collaborateurs ?

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- Interviewé : Bah la chose majeure, c’est d’être moins dans l’émotion pour les moments difficiles, d’être capable de mieux gérer les situations délicates.

- Intervieweur : Tu aurais un exemple ?

- Interviewé : Bah, il y a très peu de temps, on a le conjoint d’une collaboratrice qui a voulu venir sur le site avec une arme et... »

Nous poursuivons l’échange pendant lequel l’interviewé décrit la situation en détail avec nous, et nous explique en quoi elle a réagi d’une manière différente par rapport à la situation antérieure, avant de discuter des impacts de ce changement. Nous constatons aussi la nécessité d’être flexible pendant l’entretien : alors que nous l’interrogeons sur sa relation avec ses collaborateurs, l’interviewé nous répond en évoquant la gestion d’une situation de crise. En l’occurrence, nous l’avons laissé poursuivre car les informations qu’il nous communiquait nous semblaient riches et pertinentes pour la recherche. L’interviewé conclut d’ailleurs ce point en insistant sur l’importance de la posture managériale en situation de crise vis-à-vis des collaborateurs.

Nous proposons aussi des mises en situation pour illustrer des affirmations ou approfondir

certains points : « Si un collaborateur entre dans ton bureau très énervé, en criant, comment

gères-tu la situation, comment vis-tu la situation ? ».

L’objectif de cette démarche recherchant des illustrations et exemples concrets, en situation, est de faciliter le rapprochement des perceptions concrètes des sujets aux concepts et à la théorie. La deuxième vague d’entretiens reprend les thèmes du premier entretien mais nous suivons la démarche suivante pour orienter le moins possible les réponses de l’interviewé (risque de contamination entre le chercheur et le sujet) :

- 1ère étape : nous reprenons chaque thème de manière complètement exploratoire, comme

si nous en parlions pour la première fois. Cette approche permet une analyse comparative entre les deux vagues d’entretiens et favorise une expression libre et non-orientée. Trois cas de figure sont possibles. Soit l’interviewé, en racontant ses perceptions, identifie spontanément des différences avec la situation antérieure et indique spontanément s’il les rattache à la pleine conscience. Nous explorons alors ensemble ces différences. Soit, il identifie des différences avec la situation antérieure et ne les rattache pas spontanément à la pleine conscience. Après avoir exploré ces différences, nous lui demandons s’il les rattache à la pleine conscience. Soit l’interviewé n’identifie pas de différence avec la situation antérieure. Dans ce cas, l’analyse

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ultérieure des données peut faire ressortir des différences dont l’interviewé n’a pas conscience. Notons que, pour ne pas lasser les interviewés, nous abrégeons rapidement cette étape exploratoire si nous identifions qu’elle apporte peu d’informations intéressantes.

- 2ème étape (si nécessaire) : une approche plus assistée par laquelle nous demandons

d’abord explicitement si l’interviewé ressent des différences par rapport à la situation avant et regardons ensuite s’il les rattache ou non au développement de la pleine conscience.

Par ailleurs, nous souhaitons limiter le risque d’équifinalité (Bertalanffy L., 197334) selon lequel

« le même état final peut être atteint à partir d’états initiaux différents, par des itinéraires différents ». Pour limiter ce risque, R.K. Yin (2012) préconise de « collecter des données confortant une explication de ce qui s’est passé en même temps que des données expliquant ce qui aurait pu se passer » (Yin R.K., 2012, p. 117). Afin d’être le plus possible en mesure d’attribuer les conséquences aux bonnes causes, nous interrogeons et discutons avec l’interviewé, en introduction du deuxième entretien, sur d’éventuels événements personnels ou professionnels marquants qui auraient pu modifier son vécu ou son expérience au travail. L’objectif est d’obtenir un éclairage sur d’éventuels facteurs exogènes, expliquant certains changements perçus par l’interviewé et de permettre un test d’hypothèses alternatives pour expliquer des changements lors de l’analyse des résultats. Nous réalisons parfois ce test avec l’interviewé pendant l’entretien pour vérifier si des changements attribués par lui au développement de la pleine conscience n’ont pas en réalité d’autres explications. Cet échange amène parfois l’interviewé à nuancer l’attribution de certains changements au seul développement de la pleine conscience.

Le second entretien fait l’objet d’une préparation approfondie, à la lumière des notes saisies lors du premier entretien et d’éventuels échanges informels, afin d’orienter les entretiens vers les thèmes qui nous paraissaient les plus intéressants pour l’analyse.

Nous effectuons donc un total de quatre-vingt-sept entretiens représentant une durée totale de quarante-quatre heures d’enregistrement. En moyenne, les entretiens avec les managers durent trente-sept minutes et ceux avec les collaborateurs vingt-sept minutes.

34 cité dans Dumez H., 2016, p. 21

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3.5.2 Une collecte d’informations personnelles sur chaque participant

Au début du premier entretien, nous demandons à chaque personne, collaborateur ou manager, de compléter une fiche d’informations personnelles reprenant les éléments suivants (Cf. modèle de fiche d’informations en annexe 4 et fiches de renseignement complétées en annexe 5) : l’entreprise, l’entité d’appartenance, l’intitulé du poste, l’âge, l’ancienneté dans l’entreprise, l’ancienneté dans le poste, le nombre d’années d’expérience d’encadrement (pour les managers), le nombre de collaborateurs encadrés et le type de contrat (contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée). Avec cette fiche, nous poursuivons toujours l’objectif d’enrichir la description des cas et de proposer des éléments de contexte pour l’analyse.

3.5.3 Le renseignement de l’échelle « Mindfulness Attention Awareness