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Chapitre 3. La guerre en Afghanistan 55

3.2. Les variables intermédiaires 59

3.2.3. Cohésion de la société 65

Au-delà de l’unité des élus canadiens, l’opinion des citoyens canadiens peut également influencer le gouvernement dans une direction lors des prises des décisions dans la politique de défense canadienne. Dans le cas de la guerre en Afghanistan, les opinions des élus et de la population canadienne étaient bien synchronisées. Les Canadiens, touchés par la brutalité des attentats terroristes du 11 septembre 2001, ont rapidement apporté leur soutien aux États-Unis dans leur volonté de punir les coupables. Ainsi, les multiples sondages d’opinion publique démontrant un appui pour l’intervention militaire en Afghanistan ont certainement renforcé les positions de la politique du gouvernement Chrétien.

Le premier sondage effectué après les attentats terroristes, entre le 17 et le 20 septembre 2001, démontrait de façon générale que le public canadien était rationnel dans son appui à l’effort de guerre et qu’il comprenait bien les enjeux sous-jacents à cette guerre (Kirton et Guebert 2007, 14). La majorité des Canadiens, soit 73 %, était prête à se joindre aux États-Unis pour déclarer la guerre au terrorisme international. De plus, cette majorité ne diminuait qu’à 54 % lorsque la possibilité d’attaques terroristes sur des civils canadiens était prise en considération Les Canadiens désiraient également à un niveau de 53 % que plus de pouvoir soit donné aux responsables de la sécurité du pays. Qui plus est, ce premier sondage révèle, au grand plaisir du gouvernement, que les Canadiens approuvent fortement (74 %) la façon dont Chrétien a géré la crise ayant suivi les attentats terroristes (Kirton et Guebert 2007, 14).

Puis, de façon surprenante, alors que le choc des attentats se dissipe peu à peu, le soutien à l’intervention contre le terrorisme international reste constant. Un sondage

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effectué quelques jours après l’attaque américaine en Afghanistan le 7 octobre 2001 démontra qu’une majorité de Canadiens (72 %) appuyaient fortement les attaques aériennes britannique et américaine contre les talibans et Al-Qaïda (Kirton et Guebert 2007, 14). Encore une fois, cet appui diminuait peu (66 %) lorsque les répondants envisageaient la possibilité que ces bombardements entrainent des attaques biologiques ou chimiques contre des civils canadiens. Puis, bien que le pourcentage a diminué quelque peu, une majorité de 62 % de Canadiens croit toujours que Chrétien a effectué une bonne gestion de la crise (Kirton et Guebert 2007, 14).

Qui plus est, l’annonce de l’envoi d’un contingent canadien n’a pas non plus contribué à diminuer de façon significative l’appui pour l’intervention en Afghanistan. Malgré une diminution de 5 % par rapport à un sondage effectué trois semaines plus tôt, une majorité de 79 % de Canadiens supportait toujours l’intervention (Oldfield 2009, 20). Puis, l’appui pour la mission continua à diminuer à mesure que le public canadien commença à réaliser que les troupes canadiennes affrontaient d’importants risques sur le terrain, et que la mission ne serait pas accomplie rapidement. Ainsi, dans un sondage effectué en janvier 2002, 66 % des Canadiens approuvaient le rôle de combat des troupes canadiennes en Afghanistan, alors que 33 % préféreraient un rôle plus traditionnel de maintien de la paix (Oldfield 2009, 22). À mesure que les atrocités des attentats terroristes du 11 septembre 2001 quittent l’imaginaire des Canadiens, ceux-ci sont de moins en moins enclins à soutenir la participation de leurs troupes à de dangereux combats en sol afghan.

Ensuite, comme cela a été le cas lors de la guerre du Golfe, les Québécois appuient moins l’envoi des troupes canadiennes en zone de conflit que le reste du pays. Selon Kirton et Guebert, dès le début du conflit, les deux solitudes sont très visibles (Kirton et Guebert 2007, 14). Ainsi, après les attentats terroristes, une majorité plus faible de Québécois (59 %) que de Canadiens (73 %) était prête à se joindre aux États-Unis dans une guerre. Par ailleurs, cet appui diminuait à 31 % lorsque le risque d’attaque terroriste visant des civils canadiens était pris en considération (54 % pour le reste du Canada). Puis, en octobre, ces deux solitudes se rapprochèrent quelque peu. Effectivement, 60 % des Québécois

approuvent alors les attaques aériennes des Américains et des Britanniques en sol afghan, un pourcentage plus faible que dans le sondage de septembre avec l’ensemble du Canada (72 %). Cette différence disparaît presque complètement lorsque vient le temps d’analyser la gestion de Jean Chrétien de cette crise. Les Québécois soutenaient maintenant davantage Chrétien (66 %) que le reste du Canada (62 %) (Kirton et Guebert 2007, 15). Les deux solitudes continuent de s’amenuiser dans un sondage effectué à la suite à l’envoi des navires canadiens dans le théâtre de guerre afghan. À ce moment, 84 % des Canadiens supportaient la décision canadienne de soutenir les États-Unis dans la guerre contre le gouvernement taliban en Afghanistan. Ce chiffre, également élevé, était de 78,4 % pour les Québécois. Kirton et Guebert affirment alors que les Québécois se sont ralliés à leurs confrères canadiens pour défendre le drapeau canadien (Kirton et Guebert 2007, 15). Cette correspondance entre les Québécois et les Canadiens cessa par ailleurs rapidement. Ainsi au début de janvier, moins de 50 % des Québécois souscrivaient au rôle de combat des Forces canadiennes en Afghanistan.

En résumé, il est intéressant de constater que l’intervention militaire des troupes canadiennes fut très bien acceptée par les Canadiens et les Québécois durant l’ensemble de la période du processus décisionnel. Ainsi, même si les sondages démontrent un appui moins important pour les Québécois, leur appui est tout de même majoritaire durant la période où le gouvernement doit prendre la décision d’appuyer ou non l’envoi de militaire en Afghanistan. Cet appui, beaucoup plus généralisé qu’au moment de la guerre du Golfe, pourrait expliquer pourquoi le gouvernement a choisi d’envoyer des troupes terrestres, ce qu’il avait refusé en 1990. Évidemment, comme l’opinion publique n’est pas l’unique élément ayant influencé la décision de s’impliquer en Afghanistan, les relations entre les organisations politiques et militaires seront observées dans la section suivante.