4.2 Recherche d’une condition de normalit´ e
4.2.2 Codiff´ erentielle et d´ ecomposition de Hodge
Revenons `a pr´esent `a notre probl´ematique. Nous recherchons une condi-tion de normalisacondi-tion pour les g´eom´etries paraboliques r´eguli`eres pour qu’`a une structure parabolique r´eguli`ere infinit´esimale soit associ´ee une unique connexion de Cartan. Pour ˆetre de nature g´eom´etrique, cette condition sur la courbure doit correspondre `a la requˆete d’avoir la courbure `a valeur dans un sous-fibr´e naturel de Λ2T∗M ⊗AM . Nous recherchons donc un P -sous-module de Λ(g/p)∗ ⊗ g. La proposition pr´ec´edente semble nous indiquer que si nous passons aux gradu´es alors changer de connexion de Cartan r´eguli`ere dans la classe des connexion de Cartan induisant la mˆeme structure infinit´esimale ne change la courbure que par un terme inclus dans im(∂). Il s’agit alors de trouver un P0-sous-module compl´ementaire `a im(∂) dans Λ2gr(g/p)∗⊗ gr(g). L’id´ee naturelle est alors de penser au noyau de l’application adjointe pour un produit scalaire donn´e. Ce sous-espace va en fait nous ˆetre fourni grˆace `a la th´eorie harmonique de Kostant.
4.2.2 Codiff´erentielle et d´ecomposition de Hodge
Contrairement `a notre diff´erentielle ∂ d´efinie sur gr(L(Λn(T M ), AM )), nous pouvons naturellement d´efinir une codiff´erentielle sur l’espace non gra-du´e L(ΛnT M, AM ). Utilisant la forme de Killing nous avons les isomor-phismes g∗ ' g et (g/p)∗ ' p⊥ qui nous permettent de d´efinir la codiff´ eren-tielle suivante.
D´efinition 44 Nous d´efinissons la codiff´erentielle de Kostant ∂∗ : Λn+1(g/p)∗ ⊗ g −→ Λn(g/p)∗ ⊗ g par (4.2.3) ∂∗(Z0∧ . . . ∧ Zn⊗ A) = n X i=0 (−1)i+1Z0∧ . . . ∧ ˆZi∧ . . . ∧ Zn⊗ [Zi, A] +X i<j (−1)i+j[Zi, Zj] ∧ Z0∧ . . . ∧ ˆZi∧ . . . ∧ ˆZj ∧ . . . ∧ Zn⊗ A
pour tout Zi ∈ (g/p)∗ = p⊥ et tout A ∈ g avec [ , ] le crochet de Lie sur g (ce qui est bien d´efini car p⊥ ⊂ g).
Propri´et´e 45 1. La codiff´erentielle ∂∗ pr´eserve la filtration de l’espace L(Λn+1g/p, g) et est homog`ene de degr´e 0.
2. La codiff´erentielle ∂∗ est P -´equivariante.
Grˆace `a ces r´esultats nous avons une application induite
gr0(∂∗) : L(Λn+1gr(g/p), gr(g)) −→ L(Λngr(g/p), gr(g))
qui est P0-´equivariante. Finalement nous pouvons donc d´efinir sur l’espace L(ΛnT M, AM ) = G ×P L(Λng/p, g) et sur l’espace gr(L(ΛnT M, AM )) = E ×P0 L(Λn+1gr(g/p), gr(g)) les applications codiff´erentielles ∂∗ (qui restent homog`ene de degr´e 0) et gr0(∂∗).
Preuve de la propri´et´e
1) Un ´el´ement d´ecomposable Z ⊗ A de (g/p)∗⊗ g = p⊥⊗ g avec Z ∈ gi
pour un i > 0 et A ∈ gj pour un j ∈ {−k, . . . , k}, aura une homog´en´eit´e i + j : soit X ∈ gl pour l < 0 alors
Z ⊗ A(X) = 0 si l ≥ −i + 1 c’est-`a-dire si X ∈ g−i+1 = (gi)⊥ ∈ gj si l ≤ −i.
L’´el´ement Z ⊗ A repr´esente donc une application g/p → g qui est (i + j)-homog`ene. De la mˆeme mani`ere si pour tout l ∈ {0, . . . , n} nous avons Kl∈ gilavec il > 0 et A ∈ gj pour j ∈ {−k, . . . , k}, alors l’´el´ement Z0∧. . .∧Zn⊗A repr´esente une application Λn+1g/p → g homog`ene de degr´e i0+ · · · + in+ j. Mais alors d’apr`es la d´efinition de ∂∗ et le fait que le crochet de Lie sur g est homog`ene de degr´e 0, nous avons que ∂∗(Z0 ∧ . . . ∧ Zn⊗ A) repr´esente une application Λng/p → g homog`ene de degr´e i0 + · · · + in+ j. Ainsi la
codiff´erentielle ∂∗ pr´eserve bien la filtration de L(Λn+1g/p, g) et est homog`ene de degr´e 0.
2) Soit g ∈ P , Z0, . . . , Zn ∈ p⊥ et A ∈ g, le sous-groupe P agit sur Z0∧ . . . ∧ Zn⊗ A de la mani`ere suivante :
g · (Z0∧ . . . ∧ Zn⊗ A) = Ad(g)(Z0) ∧ . . . ∧ Ad(g)(Zn) ⊗ Ad(g)(A).
Ainsi
∂∗(g · (Z0∧ . . . ∧ Zn⊗ A))
= ∂∗(Ad(g)(Z0) ∧ . . . ∧ Ad(g)(Zn) ⊗ Ad(g)(A))
=
n
X
i=0
(−1)i+1Ad(g)(Z0) ∧ . . . ∧ ˆ()i∧ . . . ∧ Ad(g)(Zn) ⊗ Ad(g)([Zi, A])
+X i<j Ad(g)([Zi, Zj]) ∧ Ad(g)(Z0) ∧ . . . ∧ ˆ()i∧ . . . ∧ ˆ()j∧ . . . . . . ∧ Ad(g)(Zn) ⊗ Ad(g)(A) = g · ∂∗(Z0∧ . . . ∧ Zn⊗ A).
Remarquons que la codiff´erentielle gr0(∂∗) est d´efinie par la mˆeme formule
gr0(∂∗)(Z0∧ . . . ∧ Zn⊗ A) = n X i=0 (−1)i+1Z0∧ . . . ∧ ˆZi∧ . . . ∧ Zn⊗ {Zi, A} +X i<j (−1)i+j{Zi, Zj} ∧ Z0∧ . . . ∧ ˆZi∧ . . . ∧ ˆZj ∧ . . . ∧ Zn⊗ A
avec { , } le crochet de Lie sur gr(g). De la mˆeme mani`ere nous voyons donc que gr0(∂∗) est P -´equivariante.
D´efinition 46 Nous d´efinissons le Laplacien de Kostant par
:= ∂ ◦ gr0(∂∗) + gr0(∂∗) ◦ ∂ : L(Λngr(g/p), gr(g)) −→ L(Λngr(g/p), gr(g)).
Ce Laplacien est P0-´equivariant et d´efinit alors un Laplacien
La P0-´equivariance de provient simplement de celles de ∂ et de gr0(∂∗). Dans la partie 3.3.1. du livre de ˇCap et Slov´ak [ ˇCS09, p. 340], ceux-ci construisent un produit scalaire de L(Λngr(g/p), V ), avec V une repr´ esenta-tion de dimension finie de gr(g), pour lequel la diff´erentielle ∂ et la codiff´ e-rentielle gr0(∂∗) sont adjoints.
Proposition 47 Soit g une alg`ebre de Lie semi-simple, p une sous-alg`ebre parabolique de g et ∈ w une structure alg´ebrique de Weyl, c’est-`a-dire un relev´e dans p de l’´el´ement de graduation 0 ∈ p/p⊥. Notons g = g−⊕ g0⊕ g+ = g−k ⊕ · · · ⊕ gk la d´ecomposition de g qui en d´ecoule. Alors il existe un produit scalaire sur L(Λng−, g) pour tout n de sorte que les op´erateurs ∂ : L(Λng−, g) → L(Λn+1g−, g) et gr0(∂∗) : L(Λn+1g−, g) → L(Λng−, g) soient adjoints.
Preuve de la proposition
Rappelons que pour une involution de Cartan σ sur g, la forme bilin´eaire h(X, Y ) = −B(X, σ(Y )) est un produit scalaire sur g avec B la forme de Killing sur g. Montrons que l’involution σ peut ˆetre choisie de sorte qu’elle se restreigne en un isomorphisme lin´eaire p⊥ = g+→ g− qui est exactement l’isomorphisme entre g+ et g∗+' g− induit par h.
Soit σ une involution de Cartan. Dans une base de g adapt´ee `a la d´ e-composition fournie par notre structure alg´ebrique de Weyl, nous voyons clairement que ad() est diagonale et de valeurs propres r´eelles : est donc un ´el´ement hyperbolique de g. Nous pouvons alors compl´eter cet ´el´ement pour obtenir une sous-alg`ebre de g commutative form´ee d’´el´ements hyper-boliques et maximale pour ces propri´et´es, c’est-`a-dire en un sous-espace de Cartan a. Par d´efinition de l’´el´ement de graduation nous avons a ⊂ g0. Or tout sous-espace de Cartan est conjugu´e `a un sous-espace de Cartan inclus dans {X ∈ g : σ(X) = −X}. Ainsi quitte `a conjuguer notre involution σ par l’´el´ement ad´equat, nous pouvons supposer que a ⊂ {X ∈ g : σ(X) = −X} et en particulier σ() = −. De cette mani`ere nous avons σ(gi) = g−i pour tout i ∈ {−k, . . . , k} et donc l’isomorphisme pr´ec´edemment souhait´e.
Nous disposons ainsi d’un produit scalaire sur l’espace L(Λng−, g) pour tout n et l’isomorphisme F entre L(Λng−, g), et L(Λng+, g∗) induit par ce produit scalaire est donn´e par la formule
(F (φ)(Z1, . . . , Zn))(v) = h(v, φ(σ(Z1), . . . , σ(Zn))
pour φ ∈ L(Λng−, g), Zi ∈ g+ et v ∈ g. V´erifions que ∂ et gr0(∂∗) sont duaux pour ce produit scalaire. Soit φ1 = Z0 ∧ . . . ∧ Zn ⊗ A ∈ L(Λn+1g−, g) et
φ2 ∈ L(Λng−, g) alors h∂φ2, φ1i = (F (∂φ2)(Z0, . . . , Zn))(A) = h(A,Pn i=0(−1)iσ(Zi) · φ2(σ(Z0), . . . , \σ(Xi), . . . , σ(Zn)) +P i<j (−1)i+jφ2([σ(Zi), σ(Zj)], σ(Z0), . . . , ˆ()i, . . . , ˆ()j, . . . , σ(Zn))), d’apr`es l’expression (4.2.1). Or h(σ(X) · Y, Z) = −B([σ(X), Y ], σ(Z)) = B(Y, [σ(X), σ(Z)]) = B(Y, σ(X · Z)) = −h(Y, X · Z), donc h∂φ2, φ1i = Pn i=0(−1)i+1h(Zi· A, φ2(σ(Z0), . . . , \σ(Xi), . . . , σ(Zn))) + hA,P i<j(−1)i+jφ2 [σ(Zi), σ(Zj)], σ(Z0), . . . , [σ(Zi), . . . , . . . , \σ(Zj), . . . , σ(Zn) = F (φ2)(gr0(∂∗)φ1) = hφ2, gr0(∂∗)φ1i d’apr`es l’expression (4.2.3).
Ainsi nous avons la d´ecomposition de Hodge suivante
Th´eor`eme 48 Soit g une alg`ebre de Lie semi-simple, p une sous-alg`ebre parabolique de g et ∈ w une structure alg´ebrique de Weyl, c’est-`a-dire un relev´e dans p de l’´el´ement de graduation 0 ∈ p/p⊥. Notons g = g−⊕ g0⊕ g+ la d´ecomposition de g qui en d´ecoule.
Alors pour tout n ≥ 0, nous avons la d´ecomposition de L(Λng−, g) en somme direct de P0-sous-modules suivante
L(Λng−, g) = im(gr0(∂∗)) ⊕ ker() ⊕ im(∂)
avec en plus ker(gr0(∂∗)) = im(gr0(∂∗)) ⊕ ker() et ker(∂) = ker() ⊕ im(∂).
Preuve du th´eor`eme
Soit ψ ∈ ker(gr0(∂∗)) ∩ im(∂), alors il existe φ ∈ L(Λ∗g−, g) tel que ∂φ = ψ. Or nous avons 0 = hgr0(∂∗)∂φ, φi = h∂φ, ∂φi car ∂φ = ψ ∈ ker(gr0(∂∗)) et donc ψ = ∂φ = 0. Nous en concluons que ker(gr0(∂∗)) ∩ im(∂) = {0}. De la mˆeme mani`ere nous montrons que ker(∂)∩im(gr0(∂∗)) = {0}. Comme ∂2 = 0,
im(∂) ⊂ ker(∂) et alors im(gr0(∂∗)) ∩ im(∂) ⊂ im(gr0(∂∗)) ∩ ker(∂) = {0}. Soit `a pr´esent φ ∈ ker(), alors ∂ ◦ gr0(∂∗)φ = −gr0(∂∗) ◦ ∂φ ∈ im(gr0(∂∗)) ∩ ker(∂) = {0}. Donc gr0(∂∗)φ ∈ im(gr0(∂∗)) ∩ ker(∂) = {0} et donc φ ∈ ker(gr0(∂∗)). De la mˆeme mani`ere, φ ∈ ker(∂) et nous avons ker() ⊂ ker(∂) ∩ ker(gr0(∂∗). L’inclusion r´eciproque est directe d’apr`es la d´efinition du Laplacien et nous avons donc l’´egalit´e ker() = ker(∂) ∩ ker(gr0(∂∗)). Nous avons alors ker() ∩ (im(∂) ⊕ im(gr0(∂∗))) = {0} et nous disposons ainsi de la somme directe im(gr0(∂∗)) ⊕ ker() ⊕ im(∂). Il ne nous reste plus qu’`a montrer que cet ensemble est l’espace L(Λng−, g) dans sa totalit´e.
Notre Laplacien se restreint sur im(∂) en un endomorphisme de im(∂) qui est bijectif car ker()∩im(∂) = {0}. Notons Q l’inverse de cette fonction. De la mˆeme mani`ere la restriction de `a im(gr0(∂∗)) est un automorphisme de im(gr0(∂∗)) dont nous notons R l’inverse. Alors soit φ ∈ L(Λng−, g), cet ´
el´ement se d´ecompose comme ceci
φ = Rgr0(∂∗)∂φ + (φ − Rgr0(∂∗)∂φ − Q∂gr0(∂∗)φ) + Q∂gr0(∂∗)φ. Or Rgr0(∂∗)∂φ ∈ im(gr0(∂∗)), Q∂gr0(∂∗)φ ∈ im(∂) et
(φ − Rgr0(∂∗)∂φ − Q∂gr0(∂∗)φ) = φ − gr0(∂∗)∂φ − ∂gr0(∂∗)φ = 0. Donc L(Λng−, g) ⊂ im(gr0(∂∗)) ⊕ ker() ⊕ im(∂) et nous avons bien la d´e-composition de Hodge voulue.
Le dernier point vient du fait que ker(∂) ∩ im(gr0(∂∗)) = {0} alors que ker() ⊕ im(∂) ⊂ ker(∂) et les relations analogues pour gr0(∂∗).
De ce r´esultat nous d´eduisons le corollaire suivant
Corollaire 49 1. Pour tout n ≥ 0, nous pouvons naturellement identifier le P0-module cohomologique Hn(g−, g) := ker(∂)/im(∂) `a ker() ⊂ L(Λng−, g).
2. Nous pouvons aussi identifier la cohomologie Hn(g−, g) `a l’homologie ker(gr0(∂∗))/im(gr0(∂∗)), ce qui fournit une structure de P -module `a Hn(g−, g). Avec cette structure de P -module, le sous-groupe exp(p⊥) ⊂ P agit trivialement sur la cohomologie : cette structure de P -module est donc simplement l’extension triviale de la structure de P0-module.
Preuve du corollaire
D’apr`es la d´ecomposition de Hodge nous avons directement que Hn(g−, g) := ker(∂)/im(∂) = ker() = ker(gr0(∂∗))/im(gr0(∂∗)).
Montrons `a pr´esent que l’action de exp(p⊥) sur la cohomologie est triviale. Soit Z1, . . . , Zn dans p⊥ = g+, A dans g et Z0 ∈ gj pour j > 0 alors nous avons gr0(∂∗)(Z0∧ . . . ∧ Zn⊗ A) + Z0∧ gr0(∂∗)(Z1 ∧ . . . ∧ Zn⊗ A) = −Z1∧ . . . ∧ ⊗{Z0, A} + n X i=1 (−1)i{Z0, Zi} ∧ . . . ∧ ˆZi∧ . . . ∧ Zn⊗ A = −Z0· (Z1∧ . . . ∧ Zn⊗ A).
Ainsi pour tout φ ∈ L(Λng−, g) et tout Z ∈ p⊥= g+ nous avons gr0(∂∗)(Z ∧ φ) = −Z ∧ gr0(∂∗)(φ) − Z · φ.
L’action de Z envoie donc ker(gr0(∂∗)) sur im(gr0(∂∗)) et ainsi l’action de Z ∈ p⊥ sur
ker(gr0(∂∗))/im(gr0(∂∗)) = Hn(g−, g)
est triviale.