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Section 3 Positionnement épistémologique et méthodologie de la recherche

2. Méthodologie de la recherche

2.3. Analyse et interprétation des données

2.3.2. Codage des données

Selon Allard-Poesi (2003, p. 246), le codage est une opération qui « consiste à découper les

unités dans ces catégories ». Il s‘agit d‘un processus de réduction des données (Miles &

Huberman, 2005 [1994]) destiné à soutenir l‘interprétation et à favoriser la construction théorique. Le chercheur peut opter pour un codage a priori, à travers lequel il affecte ses unités d‘analyse à des catégories prédéfinies issues d‘un cadre théorique (Gavard-Perret & Helme-Guizon, 2012). Il peut aussi, à l‘inverse, préférer un codage ouvert à travers lequel les catégories émergent de l‘examen approfondi des données brutes (Angot & Milano, 2014; Gavard-Perret & Helme-Guizon, 2012).

Dans cette recherche doctorale, nous avons privilégié le codage à visée théorique. Point et Voynnet Fourboul (2006) le définissent de la manière suivante :

Le codage à visée théorique est beaucoup plus qu‘une opération consistant simplement à affecter des catégories aux données. En fait, il s‘agit d‘une entreprise de conceptualisation qui se distingue des modalités classiques de codage mises en œuvre lors de l‘analyse de contenu, car elle passe par un ensemble de réflexions : découvrir des données, se poser des questions à propos des données, essayer d‘interpréter et de donner du sens, réorganiser les données et trouver des réponses provisoires aux relations entre les données. Dans cette forme de dialogue interne, l‘analyste confronte et enregistre ses propres réactions face aux données. (Point & Voynnet Fourboul, 2006, p. 62)

Le codage à visée théorique s‘appuie sur les fondements de la théorie enracinée (Glaser & Strauss, 2017 [1967]). Son utilisation permet de développer une théorisation à partir du matériau empirique et de passer d‘une approche émique à une approche étique.

Afin d‘opérationnaliser le codage à visée théorique, il est tout d‘abord essentiel de s‘interroger sur l‘unité d‘analyse à utiliser. L‘unité d‘analyse correspond à un phénomène ou à un « incident critique » (Glaser & Strauss, 2017 [1967]) ; c‘est-à-dire à une idée ou à un groupe d‘idées que le chercheur peut isoler du reste du corpus de données. Dans le cas du codage à visée théorique, l‘unité d‘analyse n‘est pas de taille régulière. En effet, sa délimitation dépend du sens des données et requiert une totale flexibilité. Il peut s‘agir d‘un mot, d‘une ligne, d‘une phrase, d‘un paragraphe, ou encore d‘un texte entier (Point & Voynnet Fourboul, 2006). Cette hétérogénéité contraste ainsi avec l‘analyse lexicale, par exemple, dont l‘unité d‘analyse demeure invariablement le mot. A travers la présente recherche, nous avons développé nos unités d‘analyse – phrases ou paragraphes – sur la base

des entretiens, récits autobiographiques et notes d‘observation qui composent notre corpus de données.

Par ailleurs, la mise en œuvre du codage à visée théorique nécessite de réfléchir à la définition des catégories analytiques destinées à accueillir les codes. Lorsque le chercheur a recours à ce type de codage, son travail de catégorisation relève en réalité d‘une démarche abductive. Cette catégorisation implique en effet des oscillations inductives et déductives ; des « allers et retours » entre les données que le chercheur a recueillies et ses interprétations successives (Point & Voynnet Fourboul, 2006). De manière plus concrète, nous avons tout d‘abord attribué un code à chacune de nos unités d‘analyse. A ce stade, il s‘agit d‘un codage in vivo. Cela signifie que les codes sont avant tout descriptifs (Miles & Huberman, 2005 [1994]) et très proches des termes employés par les répondants. Nous nous sommes ensuite efforcés de regrouper les codes les plus proches au sein de catégories, et ce afin de réduire leur nombre. Cette catégorisation fait partie intégrante du procédé d‘abstraction entrepris par le chercheur. Comme l‘indiquent effectivement Point et Voynnet Fourboul (2006, p. 64), la catégorie est un code qui renvoie « à l‘organisation conceptuelle et à la théorisation menée par le

chercheur ». Il convient également de souligner que de nombreuses annotations – des

« mémos » – ont été rédigées au cours de notre démarche de codage. Celles-ci jouent un rôle crucial dans la progression de l‘analyse du corpus (Glaser & Strauss, 2017 [1967]) et nous ont notamment permis de rattacher nos unités d‘analyse à des idées d‘interprétation et de théorisation que nous avions. Le tableau 4 présenté ci-après illustre la démarche que nous avons décrite.

Tableau 4 : Exemples de codage

Mémos Verbatims Codes Catégories

Entretien n°11

Elle vit sa vie avec plus d'intensité, Un nouveau sens prend le dessus et ouvre un nouveau champ de découverte/consom mation,

En fait, je vis plus à fond

maintenant. Genre c‘est con mais ces derniers temps, j‘ai goûté plein de nouvelles choses, de saveurs… Ça m‘a intriguée et intéressée de découvrir… J‘ai goûté des

pâtisseries orientales genre pistache, fleur de rose, amande, noix de coco… Et je me suis éclatée les papilles quoi. [...] Vivre à fond, Découverte de nouvelles saveurs, Expérience sensorielle intense, 14. Profiter de la vie 13. Plaisir sensoriel 13. Plaisir sensoriel L'acquisition de la déficience l‘incite à davantage réaliser ses envies.

Le violoncelle, c‘est quelque chose que j‘ai envie de faire depuis très, très longtemps, mais je m‘y suis mise il y a pas longtemps parce que ben… J‘ai envie de le faire et…c‘est une activité qui est pour soi… Ça me change de toutes les activités collectives que j‘ai pu faire avant.

Démarrage d'une activité pour soi 9. Consommation autotélique Entretien n°12 Contrainte à déménager souvent sans trouver de solutions viables (cf. « homeyness », McCracken, 1989),

C‘est-à-dire que tout ce qui était normal, pour moi, ce n’est plus normal. Je me sens épuisée, tout le temps fatiguée… J‘ai l‘impression que je traîne ma vie quoi.

Epuisée…burn-out quoi. Absence de normalité, Epuisement, 3. Perte de repères 2. Perte de contrôle Son hyperacousie l'empêche de sortir hors de chez elle.

Mes projets de vie ont totalement été mis par terre quoi. Parce que je peux plus rien faire, je suis

dépendante des autres… Une forme de handicap quoi. C‘est…toutes les choses que j‘arrivais à faire toute seule, maintenant ça devient un parcours du combattant. Projet de vie enrayé, Dépendance aux autres, Faire certaines choses devient complexe. 3. Perte de repères 1. Perte d'autonomie 1. Perte d'autonomie

Enfin, nous avons procédé à une comparaison des codes regroupés au sein d‘une même catégorie, d‘une part, ainsi qu‘à une comparaison des différentes catégories entre elles, d‘autre part. Ce travail comparatif visait ainsi à réduire le risque de surinterprétation des données (Strauss & Corbin, 1990). Nous discutons maintenant des critères de rigueur.