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IV.2.1. Préambule : classification des données

Pour faciliter la lecture des diagrammes de chimie, nous avons choisi d’utiliser un figuré différent selon l’origine subaérienne ou sous-marine des échantillons et en fonction de leur appartenance aux différents massifs volcaniques (Piton de la Fournaise, PdF ou Piton des Neiges, PdN). Comme cela est figuré dans la figure IV.32 : un carré correspond à un échantillon sous-marin récolté par dragage, alors qu’un triangle est utilisé pour une roche subaérienne. Les couleurs bleu et rouge sont attribuées au Piton de la Fournaise (PdF), le vert au Piton des Neiges (PdN). Les données issues de la littérature sont représentées en noir. Les sites d’échantillonnage sont rappelés sur la carte de la figure IV.32 et sont détaillés précédemment dans le chapitre III. La nature de chacun des échantillons est précisée en annexe.

Figure IV.32. Localisation simplifiée des différents sites d’échantillonnage de notre étude, répertoriés en cinq groupes pour les représentations graphiques. Détail des sites de prélèvement dans le chapitre III.

Les échantillons sous-marins du Piton de la Fournaise sont séparés en deux groupes (Groupe Sous-marin 1 et 2 PdF) parce qu’ils présentent des critères géochimiques sur verre et roche totale différents. Nous appliquons cette distinction dès maintenant mais elle est plus largement justifiée dans la partie IV.3.

Ici nous détaillons les sites et la nature des échantillons contenus dans les différents groupes chimiques :

• Groupe Sous-marin 1 du Piton de la Fournaise / Ssm. 1 PdF

Il s’agit des roches prélevées lors des campagnes GEISEIR 2 (GSR2 DR 10 et DR11) et ERODER 2 (ERO2 DR8 et DR10), sur les rifts zone NE et SE du Piton de la Fournaise, ainsi que les échantillons récoltés pendant la campagne Fournaise 2 (MD59 DR15 et DR10 ; Fig. III.1, III.3, III.5 et III.8).

Ce groupe est majoritairement constitué de basalte à olivine, avec des proportions variables d’olivine. Certains sont des pillow-lavas et ont une bordure figée.

• Groupe Sous-marin 2 du Piton de la Fournaise / Ssm. 2 PdF

Dans ce groupe se trouvent les échantillons dragués sur la rift zone NE du PdF pendant les campagnes GEISEIR 2 (GSR2 DR 11) et ERODER 2 (ERO2 DR 2 et DR9) (Fig.

III.1 et III.3).

Ce groupe comprend des blocs anguleux et des fragments de pillow-lava avec parfois des bordures figées. Il contient des basaltes aphyriques vacuolaires, renfermant quelques petits cristaux de plagioclase visibles à l’œil nu. La présence d’une minéralisation secondaire remplissant les vacuoles est notée dans certains échantillons (ERO2 DR9-1 et 2). Au possibilité de passer sur des coulées de laves différentes.

• Groupe Subaérien du Piton de la Fournaise / Sub. PdF

Ce groupe contient tous les échantillons prélevés sur le Massif du Piton de la Fournaise (Rivière des Remparts, Rivière Langevin, Plaine aux Sables, Rempart du Pas de Bellecombe ; Fig. III.11).

Leur nature pétrographique est très variée avec des océanites (RR31, BM3), des roches pintades (RR30, RR36…), des basaltes aphyriques (Plt B1)….

• Groupe Sous-marin du Piton des Neiges / Ssm. PdN

Ce groupe ne contient que des roches draguées sur la rift zone de l’Etang Salé (ERO2 DR6 et DR7 ; Fig. III.1 et III.6).

Ce sont des pillow-lavas basaltiques, avec parfois des bordures figées. Olivine, clinopyroxène et plagioclase sont présents sous forme de mésocristaux.

• Groupe Subaérien du Piton des Neiges / Sub. PdN

Nous avons prélevé des Roches Pintades vers le Col des Bœufs et sur le Piton d’Enchaing dans Salazie et sur le flanc ouest du Massif, ainsi que d’autres roches appartenant à la Série Différenciée du Piton des Neiges (mugéarite, benmoreite) sur la partie ouest du Massif (Fig. III.10 et III.20).

IV.2.2. Analyses chimiques des minéraux

Les compositions des minéraux ont été obtenues sur des lames minces polies à l’aide de deux microsondes électroniques CAMECA SX 100 à Brest (Microsonde Ouest, Ifremer Brest) et Clermont-Ferrand (Lab. Magmas et Volcans). Les techniques et paramètres d’analyses, ainsi que de fabrication des lames sont indiqués en annexe.

a. Olivines

Les compositions ont été mesurées sur des phénocristaux (cœur et bord) et quelques microlites d’olivine. Les olivines ont des teneurs en Forstérite (Fo en %) comprises entre :

- Fo66 et Fo87 pour les cœurs des cristaux, avec un pic de fréquence à Fo83 (Fig. IV.33), - Fo53 et Fo83 pour les bords des cristaux,

- Fo48 et Fo81 pour les microlites.

Les cœurs de phénocristaux sont plus riches en Mg que les bords des cristaux et les microlites. Sachant que la vitesse de diffusion du Mg dans les olivines est très importante, le déséquilibre chimique apparent entre les cœurs et les bords des cristaux peut être du à une cristallisation dans la chambre dans un magma plus mafique pour les cœurs et une cristallisation plus tardive (au moment de la remontée et/ou de l’épanchement) dans un magma plus évolué pour les bords. Ces compositions sont classiques pour les olivines de La Réunion (Welsch, 2010 ; Boivin & Bachèlery, 2009).

Figure IV.33. Représentation du nombre d’analyses (n = 115) en fonction de la teneur en Forstérite (en %) des cœurs de cristaux d’olivine. Les analyses sont faites sur les échantillons suivants : Groupe Sous-marin 1 PdF : ERO2 DR8-1, DR8-7 et DR8-9 ; Groupe Sous-marin 2 PdF : ERO2 6, DR2-7, DR2-9 et DR2-12 ; Groupe Subaérien PdF : RR30-32-33-34-36, PB1-4-5, PS2, Plt B1-2-4, BM3-4 Groupe Sous-marin PdN : ERO2 DR8-1, DR8-7 et DR8-9 PdN : ERO2 DR6-2 et DR6-4 et ERO2 DR7-6.

b. Clinopyroxènes

Dans un diagramme Enstatite – Ferrosilite – Wollastonite, la composition chimique des clinopyroxènes se situe dans un champ plutôt restreint : les clinopyroxènes sont essentiellement des augites, et une partie d’entre eux se trouvent à la limite entre le champ de composition de la salite et du diopside (Fig. IV.34).

Chacun des groupes peut être représenté par une moyenne des teneurs calculée en Enstatite, Wollastonite et Ferrosilite :

- Sous-marin 1 PdF : En42,5 Fs15,5 Wo42 - Sous-marin 2 PdF : En43 Fs13 Wo44 - Subaérien PdF : En44,1 Fs13,6 Wo42,3 - Sous-marin PdN : En45,1 Fs13,6 Wo41,3

Figure IV.34. Composition des clinopyroxènes (cœur et bord des phénocristaux et microlites) dans un diagramme ternaire Enstatite / Wollastonite / Ferrosilite. Groupe Sous-marin 1 PdF: ERO2 DR1 et DR8-7 ; Groupe Sous-marin 2 PdF: ERO2 DR2-7, DR2-9, DR2-10, DR2-12, DR2-16 et DR9-2 ;;

Groupe Subaérien PdN : RR30-32-33-34-36, PB1-4-5, PS2, Plt B2-4, BM3, BC31. Groupe Sous-marin PdN : ERO2 DR6-2 et DR6-4, ERO2 DR7-6 et DR7-3.

Toutefois, le Groupe Sous-marin 1 PdF contient peu d’analyses (11 analyses dont 8 sont faites sur ERO DR1…) alors que les autres groupes en possèdent plus de 50. Le groupe Subaérien du PdF est très largement dispersé, probablement parce qu’il regroupe des échantillons de nature très variée (Roches Pintades, océanites, basaltes aphyriques…) et qui ont une composition différente.

L’évolution des clinopyroxènes est un phénomène complexe sur lequel interviennent de nombreux facteurs tels que la pression, la température, la fugacité d’oxygène, la composition des liquides et des phases environnantes…Ces phases sont chimiquement peu sensibles aux rééquilibrations, sauf pour Fe et Mg. La pression et la composition de la roche sont les facteurs les plus influents, notamment sur la teneur en Al et Ti. En effet, le titane se substitue aux éléments qui disparaissent avec la différenciation des magmas et avec la chute de la pression et/ou de la température (Cr et AlVI par exemple). La solubilité du Ti est plus élevée à basse pression et basse température, et celle de l’Al à haute pression et haute température (Thompson, 1974 ; Boivin 1982). La substitution Al/Ti est considérée comme un bon marqueur des conditions de pression de cristallisation : le rapport Al/Ti augmente avec la pression.

Dans notre cas, les rapports atomiques Al/Ti varient autour d’une moyenne de 2,7 pour le Groupe Sous-marin 2 PdF et de 3,2 pour le Groupe Sous-marin PdN, alors que ce rapport est compris entre 3,98 et 5,03 pour les laves émises entre 1977 et 1998 (Boivin et Bachèlery, 2009). Cela laisse supposer une pression de cristallisation plus importante pour les échantillons sous-marins du Piton des Neiges et une pression encore supérieure pour les roches de la Fournaise actuelle, par rapport aux laves du Groupe Sous-marin 2 PdF. Toutefois nous préférons ne pas interpréter ces variations car nous ne comparons pas des roches de même nature et possiblement pas de même composition de liquide initial.

Il est important de noter que les clinopyroxènes du Groupe Sous-marin 2 PdF sont plus riches en calcium et que ceux du Groupe Sous-marin PdN sont les plus appauvris (Fig.

IV.34 et IV.35), ils doivent provenir de la cristallisation d’un magma respectivement plus basique et plus évolué.

Figure IV.35. Rapport Al2O3 / TiO2en fonction de la teneur en CaO (en poids %) des cœurs de clinopyroxènes des différents groupes.

c. Plagioclases

Le plagioclase est la phase la plus présente dans nos échantillons. Présent sous forme de microlite dans tous les types de roches, il existe également en phénocristaux de morphologies complexes dans les Roches Pintades, parfois en agrégat, et quelques fois associé à des cristaux de clinopyroxènes.

Les plagioclases de cette étude sont essentiellement des bytownites et des labradorites (> An60) (Fig. IV.36). Le nombre d’analyses est beaucoup plus important pour le Groupe Subaérien PdF parce qu’il constitue la phase dominante de la Série Différenciée du Piton de la Fournaise, en particulier des Roches Pintades. On remarque que les compositions des phénocristaux de plagioclase de ce groupe sont très dispersées et sont à la fois les plus primitives (An87,4) et les plus différenciées (An37,7).

Les plagioclases des échantillons dragués ont une composition plus restreinte que ceux du Groupe Subaérien PdF (Fig. IV.37). Ils sont relativement (pour une gamme de composition comparable) riches en sodium et moins riches en aluminium et en calcium. Le Groupe Sous-marin 2 PdF est également plus riche en potassium que l’ensemble des autres groupes.

Figure IV.36. Composition des plagioclases (cœur et bord des phénocristaux) dans un diagramme ternaire Albite/Orthose/Anorthite. Groupe Sous-marin 1 PdF : ERO2 DR8-1, DR8-7, DR8-9 ;Groupe Sous-marin 2 PdF : ERO2 DR2-7, DR2-9, DR2-10, DR2-12, DR2-16 et DR9-2 ; Groupe Sous-marin PdN : ERO2 DR6-2 et DR6-4, ERO2 DR7-6 et DR7-3 ; Groupe Subaérien PdN : RR30-32-33-34-36, PB1-4-5, PS2, Plt B1-2, BM3, BC31.

Figure IV.37. Teneurs en K2O en fonction de Na2O et en Al2O3 en fonction de CaO (en poids %) des plagioclases de cette étude. Les échantillons analysés sont les mêmes que la figure IV.36.

Bilan des analyses sur les phases minérales

Les Roches Pintades ont des plagioclases riches en anorthite (An79,4-87,4 pour les cœurs des phénocristaux), plus riches en Al2O3, CaO et moins riches en Na2O. Ces compositions sont certainement liées à celle du liquide, qui, par rapport aux autres basaltes, a connu une cristallisation fractionnée de clinopyroxène moins importante.

Le Groupe Sous-marin 2 PdF se distingue des autres groupes par ses teneurs plus élevées en CaO dans les clinopyroxènes et en K2O dans les plagioclases. Un tel enrichissement implique que le liquide parent du Groupe Sous-marin 2 PdF est lui-même enrichi en CaO et K2O par rapport à celui des autres groupes.