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Les classes défense et citoyenneté

Ces classes représentent un dispositif de construction de la citoyenneté prévu par la loi de 1997 portant réforme du service national 11. Elles préparent les jeunes à réfléchir sur la défense et la sécurité du pays, à exercer de manière responsable leur future activité économique et sociale et, s’ils le souhaitent, à une participation directe à la défense. Ces classes dispensent un enseignement moral et civique, et contribuent tout au long de la scolarité à l’éducation à la défense et à la sécurité nationales. Elles éveillent la curiosité des élèves sur des sujets où prévalent la responsabilité, l’intérêt commun et le sens de l’action collective. Dans ces classes, les élèves participent à des activités sportives, visitent des lieux de mémoire (musées, lieux de bataille…) où ils peuvent se familiariser avec des symboles de l’histoire et reçoivent des enseignements en relations internationales. Véritables laboratoires du civisme, ces classes consolident le caractère et affermissent les qualités de l’élève, augmentant la sensibilité aux valeurs républicaines. Comme le constate un proviseur, « les élèves de ces classes ont une personnalité affirmée, font preuve d’un sens des valeurs et du collectif plus élevé que celui de leur camarade. Au collège, par exemple, ils représentent un groupe d’appui pour les professeurs dans la transmission des curricula et le respect de la discipline 12 ».

Dans ces classes, les élèves échangent avec les acteurs du monde de la défense

11. Dans l’académie de Nantes et dans la région académique des Pays de la Loire, plusieurs collèges et lycées présentaient ce dispositif en 2018 et 2019. Trois classes citoyennes étaient implantées en Loire-Atlantique, au collège Pierre-Norange (Saint-Nazaire), au collège privé Immaculée-Conception (Clisson) et au lycée Jean-Jacques-Audubon (Couëron). Deux établissements accueillant ce dispositif existent en Maine-et-Loire : le collège Pierre-Mendès-France (Saumur) et le collège Georges-Clemenceau (Cholet). En Mayenne, en 2018, les classes citoyennes étaient au collège Léo-Ferré (Ambrières-les-Vallées) et au collège des Avaloirs (Pré-en-Pail-Saint-Samson). Notre analyse a porté sur les établissements scolaires, principalement situés en Pays de la Loire, proposant des classes citoyennes, véritables laboratoires d’un patriotisme sociétal.

12. Bernard B., proviseur dans un collège accueillant une classe de défense et de sécurité globale (entretien réalisé le 27 février 2019 au lycée Jean-Moulin, à Angers).

90 Fondation pour l’innovation politique

Le soldat augmenté : regards croisés sur l’augmentation des performances du soldat

et sont sensibilisés aux valeurs. Les compétences qu’ils acquièrent améliorent leurs performances scolaires et en font des leaders dans le groupe-classe : « Le comportement de certains d’entre eux passés par ces classes citoyennes contribue à la paix scolaire et apaise les tensions, notamment dans les collèges en zone urbaine sensible (ZUS) », analyse un autre dirigeant d’établissement 13.

Ces classes sensibilisent l’élève à la citoyenneté, devenu le porte-flambeau d’un patriotisme par le bas diffusé dans la famille et auprès des pairs. Cet attachement patriotique constitue l’un des viviers du recrutement militaire car il façonne des individus conscients de leur rôle pour l’intérêt du pays et aptes à s’engager sur la base d’un système de valeurs solides. C’est dans cette optique que le SNU, lancé en 2019, constitue un outil d’éveil des vocations d’engagement et favorise le brassage de la jeunesse afin qu’elle se reconnaisse dans un destin commun. Ce service national représente l’autre réponse à l’individualisme et apparaît comme un contre-feu face au repli communautaire et à la fragmentation sociale redoutés par les politiques et constatés par les sociologues 14.

Le retour des valeurs et des normes sociales dans la conduite des actions individuelles ou collectives prôné au sein des classes citoyennes participe de l’augmentation du soldat dans la mesure où ce corpus normatif consolide les comportements, augmente la résilience et la résistance des individus devant l’adversité et en fait des personnes au caractère affirmé. Auprès de la jeunesse, il convient donc de soutenir les actions de formation destinées à renforcer leurs valeurs. Les jeunes sont en recherche de cadres pour se conduire, de valeurs pour se réaliser, de normes pour agir. L’amélioration des capacités du soldat augmenté passe également par la restauration d’un système de valeurs qui renforce l’environnement sociétal d’où vient le futur combattant. En augmentant l’imprégnation des valeurs sur la jeunesse, les institutions accroissent en amont la capacité des futures recrues de l’armée à résister devant l’adversité ou dans des situations difficiles. Les jeunes qui intégreront l’armée disposeront d’un corpus affermi de valeurs qui les protégera de l’anomie. En densifiant le corps social, les institutions renforcent les capacités de ses membres à résister et à se dépasser. La revitalisation des valeurs républicaines comme principe d’action individuelle et collective nourrit l’attachement patriotique d’une partie de la jeunesse. Imprégnée de ces valeurs, elle constitue pour l’armée un vivier de recrutement composé d’individus « capables ». Et pour cela, l’école y contribue.

13. Philippe V., proviseur dans un collège accueillant une classe de défense et sécurité globale (entretien réalisé le 27 février 2019 au lycée Jean-Moulin, à Angers).

14. Voir Xavier Emmanuelli et Clémentine Frémontier, La Fracture sociale, PUF, coll. « Que saie-je ? », 2002, et Alain Gabet, La Fracture sociale, Ellipses, 2002. Ce thème de la « fracture sociale » constituait, on s’en souvient, le thème principal de la campagne présidentielle du candidat Jacques Chirac en 1995.

Nicolas Zeller

Conseiller santé du GCOS, SSA.

Si les regards sur l’homme augmenté doivent être croisés, c’est bien que la question de l’augmentation des performances humaines est d’actualité et suscite nombre de réactions. Certains pensent que le courage, les valeurs d’engagement et le sens donné à l’action militaire pourraient découler d’une modification biotechnologique. D’autres voient dans l’augmentation humaine l’opportunité comptable de moduler des effectifs plus justement et d’épargner des vies humaines à la guerre ou bien alertent sur l’essence même du métier de militaire qui réside dans le don de la vie pour le bien commun, la défense et la préservation des intérêts de la nation, et pensent que pour cette raison l’apport de la technologie ne sera pertinent que plaqué sur un socle éthique et moral particulièrement solide, fruit d’une éducation militaire adaptée. D’autres encore, rompus aux opérations et ramenant le pragmatisme du terrain dans les débats, nous démontrent combien l’augmentation des performances peut être un leurre face au don de soi et à l’horreur de la guerre. Enfin, certains présentent le patriotisme comme une augmentation des performances humaines, à la façon d’un contre-pied dans ce monde inondé de technologie. Face à cette pression de la technologie, voire du tout technologique dans la question de l’augmentation humaine, la réponse ne serait-elle pas finalement la simplicité et le retour – innovant ? – de solutions déjà éprouvées par le passé ?

Pour que des avis aussi divergents se regroupent sur un thème commun, c’est qu’ils viennent d’horizons bien différents. C’est cette diversité qui fait la pertinence de leur réponse commune, qui réside dans l’enjeu institutionnel et sociétal indissociable de la question de l’augmentation des performances du soldat. Que voulons-nous comme soldats du futur ? Voulons-nous encore un soldat humain ?

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III

Partie

LA RECHERCHE D’UNE ÉTHIQUE MILITAIRE