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traitement et de la sedation palliative ?

3.1.1 Clarification terminologique

S'il est toujours souhaitable de s'entendre sur le sens des mots employés lors d'un débat, la délicate question de l'euthanasie exige un effort rigoureux. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à considérer l'euthanasie comme le geste intentionnel de provoquer la mort dans le but de mettre fin à des souffrances.2 L'euthanasie est un acte qui donne

délibérément la mort et non pas, selon son étymologie, qui procure une « mort douce ». Dans le cadre du débat encouru au Québec de 2009 à 2011, les définitions utilisées s'inspiraient d'une même source, soit le Document de consultation de la Commission spéciale sur Mourir dans la dignité qui avait elle-même forgé ses définitions à partir de l'avis d'experts. Cependant, comme ces définitions n'étaient pas satisfaisantes aux yeux de tous et, pour illustrer notre propos, nous avons jugé bon de faire état de deux glossaires d'auteurs différents qui ont senti le besoin d'adapter leurs définitions à partir du même document (celui de la Commission).

Il s'agit, premièrement, de deux spécialistes en soins palliatifs ayant des opinions divergentes sur le sujet soit, les docteurs Marcel Boisvert et Serge Daneault. Au tout début de leur ouvrage', ils ont inséré un glossaire en spécifiant bien qu'ils ont fait des ajouts et des modifications de leur cru ; deuxièmement, du réseau citoyen, Vivre dans la dignité5, qui a publié un lexique dont les définitions ont été « adaptées » du même

document de Consultation tout en considérant aussi celles du Comité sénatorial du Canada. « De la vie et de la mort. Rapport du Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide. » Ministère des approvisionnements et Service Canada, 1995.

2 Pour Le Robert, l'euthanasie est 1' « usage des procédés qui permettent de hâter ou de provoquer la mort pour

délivrer un malade incurable de souffrances extrêmes, ou pour tout motif d'ordre éthique » et pour le Larousse, elle est 1' «acte d'un médecin qui provoque la mort d'un malade pour abréger ses souffrances ou son agonie ».

3 Document de consultation de la Commission spéciale sur « Mourir dans la dignité », mai 2010, p. 10. Vous trouverez ce document dans la section « Travaux parlementaires » du site Internet de l'Assemblée nationale : www.assnat.qc.ca 4 Marcel BOISVERT et Serge DANEAULT, Être ou ne plus être. Débat sur l'euthanasie, Montréal, Éditions Voix Parallèles, 2010.

À titre indicatif, la Maison de soins palliatifs Michel Sarrazin a adopté le lexique publié par le réseau citoyen, Vivre dans la dignité, intitulé : Démystifions. Ces mots qui dérangent comme instrument de formation de son personnel et comme bulletin d'information à distribuer aux malades et aux familles éprouvées. 6

Les principaux concepts définis par le glossaire des docteurs Boisvert et Daneault correspondent au numéro (1) et ceux du Réseau Vivre dans la dignité au numéro (2).

(1) Euthanasie : Acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui, à sa demande, pour mettre fin à ses souffrances inapaisables.

On souligne le caractère compassionnel de l'acte : à la demande du patient qui n'en peut plus de souffrir.

(2) Euthanasie : acte qui consiste à provoquer directement et intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances.

Cette définition a un sens plus large : sans nécessairement le consentement du patient et peu importe que ses souffrances puissent être apaisées ou non. Retenons ce qu'il y a de commun : l'euthanasie est un acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui. Dans les deux cas, l'intention est de faire mourir. La cause du décès sera l'injection mortelle, une pilule, un cocktail létal ou autre. Selon le Code criminel canadien: commet un homicide quiconque directement ou indirectement, par quelque moyen, cause la mort d'un être humain (article 222).

(1) Suicide assisté : Fait d'aider quelqu'un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les moyens de se suicider ou de l'information sur la façon de procéder, ou les deux.

6 Lettre du Dr Michel L'HEUREUX, directeur de la Maison Michel Sarrazin, à Linda Couture, Site du Réseau Vivre dans la dignité[En ligne], www.vivredignite.com. mai 2011.

(2) Suicide assisté : Acte qui consiste à aider quelqu'un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les moyens de se suicider ou de l'information sur la façon de procéder, ou les deux.

Dans les deux cas, l'intention est d'aider une personne à se suicider. La cause du décès sera l'injection mortelle, une pilule, un cocktail létal ou autre. Selon le Code criminel, est coupable d'un acte criminel quiconque : a) conseille à une personne de se donner la mort b) aide ou encourage quelqu'un à se donner la mort (Article 241).

(1) Soins palliatifs : Soins prodigués dans une approche multidisciplinaire et destinés à soulager la souffrance, qu'elle soit physique ou psychologique (morale, spirituelle et existentielle), plutôt qu'à guérir, et dont l'objectif est le confort de la personne.

(2) Soins palliatifs : Ensemble des soins visant à soulager les symptômes et la souffrance d'une personne atteinte d'une maladie entraînant la mort à court ou à moyen terme et à aider ses proches à traverser cette épreuve. Les soins palliatifs sont dispensés à la maison ou en milieu spécialisé selon le choix du patient. L'intention est d'obtenir la meilleure qualité de vie possible pour les personnes mourantes et pour leurs proches.

Au Québec, un faible pourcentage des personnes en fin de vie ont accès aux soins palliatifs (cela varierait entre 20% et 60% selon les régions). Nombreux ont été les intervenants à demander le développement des soins palliatifs afin d'en offrir un plus grand accès au public.7

(1) Sedation palliative : Administration d'une médication à une personne dans le but de soulager sa douleur en la rendant partiellement ou totalement inconsciente. Elle est utilisée de façon appropriée pour une agonie tumultueuse.

7 Rapport de la Commission spéciale sur la question de Mourir dans la dignité, Site de l'Assemblée nationale du

(2) Sedation palliative : Acte médical qui consiste à administrer, avec l'accord du malade ou de son représentant, une médication qui cause chez lui un sommeil profond, dans le but de soulager sa douleur physique ou sa souffrance psychologique. Il s'agit d'un soin de toute fin de vie qui provoque une inconscience temporaire et réversible.

(1) Sedation terminale : Administration d'une médication à une personne, à sa demande, de façon continue, dans le but de soulager sa douleur en la rendant inconsciente jusqu'à son décès.

(2) Le réseau « Vivre dans la dignité » ne formule pas de définition spécifique mais précise ceci : Certains parlent de « sedation terminale », laissant croire que cette sedation tue le patient. La mort du patient peut survenir naturellement durant cette sedation, mais le malade meurt alors des suites de sa maladie, et non à cause de la sedation.

Dans les deux cas, l'intention est de retirer le malade de sa situation intolérable. La sedation palliative de fin de vie est réversible et ce n'est pas de l'euthanasie. Elle est donc légale. Cependant, la définition de la sedation terminale (1) tirée du glossaire de l'ouvrage des docteurs Boisvert et Daneault est ambiguë car l'expression «jusqu'à son décès » laisse entendre que la sedation est mortelle. Cela mérite une clarification pour laquelle il vaut la peine de s'arrêter.

Distinction importante entre sedation terminale et euthanasie

Dans un article Les opiacés et la sedation palliative ne tuent pas, le Dr Patrick Vinay, du Service de soins palliatifs à l'Hôpital Notre-Dame du CHUM explique :

La sedation utilisée pour contrôler des symptômes réfractaires en fin de vie ou pour extraire le malade d'une souffrance intense de nature physique ou

psychologique est suspecte pour beaucoup. Certains disent qu'elle tue lentement, que c'est une euthanasie lente. Plutôt que de parler de sedation palliative ils parlent alors de sedation terminale, laissant entendre un lien de cause à effet avec la mort.

Pourtant les études montrent que la sedation palliative normalement utilisée ne raccourcit pas la vie. Au contraire, elle rend plus confortable. Ce n'est pas le confort qui tue, mais la souffrance, la douleur, le stress et l'anxiété avec leur cortège de complications (infarctus, saignement digestif, AVC, etc.). Soulager, même en faisant dormir, permet en fait de vivre plus longtemps. C'est pourquoi la sedation est un outil précieux dans les unités de soins intensifs : la survie y est le premier souci.

Dans une cohorte multicentrique de 518 patients palliatifs, le groupe italien de Maltoni montre que la survie des patients n'est pas abrégée s'ils reçoivent une sedation palliative appropriée à leurs symptômes.

Cependant, on sait que certains praticiens donnent parfois des doses inappropriées dans le but d'abréger la vie. Tous les médicaments mal utilisés peuvent en effet tuer : est-ce le médicament qui est létal ou le prescripteur qui est dangereux ? D'aucun trouve que, même avec des doses appropriées, la ligne est mince entre sedation et euthanasie mais nombreux aussi ceux qui pensent que cette vision est en fait erronée: dans l'étude de Sprung, l'euthanasie est plus dans l'oeil de l'observateur biaisé que dans la réalité. Les Européens (l'Association Européenne de Soins Palliatifs) font désormais une distinction claire entre euthanasie et sedation palliative touchant tant les intentions instrumentées par la procédure de sedation que la procédure elle-même ou le résultat obtenu.

Il est donc important de faire clairement la distinction afin que le recours à la sedation ne soit pas assimilé à une euthanasie déguisée. D'ailleurs, depuis quelques années, le terme « sedation terminale » a été remplacé par celui de « sedation palliative » parce qu'il convient davantage aux pratiques des soins palliatifs. Il s'agit d'administrer des médicaments dans le but de soulager le patient de symptômes qui lui causent une souffrance qualifiée d'insupportable. L'inconscience qui en résulte n'est pas nécessairement totale et elle est réversible ; ce qui n'est pas le cas pour le geste euthanasique.

Selon le Dr Daneault :

Dans les milieux palliatifs que je connais, nous ne pratiquons pas de coma pharmacologique dans le but d'induire le décès parce que nous voulons éviter la malveillance créée par le fait d'infliger volontairement la mort à autrui. Dans le cas de démence sévère, je suis de ceux qui

8 Patrick VINA Y, Les opiacés et la sedation palliative ne tuent pas, Bulletin du Réseau de soins palliatifs du Québec, Volume 19, no 1, Hiver 2011.

buts sont de prolonger artificiellement la vie. 9

(1) Acharnement thérapeutique : Recours à des traitements intensifs dans le but de prolonger la vie d'une personne malade ou parvenue au stade terminal, sans espoir réel d'améliorer son état.

Cette définition nous semble floue. Elle ne fait pas de distinction entre le fait d'être simplement malade et avoir une maladie incurable, ou d'être en fin de vie. De plus, on oublie de spécifier que l'emploi de traitements intensifs peut être justifié pour traiter des cancers, parfois jugés incurables, avec de bonnes chances de réussite.

(2) Acharnement thérapeutique : Recours à des traitements disproportionnés ou extraordinaires afin de prolonger la vie d'une personne malade au stade terminal, sans espoir réel d'améliorer son état. L'alimentation et l'hydratation sont considérées soit comme des soins ordinaires soit comme des traitements disproportionnés (selon les situations).

On fait appel au jugement, au discernement et à la proportionnalité. Cela suppose l'évaluation des avantages et inconvénients de chaque cas traité.

Principe d'autonomie reconnu par la loi

Le Code civil reconnaît à chaque personne le droit de prendre les décisions qui ont des conséquences pour elle. Cette règle s'applique même si le refus ou l'arrêt de traitement entraîne la mort. Au Canada et au Québec, ce droit est enchâssé dans la loi (cf. Nancy B. c. l'Hôtel Dieu de Québec, 1992). Le refus de traitement ou l'arrêt de traitement ne sont ni de l'euthanasie ni du suicide. Ils sont tous deux légaux et répondent au choix du malade. Ce choix est réversible. Le refus ou l'arrêt consensuel de traitement sont des soins de fin de vie appropriés.

(1) Refus de traitement : Fait, pour une personne, de refuser de recevoir des traitements susceptibles de la maintenir en vie.

(2) Refus de traitement : Décision du malade ou de son représentant de refuser un traitement qui lui est proposé, en fonction de son évaluation des avantages et des inconvénients potentiels de ce traitement pour le malade. Une personne peut refuser de plein droit de recevoir des traitements même si ceux-ci sont susceptibles de la maintenir en vie. Par exemple, une personne peut refuser de recevoir des traitements de chimiothérapie, une chirurgie, ou tout autre traitement. La personne meurt alors naturellement des suites de sa maladie et non pas du refus de traitement.

(1) Arrêt de traitement : Fait de cesser des traitements susceptibles de maintenir la vie.

(2) Arrêt de traitement : Décision conjointe du médecin et du malade ou de son représentant d'interrompre un processus de soin en cours, en fonction des avantages et des inconvénients potentiels de ce processus pour le malade.

Une personne peut choisir de cesser des traitements susceptibles de la maintenir en vie. Par exemple, une personne soutenue artificiellement par un appareil peut demander de débrancher celui-ci. La personne meurt alors naturellement des suites de sa maladie et non pas de l'arrêt du traitement. La définition au numéro (2) est plus nuancée. L'accent est mis sur la décision du malade et sur l'évaluation objective de sa situation. La décision suppose un suivi médical et un effort de discernement de la part du malade et de son médecin. On ne fait pas appel aux valeurs morales et religieuses du malade et du soignant mais de l'évaluation des avantages et inconvénients du traitement pour le malade.