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Dignité et euthanasie : peut-on justifier l'euthanasie et le suicide assisté au nom de la dignité humaine?

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DIGNITE ET EUTHANASIE

Peut-on justifier l'euthanasie et le suicide assisté au

nom de la dignité humaine ?

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en philosophie

pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.)

FACULTE DE PHILOSOPHIE UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2012

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La raison d'être de la culture, c'est la vie. Les demandes en faveur de l'euthanasie contredisent les fondements de la culture démocratique et du premier devoir de l'État de protéger la vie et de garantir la sécurité de tous. La culture de la mort s'oppose à la solidarité, au respect inconditionnel de la vie, à la volonté de ceux qui sont prêts à renoncer à certains avantages et à certains droits en faveur des plus vulnérables. La culture de la mort est l'effet de l'effondrement éthique de la société et de l'acquisition d'un nouveau pouvoir sur la vie rendu possible par la science moderne. En comparaison avec d'autres époques, nous possédons aujourd'hui plus de connaissances et de moyens techniques dont nous sommes responsables. Apprendre à les assumer en générant un authentique changement culturel respectueux de la dignité humaine est notre défi actuel.

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« Toute personne, quel que soit son handicap, sa déchéance, ses découragements, conserve toute sa place au sein de la société : il n'y a pas de limite à la dignité humaine. » M. Pavageau, discours du 6 juin 2008, à l'occasion de la remise des insignes d'officier de l'Ordre du mérite

C'est à toutes ces personnes qu'est dédié le présent mémoire. Merci au professeur Thomas De Koninck pour ses encouragements !

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Table des matières

Résumé I Dédicace II

Table des matières III

INTRODUCTION 1

SECTION 1 : DEBAT AUTOUR DE LA QUESTION « MOURIR DANS LA DIGNITE »... 3

1. Pourquoi une commission parlementaire au Québec 3 2. L'euthanasie et le suicide assisté dans le contexte juridique 5

3. Principaux arguments favorables à la légalisation 9

4. Principaux arguments défavorables à la légalisation 11

SECTION 2 : QUESTIONS SUSCITEES PAR LE DEBAT 17 1. La position du Collège des médecins et de la Fédération des médecins

spécialistes du Québec 18 2. Le vrai malaise des médecins 21 3. La position du Barreau du Québec 22 4. Formulation d'autres questions 25

SECTION 3 : REPONSES 29

3.1 Est-ce que le mot euthanasie veut dire la même chose pour tout le monde ? En

quoi se distingue-t-il de l'arrêt de traitement et de la sedation palliative ? 29

3.1.1 Clarification terminologique 30 3.1.2 Considérations éthiques 37

1) Euthanasie active et passive 37 2) Maintien des soins de base : l'hydratation et l'alimentation artificielle 38

3 ) Différence essentielle entre euthanasie et retrait de traitement 39 4) L'arrêt de traitement et la sedation palliative ne sont pas de l'euthanasie 41

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3.2 Comment faire pour assurer aux personnes en fin de vie les soins les plus appropriés possibles pour mourir dans la dignité ? Que veut dire au juste « mourir

dans la dignité » ? 44 3.2.1 De qui viennent les demandes d'euthanasie ? 44

3.2.2 Le défi de la souffrance 46 3.2.3 Malaise des médecins face à la souffrance 48

3.2.4 Trouver un sens à la souffrance 51 3.2.5 Que veut dire « mourir dans la dignité » ? 54

3.2.6 La valeur de l'amitié 56 3.2.7 La souffrance : épreuve suprême de la liberté 59

3.2.8 Conclusion : Soulager et accompagner pour mourir dans la dignité 60 3.3 Pourquoi changer le sens des mots en parlant de « soin de fin de vie » ou « d'aide

médicale à mourir » au lieu d'euthanasie et de suicide assisté ? 62 3.3.1 Deux positions exprimées par des Ordres professionnels concernés par le sujet

nous aideront à illustrer les enjeux de la question 62

3.3.2 Difficultés de la part du patient 64 1) Est-il toujours possible pour le patient de choisir le moment de sa mort

avec assistance médicale ? 64 2) Qu'en est-il du consentement libre et éclairé ? 65

3) Le respect de la volonté du patient 68 3.3.3 Difficultés de la part du médecin 68

1) Comment évaluer qu'une douleur soit intolérable 68

2) L'utilisation de la psychiatrie 69 3) Complexité de la gestion des soins en fin de vie 70

3.3.4 « L'aide médicale à mourir » s'oppose à l'éthique des soins palliatifs 71

3.3.5 L'expérience des dérives 72 3.3.6 Conclusion : l'euthanasie peut-elle être assimilée aux soins en fin de vie ? 73

3.4 Est-il éthiquement acceptable d ' a u t o r i s e r une personne à en t u e r une a u t r e même lorsque cette d e r n i è r e est consentante? A u t r e m e n t dit,

existe-il un droit à la mort ? 74 3.4.1 Le droit à la mort est-il un droit ? 74 3.4.2 Reconnaissance universelle de la dignité 76

3.4.3 S'appuyer sur la dignité humaine entendue comme qualité de vie contredit la

Déclaration universelle des droits de l'homme 77 3.4.4 S'appuyer sur le principe d'autodétermination de la personne contredit la

responsabilité envers les plus vulnérables 80 3.4.5 Est-il légitime de légaliser l'euthanasie et le suicide assisté pour des cas

exceptionnels? 87 3.4.6 Le droit à la mort renvoie à la problématique du suicide 90

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3.5 La légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté est-elle cohérente avec la

prévention du suicide ? 93 3.5.1 Différence entre suicide assisté et euthanasie 93

3.5.2 Le suicide, comme expression de liberté 94 3.5.3 Conclusion : Le suicide assisté et la mort sous contrôle, un profond paradoxe 98

SECTION 4 : Peut-on justifier «l'euthanasie et le suicide assisté» au nom de la

dignité humaine ? 101 1. Une solution au fardeau économique 101

2. Un plan de fin de vie serait-il une occasion en or pour certains ordres

professionnels? 105 CONCLUSION 107 BIBLIOGRAPHIE 109

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Le débat autour de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté exige d'apporter une attention sérieuse et profonde sur ses enjeux pour l'avenir de la société. Les résultats des sondages faits auprès de la population en général ainsi qu'auprès des professionnels de la santé révèlent une confusion dans l'usage des termes employés.

Un premier constat est la nécessité, voire l'urgence, de fournir des précisions sur les concepts et sur l'éthique des soins en fin de vie spécialement à ceux qui traitent des malades incurables. Selon plusieurs experts, l'approbation de l'euthanasie pourrait s'interpréter davantage comme le refus de l'acharnement thérapeutique que comme la revendication du geste de « donner la mort » .

Un deuxième constat, qui relève davantage de la philosophie que de la médecine, est l'importance d'entreprendre une réflexion renouvelée sur les termes de dignité humaine, d'autonomie, de liberté et de « mourir dans la dignité » dans un contexte de positivisme juridique et de relativisme éthique. Le fait, par exemple, que la demande de « mourir dans la dignité » s'identifie avec la revendication de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté nous semble être problématique.

Notre recherche se veut être une tentative de réponses à la question : Peut-on justifier l'euthanasie et le suicide assisté au nom de la dignité humaine ? Nous

l'examinerons dans le contexte du débat encouru au Québec à l'occasion de la Commission Parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité qui s'est avéré un bon exemple de cristallisation de ses problèmes et de ses enjeux. Nous sommes conscients des limites de cette méthode mais nous avons observé par ailleurs que l'argumentation sur la question est semblable dans bien d'autres parties du monde.

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Le débat sur les soins de fin de vie, l'euthanasie et le suicide assisté a cours au Québec depuis les années 1980. Il a refait surface avec force à l'automne 2009 lorsque le Collège des médecins a présenté un document de réflexion dans lequel il posait le problème en des termes différents. Pour le Collège, l'aide médicale à mourir devrait, en certaines circonstances, être considérée comme un soin approprié dans un continuum de soins de fin de vie, tout comme le sont l'arrêt de traitement, l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles et la sedation palliative.

En même temps que le Collège des médecins publiait ce document de réflexion, les fédérations des médecins spécialistes et des médecins omnipraticiens du Québec rendaient publics des sondages menés auprès de leurs membres. Les résultats montraient un appui avoisinant les 70 % à l'aide médicale à mourir en certaines circonstances, ce qui rejoint sensiblement les résultats obtenus depuis de nombreuses années au sein de l'ensemble de la population. Au Canada, le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des dix provinces canadiennes se fait comme suit : d'une part, le Code criminel canadien prévoit que l'euthanasie et le suicide assisté sont des actes criminels. Or, seul le gouvernement central peut modifier le Code criminel. Un projet de loi visant à le modifier pour autoriser l'aide médicale à mourir en certaines circonstances a d'ailleurs été rejeté par le gouvernement fédéral en 2010.

D'autre part, il appartient aux provinces d'assurer l'application du droit criminel. Ainsi, les décisions de porter des accusations et d'engager des poursuites criminelles et pénales relèvent du Procureur général de chaque province. Il faut noter que, depuis une vingtaine d'années, les poursuites en la matière sont rares et que les sentences rendues par les tribunaux canadiens sont souvent légères, voire symboliques.

Par ailleurs, le domaine de la santé relève de la compétence des provinces. La Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec et les codes de déontologie des

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pourrait agir en faisant en sorte que l'aide médicale à mourir en certaines circonstances soit considérée comme un soin et non comme un homicide.

C'est dans ce contexte que, le 4 décembre 2009, les parlementaires des formations politiques représentées à l'Assemblée nationale du Québec adoptaient à l'unanimité une motion afin de mettre sur pied une commission spéciale itinérante. Le mandat de cette commission était d'étudier les enjeux entourant les conditions et les soins de fin de vie, notamment les questions relatives aux soins palliatifs et à l'aide médicale à mourir (autrement dit, à l'euthanasie et au suicide assisté). Après avoir entendu une trentaine d'experts, la Commission publiait en mai 2010 un document de consultation : 3 400 copies papier du document ont été distribuées en plus d'avoir été lues par on ne sait combien de milliers de personnes sur son site Internet. La Commission a par la suite reçu 273 mémoires et plusieurs demandes d'intervention sans mémoire. Une centaine de personnes se sont présentées spontanément lors des périodes de micros ouverts. Plus de 7 000 personnes ont utilisé le site Internet de la commission pour répondre à un questionnaire détaillé et pour faire leurs commentaires. Les travaux de la Commission ont connu un important succès en termes de couverture médiatique avec de nombreux articles dans les journaux, des émissions spéciales dans les médias électroniques, de nombreuses entrevues accordées par les membres de la Commission, etc. Il s'agit de l'une des consultations générales ayant suscité le plus d'intérêt si l'on tient compte qu'une bonne consultation reçoit généralement une cinquantaine de mémoires.

Avant de remettre son rapport au gouvernement au début de l'année 2012, une délégation s'est rendue en Belgique et en Hollande pour vérifier l'exactitude des études alarmantes qui rapportaient des dérapages dans ces deux pays. Aussi, les commissaires sont également allés en France afin de mieux comprendre les raisons qui ont motivé le Sénat français à ne pas approuver un projet de loi en faveur de l'euthanasie en janvier 2011.

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Selon un article paru sur le site The Canadian Bar Association , au sens moderne du terme, l'euthanasie est un acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui dans le but de mettre fin à ses souffrances. Pendant longtemps, on a fait la distinction entre euthanasie active et euthanasie passive. Dans le premier cas, elle suppose le geste d'un tiers qui donne la mort, alors que l'euthanasie passive consiste à arrêter les traitements qui prolongent la vie par des techniques artificielles. On laisse ainsi la maladie suivre son cours.

Pour certains juristes, le terme euthanasie passive est impropre car il ne s'agit pas d'euthanasie comme tel mais du droit de tout individu d'arrêter ou de refuser les soins. En effet, au début des années 1990, la réforme du Code civil a réaffirmé clairement la nécessité d'obtenir le consentement libre et éclairé de la personne avant d'entreprendre tout traitement ainsi que le droit d'arrêter les soins. Elle a consacré les principes d'autonomie, d'inviolabilité et d'intégrité de la personne. Comme le recours à ces termes engendrait de la confusion, le consensus actuel est d'utiliser simplement le terme euthanasie, dépouillé de ses qualificatifs, pour désigner le geste délibéré de provoquer la mort.

Le crime d'euthanasie n'est pas défini dans le Code criminel canadien. Il se rattache néanmoins à plusieurs autres infractions en fonction de l'acte posé, tel le meurtre ou l'homicide involontaire, l'infraction d'aider, d'encourager ou de conseiller quelqu'un à se donner la mort, voies de fait (simples ou armées causant des lésions corporelles graves), négligence criminelle, infraction d'administration d'une substance délétère (empoisonnement).

Au niveau de la jurisprudence, une des décisions qui consacre le crime d'euthanasie est la célèbre cause de la Cour Suprême du Canada concernant l'affaire

1 Indra BALASSOUPRAMANIANE, Euthanasia: The debate is far from aver. Site du Canadian Bar Association, [En ligne]. http.7/.www.cba.ore (page consultée le 30 mai 2011 )

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amyotrophique afin de faire déclarer invalide l'article 241 (b) du Code criminel, qui criminalise l'aide au suicide. Mme Rodriguez soutenait que l'article 241(b) du Code criminel violait ses droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.

Plus particulièrement, elle se plaignait que lui refuser l'accès à l'aide au suicide portait atteinte à ses droits constitutionnels garantis en vertu des articles 7, 12 et 15 de la Charte (c'est-à-dire le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, auquel on ne peut porter atteinte qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale, le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités, et le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi). La Cour Suprême du Canada a rejeté l'appel dans une décision de cinq juges contre quatre en concluant que l'article 241, alinéa b) du Code Criminel se conformait aux principes de justice fondamentale garantis par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Cependant, dans la même foulée, le Procureur général de la Colombie-Britannique présentait des lignes directives relatives aux accusations portées contre des personnes qui, par compassion, aident un malade à mourir. Aux termes de ces lignes directrices, les procureurs de la Couronne devaient approuver la poursuite dans les seules causes où la déclaration de culpabilité est probable et où la poursuite est dictée par l'intérêt public. Dans le même sens, bien que le suicide assisté demeure illégal, le Procureur général de l'Angleterre et du pays de Galles donnait, en février 2010, de nouvelles directives énonçant vingt-deux facteurs pour déterminer si une personne complice d'un suicide sera portée devant la justice.

Par ailleurs, la législation canadienne condamne également le meurtre par compassion. Le cas de l'affaire Latimer illustre ce principe. En octobre 1993, Robert Latimer, 44 ans, un fermier de Saskatchewan, tue sa fille Tracy par empoisonnement à

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Après une saga judiciaire, le 18 janvier 2001, la Cour Suprême du Canada a condamné Robert Latimer à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant dix ans. Selon la Cour, « la sentence n'est ni cruelle, ni inusitée, ni disproportionnée pour le crime le plus grave en droit, celui de meurtre ». Depuis décembre 2010, monsieur Latimer est sous libération conditionnelle complète.

Concrètement, c'est l'intention criminelle qui a été prise en compte pour déterminer la culpabilité de l'individu, et non le motif de son geste. Son intention était de tuer et son motif, de faire cesser la souffrance. Le fait qu'il ait agi par compassion dans le but d'abréger les souffrances d'une malade n'a pas eu d'influence sur la reconnaissance de sa culpabilité.

La législation en Grande-Bretagne, et plus généralement, celle des instances européennes, se rapproche sensiblement de la position adoptée par le Canada. La décision rendue par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans l'affaire Diane Pretty c. Royaume Uni s'aligne sur celle de la Cour Suprême du Canada. Atteinte d'une maladie degenerative, clouée dans un fauteuil roulant, Diane Pretty était nourrie par un tube et communiquait au moyen d'un petit ordinateur portable. Elle souhaitait mourir au moment de son choix pour éviter les souffrances et la perte de dignité que sa maladie entraînait dans sa phase terminale. Elle a demandé que son mari puisse l'aider à mettre fin à ses jours sans encourir la peine de prison de quatorze ans prévue au Royaume-Uni, où le suicide assisté est un crime.

La Chambre des Lords, juridiction suprême, ayant refusé de garantir cette immunité, Madame Pretty a porté l'affaire devant la CEDH en invoquant notamment que la prohibition du suicide assisté édictée par le droit britannique enfreignait les droits garantis par l'article 2 (droit à la vie) de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention).

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Le 29 avril dernier 2002, les sept magistrats de la CEDH ont unanimement conclu que la loi britannique, sanctionnant lourdement l'aide au suicide, est conforme aux droits garantis par la Convention. Ils ont notamment énoncé que l'article 2 de la Convention ne peut être interprété comme un « droit de mourir » et qu'au contraire, il appartient à l'État de « protéger la vie ».

Par ailleurs, la Suisse prévoit dans son Code pénal une disposition qui interdit l'aide au suicide, sauf si cette aide est procurée sans motif égoïste. Le suicide assisté est donc dépénalisé, s'il est démontré qu'il n'a donné aucun bénéfice direct ou indirect à l'assistant.

Aux États-Unis, l'État de l'Orégon en 1997 et celui de Washington en 2009 ont légalisé le suicide assisté avec des conditions similaires.

Si la tendance générale de plusieurs démocraties occidentales, dont la France en janvier 2011, est de condamner l'euthanasie et l'aide au suicide, trois pays se distinguent de cette position. Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ont en effet légiféré pour légaliser l'euthanasie lorsqu'elle est pratiquée dans certaines conditions. De ces trois pays, seule la Belgique n'approuve pas le suicide assisté. La loi néerlandaise, adoptée en avril 2001, est entrée en vigueur le 1er avril 2002, la loi belge, adoptée en mai 2002, est en application depuis le 20 septembre 2002 et celle du Luxembourg est entrée en vigueur le jour même de son adoption, soit le 16 mars 2009. Ces trois lois dépénalisent l'euthanasie, c'est-à-dire l'intervention destinée à mettre fin à la vie d'une personne à sa demande expresse, lorsqu'elle est pratiquée par un médecin qui respecte certaines conditions. Elles instituent des procédures de contrôle : tout médecin qui pratique un tel acte doit établir un rapport à transmettre subséquemment à une commission ad hoc.

Celle-ci réunit des médecins, des juristes et des spécialistes des questions éthiques. La commission de contrôle vérifie que l'euthanasie a eu lieu dans les conditions fixées par la loi et lorsque ce n'est pas le cas, elle informe le ministère public. Les trois législations (Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) reconnaissent également la validité des demandes anticipées d'euthanasie, permettant ainsi à des médecins de pratiquer des

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3. Principaux arguments favorables à la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté

1) Au nom de l'autonomie et de la dignité humaine, l'appréciation de la qualité de son existence revient ultimement à la personne elle-même. Celle-ci a le droit de décider quand et comment elle mourra si elle considère ses conditions de vie intolérables. Abréger, à sa demande, les souffrances d'une personne dont l'agonie perdure, est un acte de compassion et de solidarité humaine.

Les risques d'abus et de dérapage peuvent être contrôlés par un encadrement strict de la loi et un effort d'information et de sensibilisation du public. C'est notamment la position de l'association « Dying with dignity » représentée par Cathy St. John. Elle explique la mission de cet organisme :

C'est une association à but non lucratif qui a pour objectif d'offrir aux Canadiens une meilleure fin de vie en respectant leurs désirs, valeurs et croyances. À cette fin, nous mettons essentiellement l'accent sur l'information et l'éducation de l'individu afin qu'il détermine et choisisse lui-même sa fin de vie en fonction des différentes possibilités qui lui sont offertes.3

En d'autres termes, la volonté expresse de l'individu est primordiale, mais l'accent est mis sur l'information afin de s'assurer que la décision est prise en connaissance de cause : « La décision de mourir doit être l'ultime choix après avoir exploré toutes les autres avenues : soins intensifs, traitements pour soulager la douleur, etc. »

Pour Yvon Bureau, travailleur social, l'aide au suicide ne doit être autorisée que pour une catégorie de personnes, c'est-à-dire, celles qui sont en phase terminale :

3 Indra BALASSOUPRAMANIANE, Euthanasia: The debate is far front over, Site du Canadian Bar Association, [En ligne]. http://.www.cba.org (page consultée le 30 mai 2011)

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Le mot important est irréversible. En d'autres termes, est-ce que la personne est en train de mourir et ce processus est-il irréversible? C'est ce que l'équipe interdisciplinaire doit déterminer avant de prendre une quelconque décision. C'est pourquoi, je ne parle pas d'euthanasie mais d'interruption volontaire de l'agonie irréversible et cela de façon médicalement assistée. Dans ce cas, on ne peut parler de meurtre car on n'a fait que devancer la mort afin de permettre au malade de mourir paisiblement, dans la dignité et dans un corps calme et serein.

2) L'encadrement légal de l'euthanasie et du suicide empêcherait les pratiques clandestines et préviendrait les risques d'abus. Étant donné que les sentences rendues par les tribunaux dans ces causes sont souvent légères, voire symboliques, une modification des mesures législatives permettrait à la loi d'être plus conforme à la réalité de la pratique juridique. C'était l'avis du Barreau du Québec et de la Chambre des Notaires du Québec.5

Afin d'éviter les risques d'abus et de dérapage, Yvon Bureau préconise l'intervention d'un comité d'éthique ou une équipe interdisciplinaire :

L'aide au suicide doit être permise dans certaines circonstances et dans un cadre de pratique très strict. Comme la fin de vie est un domaine délicat, la décision finale ne doit pas, selon moi, être uniquement laissée entre les mains du patient ou de son médecin.

Elle doit être prise dans la collégialité et faire l'objet d'un travail avec une équipe interdisciplinaire ou un comité d'éthique composé de médecins, juristes, hommes de spiritualité et praticiens de toute profession. Un tel encadrement peut prévenir tout risque d'abus. 6

3) La légalisation de l'aide à mourir pourrait rassurer les personnes qui craignent qu'on s'acharne à les garder en vie, une fois qu'elles en ont assez de souffrir. Selon le Rapport de synthèse de l'Association Henri-Capitant au Symposium des Journées suisses

"Idem.

5 Mémoire du Barreau du Québec, Pour des soins de fin de vie respectueux des personnes, septembre 2010.

Mémoire de la Chambre des notaires du Québec, septembre 2010. Commission parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnat.qc.ca

6 Indra BALASSOUPRAMANIANE, Euthanasia: The debate is far from over, Site du Canadian Bar Association, [En ligne]. http://.www.cba.org (page consultée le 30 mai 2011)

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de 2009 : « L'euthanasie volontaire, c'est la liberté retrouvée et la consécration de la gestion individualisée de la destinée humaine. » 7

4) Comme l'arrêt et le refus de traitement sont éthiquement acceptés même s'ils peuvent entraîner la mort, on se demande pourquoi continuer à criminaliser l'euthanasie et le suicide assisté puisque le résultat (la mort) est le même.

5) Les soins palliatifs ont une accessibilité limitée ; ils sont surtout destinés aux cancéreux en phase terminale. II arrive aussi qu'on ne parvienne pas à soulager complètement les mourants. L'euthanasie balisée devrait donc faire partie des soins appropriés en fin de vie pour tous, au même titre que les soins palliatifs.

6) Les soins palliatifs et l'aide à mourir ne s'opposent pas. Dans les pays où l'euthanasie est légalisée, l'accès aux soins palliatifs et la formation des professionnels de la santé en cette matière se sont améliorés.

7) L'argument de la pente glissante présuppose qu'il y aura dérive du côté des soignants et des administrateurs du réseau de la santé, ce qui est impensable. D'une part, les milieux de soins sont par définition bienveillants et bienfaisants. D'autre part, le corps médical, les familles et les médias dénonceraient rapidement de telles dérives.

4. Principaux arguments défavorables à la légalisation de

l'euthanasie et du suicide assisté

1) Les risques de dérapage et d'abus sont parmi les principaux arguments invoqués. C'est notamment la position défendue par Margaret Somerville, professeure et directrice du Centre d'Éthique médical et de Droit à l'Université McGill:

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Je ne pense pas que la légalisation de l'euthanasie soit une mesure salutaire. Je pense que cela est extrêmement dangereux car il est très difficile d'établir la frontière. Aux Pays-Bas, par exemple, plusieurs centaines de personnes sont tuées par injection chaque année sans même le savoir. Les médecins leur font croire que c'est pour soulager leur douleur alors qu'ils sont en train de les euthanasier! C'est très inquiétant. Même si l'euthanasie est étroitement encadrée par la législation, il y a toujours des risques de dérapage et d'abus. C'est pourquoi ma position est de l'interdire, purement et simplement. 8

2) Le fait de légaliser ces pratiques revient à nier le caractère sacré de la vie et risque de banaliser un geste, celui de donner la mort. Peu importe sa condition, chacun de nous est porteur d'une dignité propre et inaliénable au fait d'être un humain.

Ainsi parle le professeur (Université Laval) et philosophe Thomas De Koninck : « Le visage humain et la responsabilité qu'il engage obligent au contraire au respect absolu de la dignité inaliénable de tout être humain quel qu'il soit, à tout instant de sa

9 vie. »

3) Une pression indue pourrait être ressentie par les personnes malades les plus vulnérables. Elles pourraient réclamer qu'on les aide à mourir parce qu'elles redoutent d'être un fardeau pour leur entourage et pour la société. Dans un contexte de fin de vie, on se demande s'il est vraiment possible de prendre des décisions libres et éclairées. Des motivations autres que la compassion pourraient être en jeu (héritage, pressions morales ou financières).

4) La relation de confiance entre le patient et son médecin pourrait être ébranlée. Si l'euthanasie est une option, on craint que le médecin ne fasse pas tout pour soigner et accompagner son patient jusqu'à sa mort naturelle. La légalisation pourrait réduire encore plus les capacités de communication dans la relation patient-médecin, lesquelles sont déjà souvent fort déficientes.

8 Margaret SOMERVULE, citée dans l'article d'Indra BAI^SSOUPRAMANIANE, Euthanasia: The debate is far from over, Site du Canadian Bar Association, [En ligne], http://.www.cba.org (page consultée le 30 mai 2011)

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L'existence de la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie peut aussi périlleusement simplifier la communication entre les médecins et les patients mourants, particulièrement quand leurs conversations sont centrées sur une requête de mort de la part de la personne mourante. Certains observateurs du domaine de la psychiatrie ont noté que la disponibilité légale de l'euthanasie comme option médicale résulte en une perte de la part du médecin des connaissances sur la manière de transiger avec les pensées suicidaires des personnes gravement malades. Les conversations entre les médecins et les patients sur l'origine et la signification de 1'ideation suicidaire ainsi que sur les moyens pouvant aider ces malades à découvrir des forces adaptives pourront tout simplement ne jamais survenir.10

5) L'euthanasie s'oppose à la philosophie des soins palliatifs. Pour le Dr Dallaire, spécialiste en soins palliatifs :

Le geste d'euthanasie n'est ni un soin approprié, ni un soin tout court. Ce geste s'oppose à la philosophie de la médecine et des soins palliatifs qui fait la promotion d'une qualité de vie optimale pour permettre d'utiliser au mieux le temps qui reste. Ne pas hâter la mort, ne pas prolonger l'agonie. Donner au malade tout son temps. Il est incompatible avec le processus d'accompagnement car il détruit la communication et la relation. Il nuit à l'engagement professionnel et bénévole. Il dévalue la vie des personnes et contribue à la perte du sens de la vie d'une communauté. Introduire ce geste dans l'espace palliatif fragiliserait cet espace social précieux et pourrait même en provoquer l'éclatement.

6) II existe d'autres moyens de venir en aide aux personnes en fin de vie, notamment par la bonification des ressources dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée et des services de soins palliatifs. La légalisation de l'euthanasie pourrait mener à une baisse de l'offre et des investissements en recherche dans le domaine des soins palliatifs et du soulagement de la douleur. Elle risquerait de devenir la voie d'évitement des médecins qui souffrent de voir souffrir leurs patients quand leurs moyens sont de plus en plus limités.

Les expériences difficiles de fin de vie, que vivent encore de nombreux patients du Québec et leurs proches, continuent de miner la confiance dans le

10 David ROY, Palliative Care and Euthanasia: a Continuing Need to Think Again. Journal of Palliative Care, 2002, 18 (1) : 3-5.

11 Michelle DALLAIRE, Soins palliatifs et euthanasie : un esprit et des gestes inconciliables, Mémoire à la Commission parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne]. www.assnat.qc.ca ,16 juillet 2010, p. 4.

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système de santé, poussant un grand nombre à envisager des solutions comme l'euthanasie et l'aide au suicide, solutions auxquelles ils ne penseraient pas si nous disposions de soins palliatifs compétents et accessibles. En effet, les patients en soins palliatifs font très rarement des demandes d'euthanasie et le plus souvent il s'agit d'appels à l'aide. Nous recevons plutôt des témoignages éloquents de gratitude en reconnaissance des services rendus. Les familles sont profondément touchées par tous ces soins qui permettent à leur être cher de mourir sereinement.

12

Également, selon le Dr Serge Daneault

Une étude menée auprès de médecins hollandais précise qu'au moins la moitié d'entre eux préféreraient de pas recevoir de demandes d'euthanasie en raison de la trop grande charge émotive que de telles demandes impliquent. Dans un système où l'euthanasie sur demande serait permise, je soutiens que les médecins auraient tendance à y recourir non pas « par empressement » mais de guerre lasse, puisqu'ils vivent cruellement l'absence de moyens dont ils ne disposent pas pour soulager efficacement la souffrance apportée par la maladie grave. Que feront les soignants brisés par la souffrance que le système les empêche de soulager, lorsque la possibilité de faire taire le souffrant en 15 minutes leur sera offerte ?

7) Dans les pays où l'aide à mourir est légalisée, le nombre de requêtes pour une telle aide est limité. Alors, pourquoi devrait-on changer les lois et courir le risque de dérives pour satisfaire le souhait d'une minorité ? La loi est faite pour régir la vie en société. Elle doit protéger le bien commun et non pas accommoder seulement l'exception représentée par quelques cas particuliers et extrêmes, très souvent hautement médiatisés, au risque de nuire à l'ensemble.

Louis-André Richard, professeur de philosophie au Cégep Ste-Foy et chargé de cours à l'Université Laval, explique :

[...] c'est ce que j'ai fini par appeler la tyrannie de l'exception... On assiste, dans ces débats, à la présentation de mille et un cas particuliers,... Mais il faut savoir respecter la place que ce témoignage occupe. Si je suis parlementaire ou dans un exercice qui vise à encadrer l'art de vivre en commun, il me semble

12 Idem.

13 Marcel BOISVERT et Serge DANEAULT, Être ou ne pas être. Débat sur l euthanasie, Montréal, Éditions Voix Parallèles, 2010, p.132.

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l'exception de manière globale, je vais changer la loi ou, pire encore, je vais mettre la loi en porte-à-faux, puisque ce n'est pas une juridiction provinciale, je vais mettre la loi en porte-à-faux et je vais initier une pratique contraire à la loi sous le vocable de «soins pertinents en fin de vie», donnant une latitude aux médecins qu'ils n'ont pas besoin d'avoir. Ce qui n'empêchera jamais, dans la vraie vie, des occasions où, dans la chambre de quelqu'un, une vie va s'éteindre plus rapidement ou différemment, sans que ce soit un acte euthanasique. Je répète, donc, quand on est en face d'un cas singulier, quand on appelle une exception, il ne faut jamais en faire, je crois, un cas de figure pour changer la loi ou le cadre et le règlement. '

Après une analyse indépendante exhaustive des quelques 427 mémoires et présentations orales à la Commission, les résultats des consultations québécoises sur la question de Mourir dans la dignité ont été publiés sur le site du Réseau Vivre dans la Dignité. Les chiffres sont clairs : 99 % considèrent que les soins palliatifs constituent le

choix digne pour les Québécois en fin de vie, 60 % sont totalement opposés à l'euthanasie et au suicide assisté, seulement un tiers (34 %) des personnes qui ont participé aux auditions sont favorables à l'euthanasie.15

14 Louis-André RICHARD, audition de la Maison Michel-Sarrazin devant la Commission parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité, Journal des débats, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnat.qc.ca ,26 octobre 2010.

15 http://www.vivredignite.com/docs/conimunique fïn.pdf. Site du Réseau Vivre dans la dignité, [En ligne]. www.vivredignite.com. publié lel6 novembre 2011.

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SECTION 2 : Questions suscitées par le débat

Au-delà des arguments favorables et défavorables, plusieurs questions de fond subsistent et méritent une attention sérieuse. Pour Margaret Somerville, la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté est une menace aux deux institutions qui, depuis toujours, maintiennent l'unité de la société en étant au service de la vie humaine soit, la Médecine et le Droit.

The strongest arguments against euthanasia are at the institutions and societal levels. What euthanasia would do to society and to the institutions of Medicine and Law in fifty years? We cannot play on words. Euthanasia means to kill a patient. Look at the military literature. We have a natural instinct not to kill other human in close contact. Legalizing euthanasia will affect the whole ETHOS of society. We do not kill each other. '

Robert Spaemann partage la même opinion :

Même la mort, quand bien même elle est naturelle, reste un événement inséré dans des rites de solidarité humaine. Celui qui, de sa propre autorité, veut sortir de cette communauté, doit le faire tout seul. Demander à d'autres de le faire, et surtout à des médecins dont l'ethos est défini par le service de la vie, pour l'aider à sortir de son propre gré de cette société, c'est là détruire le fondement de toute solidarité. C'est attendre que l'autre dise : « Tu ne dois plus exister. » Cette attente est une monstruosité. 2

En effet, la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté est avant tout un problème éthique puisqu'elle implique le déplacement du curseur d'un interdit fondamental dans la poursuite du bien commun, celui de ne pas tuer une autre personne. Il s'agit de légitimer un geste (le meurtre) qui est proscrit dans toutes les sociétés civilisées et qui engage la responsabilité de celui qui le pose. Car, pour euthanasier, il faut premièrement quelqu'un d'autre que soi-même (un tiers) pour provoquer la mort ; dans la question qui nous occupe, il faut un médecin; deuxièmement, un cadre juridique qui donne son aval en légitimant le geste de « tuer » ; troisièmement, un législateur qui,

1 Margaret Somerville, Living with dignity when dying, audition devant la Commission parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité, Journal des débats, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnat.qc.ca. 14 octobre 2010.

2 Robert SPAEMANN, « U n'y a pas de bonne façon de tuer », in F-X. Putallax. B. Schumacher, L'humain et la personne, du Cerf; 2008, p.71.

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recherchant le consensus, adopte une morale compassionnelle au lieu d'être guidé par la recherche du bien commun. Du moment où les deux grands piliers sur lesquels reposaient nos sociétés, la Médecine et le Droit, donnent une réponse affirmative aux demandes d'euthanasie et de suicide assisté, les conséquences ne seront pas sans affecter l'éthique de toute la société. On entrevoit déjà le renversement possible des rôles traditionnels de la Médecine et du Droit qui passeraient du service à la vie au service à la mort et par conséquent, de l'affaiblissement de l'engagement éthique pour la vie qui régissait, jusqu'à nos jours, les rapports humains.

Afin d'y voir plus clair, attardons-nous d'abord à exposer les positions des principaux acteurs du débat soit les représentants de la Médecine et du Droit. Nous serons mieux à même de formuler quelques questions auxquelles nous tenterons de répondre dans les sections suivantes tout en gardant à l'esprit la question de fond de notre recherche : Peut-on justifier l'euthanasie et le suicide assisté au nom de la dignité humaine ?

1. La position du Collège des médecins et de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Selon le Collège des médecins du Québec, la société québécoise a suffisamment évolué pour tolérer, en certaines circonstances, le recours à l'euthanasie. Le secrétaire du Collège, le Dr Yves Robert, croit possible d'en venir à une redéfinition du rôle du médecin qui accompagne un patient dont la mort est devenue inévitable et auquel il offrirait toute l'assistance voulue pour partir dans la dignité. Les trois conditions posées sont : respecter la volonté du patient ; définir des règles claires afin de prévenir les abus ; faire en sorte que le médecin participe à la prise de décision, non en être un simple exécutant. Évidemment, aucun médecin ne devrait être contraint à pratiquer l'euthanasie contre son gré, l'objection de conscience étant sauvegardée.

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Or, cette position n'est pas sans difficulté. Que faire si le patient changeait d'idée et n'était plus en état d'exprimer sa volonté ? Le médecin et les proches peuvent-ils influencer la décision d'une personne démunie et vulnérable ? Comment assurer le respect des règles établies dans un contexte où déjà le personnel soignant est débordé et où le tissu familial (les aidants naturels) est souvent fragilisé ? Aussi, une question encore plus fondamentale se pose à propos du concept même d'euthanasie car, aux dires de madame Gaudreault, présidente de la Commission parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité : « Parmi la communauté médicale, on ne s'entend même pas sur ce qu'est l'euthanasie, l'arrêt de traitement, la sedation terminale. Ce sont des concepts abstraits, mal compris ».3

Le témoignage suivant corrobore le même fait :

Devant la Commission, le président de la Fédération des médecins spécialistes a confondu sans nuance sedation palliative et euthanasie, qualifiant la différence de « sémantique ». La sedation palliative n'est pas de l'euthanasie et la Commission devra consentir des efforts de vulgarisation importants pour aider la population à bien comprendre les nuances.4

Cette confusion terminologique n'invaliderait-elle pas tous les résultats des sondages faits auprès des médecins et des spécialistes et par conséquent, les conclusions de leurs consultations ? Par exemple, le sondage de la FMSQ auquel seulement 23% de ses membres ont répondu, conclut que 75% des répondants sont pour l'euthanasie. Mais, en faisant le calcul pour l'ensemble des membres, on constate que seulement 17,25 % des médecins spécialistes sont en faveur de l'euthanasie. Cela est bien peu représentatif ! Même si le sondage était considéré comme valable, la confusion qui existe entre sedation palliative et euthanasie est manifeste.

3 Pierre PELCHAT, Commission Mourir dans la dignité : tous les records de participation battus, Le Soleil, 23 mars 2011, Site Internet : www.cvberpresse.ca

4 Louis-André RICHARD, Maison Michel-Sarrazin, en audition devant la Commission parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité, Journal des débats, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnat.qc.ca. 26 octobre 2010.

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Pour 95 % des médecins spécialistes, la sedation palliative doit être considérée comme faisant partie des soins appropriés de fin de vie. L'opinion est nettement partagée lorsque les médecins spécialistes sont interrogés à savoir si la sedation palliative est assimilable à une forme d'euthanasie (oui : 48 %, non : 46 %).6

Ce qui étonne c'est que, tout en reconnaissant l'ambiguïté qui existe chez les médecins, la FMSQ ne cherche pas à corriger les malentendus et déclare tout de même que la pratique de l'euthanasie est un fait accompli au Québec. Selon ce même sondage, 81 % des répondants ont confirmé que l'euthanasie est pratiquée au Québec dans la proportion suivante : souvent (11 %), parfois (41 %) ou rarement (29 %).

Si cela était vrai, l'euthanasie clandestine serait une pratique illégale et courante au Québec ! Mais, pour en faire la preuve, il faudrait démontrer comment le médecin, de connivence avec un pharmacien, aurait caché des médicaments et fait des prescriptions qui n'auraient pas été administrées tout de suite afin de garder la quantité suffisante pour une injection létale. C'est un processus assez laborieux. Ce qui est plus probable, selon la pratique médicale actuelle, c'est l'usage de la sedation abusive qui a pour effet d'endormir les patients non seulement pour soulager leurs souffrances mais surtout pour contrer leur solitude et leur angoisse.

Devant cet état de fait, un effort de discernement ne devrait-il pas être entrepris pour définir les termes et les principes de la pratique médicale ? Car, pour peu qu'on y réfléchisse, si le mot « euthanasie » était compris par tous tel qu'il est défini par le Sénat du Canada (1995) : «Acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances », les médecins seraient transformés en meurtriers, les avocats en charlatans et le gouvernement, en appareil d'extermination. Or, cela étant impossible dans une société civilisée, on soupçonne spontanément qu'il doit bien y avoir une méprise sur le sens des mots employés dans le contexte des soins en fin de vie. De là, la nécessité de bien définir les termes.

6 François PRIMEAU, en audition devant la Commission parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité, Journal des débats, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnat.qc.ca. 17 février 2011.

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C'est cet effort de discernement que nous proposons d'entreprendre en formulant notre première question: Est-ce que le mot « euthanasie » veut dire la même chose pour tout le monde ? En quoi se distingue-t-il de l'arrêt de traitement et de la sedation palliative ?

2. Le vrai malaise des médecins

Un autre aspect qui mérite d'être souligné est ce qui est dit d'entrée de jeu dans le Mémoire du Collège des médecins :

Pour nous, la question principale à laquelle il faut répondre n'est pas vraiment « Doit-on légaliser l'euthanasie ou non? » ni «Doit-on ou non reconnaître aux patients le droit de mourir dans la dignité?». C'est plutôt la suivante : « Comment faire pour assurer aux personnes en fin de vie les soins les plus appropriés possibles? » À nos yeux, une partie de la réponse se trouve déjà dans le cadre légal prévu pour encadrer les soins au Québec, qu'il faudrait adapter au contexte de fin de vie afin que la discussion devienne possible même quand il s'agit de décisions difficiles comme celle d'envisager l'euthanasie.

Les médecins sont bien convaincus que leurs patients méritent de mourir dans la dignité mais on sent dans leur questionnement un certain malaise à être en mesure de procurer des soins qui répondent entièrement à leurs besoins, surtout quand se présentent des situations extrêmes et difficiles. Le directeur de la Maison de soins palliatifs Michel Sarrazin se questionne :

Quand des regroupements médicaux demandent d'ouvrir la porte à l'euthanasie dans certaines circonstances en fin de vie, ne sont-ils pas en train d'ouvrir la porte à une autre forme de contrôle médical sur la mort ? Ne se profile-t-il pas, derrière ces demandes, des médecins qui ne veulent plus se retrouver devant la situation de n'avoir plus rien d'autre à offrir à ces malades, que leur seule présence comme êtres humains qui reconnaissent leur impuissance ? Des médecins qui sont habitués à avoir une réponse pharmacologique à presque tous les maux, encouragés par un public et des patients qui en redemandent ? Des médecins qui pourraient se soustraire à la question éthique du « est-ce légitime? », en se réfugiant derrière ce qui deviendrait légal ? Autrement dit, la médecine

7 Mémoire du Collège des Médecins du Québec à la Commission de la santé et des services sociaux, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnatqc.ca. 15 février 2010, p.6.

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doit-elle se sentir « obligée » d'apporter une réponse pharmacologique draconienne à toutes les situations où une personne vieille ou malade ne trouve plus de sens à ce qu'elle vit, parce que cette même médecine est impuissante à offrir autre chose ? 8

Au-delà strictement de la question sur l'euthanasie, ce qui est en jeu ici c'est la profession médicale et spécifiquement la formation éthique des soignants qui font face à la souffrance et à la mort sur demande. La réponse pharmacologique à tous les maux rencontre-t-elle des limites quand elle devient une « aide médicale à mourir » ? Les médecins auraient-ils une réponse différente à offrir à leurs patients que la mort sur demande ? Sinon, du service à la vie, la médecine pourrait vite être transformée en service à la mort !

Il est impossible d'aborder toutes ces questions à la fois ; cela déborderait largement notre propos. Mais nous faisons nôtre la question principale que les médecins se posent, à savoir: Comment faire pour assurer aux personnes enfin de vie les soins les plus appropriés possibles pour mourir dans la dignité ? Que veut dire au juste « mourir dans la dignité » ?

Ce sera notre deuxième question.

3. La position du Barreau du Québec

La position du Barreau du Québec se fonde principalement sur les résultats de sondages faits auprès de la population québécoise et auprès des médecins; sondages dont la validité a été maintes fois remise en question étant donné le faible pourcentage des répondants et l'ambiguïté des questions. Alors que, de son propre avis, les médecins eux-mêmes ne sont pas unanimes sur la signification des termes employés, on se demande pourquoi le Barreau accorde tout de même une forte crédibilité aux résultats des sondages effectués.

8 Michel L'HEUREUX et Louis-André RICHARD, Mémoire de la Maison Michel-Sarrazin à la Commission de la santé et des services sociaux, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnat.qc.ca.17 février 2010, p. 10.

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Affirmant, sans preuve à l'appui, que des euthanasies clandestines seraient déjà une pratique courante et que les règles de la loi seraient transgressées, le Barreau cherche une solution juridique pour protéger les plus vulnérables. Ainsi, il s'exprime dans son mémoire :

Selon certains sondages menés auprès de la profession médicale, l'euthanasie active n'est pas toujours pratiquée à la demande du patient. Le fait que les médecins prennent ces décisions d'eux-mêmes porte clairement atteinte à l'autodétermination du patient ainsi qu'à son droit de ne pas être tué sans son consentement. Il est donc possible que l'état actuel de la loi puisse en effet sanctionner ces décès sans fournir de protection adéquate aux victimes non consentantes. Si l'euthanasie active est en fait pratiquée, il est impératif que ces décisions soient fondées sur le choix du patient plutôt que sur les points de vue idiosyncrasiques des médecins. La protection des personnes vulnérables qui est l'objectif que l'on attribue à ces règles ne serait donc pas atteinte. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable et jouer à l'autruche en se contentant de dire que nos règles actuelles protègent les personnes vulnérables : ce n'est manifestement pas le cas. Le droit criminel n'offre pas aux personnes vulnérables et aux patients en général, la protection qu'il devrait leur offrir. L'application des normes criminelles se révèle au mieux incertaine en raison des difficultés de preuve inhérentes au contexte médical en fin de vie. Il n'est donc plus du tout certain que le droit criminel remplit, à l'égard des personnes en fin de vie, sa véritable mission.9

Aussi, il ajoute plus loin que la situation actuelle est discriminatoire puisque le traitement des différents cas est inégal : certains patients pourraient bénéficier de pratiques qui seraient refusées à d'autres. Les interdictions en vertu du droit criminel pourraient, dans certains cas, empêcher les médecins d'accéder à la demande d'un patient même s'ils sont d'avis qu'ils devraient le faire. Se faisant bienveillant, le Barreau rechercherait-t-il une alternative en cas d'échec des soins palliatifs ? En effet, il semble considérer que le respect de la volonté de la personne en fin de vie soit la meilleure et la plus fiable balise pour assurer un espace de liberté suffisant et pour permettre à chacun de donner un sens à ce moment essentiel de la vie, selon ses propres valeurs. Les directives anticipées de fin de vie seraient donc l'instrument légal à privilégier pour obliger les proches et les médecins à respecter la volonté du malade. « Dès lors, le respect que nous attendrons de celles et ceux que nous avons aimés sera de s'obliger à

9 Mémoire du Barreau du Québec, Pour des soins de fin de vie respectueux des personnes, Version abrégée Annexe A, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnat.qc.ca. septembre 2010, p. 8.

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reconnaître nos directives et volontés de fin de vie de manière à nous permettre de mourir avec dignité accompagné d'une aide médicale appropriée. »

À la fin du Congrès annuel du Barreau en 2011, le conférencier concluait ainsi ses recommandations :

Trois aspects devraient particulièrement retenir l'attention des commissaires dans la rédaction de leur rapport, soit le développement et l'accessibilité des soins palliatifs, le respect des volontés exprimées par une personne apte quant aux soins de fin de vie et la reconnaissance possible du droit à une aide médicale à mourir. '

Encore, un peu plus loin :

La Commission devrait [...] s'appuyer sur la position définie par le Barreau en ce qui concerne les soins de fin de vie, à savoir recommander dans des cas exceptionnels, c'est-à-dire dans les cas seuls d'une maladie incurable et d'une maladie terminale, et ce, dans le cadre bien défini d'une réglementation particulière, un « assouplissement de l'application de certaines règles du droit criminel relatives aux infractions contre la personne ». Il s'agit de reconnaître un « acte médical approprié et étroitement balisé », et non de permettre toute autre situation, telle, à titre d'exemple, une aide à mourir non médicale ou l'euthanasie d'une personne n'ayant pas donné son consentement à mourir. Enfin, nous croyons, qu'il serait préférable, (...), que les soins de fin de vie relèvent d'une loi spécifique et que l'aide médicale à mourir soit encadrée à l'intérieur des dispositions de cette loi plutôt que d'être traitée de façon éparse.12

Ce qui attire notre attention, c'est qu'on assiste ici à un glissement sémantique, voire à un changement radical de langage qui transforme le terme « euthanasie » proprement dit en la nouvelle expression d' « aide médicale à mourir » par le seul fait que le malade donne son consentement à mourir. La seule chose dont le droit deviendrait alors responsable d'assurer, semble-t-il, c'est que la procédure légale soit suivie et que les balises préalablement établies soient strictement respectées. Le rôle du droit serait ainsi transformé. Il passerait de la protection du droit fondamental à la vie à la protection du

10 Jean-Michel DOYON, Tendances. Les soins de fin de vie. Changement de valeurs et nouvelles approches juridiques.

Congrès annuel du Barreau du Québec, Montréal, 2-4 juin 2011, p. 9.

nldem, p. 10. 12 Idem.

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droit à la mort sur demande. Par conséquent, il créerait un nouveau devoir pour les médecins, celui de donner la mort dans certaines conditions.

4. Formulation d'autres questions

À partir des points de vue des médecins et des avocats, ne voyons-nous pas déjà se profiler l'impact que la légalisation de l'euthanasie pourrait avoir sur l'éthique des deux institutions qui, jusqu'à nos jours, ont été les protectrices de la vie humaine ? Demander à des médecins dont l'ethos est défini par le service de la vie, d'aider à mourir médicalement, n'est-ce pas détruire le fondement de toute solidarité ? L'enjeu est trop important pour se permettre de jouer avec les mots. "Aider à mourir médicalement" veut dire "enlever la vie". Le droit a toujours soutenu qu'on ne peut pas enlever la vie d'une autre personne, sauf dans des cas bien précis (par exemple, la légitime défense). Est-ce que légaliser ce geste n'affectera pas aussi l'ensemble des règles de conduite de toute la société?

Pour le but de notre recherche, nous nous attarderons principalement aux trois questions suivantes:

- Pourquoi changer le sens des mots en parlant de « soin de fin de vie » ou « d'aide médicale à mourir » au lieu d'euthanasie et de suicide assisté ?

- Est-il éthiquement acceptable d'autoriser une personne à en tuer une autre même lorsque cette dernière est consentante ? Autrement dit, existe-il un droit à la mort ?

Pour Me Somerville, même dans les cas où la volonté du malade est claire et non équivoque, l'établissement de tout principe juridique basé uniquement sur le consentement de l'individu est dangereux :

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Je sais qu'il existe des personnes qui désirent réellement mourir mais le consentement ne peut justifier n'importe quel acte. La question préalable que nous devons nous poser est la suivante : est-il légalement correct d'autoriser une personne à en tuer une autre? Je suis d'avis que non et ce, peu importe les raisons car elles ne peuvent justifier et valider un acte comme un meurtre. Si vous autorisez un tel acte pour une personne qui souffre, alors vous devez être constant dans votre décision : pourquoi ne pas légaliser l'aide au suicide d'une adolescence de 17 ans en mal d'amour qui vous supplie de mettre fin à ses jours? Le consentement de la jeune fille est pourtant clair et non équivoque.

Il y a, selon Me Somerville, d'autres alternatives pour aider les malades qui souffrent. « Ce n'est pas parce qu'une personne souffre terriblement qu'il faut la tuer. Avec les progrès de la médecine, nous avons aujourd'hui, plus que dans le passé, les moyens de soulager sa douleur. Nous devons tuer la douleur et non la personne

elle-14 même. »

- La légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté est-elle cohérente avec la prévention du suicide?

Étant donné le fléau du suicide dans plusieurs pays industrialisés, la promotion du suicide assisté est, pour plusieurs experts de la question, une incohérence sur le plan logique, un affront aux familles endeuillées, un abandon face aux personnes aux prises avec des idées suicidaires et un vote de non confiance dans le personnel de santé qui se dévoue pour contrer le suicide. Pour l'État, ce serait envoyer un message contradictoire aux citoyens et manquer à des responsabilités importantes puisque la littérature scientifique souligne que les personnes déprimées demandent l'euthanasie quatre à cinq fois plus que celles qui ne le sont pas.

Il faut pouvoir protéger ces personnes en les soignant plutôt que de les encourager à vouloir démissionner de la vie. Le Dr Serge Daneault s'en inquiète : « Quel est le sens de cette fatigue de vivre que plusieurs de nos concitoyens éprouvent et qui est si importante qu'elle justifie non pas le désir d'éviter tout acharnement thérapeutique, ou même tout traitement de maladies réversibles, mais bien la demande d'euthanasie ? »

13 Margaret SOMERVILLE, citée dans l'article d'Indra BALASSOUPRAMANIANE, Euthanasia: The debate is far from over, Site du Canadian Bar Association, [En ligne], httn://.www.cba.org (page consultée le 30 mai 2011)

M Idem, p.3.

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sur le personnel soignant :

[...] faire du suicide un droit a de terribles conséquences, dont celle d'une pression inadmissible sur le malade ou sur la personne âgée, à qui on reprochera et qui se reprochera de ne pas se sentir «de trop» et de ne pas solliciter dès lors de se faire supprimer. Quoi de plus inhumain qu'une pareille pression sur la conscience de cette personne. Car il s'agit à toutes fins pratiques d'un rejet radical et d'un déni de toute dignité à cette personne - pire épreuve, on peut le penser, que celle d'un être souffrant entouré de soins. De même, si on légalise l'euthanasie, même sous une forme déguisée qui ne trompera personne à long terme, la pression sur les médecins, les infirmières ou toute personne concernée dont la conscience interdit de donner la mort s'avérera insupportable, exerçant une forme de violence inadmissible.16

16 Thomas DE KONINCK, audition devant la Commission parlementaire sur la question de Mourir dans la dignité, Journal des débats, Site de l'Assemblée nationale du Québec, [En ligne], www.assnat.qc.ca. 11 février 2011.

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SECTION 3. REPONSES

3.1 Est-ce que le mot « euthanasie » veut dire la même chose

pour tout le monde ? En quoi se distingue-t-il de l'arrêt de

traitement et de la sedation palliative ?

The pro-euthanasia lobby has deliberately confused pain relief treatment and euthanasia in order to promote their cause. Their argument is that necessary pain relief treatment that could shorten life is euthanasia; that we are already giving such treatment and the vast majority of citizens agree we should do so; therefore, we are practicing euthanasia with the approval of our citizens, so we should come out of the medical closet and legalize euthanasia. Indeed, they argue, doing so is just a small incremental step along a path we have already taken.

It is a tragedy for patients, especially those who are terminally ill and in pain, and a major disservice to physicians, nurses and humane and good medical care to confuse these situations as the pro-euthanasia lobby deliberately does. Physicians and patients become frightened of giving and accepting adequate pain relief.

Even most people who support legalizing euthanasia believe its use needs to be justified, usually as being necessary to relieve pain and suffering. Surveys of the general public that ask the question "Do you believe people in terrible pain should have access to euthanasia?" reflect that belief. But again this approach causes confusion between pain relief and euthanasia. It makes euthanasia the treatment for pain, and it makes it impossible for people to agree that all necessary pain relief must be provided, without also endorsing euthanasia. Respondents have either to agree to both pain relief and euthanasia or to reject both. Of course, to have the public endorse euthanasia might be the goal of some of these surveys.1

Ces propos sont alarmants. Est-ce que Me Margaret Somerville, spécialiste de la question et auteure de nombreux ouvrages, aurait raison de dénoncer une stratégie pro euthanasie derrière le fait d'alimenter la confusion dans la population en général et chez le corps médical ? Ce n'est pas l'objet de notre recherche d'y répondre mais force est de constater que confusion il y a et qu'il vaut maintenant la peine de s'y attarder afin d'y voir plus clair.

1 Margaret SoMERVILLE, Conference: Euthanasia: Is legalizing it a good idea? Australian Dialogues, June-July 2011, p.17-19.

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3.1.1 Clarification terminologique

S'il est toujours souhaitable de s'entendre sur le sens des mots employés lors d'un débat, la délicate question de l'euthanasie exige un effort rigoureux. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à considérer l'euthanasie comme le geste intentionnel de provoquer la mort dans le but de mettre fin à des souffrances.2 L'euthanasie est un acte qui donne

délibérément la mort et non pas, selon son étymologie, qui procure une « mort douce ». Dans le cadre du débat encouru au Québec de 2009 à 2011, les définitions utilisées s'inspiraient d'une même source, soit le Document de consultation de la Commission spéciale sur Mourir dans la dignité qui avait elle-même forgé ses définitions à partir de l'avis d'experts. Cependant, comme ces définitions n'étaient pas satisfaisantes aux yeux de tous et, pour illustrer notre propos, nous avons jugé bon de faire état de deux glossaires d'auteurs différents qui ont senti le besoin d'adapter leurs définitions à partir du même document (celui de la Commission).

Il s'agit, premièrement, de deux spécialistes en soins palliatifs ayant des opinions divergentes sur le sujet soit, les docteurs Marcel Boisvert et Serge Daneault. Au tout début de leur ouvrage', ils ont inséré un glossaire en spécifiant bien qu'ils ont fait des ajouts et des modifications de leur cru ; deuxièmement, du réseau citoyen, Vivre dans la dignité5, qui a publié un lexique dont les définitions ont été « adaptées » du même

document de Consultation tout en considérant aussi celles du Comité sénatorial du Canada. « De la vie et de la mort. Rapport du Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide. » Ministère des approvisionnements et Service Canada, 1995.

2 Pour Le Robert, l'euthanasie est 1' « usage des procédés qui permettent de hâter ou de provoquer la mort pour

délivrer un malade incurable de souffrances extrêmes, ou pour tout motif d'ordre éthique » et pour le Larousse, elle est 1' «acte d'un médecin qui provoque la mort d'un malade pour abréger ses souffrances ou son agonie ».

3 Document de consultation de la Commission spéciale sur « Mourir dans la dignité », mai 2010, p. 10. Vous trouverez ce document dans la section « Travaux parlementaires » du site Internet de l'Assemblée nationale : www.assnat.qc.ca 4 Marcel BOISVERT et Serge DANEAULT, Être ou ne plus être. Débat sur l'euthanasie, Montréal, Éditions Voix Parallèles, 2010.

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À titre indicatif, la Maison de soins palliatifs Michel Sarrazin a adopté le lexique publié par le réseau citoyen, Vivre dans la dignité, intitulé : Démystifions. Ces mots qui dérangent comme instrument de formation de son personnel et comme bulletin d'information à distribuer aux malades et aux familles éprouvées. 6

Les principaux concepts définis par le glossaire des docteurs Boisvert et Daneault correspondent au numéro (1) et ceux du Réseau Vivre dans la dignité au numéro (2).

(1) Euthanasie : Acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui, à sa demande, pour mettre fin à ses souffrances inapaisables.

On souligne le caractère compassionnel de l'acte : à la demande du patient qui n'en peut plus de souffrir.

(2) Euthanasie : acte qui consiste à provoquer directement et intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances.

Cette définition a un sens plus large : sans nécessairement le consentement du patient et peu importe que ses souffrances puissent être apaisées ou non. Retenons ce qu'il y a de commun : l'euthanasie est un acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui. Dans les deux cas, l'intention est de faire mourir. La cause du décès sera l'injection mortelle, une pilule, un cocktail létal ou autre. Selon le Code criminel canadien: commet un homicide quiconque directement ou indirectement, par quelque moyen, cause la mort d'un être humain (article 222).

(1) Suicide assisté : Fait d'aider quelqu'un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les moyens de se suicider ou de l'information sur la façon de procéder, ou les deux.

6 Lettre du Dr Michel L'HEUREUX, directeur de la Maison Michel Sarrazin, à Linda Couture, Site du Réseau Vivre dans la dignité[En ligne], www.vivredignite.com. mai 2011.

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(2) Suicide assisté : Acte qui consiste à aider quelqu'un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les moyens de se suicider ou de l'information sur la façon de procéder, ou les deux.

Dans les deux cas, l'intention est d'aider une personne à se suicider. La cause du décès sera l'injection mortelle, une pilule, un cocktail létal ou autre. Selon le Code criminel, est coupable d'un acte criminel quiconque : a) conseille à une personne de se donner la mort b) aide ou encourage quelqu'un à se donner la mort (Article 241).

(1) Soins palliatifs : Soins prodigués dans une approche multidisciplinaire et destinés à soulager la souffrance, qu'elle soit physique ou psychologique (morale, spirituelle et existentielle), plutôt qu'à guérir, et dont l'objectif est le confort de la personne.

(2) Soins palliatifs : Ensemble des soins visant à soulager les symptômes et la souffrance d'une personne atteinte d'une maladie entraînant la mort à court ou à moyen terme et à aider ses proches à traverser cette épreuve. Les soins palliatifs sont dispensés à la maison ou en milieu spécialisé selon le choix du patient. L'intention est d'obtenir la meilleure qualité de vie possible pour les personnes mourantes et pour leurs proches.

Au Québec, un faible pourcentage des personnes en fin de vie ont accès aux soins palliatifs (cela varierait entre 20% et 60% selon les régions). Nombreux ont été les intervenants à demander le développement des soins palliatifs afin d'en offrir un plus grand accès au public.7

(1) Sedation palliative : Administration d'une médication à une personne dans le but de soulager sa douleur en la rendant partiellement ou totalement inconsciente. Elle est utilisée de façon appropriée pour une agonie tumultueuse.

7 Rapport de la Commission spéciale sur la question de Mourir dans la dignité, Site de l'Assemblée nationale du

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(2) Sedation palliative : Acte médical qui consiste à administrer, avec l'accord du malade ou de son représentant, une médication qui cause chez lui un sommeil profond, dans le but de soulager sa douleur physique ou sa souffrance psychologique. Il s'agit d'un soin de toute fin de vie qui provoque une inconscience temporaire et réversible.

(1) Sedation terminale : Administration d'une médication à une personne, à sa demande, de façon continue, dans le but de soulager sa douleur en la rendant inconsciente jusqu'à son décès.

(2) Le réseau « Vivre dans la dignité » ne formule pas de définition spécifique mais précise ceci : Certains parlent de « sedation terminale », laissant croire que cette sedation tue le patient. La mort du patient peut survenir naturellement durant cette sedation, mais le malade meurt alors des suites de sa maladie, et non à cause de la sedation.

Dans les deux cas, l'intention est de retirer le malade de sa situation intolérable. La sedation palliative de fin de vie est réversible et ce n'est pas de l'euthanasie. Elle est donc légale. Cependant, la définition de la sedation terminale (1) tirée du glossaire de l'ouvrage des docteurs Boisvert et Daneault est ambiguë car l'expression «jusqu'à son décès » laisse entendre que la sedation est mortelle. Cela mérite une clarification pour laquelle il vaut la peine de s'arrêter.

Distinction importante entre sedation terminale et euthanasie

Dans un article Les opiacés et la sedation palliative ne tuent pas, le Dr Patrick Vinay, du Service de soins palliatifs à l'Hôpital Notre-Dame du CHUM explique :

La sedation utilisée pour contrôler des symptômes réfractaires en fin de vie ou pour extraire le malade d'une souffrance intense de nature physique ou

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Voir également : Daryl Pullman, Human dignity and the foundations of liberalism, Doctoral thesis in philosophy unpublished, University of Waterloo, 1990 à la p.9 ; Anne Mette

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