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Chapitre 1 : Des hydrogénases et de leurs modèles :

B) Les complexes de nickel

1) Choix du type de ligand soufré

Afin de se rapprocher de la structure du site actif des hydrogénases [NiFe], les complexes de nickel décrits ici ne possèdent que des coordinats soufrés ou bien deux thiolates terminaux (pour former le motif Ni(µ-S)2M) et deux autres charges négatives apportées par des azotes.

Il existe un grand nombre de complexes de nickel8 comportant des ligands soufrés. Le nickel est

le plus souvent à l’état d’oxydation +II. On peut distinguer quatre classes de complexes selon l’indice de coordination des ligands.

a) Les complexes à ligands monodentates :

Les ligands sont assez faciles à synthétiser et peuvent même être commerciaux. De nombreux complexes du type [Ni(SR)4]

2– (avec R= Ph, p-Tol, m-Tol, p-ClC

6H4, p-NO2C6H4, t-Bu)

9 peuvent

être obtenus. Ils présentent généralement des géométries tétraédriques. Cependant leur synthèse et leur utilisation en électrochimie recèlent quelques écueils: le premier est la formation de

Chapitre 2 : Synthèse et caractérisation des complexes inspirés du site actif des hydrogénases [NiFe]

clusters polymétalliques. Cela peut parfois être évité en adoptant des stratégies de synthèse appropriées (ligands encombrés, stœchiométrie des réactifs…). Néanmoins il est difficile d’obtenir des complexes où les quatre ligands ne sont pas identiques. Il y a donc deux positions équivalentes où un second complexe (de fer, de ruthénium par exemple) peut réagir, conduisant à la formation incontrôlée des complexes polynucléaires.

L’autre principal problème concerne la stabilité électrochimique : lorsque le nickel est oxydé, l’échange de ligands par des molécules de solvant est fréquent, conduisant à la dégradation du complexe.8iv),v) Cet échange de ligand est favorisé lorsque le thiolate est protoné. Cela est d’autant plus gênant que la protonation des métal-thiolates est un mécanisme possible d’activation des protons et que pour caractériser l’activité de nos composés en réduction des protons, le milieu doit être acide. L’oxydation des thiolates en disulfures décoordinés a aussi été décrite, conduisant à des clusters bimétalliques. 10

b) Les complexes à ligands bidentates :

La majorité de ces complexes sont polynucléaires et ne nous intéressent donc pas.8 Quelques complexes9i), ii), 11 sont monométalliques. Ils sont du type [Ni(SRS)

2]

2– avec deux ligands

bidentates où SRS2–= éthane-1,2-dithiolate, butane-2,3-dithiolate (bdt2–), cis-norbornane-2,3-

dithiolate (ndt2–), trans-cyclohexane-1,2-dithiolate (cdt2–), ainsi que [Ni(S4)2] 2–

(cf Fig. 2). Les ligands sont facilement synthétisables. La formation des complexes est plus délicate : la nucléarité n’est pas toujours évidente à maîtriser. Ils sont généralement plan-carrés. Comme pour les complexes de nickel à ligands monodentates, deux positions équivalentes où un second complexe (de fer, de ruthénium par exemple) peut réagir sont présentes. Une alternative serait d'utiliser deux ligands différents mais cette approche est difficile et a été peu étudiée. D’autre part des réarrangements de ligands sont possibles. Par exemple,12 le complexe [Ni(dppe)(pdt)] qui

possède un ligand dithiolate et un ligand diphosphine peut réagir avec des complexes de fer. De nombreux produits de réarrangements sont isolés ou détectés. En effet, les ligands changent de position, voire de métal. C’est pour ces raisons que ce type de composés n’a pas été étudié ici.

Ni S S S S 2- Ni S S S S 2- Complexe13 [Ni(cdt)2] 2– Complexe14 [Ni(ndt)2] 2–

Fig. 2 : Exemples de complexes [Ni(SRS)2] 2–

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c) Les complexes de ligands tridentates :

Les complexes formés avec le nickel peuvent être de deux types :

-un complexe mononucléaire15 avec un ligand tridentate et un ligand monodentate. La présence

du ligand monodentate provoque les mêmes effets indésirables décrits précédemment.

- le second type est un complexe bimétallique avec deux ligands tridentates (cf Fig. 3 ).10 et 16 La réaction de ce type de composés avec d’autres complexes métalliques conduit à une espèce possédant au moins trois métaux ou bien à une espèce dans laquelle une liaison nickel soufre est rompue et la position laissée vacante occupée par un quatrième ligand présent dans le milieu. La réaction de formation du complexe [(ON)Ni{(µ-SCH2CH2)2S}Fe(NO)2] illustre l’imprévisibilité

de cette approche qui a d’ailleurs été peu utilisée.

S S S S Ni S S Ni S Fe Ni S S ON NO NO [Fe (PhSe)2(NO)2]-

+

Fig. 3 : Synthèse du complexe16 [(ON)Ni{(µ-SCH

2CH2)2S}Fe(NO)2]

d) Les complexes de ligands tetradentates :

Ces complexes forment des complexes plans carrés8. Ils ne présentent pas de problèmes de

dismutation, la formation de clusters est rare et réversible. La dissymétrie du ligand permet de moduler la réactivité avec un second complexe. Cependant ils sont plus difficiles à synthétiser. Il n’existe à notre connaissance que neuf complexes17 de nickel avec un ligand tetradentate

contenant quatre atomes de soufre (deux thiolates et deux thioéthers) liés au nickel (cf Fig. 4 à Fig. 12). S S S S Ni S S S S Ni

Fig. 4 : [Ni(xbsms)]18 Fig. 5 : [Ni(‘S4C3’)] 24 Fig. 6 : [Ni('tpS4')] 19 S S S S Ni

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Fig. 7 : [Ni(tpttd)]20 Fig. 8 : [Ni(ttu)]21 Fig. 9 : [Ni((CH3)3S4Ph4)] 22 S S S S Ni CF 3 CF 3 CF 3 CF3 S S S S Ni S S S S S S Ni

Fig. 10 23 Fig. 11 : [Ni(‘S6’)] 24 Fig. 12 : [Ni(‘S4C3Me2’)] 25

Complexes de nickel à ligand tétradentate à coordinats seulement soufrés

Il n’existe pas de ligands tétrathiolates formant des complexes monométalliques. Cependant, les complexes les plus utilisés dans la littérature pour former le motif Ni(µ-S)2M appartiennent à une

autre famille de composés.

N S N S Ni O O 2- N Ni N S S Ni N N S S R R

Complexe27 [Ni(phmi)]2– Complexe Ni-imine26 R= chaîne alkyle28

Fig. 13 : Exemples de complexes de nickel à environnement mixte

Les ligands de la figure 13 sont tétradentates et possèdent deux coordinats thiolates et deux coordinats azotés : amines, amidures ou imines.26,27,28 Le premier chapitre de cette thèse offre un

panorama plus complet de l’utilisation de ces composés pour la synthèse de complexes bimétalliques. En effet, ces complexes (et plus particulièrement ceux qui ont des amines tertiaires) sont faciles à synthétiser. Leur utilisation a commencé alors que l’on pensait que le site actif des hydrogénases [NiFe] possédait deux ligands soufrés et deux azotés. Hormis les complexes22 du type [Ni(phmi)]2– ou [Ni(ema)]2–, la grande majorité des coordinats azotés coordinés au nickel

sont des amines tertiaires. Comme les fonctions thioéthers, ils n’apportent donc pas de charges. De plus, seule la nature de la chaîne alkyle diffère d’un complexe à l’autre ce qui modifie très peu

S S S S Ni S S S S Ni

Chapitre 2 : Synthèse et caractérisation des complexes inspirés du site actif des hydrogénases [NiFe]

Page 62 les propriétés des ligands. Le site actif des hydrogénases [NiFe] contient quatre cystéinates soit quatre charges négatives, qui peuvent facilement stabiliser un état Ni(III). C’est pourquoi nous avons écarté ces complexes neutres.

Il existe aussi des ligands tétradentates possédant quatre fonctions thioéthers. Ces complexes seront traités page 94. Ils sont généralement difficiles à synthétiser et à caractériser, peu solubles et n’apportent aucune charge négative au nickel.

e) Réactivité des nickel-thiolates:

Les motifs nickel-thiolates terminaux ont été assez bien étudiés. Ils sont nucléophiles et réagissent avec d'autres métaux (cf chapitre I), des agents alkylants comme par exemple l’iodométhane28 ou

des protons.29

Ils sont également sensibles à l'oxydation, notamment par l'oxygène28 et 30 et l'eau oxygénée. Ainsi,

des nickel-sulfoxyde (Ni-S=O) et des nickel-sulfones (Ni-S=O(=O)) peuvent se former avec parfois coordination au nickel via un atome d’oxygène.La présence du métal active l'oxydation de l'atome de soufre. Lorsqu’un complexe possède des atomes d'hydrogène en α du nickel-thiolate, les vagues électrochimiques en oxydation sont rarement réversibles. Ces protons sont acides et cette position peut s’oxyder. En revanche, lorsque ce carbone est protégé, certaines vagues deviennent réversibles. Par exemple, le complexe [Ni(ttu)] (cf Fig. 8) ne possède pas de vague réversible en réduction alors que la vague de réduction du complexe [Ni(tpttd)] (cf Fig. 7) est quasi-réversible.31

Le couple PhS–/PhSH du thiophénol a un pKa de 19,3 dans l’acétonitrile.32 Pour les complexes29

[Ni(SC6H4R-4)2(Ph2PCH2CH2Ph2)] avec R= CH2I, Me, H,Cl, NO2, les pKa des métal-thiolates

aromatiques dans l’acétonitrile se situent entre 15,1 et 15,8. Le métal rend le soufre plus acide, probablement à cause de l’augmentation de la coordinence de cet hétéroélément.

Au sein de la fonction nickel-thiolate, la densité électronique du nickel est partiellement délocalisée sur le soufre et vice-versa (cf Fig. 14). Ainsi, si l'atome de nickel est enrichi en électrons, le soufre le sera aussi. Il sera alors plus nucléophile et réciproquement. Au sein de l'entité Ni(µ-S)2M (où M est un métal), les soufres pontants délocalisent leur charge négative sur

les deux métaux. Si l'environnement électronique d'un des métaux change, l'environnement électronique du second métal changera aussi. Ils "tamponnent" la densité électronique des métaux: si un métal est enrichi en électrons, le ligand soufré sera moins donneur vis-à-vis de l’autre métal et réciproquement.

Chapitre 2 : Synthèse et caractérisation des complexes inspirés du site actif des hydrogénases [NiFe] S M R Ni S R Ni M

Fig. 14 : Changement de la répartition des électrons d'un thiolate pontant deux métaux