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CHAPITRE 3. Méthodologie de recherche

3.2 Le choix de l’étude de cas

Nous avons donc choisi d’avoir recours à la méthodologie de l’étude de cas pour tenter de répondre à notre question de recherche. Nous allons dans un premier temps définir ce qu’est l’étude de cas et montrer son apport pour notre recherche. Dans un second temps, nous décrirons la nécessité d’une démarche scientifique rigoureuse.

Définition et apport de l’étude de cas

« A case study is an empirical inquiry that investigates a contemporary phenomenon

(the “case”) in depth and within its real-world context, especially when the boundaries

between phenomenon and context may not be clearly evident.33 » (Yin, 2014)

L’étude de cas est donc une méthodologie de recherche particulièrement intéressante dans les sciences de gestion (Eisenhardt, 1989), et plus particulièrement dans le domaine des systèmes d’information (Benbasat et al., 1987 ; Tsang, 2014 ; Myers, 2019) et celui de la gestion des opérations et de la logistique (Stuart et al., 2002 ; Barrat et al., 2011 ; Ketokivi et Choi, 2014) pour lesquels les technologies sont en

constante évolution et où la complexité du contexte est particulièrement marquée, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2. Cette méthode permet de

répondre à des questions de recherche qui interrogent le pourquoi et le comment (Benbasat et al., 1987 ; Yin, 2014). Notre question de recherche définie dans le chapitre 2 « Comment la mise en place d’un portail fournisseur dans la SC influe-t-elle

sur les capacités d’intégration et de collaboration de la SC ?» porte ainsi sur le

comment, c’est-à-dire la recherche des mécanismes.

33 Une étude de cas est une enquête empirique qui examine un phénomène contemporain (le " cas ")

en profondeur et dans son contexte réel, en particulier lorsque les frontières entre le phénomène et le contexte ne sont pas toujours clairement établies.

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105 Benbasat et al. (1987) définissent les caractéristiques clés d’une étude de cas (cf. tableau 16). Parmi celles-ci, la présence d’un environnement naturel, la complexité d’une situation, la possibilité d’étudier plusieurs niveaux d’analyse nous semblent particulièrement adaptés à notre projet de recherche tel que défini à la fin du chapitre 2. Par ailleurs, la possibilité de suivre des projets de mise en place de portail durant une grande partie du projet nous semble particulièrement riche car cela nous permet de voir le phénomène dans son contexte naturel, phénomène qui se révèle contemporain à la recherche menée, et pour lequel en début des travaux, les conséquences ne sont pas encore connues du chercheur.

Tableau 16 - Caractéristiques clés des études de cas

(Benbasat et al., 1987)

Cependant, une des principales critiques adressées à la méthode d’étude de cas est la difficulté de la généralisation. En effet, celle-ci étant intimement liée à son contexte, il paraît difficile de généraliser un mécanisme observé dans un contexte à l’ensemble des cas possibles. Cette critique relève de l’approche positiviste fondée sur un raisonnement hypothético-déductif qui s’appuie sur des méthodes quantitatives pour généraliser une théorie (Tsang, 2014). L’objectif d’une posture de réalisme critique est plutôt de tenter de généraliser par abstraction, en déterminant les mécanismes causaux qui potentiellement agissent en fonction du contexte (Avenier et Thomas, 2015). L’objectif est donc l’explication de phénomènes existant plutôt que la prédiction de comportements futurs (Tsang, 2014).

Choix des cas

« Une étude de cas n’a de sens que si le cas étudié est un phénomène présentant un

intérêt scientifique » (Dumez, 2013). Il est donc important de bien choisir son terrain

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106 Par ailleurs, le choix du type cas étudié doit correspondre à l’objectif de la recherche et aux questions de recherche. Stuart et al. (2002) proposent un tableau récapitulatif, repris par McCarty et Golicic (2005), permettant de voir si le type de cas choisi correspond à la stratégie de recherche (cf. tableau 17). Notre objectif de recherche étant l’explication de mécanismes reliant le contexte et les structures causales, nous nous plaçons donc dans la perspective de la compréhension des mécanismes causaux, c’est-à-dire la quatrième stratégie du tableau. Cependant, nous avons commencé notre recherche par une étude de cas exploratoire permettant de mieux cerner le contexte et les mécanismes à étudier dans le deuxième cas.

Tableau 17 - Correspondance entre la stratégie de recherche et la construction de la

théorie

(d’après Stuart et al. (2002) repris par McCarty et Golicic (2005))

Le premier cas correspond à un projet de portail fournisseur propriétaire (ou de type

one-to-many), nous le nommerons le cas Electra (nom fictif du donneur d’ordre). Le

Cas n°2 explicatif Cas n°1 exploratoire

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107 second permet d’étudier un projet de portail fournisseur commun à un secteur

d’activité (ou de type many-to-many), en l’occurrence l’industrie aérospatiale

européenne, nous le nommerons le cas AirSupply, du nom du portail. Les deux cas présentent donc des caractéristiques différentes pour lesquelles nous cherchons à définir quels mécanismes sont en jeu. Cependant, afin d’éviter la présence de variables de contrôle venant biaiser cette comparaison (Blatter et Haverland, 2012), nous avons choisi de retenir deux contextes industriels relativement similaires. En effet, dans les deux cas, le type de produit fabriqué correspond à des biens d’équipement de haute technologie considérés comme des produits complexes, nécessitant une forte dimension de recherche et développement, fonctionnant sur des cycles longs en mode projet (plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années), pour lesquels le constructeur est le donneur d’ordre principal. Les modalités de gestion de la production issues des industries de produits de consommation de masse ne sont donc pas toujours adaptées à ces industries, les séries étant petites et les temps de production longs (deux ans pour la construction d’un avion environ). Par ailleurs, les contextes nationaux et internationaux peuvent être considérés comme assez proches : dans les deux cas, les entreprises donneurs d’ordre étudiées sont d’origine française mais ont une stature internationale et font partie des leaders mondiaux de leur branche. Enfin, les fournisseurs des deux cas sont mondialisés tout en présentant une variété de profils qui va du grand groupe international à la PME locale.

Nous nous sommes limités à ces deux cas par une volonté de réaliser des études approfondies des contextes et des différents niveaux en jeu, sur un temps long. Ainsi, nous avons fait le choix de réaliser une étude longitudinale. En effet, une telle étude permet de mieux rendre compte les évolutions de la collaboration entre les différents acteurs au cours du temps d’un projet, ici entre trois et cinq années (Hald et Mouritsen, 2018). Ce temps long rend difficile l’étude de cas longitudinale pour un chercheur car cela nécessite une relation qui ne soit pas ponctuelle avec l’objet d’étude mais au contraire qui l’accompagne sur la durée (Street et Ward, 2012). Les études de cas longitudinales ont été rendues possibles dans ce travail de recherche car une partie du travail d’investigation a été réalisé en amont de la thèse. En effet, dans le premier cas, mes premiers contacts avec les acteurs du projet de portail fournisseur ont été réalisés dès 2012, le suivi de ce projet ayant duré jusqu’en 2015 (soit quatre ans), l’arrêt de ces contacts étant dus au départ de ces acteurs de l’entreprise ou / et à la dissolution de l’équipe projet dans le site étudié. Dans le second cas, le début de l’étude a été réalisée en 2015, mais les sources secondaires permettent de faire remonter les informations issues du projet jusqu’en 2009, et nous avons continué une veille du projet jusqu’à ce jour.

Par ailleurs, chacun des deux cas comporte plusieurs unités, correspondant aussi à ce que Yin (2014) appelle un design enchâssé : « Un design enchâssé est approprié

dans le cas dʼune recherche mixte portant à la fois sur le contenu et sur le processus. Il permet de comparer différentes unités entre elles à un moment donné pour étudier des variables représentant un aspect important du sujet étudié (analyse synchronique), mais aussi d’appréhender la dynamique du processus, les liens

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temporels entre évènements, à un niveau à la fois micro et plus macro (analyse diachronique). » (Musca, 2006).

Dans le premier cas, nous avons conduit la recherche chez le donneur d’ordre, mais aussi chez les fournisseurs. Au sein du donneur d’ordre, nous avons interrogé le responsable du projet au siège de l’entreprise, mais aussi les pilotes et utilisateurs clés sur un site de production (cf. figure 32). Dans le second cas, nous avons rencontré diverses entreprises ayant soit un rôle de donneur d’ordre, soit un rôle de fournisseur, et souvent les deux, situées à différents niveaux de la SC et se trouvant à différentes étapes du projet.

Figure 32 - Exemple de design de cas enchâssé dans le cas Electra