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2 Monopoliser les fruits de l’innovation : une étude des stratégies en matière

2.3 Valoriser l’innovation des autres : les acquisitions de traitements stratégiques

2.3.1 Le choix des acquisitions tardives

Dans notre échantillon de douze traitements, sept d’entre eux sont assignés à la division oncologique, deux à la division ophtalmologique et trois à la division neuroscience (Tableau 7.). Tous sont encore protégés par un ou plusieurs brevets. Les dates d’expiration sont classées par ordre décroissant d’importance, la première date représentant si possible la propriété intellectuelle sur la composition de base du produit, elles se réfèrent en priorité aux brevets américains. À noter que seules les ventes de l’Adakveo (crizanlizumab) ne sont pas comptabilisées en 2019, son autorisation de mise sur le marché datant de septembre de la même année.

En matière d’institutions périphéries, le changement principal se fait en haut du classement.

Les trois premières institutions sont bien plus concentrées que dans notre premier jeu de données. GlaxoSmithKline, le National Cancer Institute (NCI), et Incyte Corporation, pèsent ensemble près d’un tiers de toutes les institutions impliquées dans les douze traitements.

En ce qui concerne la firme pharmaceutique GlaxoSmithKline, le rachat par Novartis de ses activités oncologiques en 2015 constitue, encore en 2020, une base stratégique de son portefeuille. Il s’agit précisément des traitements Promacta/Revolade (eltrombopag) ainsi que du Votrient (pazopanib). La collaboration se fait sous forme de transfert complet des droits de commercialisation et de développement des traitements. Une fois la transaction établie en 2015, les phases de développements sont réintégrées dans les frontières de Novartis et GlaxoSmithKline n’apparaît plus dans les données. Ce constat illustre la nature des partenariats entre deux firmes pharmaceutiques concurrentes : les droits de commercialisation ne sont pas partagés et le travail de développement est entièrement délégué. Cet exemple s’applique également à l’entreprise Shire -18ème au classement des institutions périphériques- ayant vendu à Novartis les droits du Xiidra (lifitegrast) en 2019.

63 Tableau 7.12 traitements stratégiques acquis ou faisant état d’une licence exclusive par Novartis en 2019

Ligand Pharmaceuticals 1416 Oncologie 2021,2022,2023, 2025 Jakavi (ruxolitinib) Incyte Corporation 1114 Oncologie 2026, 2027, 2028

Votrient (pazopanib) GlaxoSmithKline 755 Oncologie 2021, 2023

Kisqali (ribociclib) Astex Therapeutics 480 Oncologie 2028, 2029, 2030, 2031 Lutathera (lutetium Lu 177) BioSynthema 441 Oncologie 2023, 2025, 2027 Kymriah (tisagenlecleucel) University of

Pennsylvania 116 Oncologie 2031, 2029, 2030

Adakveo (crizanlizumab) Selexys

Pharmaceuticals 0 Oncologie 2028, 2032, 2027, 2031 Xiidra (lifitegrast) Sunesis

Pharmaceuticals

192 Ophtalmologie 2024, 2025, 2026, 2029

Beovu (brolucizumab) ESBATech 35 Ophtalmologie 2029, 2033

Gilenya (fingolimod) Mitsubishi Pharma

Corporation 3223 Neurosciences 2027, 2021

Zolgensma (onasemnogene

abeparvovec-xioi) Généthon / Nationwide

Children's Hospital 361 Neurosciences 2024, 2026, 2031 Aimovig

(erenumab-aooe/erenumab) Amgen 103 Neurosciences 2031, 2036, 2030

Total 8’236

En % du chiffre d'affaire 17.35%

Sources : Rapport annuel 2019, les origines sont issues de la base de données médicale Adis Insight une plateforme Springer

Incyte Corporation, est une entreprise biotechnologique américaine. Son importance est principalement due au traitement oncologique Jakavi (ruxolitinib) découvert et commercialisé par Incyte aux USA, mais dans le reste du monde par Novartis. Sur les 179 essais cliniques liés au Jakavi, 87 sont menés par Incyte contre 38 par Novartis. Ce cas correspond à une forme intermédiaire de collaboration entre deux firmes. D’un côté, une partie des connaissances financées par Incyte peuvent être utilisées symétriquement par Novartis. De l’autre, l’exploitation des réseaux commerciaux du groupe fait croître le volume

64 des ventes et amplifie les redevances dues à Incyte. Le partage de l’effort en matière de R&D est parallèle au partage de la rente sur le traitement vendu. Le choix d’une telle collaboration peut s’expliquer par le statut biotechnologique d’Incyte. Son rôle productif est uniquement centré autour de quelques produits qui profitent du réseau commercial de Novartis ainsi que de sa capacité à établir de nouveaux marchés. Une ambition qui ne concurrence pas directement le statut big pharma du groupe. L’exemple d’Incyte est également valable pour le traitement Aimovig (erenumab-aooe/erenumab) co-commercialisé par la firme Amgen -9ème au classement des institutions périphériques.

Enfin, le National Cancer Institute est un institut du gouvernement fédéral américain qui finance par le biais de bourses ou de subventions une multitude des recherches associées aux thérapies oncologiques. Le NCI entretient une collaboration structurellement différente, beaucoup plus transversale et ininterrompue dans le temps. L’institut représente à lui seul 7.5% des organisations qui ont travaillé aux développements de notre échantillon de traitements. Sur les 12, seuls 5 ne font pas appel au NCI au moins une fois. Ce constat nous renseigne, là encore, sur l’importance des organismes de recherches américains dans le travail exécuté en amont d’une acquisition par Novartis. Le NCI est un carrefour stratégique pour le groupe ainsi que pour l’ensemble des institutions intermédiaires qui travaillent dans le secteur pharmaceutique. La motivation de ses financements est éloignée de ceux des firmes privées puisqu’il s’agit avant tout de développer les connaissances médicales sur des traitements oncologiques précis. Là encore, nos données confirment une sous-représentation du NCI sur les phases finales de développement : sur 112 participations, seules 4 sont en phases III, contre 108 en phase I et II. Un constat qui témoigne de son rôle de soutien à la production de l’innovation des firmes privées.

Point important, la participation productive de Novartis est précisée : sur 1082 études cliniques, le groupe participe uniquement à 307 d’entre elles -soit environ 28%. Ce pourcentage varie selon le traitement et selon la date de son acquisition (pouvant faire l’objet de nouvelles utilisations thérapeutiques ou non). Si l’on répartit notre échantillon sur les phases I, II et III : Novartis s’accapare la majorité des phases III avec 87 essais contre un total, toutes institutions confondues, de 174. Autrement dit : Novartis, qui est présent uniquement sur 28% des essais, finance plus de 50% de ceux en phase III. Ce pourcentage tombe à 46% pour les phases IV et à 22% et 23 % pour les phases I et II (Figure 12.).

65 Figure 12. Degré de participation des institutions périphériques impliquées dans le

développement de 12 traitements acquis par Novartis.

Sources : Compilation de l’auteur, ClinicalTrial.gov

Du côté des trois institutions majoritaires, leur participation par phases et décroissante dès lors que l’on se rapproche des étapes finales de développement. Notre constat renforce l’hypothèse selon laquelle la majorité des traitements extérieurs qui sont acquis le sont pour leur maturité et leur succès sur les phases initiales de développement. Une pratique qui permet à Novartis d’évaluer si un essai clinique devient intéressant avant de racheter ses droits puis de le valoriser par la conclusion de son processus de développement. Une démarche en ligne avec les travaux de Rafols et al. (2012):

« (…) that ‘industry has shifted resources away from drug discovery to late clinical developments’ » (Rafols et al., 2012).

Sans surprise, seul Incyte Corporation maintient une participation relative importante en phase III puisque possédant les droits de commercialisation de son traitement aux USA. La seconde moitié des phases III laissées au secteur nous indique la proportion des traitements co-commercialisés ou déjà commercialisables lors de leur acquisition. En ce qui concerne la part importante de phases IV, destinées à la pharmacovigilance, elles permettent à Novartis de renforcer la légitimité thérapeutique de ses traitements, mais sont avant tout une conséquence réglementaire de ces acquisitions tardives (DiMasi et al., 2016).

28%

Novartis GlaxoSmithKline Incyte Corp. National Cancer Instit. Autres institutions

66 2.3.2 Le coût du capital : la privatisation des connaissances scientifiques dans le cas du

Zolengensma

De ces douze traitements, un d’entre eux a particulièrement retenu notre attention : celui du Zolgensma (onasemnogene abeparvovec-xioi), un traitement récemment autorisé aux USA et bien connu sur le marché des thérapies génétiques. Nous allons encore un peu plus loin dans l’historique de son circuit d’innovation en remontant aux découvertes technologiques qui précèdent son développement clinique.

Le Zolgensma est destiné aux enfants atteints d’amyotrophie spinale (généralement sous l’acronyme SMA pour spinal muscular atrophy), une maladie liée à un défaut génétique dans le gène neuromusculaire affectant les cellules nerveuses (motoneurones) des muscles. La perte progressive de motoneurones conduit à un affaiblissement voir à une perte totale de mouvement et en conséquence à une atrophie du muscle (NIH, 2020). Si plusieurs types de SMA existent, son type I, dont le Zolgensma se destine, est diagnostiqué chez les nouveaux nés dès les douze premiers mois de leur naissance. L’espérance de vie, après diagnostic, est en moyenne de deux ans.

Le développement du Zolgensma est caractéristique des thérapies génétiques qui sont aujourd’hui fortement courtisées par l’industrie pharmaceutique. Historiquement, la première découverte du gène défectueux est faite en 1995 dans les laboratoires de l’hôpital Necker à Paris. La technologie permettant de le corriger est découverte grâce au travail d’une équipe du Généthon, un laboratoire associé à l’AFM-Téléthon (AFM pour Association Française contre les Myopathies) une organisation à but non lucratif, financée par les dons publics du Téléthon, un événement caritatif organisé chaque année. Schématiquement, la méthode consiste à identifier le gène défectueux, à le corriger, et enfin à le réintroduire de manière à ce qu’il corrige lui-même le défaut génétique des cellules nerveuses. Là où la chose se complique : le système nerveux central, lieu de résidence des motoneurones est isolé de la circulation sanguine par une barrière appelée « hémato-encéphalique » qui rend la réintroduction du gène par intraveineuse inutile, voire impossible. Les travaux du Généthon consistent à utiliser un vecteur recombinant, un virus nommé AAV9 et responsable du transport du gène, capable de traverser cette barrière et d’y réintroduire le gène corrigé. Un brevet sur la méthode est déposé en 2007 en collaboration avec le Centre

67 National de la Recherche Scientifique (CNRS). Parallèlement, le NationWide Children’s Hospital (NCH) lié à l’Université Colombus de l’Ohio, réplique la méthode du Généthon, mais cette fois sur des humains. L’université vend en 2013 l’ensemble de ses activités de recherche sur le SMA à la firme biotechnologique AveXis pour un montant estimé à 115 millions de dollars (Colombus Buisness First, 2016).

Du côté des virus transporteurs, l’entreprise RegenxBio, issue d’un spin-off en 2015 de l’Université de Pennsylvanie (lors d’un IPO à 138 millions de dollars) acquière les droits de propriété sur une gamme élargie de vecteurs recombinants, notamment le AAV9 utilisé dans le Zolgensma. Enfin, la technologie permettant d’améliorer « la taille » du transport du gène fait état d’une licence non exclusive de l’entreprise Asklepios BioPharmaceutical (AskBio), une firme née de la monétisation des activités de recherche de l’Université de Caroline du Nord en 2003, rachetée en octobre 2020 par Bayer dans une transaction à presque 4 milliards de dollars.

À ce stade, le développement du traitement est fragmenté entre quatre grandes institutions, mais le glissement des droits de propriété des organismes publics vers ceux du privé est déjà bien avancé. Il faut attendre 2017 pour que les premiers résultats cliniques significatifs tombent. En mars 2018, AveXis acquière l’ensemble des droits de propriété du Généthon, finalise son partenariat exclusif avec l’entreprise RegenxBio (AveXis, 2018), et maintient son contrat de licence avec AskBio. À titre d’exemple et de comparaison, le rachat des droits de propriété sur la technologie de base du Généthon se monte à 15 millions de dollars. Les redevances sur les futures ventes se situent entre 2.5% et 5%. Les paiements d’étapes (c’est-à-dire les paiements qu’AveXis verse au Généthon lorsqu’un certain seuil de vente est pour la première fois dépassé) se montent à 2 millions pour le seuil des 500 millions de ventes et à 3 millions pour le seuil du premier milliard de ventes -soit environ 0.4% et 0.3% pour chaque seuil intermédiaire (Securities and Exchange Commission, 2018)3. Des montants particulièrement bas en comparaison au prix de vente unitaire du Zolgensma de 2.1 millions

3Les montants de l’acquisition n’ont pas été rendus publics. Une copie du contrat est disponible en ligne sur le portail de la U.S. Securities and Exchange Commission. Bien que les clauses financières aient été rendues confidentielles, une manipulation informatique simple fait fuiter les éléments noircis. (EN LIGNE) https://www.sec.gov/Archives/edgar/data/1652923/000155837018004054/avxs-20180331ex10140af41.htm

68 de dollars. Au total, AveXis achète aux quatre institutions les technologies du Zolgensma pour un montant total de 295 millions de dollars en paiements directs et en paiements d’étapes (Figure 14.). Sur ce montant RegenxBio en reçoit les 88%, le Généthon, le NationWide Children’s Hospital et AskBio les 12% restant. En comparaison des 8.7 milliards investis par Novartis ces derniers représentent moins de 3.4%.

La valeur de sommes attribuées s’explique par le contenu et la position de chaque organisation sur le circuit de l’innovation. RegenxBio, par exemple, détient les droits d’une technologie intermédiaire (sa gamme de vecteurs recombinants) difficilement contournable dans ce genre de thérapie génétique. Dans ce cas précis, il s’agit d’un contrat de licence exclusive qui permet à AveXis d’accéder à une position de monopole intermédiaire. L’intérêt pour la technologie est dual, d’un côté elle est nécessaire au traitement, de l’autre, l’exclusivité des droits de propriété bloque la capacité d’innovation de la concurrence -dans notre cas, toute utilisation du vecteur AAV9 dans le traitement de la SMA. A contrario, la technologie de AskBio est contractualisée de manière non exclusive, diminuant drastiquement la valeur de la transaction marchande puisque le droit de propriété n’est que partiellement délégué. Du côté du Généthon et du NCH, l’échange se fait uniquement sur la base des droits de propriété intellectuelle de la méthode scientifique. Dans ce cas, la matérialité de l’innovation est absente et sa mise en pratique est « facilement réplicable ».

Cet exemple nous renseigne ainsi sur la combinaison marchande qui est valorisée ou non dans les thérapies génétiques : l’existence d’un monopole technologique contenu et délimité au sein d’un monopole intellectuel. La division du travail de l’innovation est fragmentée telle que les firmes en capacité de matérialiser leurs connaissances scientifiques et de les développer cliniquement, sont plus à même d’extraire une part importante de la valeur. Si l’on se place du côté des institutions en amont, les étapes de développement cliniques agissent donc comme de fortes barrières à l’entrée. Un propos qui fait écho à Irv Weissmann :

« We were always going to end up taking our research to a certain point and then either venture capitalists or big pharmaceutical companies were going to get it because, unlike universities, they have the funds and the resources necessary to support large clinical trials. » (Weissmann, 2016)

69 Le cas du Zolgensma illustre à ce propos deux points intéressants. Premièrement, il existe un glissement du public vers le privé sur les recherches préliminaires concluantes. Ce glissement se fait généralement au profit de petites entreprises (start-up), spécialisées sur une étape intermédiaire de la recherche et sont instituées par des personnes travaillant dans les départements du premier. Dans un second temps, de plus grandes firmes s’occupent d’agréger l’ensemble de ces étapes et de réaliser les premiers essais cliniques.

Enfin, le dernier mot revient aux firmes pharmaceutiques capables de racheter un produit proche de la commercialisation et d’y récolter le produit des ventes.

Figure 13. Historique du circuit d’innovation du Zolgensma et valeurs des transactions entre AveXis et sa périphérie

Sources : Base de données Adis Insight, communiqués de presse AveXis, contrats originaux.

Dans l’exemple du Zolgensma, Novartis justifie son prix de vente élevé par des considérations de valeur thérapeutique : l’unique traitement concurrent à destination de la SMA étant le Spinraza (nusinersen) de l’entreprise Biogen. Novartis avance que les effets d’une piqûre de Zolgensma sont similaires à dix ans de traitement du Spinarza pour un coût total divisé par deux. Une justification qui omet, nécessairement, la somme des transactions intermédiaires ainsi que la valeur qui est extraite par Novartis dans la commercialisation du

Vendu sur le marché US :

70 traitement. Un constat en ligne avec le récent article de Mariana Mazzucato et de Victor Roy (2019) :

« Value is confined to a measure of cost-benefit utility that obscures the influence of monopoly, financial markets, and value extraction in the innovation process, and renders pivotal sources of value creation – such as the state – invisible. » (Mazzucato & Roy, 2019) Le prix du traitement reflète pourtant nécessairement les sommes qui doivent être amorties. À chiffre d’affaires constant, 361 millions en 2019, l’amortissement de la transaction avec AveXis nécessiterait 24 ans, l’extension vers de nouveaux marchés est en ce sens impératif. Le CEO actuel de Novartis considère que plus de 23'500 personnes sont éligibles au Zolgensma pour un revenu théorique de 49.3 milliards de dollars. Des montants qui jurent par leur importance avec la clause confidentielle de modération des prix, négociée par le Généthon lors de la vente de ses brevets :

« Following the appropriate regulatory approvals, Licensee will use reasonable efforts to make available within France all the Licensed Products indicated for SMA at prices that would allow appropriate reimbursement scheme and that would not constitute an obstacle for patients. » (Securities and Exchange Commission, 2018).

Notons tout de même que pour contrer les critiques autour de son prix, durant sa campagne de communication, Novartis a soumis l’idée d’un tirage au sort des nouveau-nés bénéficiaires de son traitement. La méthode a rapidement été abandonnée, en février 2020, après un indignement généralisé de la classe politique suisse et américaine. La somme des 8.7 milliards, de par son importance, semble refléter l’enthousiasme des marchés vers les traitements génétiques. Cette acquisition précède en effet, une série de rachats par la pharmaceutique de thérapies similaires. Si pendant des années ces dernières ont été portées par des instituts publics ou des organisations caritatives, l’appropriation de leurs travaux par le cœur industriel semble en bon chemin.

En conclusion, cette section met en lumière, le processus d’acquisitions tardives qui permet à Novartis de valoriser les traitements développés par sa périphérie. Elle pointe les différents types de transactions possibles lors d’un rachat. Le renversement de la temporalité illustre l’asymétrie entre Novartis, destinataire de la rente et les institutions intermédiaires impliquées dans la production de l’innovation. Dans un deuxième temps, l’analyse du

71 Zolgensma souligne les contraintes et les opportunités de chaque acteur sur le circuit de son innovation ; là où seules les firmes capables d’investissements massifs sont en mesure d’accéder au produit final. La périphérie se partage les revenus issus de la vente de leurs activités ou de la vente des droits de propriété intellectuelle.

2.4 Conclusion du chapitre

L’analyse des essais cliniques conduits par Novartis, depuis le début des années 2000, nous a permis d’illustrer les principaux outils de « partage » de l’effort de production de l’innovation et d’extraction inégale de la valeur. Un partage qui se fait principalement aux dépens des institutions périphériques composées à 70% d’organismes publics ou d’institutions à but non lucratives. Nous démontrons que les projets de développement financés intégralement par Novartis ont une haute valeur marchande et ne sont pas partagés avec d’autres institutions. Au contraire, les projets qui présentent des risques d’échecs élevés sont financés collectivement et permettent de diluer les coûts et les risques de production de l’innovation. En outre, nous réaffirmons l’importance des États-Unis dans le développement de traitements très innovants. La progressive mutation de la Chine, d’un pays de sous-traitance clinique à un futur marché, semble également enclenchée. Elle constitue un débouché important pour les traitements de niche que le pays souhaite importer.

Dans la seconde partie de ce chapitre, nous avons considéré le travail invisible fait en amont d’une acquisition. La majorité des technologies sont découvertes et développées par des organismes publics, des organisations à but non lucratif, ou des firmes privées telles que des entreprises biotechnologiques spécialisées dans un traitement particulier. Dans ces cas, Novartis participe marginalement aux innovations –à hauteur de 28% environ- en s’imposant presque uniquement sur les étapes finales leur développement. Le cas du Zolgensma, illustre le propos, les technologies nécessaires à son existence sont issues de trois universités américaines et des laboratoires du Généthon. Son cas souligne les asymétries marchandes qui composent son réseau d’innovation et pointe la difficulté de la périphérie à agréger l’ensemble des étapes de l’innovation qui conduisent à la commercialisation de leur traitement.

72 En d’autres termes, ce chapitre met en perspective deux points importants. Premièrement,

72 En d’autres termes, ce chapitre met en perspective deux points importants. Premièrement,