• Aucun résultat trouvé

Cette maladie particulièrement grave se rencontre essentiellement chez les nouveau-nés (tétanos néonatal) dans les pays en voie de développement et, dans nos pays, chez les adultes âgés en moyenne de 75 ans. Quelle protection apporte la vaccination antitétanique ?

Le tétanos n'est pas une maladie immunisante.

Après avoir eu un tétanos et en avoir guéri, on peut en faire un second voire un troisième. Cela figure dans tous les traités de médecine. Les manifestations du tétanos (contractures musculaires) étant dues à une toxine sécrétée par les bacilles tétaniques anaérobics, le vaccin est logiquement constitué d'une toxine atténuée ou anatoxine. Comment, dès lors, une toxine atténuée pourrait-elle protéger alors que la toxine naturelle ne le peut pas ? Peut-on faire mieux que la nature ? Lorsqu'on évoque cette contradiction, la réponse est en général la suivante : la toxine est tellement puissante que le malade n'a pas le temps de s'immuniser. On peut admettre ce raisonnement pour les cas très graves où la mort survient en quelques jours, mais pas pour les malades qui restent des semaines en soins intensifs et qui, une fois guéris, demeurent réceptifs à la maladie.

Y a-t-il une immunité naturelle ?

Quand on compulse les comptes rendus des conférences internationales sur le tétanos, on découvre que certains auteurs ont démontré l'existence d'une immunité naturelle.

C'est le cas de Veronesi, chercheur brésilien qui, lors de la conférence de Rome (1985), a rapporté une série de travaux réalisés dans différents pays du monde et allant dans ce sens.

Ainsi, en 1922, donc avant la mise au point de l'anatoxine tétanique, un tiers des habitants de Pékin étaient porteurs de spores tétaniques et d'antitoxine (anticorps neutralisant) dans le sang. En 1960, en Inde (à Bombay), Vakil montra la présence d'antitoxine dans le sang de 82 % d'un groupe de sujets non vaccinés, avec des taux 10 fois supérieurs à celui considéré comme protecteur. Des résultats comparables ont été rapportés d'URSS, d'Espagne, d'Italie. Il ne s'agit donc pas

de cas isolés, et on se demande pourquoi on n'approfondit pas cette recherche.

La conclusion de Veronesi était :

« Nous pouvons mieux comprendre maintenant pourquoi le tétanos n'est pas la maladie la plus catastrophique qui afflige l'humanité en dépit de la présence ubiquitaire de spores tétaniques à la surface de la terre et dans l'intestin de millions d'humains et d'animaux. »

Cette conclusion est à mettre en parallèle avec l'observation faite chez les champignonnistes[35]. Dans les années 1960, la région parisienne comptait un millier d'employés dans les champignonnières. Or, bien que ces personnes manipulent du fumier à longueur de temps, hébergent des spores tétaniques sous leurs ongles et ne prennent pas toujours les mesures de désinfection en cas de blessure, le syndicat des champignonnistes, fondé un siècle auparavant, n'a jamais connu un seul mort par tétanos parmi ses adhérents. Il aurait été intéressant de rechercher l'origine de cette résistance.

Les hommes sont-ils mieux protégés ?

L'argument souvent avancé en France pour accréditer l'efficacité de la vaccination antitétanique serait que les hommes sont moins atteints que les femmes parce qu'ils sont revaccinés au service militaire. Eh bien, cela est faux ! Entre 1969 et 1985, période où il y avait chaque année deux cents à trois cents morts dus au tétanos, les décès ont été répertoriés dans l'Annuaire statistique de la France par classe d'âge de cinq ans et par sexe. En utilisant la pyramide des âges, il est alors facile de calculer les taux de décès pour chacun des cas.

Le résultat de ces calculs conduit à la figure 9. On voit que,

jusqu'à 60 ans, la mortalité due au tétanos était basse et peu différente entre les sexes. En revanche, au-delà de 60 ans, la différence de mortalité devient de plus en plus grande en défaveur des hommes.

Si, au cours de la période considérée, le nombre global de décès a été assez souvent plus élevé chez les femmes que chez les hommes, le taux de mortalité, lui, a été nettement supérieur chez les hommes. Ce paradoxe apparent s'explique tout simplement parce que le tétanos atteint essentiellement

les personnes âgées (l'âge moyen des cas de tétanos est de 75 ans) et que l'espérance de vie des femmes étant, à l'époque, d'une dizaine d'années supérieure à celle des hommes, l'effectif de la population féminine était largement supérieur à celui de la population masculine. Les décès par tétanos sont devenus peu nombreux aujourd'hui, et les nombres sont trop faibles pour que la différence de mortalité selon le sexe soit significative.

Des cas de tétanos chez les vaccinés

La vaccination antitétanique est généralement considérée comme efficace à 100 %. C'est ce que déclarait le docteur Ajjan (représentant de l'institut Mérieux) à la conférence internationale de Leningrad en 1987 :

« L'anatoxine tétanique possède la remarquable capacité de procurer une protection contre une maladie qui ne produit pas d'immunité chez les humains. Les associations vaccinales développées par les auteurs à l'institut Mérieux ont montré une fois de plus la totale sécurité et la parfaite efficacité de l'anatoxine tétanique. »

Cette déclaration fut néanmoins contestée par d'autres auteurs, notamment par Hardegree de la FDA des États-Unis, qui considérait qu'il y avait « quelques communications trop optimistes, particulièrement françaises ».

Au cours de cette même conférence, Masar signalait qu'en Slovaquie près de 90 % de la population avait reçu trois doses de vaccin antitétanique et qu'un suivi réalisé de 1978 à 1986 avait montré que sur vingt-huit cas de tétanos, vingt étaient vaccinés et deux sont morts en dépit d'une dose de rappel.

Plus curieux encore est ce cas rapporté dans la revue Neurology[36]. Dans cette étude, trois cas de tétanos sévère et généralisé se sont déclarés chez des sujets ayant des titres élevés d'anticorps antitétaniques. L'un d'entre eux, âgé de 29 ans, avait été hyperimmunisé en vue de produire et commercialiser une immunoglobuline antitétanique à partir de son sérum. Son taux d'anticorps, mesuré chaque semaine à quatre reprises, s'est élevé jusqu'à 33 Ul/ml (33 unités internationales par millilitre), soit plus de 3 000 fois supérieur au seuil de protection (0,01 Ul/ml). Malgré cela, son état nécessita trachéotomie, ventilation assistée, injection chaque heure d'un médicament paralysant pour diminuer les contractures et, contre toute logique, injection d'immunoglobuïine humaine, alors que son propre taux était déjà considérable.

Le tétanos néonatal

Les mauvaises conditions d'hygiène qui entourent l'accouchement dans les pays en voie de développement, en particulier lors de la section du cordon ombilical, sont à l'origine de nombreux décès dus au tétanos néonatal. L'OMS préconise la vaccination des femmes enceintes afin de les protéger, elles et leurs nourrissons, grâce aux anticorps traversant le placenta, tout en reconnaissant qu'

« avant l'application généralisée de la vaccination à l'anatoxine tétanique, ce fut tout simplement grâce à l'accouchement hygiénique que la plupart des pays développés ont ramené l'incidence du tétanos néonatal à un chiffre proche de zéro[37] ».

C'est ce que Masar, déjà cité, disait en 1975 :

« Après la Première Guerre mondiale [en Tchécoslovaquie], la morbidité tétanique chez le nouveau-né était absolument énorme. [...] Sans immunisation active, la morbidité a été réduite à peu près à zéro, simplement en améliorant les soins à la mère et à l'enfant nouveau-né. » La simple amélioration de l'hygiène a permis d'immenses obtenu en Haïti où un programme de formation d'accoucheuse traditionnelle a été entrepris dès les années 1940. Dès le milieu des années 1950 quand commença la vaccination des femmes, le tétanos avait été réduit de moitié[39] Au demeurant, il n'est pas certain que la vaccination des femmes, même revaccinées en cours de grossesse, soit efficace pour éviter le tétanos néonatal comme le montrent deux études que voici.

En Tanzanie, en dépit d'un programme intensif de vaccinaton pendant la grossesse, dix cas de tétanos néonatal ont été enregistrés à l'hôpital de Dares-Salam[40]. À l'exception d'une seule, les femmes avaient reçu entre une et quatorze doses d'anatoxine avant et/ou pendant leur grossesse ; les taux d'anticorps des nourrissons atteints du tétanos, étaient sept à quatre cents fois le taux protecteur, à l'exception d'un seul (bien que sa mère ait été vaccinée).

Une autre étude, au Nigeria cette fois[41], relate vingt cas de tétanos néonatal : six chez des nourrissons nés de mères vaccinées, quatorze nés de mères non vaccinées. Le taux

moyen des anticorps, îant chez les mères, vaccinées ou non, que chez leurs nourrissons, était très largement supérieur au taux protecteur. Il y eut trois décès sur six vaccinés (50 %) et six sur quatorze non vaccinés (43 %).

Dans l'opuscule de l'OMS sur le tétanos néonatal[42], on peut lire :

« Bien que d'une efficacité moins rapide, l'accouchement hygiénique constitue lui aussi une protection contre le tétanos néonatal et [...] lorsqu'il est possible, l'accouchement hygiénique vient, ou devrait venir, en complément de la vaccination. »

Ne pensez-vous pas qu'il faudrait plutôt que ce soit l'inverse ? Comment peut-on écrire une phrase pareille et ajouter dans un autre passage :

« L'avantage de l'accouchement hygiénique sur la vaccination à l'anatoxine tétanique est qu'il diminue l'incidence de toutes les infections infantiles. »

Le mot « toutes » est en caractères distinctifs dans te texte.

Des traitements oubliés

Le traitement classique du tétanos repose sur le sérum antitétanique et sur l'administration de drogues entraînant le relâchement musculaire pour lutter contre les spasmes.

Le traitement par les sels de magnésium a été oublié.

Pourtant, dès 1906, des tentatives de traitement ont été menées avec du sulfate de magnésium.

Plus près de nous, au début des années 1950, le docteur Fumeron, médecin à l'hôpital de Saint-Jean-d’Angély,

connaissant le traitement de la diphtérie du docteur Neveu (voir ci-dessous), eut l'idée de l'appliquer au tétanos, en pratiquant des injections intraveineuses de chlorure de magnésium. Il guérit ainsi les huit cas qu'il eut à traiter[43]. Il utilisait une solution de chlorure de magnésium à 25 %, précisant que l'injection devait être faite très lentement, surtout chez un malade cardiaque, car le patient ressent une désagréable impression de forte chaleur (mais sans doute aussi pour éviter un choc osmotique sur les globules sanguins, la solution injectée étant très concentrée).